SECONDE PARTIE : RENFORCER L'EFFICIENCE DE L'EXAMEN PARLEMENTAIRE

La seconde partie tend à explorer quelques pistes de réflexion afin de valoriser le travail parlementaire auprès des citoyens comme du Gouvernement. En l'absence de droit d'amendement du texte de l'accord, l'information, relative audit accord, tant en amont qu'en aval, est primordiale .

Cette information doit circuler de manière fluide et pertinente . C'est l'objet des propositions suivantes. Simples en apparence, leur enjeu est significatif.

I. UN RAPPORT « À GÉOMÉTRIE VARIABLE »

A. UN RAPPORT EXHAUSTIF DEVANT LA PREMIÈRE ASSEMBLÉE SAISIE

Compte tenu de la mise en oeuvre de la procédure d'examen simplifié pour près des trois quart des textes votés au Sénat, l'examen en commission du rapport sur le projet de loi est primordial . Il donne lieu à une présentation des stipulations de l'accord et de son contexte diplomatique. Celle-ci est suivie d'un débat qui permet à chaque sensibilité politique de s'exprimer.

En effet, l'examen parlementaire des accords internationaux constitue l'unique moment pour la représentation nationale d'évaluer non seulement l'impact d'un accord, mais également la politique conventionnelle qui le sous-tend . Réciproquement, un Parlement plus actif en matière d'autorisation de ratification peut constituer un appui favorable aux objectifs du Gouvernement, dans le cadre de ses négociations.

Un rapport détaillé, reposant, le cas échéant, sur des auditions des rapporteurs et l'envoi d'un questionnaire, est donc particulièrement important pour la première assemblée saisie.

B. UN RAPPORT « SYNTHÉTIQUE » DEVANT LA SECONDE ASSEMBLÉE SAISIE

Lorsque le Sénat est saisi en second , la commission procède à un examen identique, en tentant toutefois d'approfondir autant que faire se peut, les problématiques présentées par l'Assemblée nationale. Néanmoins, il est des accords qui, devant être soumis au Parlement ou l'étant par sécurité juridique, en raison de la jurisprudence « Blotzheim », offrent un intérêt tout relatif.

Si la mise en oeuvre d'une procédure d'examen simplifié a constitué un progrès certain permettant de ne pas alourdir l'ordre du jour, la nécessité de fluidifier le travail de la commission afin de résorber le stock des engagements internationaux commande aujourd'hui de proposer deux types de traitement des textes visant à les ratifier.

En l'absence d'un intérêt significatif et compte tenu du rapport exhaustif de la première assemblée saisie, une brève présentation du texte et de l'accord 80 ( * ) , devant la commission, saisie en second, pourrait tenir lieu de rapport. Cette dernière, qui est retranscrite dans le compte rendu des commissions, serait ensuite publiée avec le débat en commission

Il est clair que cette procédure est et restera facultative. Le rapporteur désigné reste parfaitement libre de mener les investigations qu'il juge nécessaires. Il faut toutefois rappeler que la commission saisie en second dispose pour l'éclairer de l'exposé des motifs, de l'étude d'impact et du rapport détaillé de la première assemblée. Au cas où le rapporteur ne décèlerait pas dans le texte motif à approfondissement, une présentation synthétique pourra être retenue.

Une telle démarche ne porte pas atteintes aux droits des sénateurs d'être informés, ni à celui des présidents de groupe de demander le retour à la procédure normale, en cas de demande d'examen simplifié.

Elle ne viserait que les accords dont l'ensemble des problématiques ont été couvertes par l'Assemblée nationale, saisie en premier. Ainsi, un tel rapport synthétique aurait pu être rédigé dans le cadre des projets de loi 81 ( * ) autorisant l'approbation de deux accords relatifs au Consortium des centres internationaux de recherche agricole. Les enjeux d'ordre technique de ces textes avaient été étudiés de manière exhaustive par l'Assemblée nationale.

En revanche, un tel rapport synthétique n'aurait pu être envisagé dans le cadre de l'examen du projet de loi visant à ratifier un accord d'association avec l'Amérique centrale. En effet, le rapport de l'Assemblée nationale n'avait pas abordé la question de l'impact de l'accord sur les productions ultramarines. En effet, votre commission, à l'issue de la présentation exhaustive du texte, a craint que celui-ci n'ait des répercussions négatives. Elle était d'autant plus fondée à examiner ce point que le Sénat avait adopté en 2011, une résolution européenne sur ce sujet. En conséquence, l'examen du rapport a donné lieu à un vif débat devant votre commission, conclu par le report de son examen à une date ultérieure, pour permettre aux sénateurs de bénéficier d'un complément d'information.

