LE RETOUR DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT AU RYTHME DE L'INFLATION NE SUFFIRA PAS

A. UNE INÉVITABLE BAISSE DES INVESTISSEMENTS

1. L'objectif d'une évolution des dépenses de gestion au rytme de l'inflation

Dans l'exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2015, le Gouvernement indique qu'« au total, l'effort sur les ressources des collectivités locales devrait conduire à une évolution à "zéro volume", c'est-à-dire égale à la progression de l'inflation des dépenses des collectivités locales ».

Aussi avons-nous testé cette hypothèse en établissant un scénario dans lequel l'évolution des dépenses de gestion des collectivités serait effectivement ramenée au rythme de l'inflation 45 ( * ) . L'étude présente les résultats de cette simulation pour chaque catégorie de collectivités 46 ( * ) et il est possible d'en tirer plusieurs enseignements.

Tout d'abord, concernant le taux d'épargne brute, le fait de ramener l'évolution des dépenses de gestion au niveau de l'inflation permet, d'absorber en grande partie (mais pas complètement) les 11 milliards d'euros de contribution supplémentaires. Pour les communes de 10 000 à 50 000 habitants, alors qu'elles étaient 546 à passer en dessous du taux d'épargne de 7% en 2018 47 ( * ) , sous le double effet du « ciseau » et de la contribution sans mesures correctives, ce chiffre serait ramené à 362 si les dépenses de gestion évoluaient comme l'inflation 48 ( * ) . On se rapprocherait ainsi fortement de la situation « au fil de l'eau » qui établissait à 325 le nombre de communes de cette catégorie en difficulté en 2018.

Toutefois, même si la limitation de la progression des dépenses de gestion au niveau de l'inflation permet de se rapprocher des conséquences de l'évolution « au fil de l'eau », la situation qui en résulterait ne peut être considérée comme satisfaisante. On se contenterait en effet de revenir à une situation déjà inquiétante, voire intenable pour nombre de collectivités, alors qu'elles ne disposeraient plus du levier d'action essentiel que constitue la stabilisation en volume de fonctionnement 49 ( * ) .

De surcroît, cette stabilisation des dépenses de fonctionnement ne permettrait pas de revenir au statu quo en ce qui concerne la capacité de désendettement , dans la mesure où celle-ci dépend non seulement de l'épargne brute (au numérateur), mais aussi du stock d'investissements à rembourser (au dénominateur).

De plus, ce résultat ne serait obtenu que si les dépenses de gestion étaient effectivement ramenées au rythme de l'inflation dès 2015. Ceci est loin d'être évident lorsqu'on sait par exemple que près de 40% des dépenses des collectivités concernent le personnel et sont en principe soumises au glissement vieillesse-technicité ; que pour les départements, la hausse des allocations individuelles de solidarité n'est pas maîtrisable ; et qu'enfin, les collectivités doivent prendre en charge la mise en oeuvre de décisions prises par l'État, telle la modification des rythmes scolaires.

2. La diminution de l'investissement local

Le discours du Gouvernement insiste sur le fait que la contribution porte uniquement sur la dotation globale de fonctionnement ; il apparait cependant évident que l'investissement des collectivités sera affecté, pour trois raisons essentielles :

- d'une part, il s'agit d'un levier souvent plus mobilisable à plus court terme que celui d'un ralentissement des dépenses de fonctionnement, surtout en début de mandat municipal. Or, pour nombre de collectivités, un ajustement rapide s'impose ;

- d'autre part, comme indiqué plus haut, la détérioration de ratio de solvabilité (capacité de désendettement évaluée en nombre d'années d'épargne brute) suppose qu'un effort soit aussi porté sur le stock de la dette. La seule façon de le faire est de ralentir, voire d'arrêter les investissements ;

- enfin, il convient de rappeler que les dépenses de fonctionnement et d'investissement des collectivités sont liées. La création d'un nouvel équipement occasionne généralement des frais de fonctionnement par la suite ; renoncer à un investissement est donc aussi une façon de ralentir les dépenses de gestion futures. Surtout, l'effet de l'évolution de l'épargne brute des collectivités 50 ( * ) est très sensible sur leurs dépenses d'équipement. En effet, en application des effets de levier habituellement observés, un euro de moins au niveau du solde de la section de fonctionnement diminue en moyenne de 10 euros la capacité d'investissement des collectivités.

Dès lors, notre étude a aussi consisté à étudier quel serait, en plus d'un retour de l'évolution des dépenses de gestion au niveau de l'inflation, l'effet d'une baisse des investissements de 30% par rapport à 2013. Pour le bloc communal, la diminution prise en compte est même de 45% car l'année 2013 se caractérise par des niveaux d'investissement tout à fait exceptionnels 51 ( * ) .

Bien entendu, le fait de considérer une baisse de cet ordre pour faire face à la situation financière des collectivités ne dispense nullement d'une réflexion sur les conséquences d'une telle mesure sur l'activité économique et l'emploi aussi bien au plan national que local.


* 45 Pour mémoire, nous avions considéré qu'au fil de l'eau, les dépenses évoluaient au rythme de l'inflation +1%.

* 46 Pour les communes de 500 à 2 000 habitants, il `agit par exemple des deux tableaux de droite page 41 de l'étude.

* 47 Cf. tableau en haut à droite page 48 de l'étude.

* 48 Cf. tableau en haut à gauche page 51 de l'étude.

* 49 Puisqu'elles l`auraient déjà utilisé.

* 50 Qui n'est autre, rappelons-le, que le solde de la section de fonctionnement.

* 51 +12% de la moyenne de quatre années précédentes.

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