C. LA STRATÉGIE RISQUÉE DU GOUVERNEMENT GREC

La lenteur des négociations, l'absence de résultats tangibles à quelques jours de l'échéance du 30 juin puis l'annonce d'un référendum sur une proposition caduque des institutions amènent à s'interroger sur la stratégie poursuivie par le gouvernement grec. Il ne faut, bien sûr, pas mésestimer le fait qu'il s'agisse de sa première expérience du pouvoir. Le gouvernement grec semble, cependant, s'être lancé dans une politique de poker menteur avec ses créanciers, agitant la menace du défaut, étirant le temps des négociations, n'acceptant des compromis qu' a minima avant d'opter pour un retour devant les urnes.

1. Un double discours révélateur des contradictions internes à Syriza
a) Le choix de la politisation... et de l'exaspération

Les cinq mois de négociations qui viennent de s'écouler ont souligné la différence de tonalité entre le message des autorités grecques adressé à ses bailleurs de fonds et celui proposé à la population grecque. Le discours du Premier ministre le 5 juin dernier au Parlement grec a pu paraître, à ce titre, assez révélateur, au risque cependant de froisser définitivement ses partenaires européens. Celui-ci visait, avant tout, à répondre aux critiques d'une partie de Syriza sur les concessions en matière d'excédent primaire. Il est intervenu alors que les positions semblaient se rapprocher entre les parties, une nouvelle impulsion politique ayant été donnée avec l'appui du couple franco-allemand mais aussi de la Commission européenne. Le changement de l'équipe de négociateurs en avril dernier avait également contribué à ce rapprochement.

La rhétorique utilisée - les propositions européennes sont qualifiées d'absurdes - et l'ajout de nouvelles lignes rouges visant la taxe sur la valeur ajoutée, la prime pour les petites retraites et le lancement des négociations sur la restructuration de la dette retardent d'autant la conclusion d'un accord. Elles ont également contribué à renforcer l'exaspération d'un certain nombre d'États membres. Les parlementaires allemands, CDU-CSU comme SPD, se sont avérés alors de plus en plus enclins à ouvrir un débat sur la sortie de la Grèce de la zone euro. Des pays comme l'Espagne, la Finlande, les Pays-Bas, le Portugal ou la Slovaquie ont témoigné d'une certaine lassitude.

C'est dans ce contexte que se sont déroulées les négociations du 18 au 26 juin dernier, sans pour autant que les membres de la zone euro ne paraissent écarter totalement l'hypothèse d'un accord.

Les refus des discussions à un niveau jugé technique et le souhait de politiser excessivement les échanges avaient pourtant fragilisé la crédibilité de la Grèce sur sa capacité à vouloir mettre en oeuvre effectivement des réformes. Les autorités grecques semblaient attendre des rencontres à haut niveau une solution à leur incapacité à définir une stratégie de réforme. Le gouvernement paraissait s'appuyer, par ailleurs, sur la certitude, de moins en moins fondée pourtant, que l'Union européenne ne prendra pas le risque d'un défaut et d'une sortie de la Grèce de la zone euro pour limiter le nombre de concessions. C'est à travers cette grille de lecture qu'il convient d'analyser l'accélération des négociations huit jours avant le 30 juin et l'organisation d'un sommet extraordinaire des chefs d'États et de gouvernement de la zone euro le 22 juin. Cette réunion était censée donnée une nouvelle impulsion politique et permettre un accord. C'est aussi dans cette perspective qu'il convient d'analyser le choix de recourir au référendum, le 26 juin dernier, sur une des propositions des institutions, modifiée entretemps et donc caduque, tout en appelant à voter contre. À l'aune de ces éléments, la décision de l'eurogroupe, le 27 juin, de maintenir la date de fin de programme au 30 juin apparaît ainsi logique.

Le choix de recourir à la démocratie n'est pas contestable en soi. Cependant, le fait que ce référendum intervienne à cette date peut laisser songeur. D'autant que la question portait sur l'approbation d'un texte qui n'était en rien définitif et que le gouvernement demandait dans le même temps l'extension du plan d'aide actuel jusqu'au lendemain du vote. Dans ces conditions, les réactions virulentes d'une partie des États membres de la zone à l'égard de ce choix paraissent logiques. Le vote d'un pays ne saurait, par ailleurs, prévaloir sur la position des autres, qui disposent tout autant d'une légitimité démocratique. Comme l'a souligné, le président de la Commission européenne, le 29 juin, « dans la zone euro, il y a 19 démocraties, ce n'est pas 1 contre 18 ou 18 contre 1 ».

b) Une absence de positionnement définitif sciemment entretenu ?

