B. DES FINANCEMENTS EN HAUSSE

Les financements climat que la France accorde aux pays en développement empruntent différents canaux, multilatéraux comme bilatéraux.

1. Les outils multilatéraux

Une partie des financements climat de la France passe par ses participations aux banques multilatérales de développement . Le ministère des affaires étrangères a indiqué à vos rapporteurs spéciaux que notre pays les poussait « à intervenir de manière croissante dans la lutte contre le changement climatique et pour l'adaptation ».

En termes d'instruments multilatéraux dédiés, la France contribue également au Fonds pour l'environnement mondial (FEM), qui est aujourd'hui le principal instrument multilatéral en matière de préservation de l'environnement, dont le mandat dépasse cependant le changement climatique, puisqu'il concerne également la biodiversité, les eaux internationales, le pollution chimique et la dégradation des terres. La France y contribue à hauteur de 200 millions d'euros environ sur la période 2015-2018. Environ un quart de ses financements concernent le climat, mais cette proportion devrait se réduire, du fait de la montée en charge du Fonds vert pour le climat (cf. infra ) et de la priorité accordée à d'autres enjeux.

La France contribue également au Fonds pour l'adaptation , dans le cadre du protocole de Kyoto, destiné à accompagner les stratégies d'adaptation des pays les plus vulnérables face aux conséquences du changement climatique. Cette participation s'élevait à 5 millions d'euros en 2015.

Par ailleurs, en 2008, avait été approuvé la création de fonds d'investissement pour le climat (CIFs) administrés par la Banque mondiale, parmi lesquels le Fonds pour les technologies propres (CTF). La France a contribué à ce dernier à hauteur de 500 millions d'euros sur la période 2010-2012, sous forme de cofinancements de projets et d'un prêt concessionnel de 203 millions d'euros porté par l'AFD.

Désormais, le Fonds vert pour le climat (cf. infra ) devrait devenir le principal instrument multilatéral en matière de financements climat à destination des pays en développement.

2. Les outils bilatéraux

La France accorde également des financements climat à travers le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM), qui couvre, comme le FEM, un périmètre qui dépasse le changement climatique. Il a été reconstitué pour la période 2015-2018 à hauteur de 90 millions d'euros, en conservant l'objectif de consacrer les deux tiers de ses ressources à l'Afrique et à la Méditerranée. Le FFEM comporte un instrument financier dédié aux entreprises du secteur privé : la facilité d'innovation pour le secteur privé (FISP-Climat), qui vise à mobiliser les investissements nécessaires au développement et au transfert de technologies vertes dans les pays en développement. Entre 2007 et 2014, les engagements du FFEM en matière de climat se sont élevés à 60 millions d'euros environ dans les PMA et à 50 millions d'euros dans les autres pays.

Les dispositifs d'aide liée concourent également au financement de projets climat, bien qu'ils ne soient pas strictement dédiés à cet objectif. Ainsi, entre 2005 et 2014, plus de 150 projets ont été réalisés ou engagés en comportant un objectif lié changement climatique, pour un montant total de plus de 75 millions d'euros, au titre du Fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP). En 2009, a été mis en place un FASEP « Innovation Verte », pour soutenir des projets pilotes mettant en oeuvre des technologies environnementales innovantes. 26 projets de ce type ont été mis en oeuvre depuis cette date.

De même, la Réserve Pays Émergents (RPE) 4 ( * ) , a permis de financer, entre 2005 et 2014, une vingtaine de projets intégrant un objectif de lutte contre le changement climatique, pour un montant total de plus de 450 millions d'euros.

Enfin, l'Agence française de développement (AFD) est le principal vecteur de financements climat. Ses engagements climat comptabilisables en APD se sont élevés à 13,2 milliards d'euros entre 2007 et 2014. Ils ont connu une croissance importante entre 2007 et 2010, passant de 670 millions d'euros à 2,4 milliards d'euros, avant de se stabiliser depuis lors autour de 2 milliards d'euros par an .

