V. LA PROCÉDURE DE SUIVI DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

A. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN AZERBAÏDJAN

Dans l'optique des prochaines élections générales qui auront lieu en novembre 2015, la commission de suivi a examiné le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan et évalué la mise en oeuvre des recommandations formulées par l'Assemblée en janvier 2013. Elle a centré ses efforts notamment sur l'équilibre des pouvoirs, l'indépendance de la justice et les questions électorales. Alarmée par les informations faisant état d'un recours de plus en plus fréquent à des poursuites pénales contre des dirigeants d'ONG, des journalistes, leurs avocats et d'autres personnes exprimant des opinions critiques, la commission a décidé d'examiner plus particulièrement l'état de mise en oeuvre des paragraphes 18.2 et 18.4 de la résolution 1917 (2013).

Même si elle a reconnu un processus électoral libre, équitable et transparent dans l'ensemble autour du jour du scrutin en octobre 2013, la commission regrette que certaines des recommandations les plus importantes de la Commission de Venise au sujet du cadre juridique électoral n'aient pas été mises en oeuvre. Malgré les efforts déployés par les autorités, elle constate un manque d'indépendance de l'appareil judiciaire et s'inquiète du respect des principes de l'équité des procès, de l'égalité des armes et du respect de la présomption d'innocence. Tout en soutenant les efforts engagés par le pays pour promouvoir la transparence et lutter contre la corruption, le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux, la commission appelle à trouver un bon équilibre entre le droit d'association et la liberté d'expression, garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme, et la lutte légitime de l'État contre le crime organisé.

La commission est profondément préoccupée par la répression des droits de l'Homme en Azerbaïdjan, où les conditions de travail des ONG et des défenseurs des droits de l'Homme se sont considérablement détériorées, et par le nombre croissant de mesures de représailles visant des médias indépendants et des défenseurs de la liberté d'expression dans le pays. Elle appelle les autorités à mettre fin à ce harcèlement systématique des détracteurs du gouvernement. La commission se félicite du rétablissement des activités d'un groupe de travail conjoint sur les questions des droits de l'Homme à la suite de l'accord conclu en août 2014 entre le Secrétaire général du Conseil de l'Europe et le Président de la République d'Azerbaïdjan.

Au vu de ces préoccupations et développements, l'Assemblée devrait appeler à appliquer pleinement les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, conformément aux résolutions du Comité des Ministres. Elle devrait faire des recommandations dans les domaines de la séparation des pouvoirs, du processus électoral, de l'appareil judiciaire, de la liberté d'expression et de la liberté d'association.

Mme Nicole Duranton (Eure - Les Républicains) a noté que le rapport dressait des constats particulièrement inquiétants pour l'état de la démocratie en Azerbaïdjan et accablants pour les autorités de ce pays, aucun sujet évalué, sauf peut-être la lutte contre la corruption, n'ayant connu d'évolutions positives, la situation s'étant même détériorée depuis les élections présidentielles de 2013. Elle a regretté que l'Azerbaïdjan suscite souvent une grande indulgence de la part de bien des commentateurs et a évoqué, pour l'expliquer, sa politique étrangère qui se veut indépendante et équilibrée, entre l'Europe et la Russie, et une certaine mansuétude qui trouve son origine à la fois dans les intérêts bien compris qu'offrent les ressources naturelles considérables du pays et dans la compassion que l'occupation du Haut-Karabagh peut susciter. Elle a considéré que le conflit avec l'Arménie était devenu pour Bakou un argument fort utile pour repousser toute démocratisation et justifier diverses mesures coercitives, au nom de la stabilité. Elle a au contraire estimé que le meilleur moyen de garantir la stabilité en Azerbaïdjan était d'y instaurer la sécurité démocratique.

Mme Pascale Crozon (Rhône - Socialiste, républicain et citoyen) a indiqué qu'elle s'exprimait en paria compte tenu, comme 334 autres personnalités étrangères, et comme 10 parlementaires français, de son interdiction de séjour en Azerbaïdjan en raison d'un déplacement qu'elle avait effectué au Haut-Karabagh. Elle a dénoncé cette méthode qui repose sur l'intimidation et sur la réduction au silence d'élus qui entendent mettre en lumière un conflit depuis trop longtemps oublié. Elle a fait observer que réduire au silence les oppositions était l'objectif que se fixait le Président Aliev, le peuple azerbaïdjanais étant le premier à en souffrir. Elle a ainsi souligné, se fondant sur les rapports de diverses ONG, la négation de la liberté de la presse, l'existence de 80 prisonniers politiques, dont 20 prisonniers d'opinion, le haut niveau de corruption, le peu de respect des principes démocratiques ou encore l'insincérité des élections. Elle a dénoncé l'usage non conforme aux valeurs du Conseil de l'Europe que faisait l'Azerbaïdjan de ses ressources naturelles pour entretenir de bonnes relations avec un grand nombre de pays, dont la France.