Comme l'a souligné le référendum, le gouvernement n'a pas totalement tranché entre sa volonté de ne pas renier intégralement ses promesses de campagne et son souhait d'obtenir le versement de la dernière tranche du prêt international. Si le gouvernement dépose des projets de loi qui rappellent ses engagements de campagne, force est de constater que ces textes n'ont toujours pas été votés. Les seules mesures entrées en vigueur concernent en effet le paquet humanitaire, l'étalement du remboursement des dettes fiscales et sociales et l'utilisation du produit de privatisations pour financer les retraites. L'annonce, le 28 janvier, de la suspension des privatisations des ports du Pirée, de la société de services aux collectivités PPC et du principal opérateur électrique DEI a, quant à elle, été fragilisée par les dernières concessions du gouvernement. Celui-ci n'entend pas, pour autant, opérer un « tournant à la Papandreou », soit renoncer à ses promesses de campagne comme l'avait fait le gouvernement PASOK en 1981.

Ces cinq derniers mois ont, en tout état de cause, souligné la fragilité de Syriza à se muer en parti de gouvernement et à rompre avec ces réflexes de formation de l'opposition. De cet état de fait peut découler l'image d'un gouvernement cherchant avant tout à communiquer plutôt qu'à proposer. L'inexpérience de la plupart des membres du gouvernement n'est, bien évidemment, pas sans rapport avec ce constat . Syriza n'avait, jusqu'alors, exercé aucune responsabilité de gestion avant d'accéder au pouvoir. Il peut en découler une vision très idéologique de l'action publique, peu encline au compromis, pourtant inhérent au mode de fonctionnement de l'Union européenne.

Le volontarisme d'Alexis Tsipras, affiché pendant la campagne électorale, ne semble pas résister à l'exercice du pouvoir. Les contradictions internes à son gouvernement, l'absence de précision dans les réformes proposées ou le gel de certaines mises en oeuvre par la précédente équipe - il en est ainsi de la réforme de l'Etat -, le rôle central du comité directeur du parti dans la conduite de l'action gouvernementale, la méfiance excessive et pour partie idéologique à l'égard des créanciers font indéniablement perdre du temps au pays tant en vue d'aboutir à un accord sur le versement de la dernière tranche que dans l'optique d'appliquer une véritable stratégie économique pour l'avenir. Il n'est pas étonnant, d'ailleurs, que seuls 5 % du programme du parti n'aient été mis en oeuvre.

Le primat accordé aux négociations sur le déblocage des fonds semble geler, par ailleurs, toute définition d'un modèle de croissance durable pour le pays. Cette focalisation ne s'est pas, pour autant, avéré efficace, comme en a témoigné la lenteur des négociations.

Cette attitude est d'autant plus désolante que la population semble encline à accepter la vérité et prête à de nouveaux sacrifices en vue de rester au sein de la zone euro, dès lors que l'effort lui apparaîtrait équitablement réparti mais aussi expliqué . L'absence d'ambition en matière fiscale peut sembler à cet égard s'inscrire dans le prolongement de l'inaction des gouvernements précédents, dont le clientélisme a été pourtant dénoncé par les électeurs et Syriza .

c) Des mesures populaires destinées à fédérer la majorité parlementaire

En même temps qu'il entamait des négociations avec les institutions, le gouvernement a fait adopter début mars une prorogation du gel des saisies et des mises aux enchères des résidences principales en cas d'impayés, qui s'applique aux biens dont la valeur dépasse 400 000 euros. Un deuxième texte offre aux contribuables la possibilité de rembourser leurs dettes fiscales et sociales en 100 mensualités, la mensualité minimum s'établissant à 20 euros. Le 18 mars, le gouvernement a également fait adopter une loi dite « humanitaire » qui prévoit une aide au logement pour 30 000 foyers, comprise entre 70 et 220 euros, et une aide alimentaire pour 300 000 personnes. La loi permet également de rétablir le courant électrique au sein des foyers qui ne peuvent le payer et de leur fournir jusqu'à 300 kw/h gratuitement, jusqu'à la fin de l'année. Le montant de l'ensemble de ces mesures s'élève à 200 millions d'euros, soit à peine 10 % de ce que le gouvernement envisageait à son arrivée au pouvoir. Le Parlement grec a également voté le 28 avril la réouverture de la chaîne de télévision publique ERT, fermée en 2013 par le précédent gouvernement pour raisons budgétaires.

Le gouvernement a, par ailleurs, répondu à une promesse de campagne en se montrant favorable à la création d'une commission d'audit sur la dette grecque, le 17 mars dernier. L'objectif de celle-ci, dont les réunions se tiennent au parlement grec, est de déterminer l'éventuel « caractère odieux, illégal ou illégitime » de la dette contractée par le pays. Il s'agirait alors d'effacer la partie de la dette jugée illégale. Les travaux de cette commission ont débuté le 3 avril et devraient aboutir fin juin. Cette commission est composée de scientifiques et de juristes grecs mais aussi de spécialistes internationaux de l'audit. Le belge Eric Toussaint, président du Comité pour l'abolition de la dette dans le Tiers monde (CADTM) assure les fonctions de coordinateur technique au sein de celle-ci. La commission a rendu ses conclusions le 18 juin dernier. Elle estime que la Grèce ne devrait pas payer sa dette car elle est « insoutenable ». La dette contractée auprès du FMI peut être considérée comme illégale, les conditions d'attribution prêt étant réputé contraire à la Constitution grecque, au droit international et coutumiers et aux traités auxquels la Grèce est partie. La dette due à la BCE est également jugée illégale, l'institut monétaire ayant dépassé son mandat en participant à la troïka qui impose l'application de programmes d'ajustement macroéconomique, visant notamment le marché du travail. Le pays a, plus largement, été victime " d'une attaque concertée " de ses créanciers pour sauver les banques au détriment des citoyens. Les grandes banques privées européennes et grecs ont souhaité avant tout se débarrasser de leurs obligations grecques. 49 députés ont adressé une lettre au gouvernement lui demandant que ce rapport soit officiellement discuté en session plénière au Parlement.