Engagements AFD comptabilisés « climat » déclarables APD

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances du Sénat à partir des données du ministère des affaires étrangères

Au total, en 2013, les engagements climat de la France se sont élevés à 2,15 milliards d'euros, soit un montant équivalent à celui de l'Allemagne. Cette dernière accorde cependant exclusivement des dons, quand la France a accordé plus de 90 % de prêts.

Ces chiffres doivent être replacés dans le contexte de la diminution de l'APD de la France, passée de 0,5 % du revenu national brut (RNB) en 2010 à 0,36 % en 2014, quand l'Allemagne est à 0,41 % et le Royaume-Uni à 0,7 %.

La définition des financements climat

La Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ne propose pas de définition de la finance climat. Les acteurs et institutions utilisent des définitions opérationnelles différentes, qui contiennent des éléments communs.

Le Comité permanent sur les financements de la CCNUCC a proposé fin 2014, dans son premier rapport bisannuel sur les financements climat, la définition suivante : « La finance climat a pour but de réduire les émissions et de renforcer les puits de gaz à effet de serre et vise à réduire la vulnérabilité, et à maintenir et augmenter la résilience des systèmes écologiques et humains face aux effets néfastes du changement climatique ». Cette définition générale n'est naturellement pas suffisamment précise pour être opérationnelle en tant que telle.

Les principales difficultés rencontrées en termes d'estimation concernent notamment les financements de l'adaptation, par nature difficilement quantifiables (la vulnérabilité des biens, personnes et écosystèmes aux conséquences des changements climatiques est bien plus difficile à quantifier qu'une tonne de CO 2 émis évitée).

1. La comptabilisation au titre de la Convention climat

Les méthodologies décrites ci-dessous sont utilisées dans le cadre du « rapportage » à la Convention climat, du rapportage dans le cadre du règlement européen Monitoring Mechanism regulation et pour le rapportage et la communication de l'AFD.

En France, les acteurs bilatéraux (AFD, FFEM, RPE et FASEP principalement) utilisent des méthodologies opérationnelles encore légèrement différentes, même si le travail d'harmonisation se poursuit. La définition de base, telle que notée plus haut par le Comité permanent sur les financements, reste la même.

Le suivi de l'activité « climat » du Groupe AFD repose sur une revue systématique, au cours du processus d'instruction, des concours octroyés par l'AFD et Proparco au regard de leur impact climat. Sont qualifiés de « climat » par l'AFD, les projets de développement ayant un ou plusieurs des trois types de « co-bénéfices » suivants sur l'enjeu climatique :

- un projet concourt à l'atténuation lorsque qu'il permet de réduire les émissions de GES par rapport à une situation de référence sans projet. Un projet est comptabilisé « climat / atténuation » dès lors que soit l'estimation de son empreinte carbone démontre qu'il réduit ou évite (pour les projets d'énergies renouvelables) des émissions de GES, soit si l'empreinte carbone n'est pas estimable au moment de l'autorisation d'engagement, ce financement est dédié à des actions concourant à l'atténuation (étude, renforcement de capacité et lignes de financement bancaire intermédié en faveur de projets d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique) ;

- sont considérés comme concourant à l'adaptation, les projets ou composantes de projets permettant de limiter la vulnérabilité des biens, personnes et écosystèmes aux conséquences des changements climatiques. Pour qu'un projet soit comptabilisé « climat / adaptation », il faut donc que l'analyse démontre qu'il contribue potentiellement à diminuer une vulnérabilité identifiée dans la zone du projet. Pour ce faire, est menée une analyse croisant l'étude des vulnérabilités au changement climatique de la géographie du projet avec un examen des activités prévues par le projet à la lumière d'une liste positive d'actions pouvant contribuer à réduire une vulnérabilité ou concourir à renforcer la résilience des populations, des biens ou des écosystèmes au changement climatique ;