M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) s'est félicité de ce que le rapport démontrait comment le contexte géopolitique dans lequel évolue l'Azerbaïdjan, et qui recèle des difficultés et des tensions indéniables, était instrumentalisé par les autorités à la manière d'un alibi pour justifier le maintien au pouvoir d'un clan. Il a rappelé que les différents observateurs et experts des droits de l'Homme aboutissent tous aux mêmes conclusions sur la situation en Azerbaïdjan quant à l'absence de véritable séparation des pouvoirs, à l'inexistence d'élections libres et équitables, au non-respect des principes de l'État de droit, au musellement des médias. Il a également souligné l'action du Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe qui est intervenu à plusieurs reprises cette année devant la Cour de Strasbourg dans des affaires concernant des défenseurs des droits de l'Homme azerbaïdjanais en dénonçant à chaque fois un problème de droits de l'Homme grave et systématique dans ce pays. Il a exprimé son inquiétude sur les résultats des élections législatives de novembre prochain et a fait le pari que le parti au pouvoir les remporterait. Enfin, il s'est demandé ce que l'appartenance de l'Azerbaïdjan au Conseil de l'Europe avait apporté au pays et à ses habitants.

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UDI-UC) a indiqué que la lecture du rapport l'avait plongé dans une certaine perplexité car il dénonce les nombreuses lacunes de l'État de droit et des libertés fondamentales en Azerbaïdjan, dont l'existence de prisonniers d'opinion, mais rappelle aussi les nombreux défis que le pays doit relever. Il a considéré que, dans ce contexte, sa quête de stabilité n'était pas illégitime. Il a fait observer que le pays était amputé d'une partie de son territoire depuis une vingtaine d'années et ne contrôlait plus le Haut-Karabagh, la résolution de ce conflit gelé n'avançant guère. Il a fait valoir que l'Azerbaïdjan cherchait à maintenir l'équilibre dans un contexte géopolitique délicat, ses relations avec la Russie restant marquées par une certaine réserve, alors que, membre du Partenariat oriental de l'Union européenne, il souhaitait bénéficier d'une coopération sectorielle et d'une libéralisation du régime des visas. Il a rappelé que, sur le plan économique, l'Azerbaïdjan était sans doute l'une des plus belles réussites de l'ex-URSS. Il a estimé que ce pays devait se moderniser et s'adapter, son économie demeurant excessivement dépendante du secteur énergétique et son développement à long terme exigeant des réformes politiques et institutionnelles qui ne peuvent plus être ajournées. À cet égard, il a appelé à tirer profit de l'assistance du Conseil de l'Europe pour engager des réformes.

M. André Reichardt (Bas-Rhin - Les Républicains) a considéré que le rapport, en dépit de sa tonalité indéniablement sévère, avait le mérite de fournir une marche à suivre pour procéder aux améliorations attendues. Il a en effet estimé que l'Azerbaïdjan avait besoin que le Conseil de l'Europe l'aide à honorer ses obligations d'État membre. Il a rappelé que deux éléments devaient être pris en compte pour apprécier la situation de ce pays : les efforts entrepris à l'intérieur du pays, d'une part, et son environnement géopolitique, d'autre part. Il a noté la très sensible élévation du niveau de vie de ses habitants et les efforts de diversification de son économie, qui offre d'importantes opportunités aux entreprises européennes. Il a souligné sa voie de développement progressiste et moderne, sa diplomatie culturelle et économique active, son mécénat culturel et l'organisation de grands événements, mentionnant les premiers Jeux européens. Il a également insisté sur la laïcité de l'État. Par ailleurs, il a fait observer que l'Azerbaïdjan évoluait dans un environnement international particulièrement complexe et avait réussi à préserver une relation équilibrée avec la Russie, dont le rôle dans l'entretien du conflit au Haut-Karabagh est ambigu, tout en se rapprochant de l'Union européenne. C'est pourquoi il a souhaité que ce pays soit encouragé à continuer de s'ouvrir et non conduit à se replier sur lui-même.

M. François Rochebloine (Loire - Union des démocrates et indépendants) a estimé que le rapport contenait tous les éléments nécessaires pour instruire sur des bases solides le procès de la violation des libertés publiques en Azerbaïdjan, qu'il s'agisse de l'absence d'élections libres et équitables, du respect des droits de l'opposition, de l'indépendance de la justice, de la liberté de la presse et de la liberté d'expression ou de l'existence de prisonniers d'opinion. Il a toutefois regretté que, en dépit de ce réquisitoire implacable, les rapporteurs semblent chercher des excuses mal venues aux dirigeants de l'Azerbaïdjan, au motif notamment de l'occupation par l'Arménie du Haut-Karabagh. Il a jugé cette appréciation excessive et scandaleuse. Il a conclu en appelant l'Assemblée à une condamnation sans équivoque du régime liberticide qui sévit à Bakou.

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