Les autorités entretiennent, parallèlement, une certaine méfiance à l'égard des créanciers. Elles visent particulièrement la troïka ou l'Allemagne, censés brider les ambitions initiales du gouvernement. C'est à l'aune de cette grille de lecture qu'il convient d'analyser l'annulation fin mai d'un programme destiné à 16 220 chômeurs âgés de 29 à 64 ans, financé par l'Union européenne à hauteur de 112 millions d'euros. Le programme est jugé comme mal conçu, profitant davantage aux entreprises qui percevaient 75 % d'une allocation de 5 400 € par personne qu'aux chômeurs. Les secteurs retenus - construction et gestion des déchets - ne sont pas, en outre, considérés comme porteurs de croissance, alors que le gouvernement privilégie la production agricole, l'élevage de poisson, le tourisme et les énergies renouvelables. Les autorités ont également souhaité procéder au réexamen de deux des cinq programmes visant le chômage des jeunes. Le premier concerne 8 000 jeunes dans le secteur du tourisme quand le deuxième vise la formation professionnelle de 15 000 personnes âgées de 18 à 24 ans. Au total 110 778 jeunes de moins de 29 ans sont concernés en Grèce par des programmes européens d'accès à l'emploi. L'Initiative pour l'emploi des jeunes prévoit par ailleurs une manne de 220 millions d'euros pour le pays, auxquels viennent s'ajouter 95 millions d'euros.

d) Les risques politiques d'un accord

Malgré ces concessions, la perspective d'un accord avec les institutions n'était pas sans risque politique pour le gouvernement. La présentation de l'accord du 20 février et le programme de réforme annoncé le 24 février avaient déjà suscité des réserves au sein de Syriza . Au-delà de la question des privatisations, les critiques s'étaient focalisées sur le fait que le gouvernement grec ne puisse pas utiliser les crédits du Fonds hellénique de stabilité financière (HFSF) pour financer les promesses de campagne. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, qu'une trentaine de parlementaires de Syriza membres de la Plateforme de gauche , contestent l'accord du 20 février. La présidente du Parlement, Zoé Konstantopoulou, s'oppose, quant à elle, à un nouveau plan d'aide.

Quatre mois après l'accord, la formation majoritaire demeurait divisée sur les concessions à faire, alors même que la menace d'un défaut de paiement tendait à se préciser. Lors de la réunion du comité directeur du parti, le 24 mai, une motion de censure contre la stratégie de négociation du gouvernement a été ainsi présentée. Elle a été rejetée par 95 voix contre 75. Le texte appelait à faire défaut vis-à-vis du FMI. Cette absence de soutien total du parti au gouvernement rappelle le caractère composite de Syriza , qui demeure, avant tout, le fruit d'une coalition de mouvements maoïstes, eurocommunistes, antifascistes ou altermondialistes et d'anciens membres du PASOK, jugés plus réalistes (10 ministres sur 40 sont issus de ce parti). Un tiers des membres du parti seraient enclins à une sortie de la zone euro. Les propositions soumises aux institutions le 22 juin dernier avaient également été durement critiquées par des parlementaires de la majorité.

Compte tenu de ces divisions, un accord avec les institutions risquait d'être adopté au Parlement grâce aux voix de l'opposition, le parti de centre gauche To Potami s'étant engagé à le voter, Nouvelle Démocratie devant s'abstenir. La méfiance de l'aile gauche de Syriza à l'égard du gouvernement n'est pas étonnante au regard du programme initial d'Alexis Tsipras. La discipline de vote aurait néanmoins pu jouer au moment du scrutin, l'opposition interne à Syriza n'étant pas, par ailleurs, unie. La plupart des cadres n'entendent pas, en outre, renoncer aux responsabilités gouvernementales et entendent « durer », refusant de n'être qu'une parenthèse. En cas de vote négatif, le gouvernement aurait en effet été amené à démissionner.

e) La tentation du référendum

Ce risque d'implosion a pu expliquer pour partie la posture attentiste du gouvernement dans les négociations puis le choix du référendum, au risque de plonger le pays dans le chaos. Ce faisant, le gouvernement instrumentalise au plan interne l'échec des négociations, dont il est en partie responsable. Le référendum peut apparaître, à bien des égards, comme une fuite en avant, légitimée par un vote au Parlement réunissant Syriza , ANEL et Aube dorée , le parti neo-nazi grec.

