II. L'EXPOSITION PARTICULIÈRE DES PMA AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

A. LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT SONT EN PREMIÈRE LIGNE

1. Des vulnérabilités spécifiques

Les effets du changement climatique sont très variables, tout comme l'exposition des populations, mais, comme le notait un rapport conjoint de différentes agences de développement en 2003 5 ( * ) , « en règle générale, les changements climatiques se surajoutent aux vulnérabilités existantes » .

En effet, les effets du changement climatique toucheront plus durement les pays en développement , du fait de leur position géographique, de leur plus grande dépendance aux ressources naturelles et d'une plus faible capacité à s'adapter à l'évolution climatique. Le risque est donc que les inégalités entre le monde développé et le monde en développement se creusent encore .

L'eau est le premier secteur qui serait touché. On estime déjà que le nombre de personnes affectées par la raréfaction de l'eau passera de 1,7 milliard actuellement à 5 milliards en 2025. Le changement climatique aggravera cet effet, notamment dans les zones subtropicales, du fait de l'augmentation de la fréquence des sécheresses, de l'augmentation de l'évaporation et de la modification des régimes de précipitation et de ruissellement. À l'inverse, les zones tropicales verraient les précipitations augmenter et donc aussi le risque d'inondation.

Ces différentes conséquences auront naturellement des effets importants sur l' agriculture , qui sera le second secteur à être le plus durement touché, alors même qu'il est le principal secteur économique des pays en développement. L'augmentation des pressions auxquelles est soumise la production agricole sera accentuée par le changement climatique et aggravera la baisse de la qualité des terres et donc la production agricole. De même, l'élévation du niveau des mers pourra bouleverser le secteur de la pêche et provoquer des remontées salines qui rendront les terres côtières incultivables.

Enfin, la santé des personnes sera également menacée, avec la hausse des maladies et des décès liés aux températures élevées et l'augmentation des phénomènes climatiques extrêmes, qui touchent plus durement les pays en développement. Ainsi, au cours des dernières années, 96 % des décès dus à des catastrophes naturelles ont eu lieu dans des pays en développement. De façon indirecte, les changements de température et les modifications de précipitations augmenteront les zones des maladies à transmissions vectorielles, telles que le paludisme ou la dengue.

Par ailleurs, le rapport précité identifiait des risques, et des difficultés à y faire face, spécifiques à chaque zone géographique, résumées ci-dessous.

S'agissant de l' Afrique , le changement climatique devrait se traduire par des sécheresses et des inondations plus fréquentes et d'une ampleur plus importante, qui accentueront la pression sur les ressources en eau. Les changements dans la pluviométrie, ajoutés à l'intensification de l'exploitation des terres, risquent d'aggraver la désertification, notamment dans le Sahel occidental et en Afrique australe et septentrionale, alors même que la dépendance à l'agriculture pluviale est forte. De même, les grands fleuves subiront la diminution du ruissellement. Globalement, les rendements céréaliers devraient diminuer, compromettant ainsi la sécurité alimentaire. Enfin, plus d'un quart de la population vit à moins de 100 km des côtes, ce qui l'expose fortement à l'élévation du niveau des mers et à l'érosion côtière.

Face à ces risques, les capacités d'adaptation sont limitées en raison tout d'abord de la faiblesse du PIB par habitant et du faible niveau d'éducation.

L' Asie voit également les phénomènes météorologiques extrêmes s'accentuer et se trouve particulièrement exposée à l'élévation du niveau des mers (Asie du Sud-est). Votre rapporteur spécial Yvon Collin avait été particulièrement alerté sur ce sujet par rapport au delta du Mékong, lors de son déplacement l'an dernier au Vietnam, relatif à l'APD de la France aux pays à revenu intermédiaire 6 ( * ) .

La capacité d'adaptation des pays asiatiques est cependant très variable selon la structure sociale, la culture, le niveau de dégradation de l'environnement et surtout la situation économique.