Cet examen synthétique potentiel repose sur la parfaite information du rapporteur. Il suppose que les services du gouvernement qui répondent au questionnaire de la première assemblée saisie en transmettent les réponses simultanément aux deux assemblées. Cela permettrait à la seconde assemblée saisie de mieux juger de la pertinence ou non d'approfondir les questions posées éventuellement par l'envoi de questions complémentaires.

Figure n° 3 : Extrait de la réunion de commission examinant le rapport sur le projet de loi n°806 (2013-2014)

M. Daniel Reiner . - Je suppose que l'on a étudié l'ensemble des détails y compris sur le plan juridique s'agissant d'un accord conclu par l'Union européenne avec les pays d'Amérique centrale. Cela étant dit, le sujet est sensible concernant les productions ultramarines, notamment la banane, car les productions d'Amérique centrale arrivent sur le marché à des prix beaucoup plus bas. L'Union européenne a toujours eu tendance à vouloir ouvrir le marché. Les Allemands le souhaitent car ils sont de gros consommateurs de ces produits. Nous nous y sommes souvent opposés. J'espère qu'en approuvant ce texte de libéralisation des échanges, on ne met pas en difficulté ces spécificités de l'approvisionnement du marché français pour les bananes en provenance des Antilles ; nous irions au-devant de graves difficultés. Avez-vous pris que toutes les assurances sur ce sujet ? [...]

M. Alain Néri , rapporteur . - Nous avons à nous prononcer sur ce texte dans son ensemble. [...] S'agissant de la banane, la question avait été évoquée au Sénat puisqu'il y a eu le vote d'une résolution européenne en 2011 et que lors de l'examen du texte au titre de l'article 88-4 de la Constitution, la commission des affaires européennes a formulé des observations qui ont été transmises au ministre. Il en a été tenu compte en partie, puisque l'accord prévoit le maintien de quotas avec une dégressivité des droits de douane sur un certain nombre de produits dont les bananes, une clause de sauvegarde générale, une clause de stabilisation particulière pour les productions des régions ultrapériphériques et qu'une compensation financière d'environ 40 millions d'euros par le Programme d'Options Spécifiques à l'Éloignement et à l'Insularité (POSEI) a été mise en place au bénéfice de ces régions. Je mesure les difficultés et les inquiétudes. Il faut sans doute être prudent mais d'un autre côté l'accord ouvre aussi la possibilité de développer des relations commerciales et politiques avec ces États.

M. Daniel Reiner . - Nous devrions prendre le temps de faire expertiser cette question et de recueillir les éléments d'information supplémentaires. C'est un sujet tellement sensible qu'il est difficile de se prononcer sans cela.

M. Christian Cambon , président . - Lorsque nous examinons des conventions, certaines ne posent pas de problèmes, d'autres abordent des questions sensibles. Il faudrait qu'on puisse les examiner plus en détail, le cas échéant en séance publique, quand cela impacte des secteurs économiques. Nous devrions évoquer cette question en Bureau de la Commission.

M. Daniel Reiner . - Serait-il possible de retarder la discussion de ce projet ou à défaut de renoncer à son examen en forme simplifiée ? [...]

M. Alain Néri , rapporteur . - Le sujet est sensible. Nous pourrions demander le report de la discussion.

M. Christian Cambon , président . - A défaut, il faudrait que nous envisagions un retour à la procédure normale pour son examen en séance publique. La commission demande le report de la discussion en séance publique afin de lui permettre d'obtenir un complément d'information.

Source : Compte rendu des commissions du 29 octobre 2014.

Un facteur tendant à favoriser la célérité de l'examen parlementaire réside dans l'instauration d'un dialogue plus poussé entre le Parlement et le Gouvernement.


* 80 Rappelons que l'absence de rapport ne fait pas obstacle à la discussion d'un texte. En effet, la pratique parlementaire a convenu que l'absence de rapport, son caractère incomplet comme son rejet, n'empêche pas l'ouverture de la discussion. Le Président Mermaz, le 15 décembre 1983, avait souligné qu'opposer au Gouvernement l'absence de rapport, revenait à faire échec au droit de ce dernier d'établir l'ordre du jour prioritaire.

* 81 Cf. Projet de loin° 501 (2013-2014), autorisant l'approbation de l'accord instituant le Consortium des centres internationaux de recherche agricole en qualité d'organisation internationale, ainsi que le projet de loi n° 502 (2013-2014), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Consortium des centres internationaux de recherche agricole relatif au siège du Consortium et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.

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