Le gouvernement grec a présenté le référendum comme la possibilité de rejeter les propositions des institutions et de négocier un accord plus satisfaisant. Il ne s'agissait pas, pour lui, de remettre en cause, l'adhésion du pays à la zone euro.

Il convient de relever, à ce titre, que le gouvernement ne se sentait pas lié par le résultat du scrutin. S'il a appelé à rejeter les propositions des institutions, il a pu paraître enclin, par moments, à revenir sur ce choix en cas de victoire du oui et finaliser un accord. Le référendum a, en tout état de cause, permis, selon certains observateurs, au gouvernement grec d'adopter, en tout état de cause, une posture de victime et de se présenter devant les électeurs pour voir son mandat renouvelé, voire renforcé. Le gouvernement Papandreou avait également envisagé un référendum en novembre 2011 sur le projet de deuxième plan d'aide avant de renoncer sous la pression de ses pairs. Il existe cependant une différence notable entre les deux démarches : le gouvernement souhaitait en 2011 faire campagne pour l'approbation et réaffirmer un engagement européen clair. Ce qui n'est pas le cas en 2015, remettant en cause le principe de solidarité inhérent à l'Union européenne.

Il était également possible de s'interroger sur la légitimité d'un scrutin, contestée par de nombreux constitutionnalistes grecs et portant sur un document qui n'a pas de caractère officiel et dont les grandes lignes ne sont plus valables depuis le 30 juin, date de la fin du programme d'aide, soit cinq jours avant le scrutin. Ce document reprend, par ailleurs, une proposition des institutions datant du 25 juin et que celles-ci ont modifié le lendemain, afin de tenir compte des objections grecques. Le Conseil de l'Europe a, en outre, estimé, le 1 er juillet, que les conditions d'organisation de la consultation était en deçà des standards internationaux. Le délai d'organisation inférieur à deux semaines, la complexité de la question et l'absence d'observation électorale ont, notamment, été pointées. Le Conseil d'État grec a cependant constaté sa légalité le 3 juillet.

Le choix du référendum pouvait, cependant, s'avérer coûteux pour le gouvernement. La mise en place inévitable d'un contrôle des capitaux le 29 juin pourrait contribuer à raidir une opinion publique déjà inquiète et qui reste très attachée à l'euro. Un récent sondage estimait néanmoins que 70 % de la population était favorable à l'idée de conserver la monnaie unique. 57 % des sondés indiquaient par ailleurs que le gouvernement devrait trouver un accord avec les créanciers, seuls 29 % étant favorables à une rupture 6 ( * ) . Une victoire du oui ne pouvait que fragiliser, quoi qu'il en dise, un gouvernement tenant de la position inverse.

La volonté de ne pas apparaître comme le responsable d'une sortie de la zone euro a sans doute conditionné le choix du gouvernement de proposer, le 30 juin, un accord de deux ans avec le Mécanisme européen de stabilité (MES), destiné à couvrir totalement ses besoins financiers sur cette période, avec une restructuration concomitante de la dette, portant sur 130 milliards d'euros. Le montant de l'opération était estimé à 29,1 milliards d'euros. Aucune conditionnalité n'était par ailleurs proposée. L'eurogroupe a marqué son désaccord, l'Allemagne souhaitant notamment attendre les résultats du référendum. Une seconde proposition a été transmise le 1 er juillet, reprenant les conditions proposées par les créanciers le 26 juin. Trois réserves ont néanmoins été proposées par le gouvernement : le maintien d'une TVA réduite de 30 % pour les îles grecques et les régions les plus pauvres, l'augmentation progressive de l'âge de départ en retraite différée au 1 er octobre et mise en place d'une subvention pour les pensionnés les plus pauvres en l'échange de la suppression progressive de l'EKAS d'ici à décembre 2019, sur laquelle il marque son accord. Il s'oppose, par ailleurs, à l'écrêtement immédiat pour 20 % des bénéficiaires de l'EKAS envisagé par les institutions. La réforme du marché du travail, serait, quant à elle, adoptée à l'automne 2015.

L'eurogroupe n'a pas donné suite à cette proposition, le gouvernement grec maintenant la tenue du référendum et sa position négative. La Commission européenne avait parallèlement indiqué que ce nouveau plan ne pouvait être confondu avec la proposition du 26 juin - par ailleurs formellement expirée le 30 juin - en raison de sa durée et du montant qui lui était corrélé. Sur le plan de la procédure, comme sur le fonds, la situation était jugée tout à fait différente. L'Allemagne avait, dans le même temps, confirmé son refus de négociations à tout prix et rappelé la séquence électorale dans laquelle s'était inscrite le gouvernement grec. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que l'eurogroupe ait annoncé le 1 er juillet suspendre ses travaux jusqu'au résultat du référendum.