L' Amérique latine se trouve dans une situation comparable à l'Asie, si ce n'est qu'elle est particulièrement exposée à la disparition et à la régression des glaciers et leurs conséquences néfastes sur la ressource en eau de fonte. Le faible taux de scolarisation dans le secondaire et les fortes inégalités de revenus risquent cependant de limiter les capacités d'adaptation.

Enfin, les petits États insulaires seraient les plus gravement touchés par le changement climatique. Ils sont naturellement avant tout menacés par la montée du niveau des mers, qui impliquera des déplacements importants de personne et une chute de l'agriculture, d'autant plus que leur capacité d'adaptation est souvent faible.

Au total, le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) estime à 50 milliards de dollars par an les besoins de financement en matière d'adaptation, pour les seuls PMA, d'ici 2025-2030 7 ( * ) .

2. Les « migrants climatiques »

Une des conséquences du changement climatique et de la vulnérabilité particulière des pays en développement rejoint directement l'actualité, à travers la question des « migrants climatiques » ou « réfugiés environnementaux ».

Cette notion, apparue dès les années 1970 8 ( * ) , ne fait pas l'objet d'une définition très précise 9 ( * ) . On peut retenir celle de El-Hinnawi qui les définit comme « des personnes forcées de quitter leur habitation traditionnelle et permanente en raison d'une rupture environnementale significative (naturelle ou produite par l'homme) qui met en danger leur existence et affecte leur qualité de vie » 10 ( * ) .

En 2008, le Haut-commissaire adjoint de l'ONU pour les réfugiés, Craig Johnstone, estimait que « près de 250 millions de personnes seront déplacées au milieu de ce siècle à cause de conditions météorologiques extrêmes, de la baisse des réserves d'eau et d'une dégradation des terres agricoles » 11 ( * ) .

De même, le Conseil norvégien des réfugiés publie depuis plusieurs années un rapport annuel sur la question, qui constate que ce phénomène s'accroît en termes de proportion, de fréquence et de complexité.

Son édition 2014 12 ( * ) repose sur l'étude des données 2008-2013 concernant 161 pays. En moyenne, chaque année, 27,5 millions de personnes se sont déplacées du fait de catastrophes naturelles .

Il note également que depuis les années 1970, le nombre de personnes concernées a été multiplié par plus de deux, du fait notamment de l'augmentation de la population et de la très forte hausse de la population urbaine (+ 326 % dans les pays en développement), qui est plus exposée à certaines conséquences du changement climatique.

La place des pays en développement est logiquement prépondérante dans ces mouvements migratoires : ils en représentaient 97 % entre 2008 et 2013. 80 % de ces déplacements ont eu lieu dans des pays asiatiques. Cependant la part de l'Afrique devrait augmenter très fortement, ne serait-ce que du fait du doublement attendu de sa population d'ici 2050.


* 5 Pauvreté et changements climatiques : Réduire la vulnérabilité des populations pauvres par l'adaptation , Banque africaine de développement, Banque asiatique de développement, Banque mondiale, Département du développement international (Royaume-Uni), Direction générale du développement (Commission européenne), ministère des Affaires étrangères - Coopération internationale (Pays-Bas), ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement (Allemagne), Organisation de Coopération et de Développement Économiques, Programme des Nations Unies pour le développement, Programme des Nations Unies pour l'environnement, 2003.

* 6 Yvon Collin, L'aide publique au développement de la France à un pays à revenu intermédiaire : l'exemple du Vietnam , rapport d'information n° 729 (2013-2014), 16 juillet 2014.

* 7 PNUE, Adaptation gap report , 2014.

* 8 Brown L., Mcgrath P., Stokes B., Twenty two dimensions of the population problem , Worldwatch Paper, 5, Washington DC, Worldwatch Institute, 1976.

* 9 Chloé Anne Vlassopoulos, Des migrants environnementaux aux migrants climatiques : un enjeu définitionnel complexe , Cultures & Conflits, n° 88, hiver 2012, p. 7-18.

* 10 El-Hinnawi E., Environmental Refugees , UNEP, Nairobi, 1985

* 11 Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de Poznan (décembre 2008).

* 12 Norwegian refugee council and International displacement monitoring center, Global estimates 2014 : people displaced by disasters , septembre 2014.

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