- enfin, pour les appuis budgétaires et aides sectorielles de l'AFD, trois possibilités de comptabilisation existent : les appuis budgétaires spécifiquement dédiés au climat (prêts climat ou appuis aux plans climat nationaux) sont comptabilisés à 100% ; pour les autres aides budgétaires sectorielles ou à destination des collectivités locales, la méthodologie adoptée vise à rendre compte de la teneur du dialogue politique et sectoriel

entretenu avec la contrepartie (suivi d'indicateurs partagés) et des impacts en matière de lutte contre le changement climatique de l'approche intégrée que celui-ci promeut. Cette méthode est fondée sur une comptabilisation au prorata des indicateurs de suivi « climat » par rapport à l'ensemble des indicateurs de la matrice de suivi de la politique publique mise en oeuvre, et est adossée à une liste positive d'actions dont on estime qu'elles ont un co-bénéfice climat de par leur nature ; en l'absence d'indicateurs, normés et partagés avec la contrepartie ou de suivi de sa politique publique, est ouverte la possibilité de valoriser à hauteur de 40 % le financement apporté sous condition de l'existence d'une activité transversale « climat » permettant d'appréhender la dynamique sous-jacente à l'action de la collectivité ou de l'État.

2. La comptabilisation de l'OCDE

Le Comité d'aide au développement de l'OCDE qui synthétise les flux d'aide publique au développement (APD), a mis en place les « marqueurs de Rio » pour mettre en valeur les projets de développement qui ont un aspect spécifique notamment s'agissant du climat. Elle consiste ainsi à «marquer» les projets de développement qui prennent en considération des problématiques environnementales et climatiques.

Cette méthodologie ne permet pas de quantifier précisément la composante climat des projets mais plutôt de signaler les projets en question et évaluer de manière globale la prise en considération des problématiques environnementales et climatiques dans les projets de développement. Concrètement, lorsqu'ils effectuent leurs déclarations statistiques d'APD, les opérateurs doivent cocher le marqueur « atténuation », « adaptation » ou les deux si le projet déclaré prend en compte ces considérations. Ils doivent ensuite marquer le projet 0, 1 ou 2 : 2 signifiant qu'il s'agit d'un « objectif principal de la politique », 1 indiquant un « objectif significatif », 0 correspondant à un projet « non pertinent » au regard de la thématique recherchée.

Si cet exercice de « marquage » est fait par la France chaque année dans ce cadre strict de la déclaration au CAD, cette méthodologie des marqueurs de Rio, qui répond à une logique d'identification de thématiques et pas de quantification précise des composantes « climat » des projets, n'a pas été retenue pour la partie AFD pour les autres exercices de rapportage internationaux. La méthodologie de l'OCDE est donc plus large que la méthodologie de l'AFD en ce qu'elle ne pondère pas le montant de l'engagement marqué Rio en fonction de l'importance de l'objectif climatique poursuivi.

De plus, la méthodologie de l'OCDE se concentre uniquement sur les concours éligibles à l'APD, alors que l'AFD communique sur l'ensemble de ses concours, et la notion d'engagement au sens de l'OCDE (signature de la convention avec le pays bénéficiaire) diverge de celle d'engagement au sens de l'AFD (octroi en Conseil d'administration).

Ces méthodologies différentes produisent par nature des résultats différents ; à noter qu'un travail a été initié pour harmoniser autant que possible les méthodes utilisées par les différents opérateurs pour les différents exercices de rapportage

Par ailleurs, les Banques multilatérales de développement et les 22 membres du International Development Finance Club (IDFC), qui regroupe des banques de développement nationales des pays en développement et bilatérales des pays développés, viennent de s'entendre sur une méthodologie commune de comptabilisation de leurs flux climat pour l'atténuation du changement climatique. Un travail similaire est en cours pour l'adaptation au changement climatique ainsi que pour l'estimation des flux privés mobilisés, qui devrait aboutir à l'automne 2015. Les méthodologies adoptées sont très proches de la méthodologie AFD, et seront utilisées pour un rapportage commun harmonisé de l'ensemble de ces acteurs sur leurs flux financiers climat dès cette année.

Source : ministère des affaires étrangères


* 4 Désormais intitulé Prêt du Trésor concessionnel.

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