2. Des prises de position à rebours des intérêts et des valeurs de l'Union européenne

Le goût de la provocation cultivé par le nouveau gouvernement grec et sa capacité à instrumentaliser les difficultés des négociations l'ont parallèlement conduit à des prises de position peu en phase avec les orientations de l'Union européenne. La recherche de nouvelles sources de financement l'a ainsi conduit à se rapprocher de la Russie. Il y a également lieu de s'interroger sur les effets d'une relance du débat sur les réparations de guerre que pourrait lui verser l'Allemagne ou sur les déclarations de membres du gouvernement reliant l'ouverture des frontières aux migrants à la question d'un accord sur le décaissement de la dernière tranche du plan d'aide.

a) Le rapprochement avec la Russie

La rencontre organisée entre Alexis Tsipras et Vladimir Poutine, le 8 avril 2015, n'a pas débouché sur la mise en place d'un prêt bilatéral russe à l'égard de la Grèce, à l'instar de ce qui avait été mis en oeuvre à Chypre en 2013. Une nouvelle rencontre organisée le 18 juin a cependant permis d'ébaucher l'idée d'un soutien financier, dès lors qu'un accord aurait été trouvé entre Athènes et ses créanciers.

Les autorités russes privilégient surtout des financements destinés à financer des projets d'infrastructure, concernant notamment le transport du gaz russe vers la Grèce et l'Europe, via le gazoduc Turkish stream en cours de construction. Le gouvernement grec avait d'ailleurs manifesté au mois de mars son opposition au projet d'Union énergétique porté par la Commission européenne qui prévoit que celle-ci examine préalablement tout accord énergétique signé entre un État membre et un pays tiers. Les autorités grecques et leurs homologues russes ont trouvé un accord le 19 juin 2015 pour la construction d'un gazoduc russe en Grèce entre 2016 et 2019. Le coût total de la construction du gazoduc s'élève à 2 milliards d'euros. Sa capacité de livraison est estimée à 47 milliards de mètres cubes. Le protocole d'entente prévoit la création d'une coentreprise, South European Gas Pipeline , détenue à parts égales grecques et russes. Un prêt souscrit par la Grèce auprès de la banque russe Vnesheconombank financera sa participation dans cette société.

Il y a lieu de s'interroger sur un tel partenariat alors que la Grèce qui achète 65 % de son gaz à la société russe Gazprom paye une facture de gaz naturel plus lourde que ses voisins (35 % en moyenne). Un nouvel accord devrait réduire de 15 % cette somme. La société DEPA, importateur et distributeur de gaz naturel, reste, quant à elle, toujours sous le contrôle de l'État, Gazprom ayant renoncé à l'acquérir en raison des réserves de la Commission européenne 7 ( * ) .

La création d'une coentreprise russo-grecque devrait permettre, par ailleurs, de contourner l'embargo alimentaire imposé par la Russie à l'Union européenne . Le Premier ministre grec a réitéré, au cours de cette rencontre, son opposition aux sanctions imposées par l'Union européenne à la Russie 8 ( * ) . Cet accord peut apparaître de fait plus politique qu'économique, la part de la Russie dans les exportations agricoles grecques étant évaluée à 2 %.

b) La question des réparations allemandes

Bien qu'elle fasse partie des promesses de campagne de Syriza , la question des réparations de guerre due par l'Allemagne est déjà ancienne en Grèce. La Cour suprême grecque a en effet estimé en 2000 que des avoirs allemands pouvaient être saisis au titre de réparations à verser aux familles des victimes du massacre de Distomo, perpétré par la Waffen SS le 10 juin 1944. La Cour suprême confirmait ainsi un jugement de 1997 condamnant l'Allemagne à verser une indemnité d'un montant de 28,6 millions d'euros. Une commission parlementaire a déjà travaillé sur ce dossier entre 2012 et 2014. Il existe en tout état de cause un consensus politique sur ce sujet. Une nouvelle commission parlementaire pourrait être constituée, en dépit de la complexité juridique du dossier.

La Comptabilité nationale grecque a évalué en 2010 le montant des réparations à 162 milliards d'euros, soit 108 milliards d'euros au titre des destructions - ce chiffre se fondant sur les conclusions de la Conférence internationale de Paris de 1946 - et 54 milliards d'euros au titre d'un prêt forcé de la Banque de Grèce à l'Allemagne (le Bundestag estimait ce prêt à 8,25 milliards d'euros en 2012, le ministère des finances grec à 11 milliards d'euros en janvier dernier). Le Secrétaire d'État au budget grec a réévalué cette estimation pour la porter à 278,7 milliards d'euros en avril 2015. Le chiffre intègre le prêt forcé, estimé à 10,3 milliards d'euros et les dommages subis par les particuliers et les infrastructures.

L'Allemagne juge de son côté qu'un accord trouvé avec la Grèce en 1960 réglait cette question : l'équivalent en marks de 58 millions d'euros avait alors été versé. Les juristes allemands soulignent par ailleurs qu'une indemnisation avait été prévue en 1953 dès lors que l'Allemagne serait réunifiée et qu'elle aurait signé un traité de paix avec les Alliés. Si le traité « 2+4 » signé en 1990 et approuvé par la Grèce prévoit bien la réunification de l'Allemagne, il ne constitue pas pour autant un traité de paix. Dans ces conditions, l'hypothèse d'une indemnisation n'apparaît pas juridiquement tenable. La Cour internationale de Justice a par ailleurs rendu en 2012 un arrêt déboutant toute poursuite individuelle contre l'Allemagne en raison des injustices causées par le régime nazi.

Comme dans le cas de la commission parlementaire sur la dette illégitime, la relance d'un débat sur cette question n'est pas sans arrière-pensée pour un gouvernement qui souhaite par-dessus-tout une restructuration de la dette publique. Au-delà de la question financière il est possible de s'interroger sur la démarche du gouvernement grec, qui comporte un double risque. Elle peut, en effet, renvoyer l'image d'un pays cherchant à fuir ses responsabilités actuelles et accentuer dans le même temps son isolement. Revenir sur la guerre contribue à remettre en question la logique de paix sur laquelle s'est construite l'Union européenne.

c) La question des migrants

59 669 nouveaux migrants ont été identifiés en Grèce au cours des cinq premiers mois de l'année 2015, contre 18 257 au cours de la même période en 2014. Le pays est, au même titre que l'Italie, concernée par l'arrivée massive de migrants irréguliers par voie maritime, via ses îles proches des côtes turques : Lesbos, Samos, Kos ou Chios. La Grèce constitue une porte d'entrée vers l'Europe du Nord pour une émigration syrienne fuyant la guerre. Afghans, Albanais, Pakistanais, Libyens et Irakiens entrent également au sein de l'Union européenne via la Grèce, le pays étant également une voie de transit pour des Somaliens, des Géorgiens, des Congolais et des Bangladais.

Plus de 50 000 arrivées - dont 20 000 sur la seule île de Lesbos - ont ainsi été enregistrées en Grèce depuis la mer Égée, soit une explosion de + 550 % en un an, selon l'agence Frontex. Les arrivées en Grèce pour le seul mois d'avril ont enregistré une hausse de 870 % par rapport à avril 2014 selon le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies. Entre 400 et 700 nouvelles personnes seraient interceptées et secourues quotidiennement en mer Égée. 4 046 migrants ont été identifiés sur le seul week-end du 5-7 juin 2015.

Les entrées par voie terrestre ne se tarissent pas pour autant : elles ont augmenté de 90 % sur les cinq premiers mois de l'année à la frontière de la Turquie (frontière de l'Evros) avec 1 115 personnes. 589 migrants en situation irrégulière sont entrés par l'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) et 4 112 par l'Albanie.

Frontex a annoncé, le 10 juin dernier, le renforcement de son opération Poséidon au large des côtes turques. La mission devrait être élargie à d'autres îles grecques alors que le flot des arrivées de migrants se concentre actuellement sur Lesbos ou Kos. Des officiers de frontière devraient également être envoyés . L'agence européenne constate un transfert des flux migratoires du corridor dit central Libye-Italie vers le corridor dit oriental Turquie-Grèce. Du 1 er janvier au 31 mai 2015, 40 297 sont entrés en Europe via ce dernier, contre 6 500 par le corridor central.

Frontex recommande également d'augmenter les moyens financiers fournis à la Grèce afin d'accroître ses capacités d'hébergement sur les îles. Le pays ne dispose pas, en effet, d'infrastructures adaptées pour l'accueil des migrants et manque de fonds pour les financer. Les capacités d'hébergement sont limitées à 1 000 places et seule l'île de Lesbos dispose pour l'heure d'un centre, financé sur fonds européens. Le gouvernement Samaras avait également lancé la création de deux centres de tri et renforcé les effectifs de gardes-frontières. Cette initiative visait à développer un service de l'asile, inexistant jusqu'alors, conduisant la Cour de justice à suspendre l'application du règlement Dublin II. Il convient de rappeler que la Grèce constitue depuis 2000 la principale porte d'entrée au sein de l'espace Schengen, avec 3 millions d'entrées. 80 % des étrangers en situation irrégulière interpellés au sein de l'espace Schengen en 2010-2011 y sont entrés par la Grèce. La sortie du territoire grec s'opère de différentes façons :

- par voie maritime, depuis les ports d'Igoumenitsa et de Patras, en direction de l'Italie ;

- par voie terrestre, de Thessalonique vers les Balkans : Serbie, ARYM et Hongrie ;

- par voie aérienne, 17 aéroports grecs étant utilisés.

Faute de coopération avec les pays d'origine, les procédures de retour ont tendance à ne pas aboutir. Même en cas d'accord de réadmission, les retours ne sont pas garantis : sur les 137 722 migrants en situation irrégulière provenant de Turquie interpellés entre avril 2002 et janvier 2015, seuls 3838 ont été effectivement réadmis sur le territoire turc, les requêtes grecques n'étant acceptées que pour 13 314 personnes.

L'approche du problème par le gouvernement Syriza diverge de celle de son prédécesseur, puisqu'elle vise avant tout à renforcer la protection des droits des migrants et refuse l'utilisation des centres de rétention. Ce refus reste cependant tempéré par la réalité : l'absence de centres d'hébergement a conduit au maintien des 5 000 places disponibles dans ces centres.

Le gouvernement a, parallèlement, mis en place deux transports maritimes des îles vers le continent où se trouveront de nouveaux centres destinés à tous les nouveaux arrivants, quel que soit leur statut. Des bâtiments de l'armée ont déjà été réquisitionnés et des examens médicaux sont organisés. Les réfugiés syriens qui fuient la guerre ont accès directement aux papiers, par l'intermédiaire d'une procédure déjà facilitée.

La question de l'immigration a, dans le même temps, été instrumentalisée par le gouvernement qui a souhaité la relier à l'avancement des négociations sur le décaissement de la dernière tranche du plan d'aide. Le ministre de la défense et président d'ANEL a ainsi clairement indiqué vouloir « inonder » l'Europe de migrants, en cas d'échec des négociations. Il s'agirait pour le gouvernement grec de leur octroyer des papiers leur permettant de circuler dans l'espace Schengen, allant jusqu'à ironiser sur la possibilité qu'au sein de cette « marée humaine » se trouvent des djihadistes de l'État islamique. Une telle déclaration peut laisser songeur quant à la perception qu'a le gouvernement grec de ses partenaires européens. En outre, cette attitude ne pourrait rester sans réponse de la part des autres États membres.

3. Quelles conséquences pour le défaut ?
a) Le défaut est devenu une réalité et le Grexit une hypothèse plausible

Le gouvernement a fréquemment rappelé au cours des négociations que faute d'accord avec ses partenaires, la Grèce pourrait se retrouver à la fin du mois de juin en situation de défaut. Cette option était censée accélérer les négociations. Elle répond dans le même temps aux aspirations de l'aile radicale de Syriza . Le gouvernement a confirmé cette solution, le 30 juin, en indiquant qu'elle ne rembourserait pas l'échéance due au FMI à cette date, soit 1,53 milliard d'euros. Il a néanmoins demandé le report de son remboursement en novembre, utilisant une disposition du règlement du Fonds permettant un tel report dans la limite de 3 à 5 ans, soit la durée de vie de ses prêts. Le Guyana et le Nicaragua avaient utilisé cette disposition en 1982. Le FMI dispose de trente jours pour effectuer un état des lieux et le transférer à son Conseil d'administration, qui constatera le défaut.

La situation pourrait être plus délicate au cours de l'été, compte tenu du remboursement à venir de 6,7 milliards d'euros de prêts BCE. La première échéance, d'un montant de 3,5 milliards d'euros, est fixée au 20 juillet. Si ces prêts venaient à ne pas être remboursés, la BCE pourrait cesser d'approvisionner les banques grecques via le mécanisme ELA. En ce qui concerne les remboursements des tranches des prêts FESF, il n'existe pas de lien automatique entre non-paiement et défaut. Mais, si celui-ci venait à être constaté par le FMI, il s'agit alors d'un événement déclencheur, le FESF pouvant demander le remboursement anticipé des prêts. Dans ce cas de figure, le risque d'une sortie de la zone euro serait renforcé. Le conseil des gouverneurs du FESF n'a, pour l'heure, pas estimé que l'absence de paiement du FMI le 30 juin constituait un événement déclencheur mais s'est réservé le droit, le 3 juillet, de revenir sur cette position.

Contrairement à la période 2010-2012 et compte tenu du défaut, la sortie de la Grèce de la zone euro ( Grexit ) ne constitue plus une perspective impossible. L'exaspération manifestée par certains États membres face aux postures grecques ces derniers mois ont même contribué à rendre cette hypothèse plausible et fragilisé la portée de cette menace agitée par le gouvernement. Le choix du référendum a même rendu logique et probable une telle conclusion.

Il convient de rappeler que le défaut n'implique pas mécaniquement une sortie de la zone euro. Une telle sortie demeure du ressort du Conseil européen, la Banque centrale européenne se contentant de constater le défaut. La question est même biaisée, puisque la sortie de la zone euro n'est pas prévue par les traités. Seul un retrait de l'Union européenne est permis. C'est dans ce sens que le président de la Commission européenne a présenté le vote négatif au référendum comme un refus non seulement de l'euro mais bien de l'Europe.

Le gouvernement grec réfute, par ailleurs, toute sortie de la zone euro, estimant qu'elle n'est pas prévue les rraités et menaçant de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, si cela venait à se produire.

Le mécanisme de sortie de l'Union européenne

Le traité de Lisbonne introduit un mécanisme de sortie volontaire et unilatérale de l'Union européenne. Aux termes de l'article 50 du traité sur l'Union européenne, l'État membre qui souhaite se retirer notifie son intention au Conseil européen, qui présente alors des orientations pour la conclusion d'un accord fixant les modalités du retrait. Cet accord doit être adopté à la majorité qualifiée par le Conseil, après approbation du Parlement européen. Les traités cessent de s'appliquer à l'État qui en fait la demande, dès l'entrée en vigueur de l'accord, ou au plus tard deux ans après la notification du retrait. Le Conseil peut décider de prolonger cette période. Tout État sorti de l'Union pourra demander à être réintégré, en se soumettant à nouveau à la procédure d'adhésion.

b) Un risque pour la Grèce et la zone euro

Si cette solution venait néanmoins à être adoptée, toute sortie de la zone euro impliquerait, quoi qu'il en soit, la prolongation des mesures de contrôle des capitaux et de limitation des retraits aux distributeurs. Après la mise en place pour des raisons techniques d'une monnaie intermédiaire à l'image des IOU, le passage à la drachme ne signifierait pas pour autant un retour à son niveau initial : une dépréciation de 20 à 50 % est, en effet, envisageable selon certains économistes. Cet effondrement de la drachme aurait pour conséquence directe une augmentation de la partie de la dette sur laquelle le défaut n'a pas été prononcé. Seule la dette détenue par les résidents pourrait, en effet, être libellée en drachmes, soit 48 milliards d'euros (26 % du PIB). La dette publique pourrait dans ces conditions atteindre 220 % du PIB, ce qui apparaît insoutenable et implique un défaut généralisé sur la dette extérieure. Ce défaut fragiliserait parallèlement l'accès ultérieur de la Grèce aux marchés financiers.

Le retour à une monnaie grecque dévaluée aurait également pour corollaire une inflation galopante. Il serait précédé par une course aux retraits qui devrait provoquer un effondrement d'un système bancaire fragile et une crise « incontrôlable » selon les termes employés par la Banque de Grèce le 17 juin. La sortie de la zone euro implique donc de mettre en place un contrôle des capitaux, difficile à mettre en oeuvre techniquement mais aussi politiquement. A ce chaos à court terme pourrait néanmoins succéder à moyen terme une relance de la croissance induite par l'amélioration mécanique de la compétitivité des entreprises grecques, à condition que celles-ci aient néanmoins accès à un minimum de liquidités. Le prix politique et social d'un défaut et d'une sortie de la zone euro apparaît toutefois très élevé.

Au-delà de la faible part de la Grèce dans le PIB européen (2 %), le risque de contagion au sein de la zone euro tend, quant à lui, à être minoré pour deux raisons :

- La restructuration de la dette grecque en 2012 fait porter l'essentiel du coût du défaut sur les États et les institutions internationales et non le secteur privé ;

- La zone euro s'est, par ailleurs, dotée de dispositifs de sauvegarde qui tendent à limiter tout effet domino, qu'il s'agisse du Mécanisme européen de stabilité ou de l'Union bancaire

Cependant, outre son coût pour les bailleurs de fonds, il convient de s'attarder sur la portée politique d'une telle sortie pour l'Union européenne. Celle-ci altèrerait le caractère irréversible de l'Union économique et monétaire. C'est à l'aune de cette ambition qu'il faut analyser l'absence de disposition juridique encadrant la sortie de la zone euro. Le projet d'intégration politique que porte l'Union économique et monétaire pourrait être stoppée par une telle sortie. La zone euro ne serait dès lors qu'un système monétaire européen amélioré, soit un système de parité fixe, d'où un État peut sortir en cas de dégradation de sa situation financière. La notion de solidarité inhérente au projet européen serait un peu plus battue en brèche avec pour corollaire une différenciation de plus en plus aigüe des taux entre les pays jugés bon gestionnaires et ceux visés par les procédures de déficit excessif, à l'image de la France. Il n'est pas anodin que le Portugal ait annoncé, en mars puis en juin 2015, le remboursement anticipé de prêts qu'il avait contractés auprès du FMI (6,6 milliards d'euros) dans le cadre du plan d'aide international de mai 2011. Lisbonne entend ainsi éviter toute assimilation par les marchés de la dette grecque à celle des pays périphériques. Ceux-ci ne se sont montrés guère sensibles aux arguments portugais comme en témoigne la montée des taux lusitaniens, mais aussi italiens et portugais le 29 juin.

De leurs côtés, les marchés d'actions européens - secteur financier, banques et assurances - pourrait être fragilisés par cette sortie, comme le marché obligataire. Les titres des pays ayant rencontré des difficultés ou en connaissant encore seraient principalement concernés, dans un contexte déjà marqué par une forte volatilité des taux depuis le mois de mai. Cette détérioration ne serait pas uniquement européenne, des turbulences sont également attendues sur les marchés émergents, plus risqués. L'euro serait, bien évidemment, déprécié.

On peut s'interroger plus largement sur les conséquences géopolitiques d'une Grèce, mise au ban de l'Union européenne.


* 6 Sondage Alco réalisé du 24 au 26 juin 2015

* 7 L'opérateur de transport grec, DEPSA, est quant à lui privatisé, 66 % des parts devant revenir à la SOCAR, la société pétrolière et gazière de l'État azéri, les 34 % restants étant détenus par l'État grec.

* 8 Les députés européens grecs membres de Syriza s'étaient opposés en 2014 à la signature de l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine ainsi qu'à celui noué avec la Moldavie.

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