B. UNE MISE EN oeUVRE VOLONTARISTE

1. Des réformes internes

Prenant acte de la diminution de la croissance potentielle, du vieillissement de la population, de la réduction de l'excédent de main-d'oeuvre agricole ou encore de la fin du modèle de production à faible coût sur lequel reposait l'avantage comparatif de la Chine et de la nécessité de la montée en gamme de l'économie, la « nouvelle normalité » entérine la transition de l'économie chinoise.

Les pouvoirs publics mettent ainsi l'accent sur le développement de l'innovation, de la recherche et des nouvelles technologies, sur une amélioration du fonctionnement du marché et de l'allocation des ressources et sur la promotion d'un mode de développement réduisant la pression sur les ressources environnementales

Ils entendent réduire les risques liés à un niveau d' endettement élevé, notamment des autorités locales qui se sont longtemps vu fixer des objectifs quantitatifs de croissance et qui ont souvent contourné l'interdiction qui leur était fait de s'endetter. Le développement du « shadow banking » et de véhicules spéciaux de financement par les entreprises et les autorités locales présente en effet des risques importants de solvabilité. La Chine connait en outre des bulles spéculatives, notamment boursières et immobilières.

19 des 29 principaux secteurs industriels chinois sont en situation de surcapacité . Dans l'industrie lourde notamment, les entreprises ont accumulé depuis plus de dix ans un niveau excessif de moyens de production par rapport à la demande, phénomène qui s'amplifie en raison de la crise mondiale. Dans l'acier, l'aluminium, le ciment, le verre ou la construction navale, le taux d'utilisation des capacités est compris entre 70 % et 75 %.

Le relèvement de certaines normes, notamment environnementales, permet d'ailleurs aux autorités de procéder à la restructuration de ces secteurs en surcapacité, en fermant des usines anciennes et déficitaires.

Différents axes de réformes ont ainsi été annoncés et mis en oeuvre : simplification des procédures administratives, ouverture des différents secteurs de l'économie aux capitaux privés, libéralisation des prix, efficacité et compétitivité des entreprises d'Etat, ouverture de secteur des services aux mécanismes du marché, création de nouvelles zones de libre-échange, amélioration de la qualité et de l'efficacité des investissements à l'étranger.

L'ensemble de ces réformes s'appuient sur des moyens d'actions des pouvoirs publics qui restent considérables . Les réserves de change sont proches de 4 000 milliards de dollars et continuent d'être alimentées par des excédents commerciaux toujours très importants malgré la moindre croissance. Plusieurs fonds souverains, comme le China Investment corporation ou le State administration of foreign exchange , disposent de capitaux considérables, supérieurs à 1 000 milliards de dollars. L'économie dépend encore largement d'entreprises publiques supervisées par la State-owned assets supervision and administration commission (SASAC). L'endettement global du pays atteint un niveau relativement élevé, mais le pouvoir central est peu endetté et les détenteurs de la dette sont principalement nationaux.

2. Une mutation du modèle qui se vérifie dans les chiffres du commerce mondial

De fait, le commerce extérieur chinois connait des mutations sensibles . Une étude du CEPII, publiée en mars 2015, révèle que, si la progression des échanges extérieurs chinois continue d'être plus rapide que celle du commerce mondial, la croissance a cessé d'être tirée par la demande extérieure et son orientation à l'exportation a fortement décliné. Ainsi, « le modèle « atelier du monde » parait désormais battu en brèche ».

L'indice de valeur des exportations de la Chine a connu une croissance très soutenue : elle atteint 887 en 2013 pour une base 100 en 2000. Ce mouvement est naturellement beaucoup plus marqué que dans les pays développés de plus longue date : les Etats-Unis, atteignent 202 à la même date, l'Allemagne 264 et la France 177. Il est plus accentué dans d'autres « BRIC » (le Brésil n'atteint que 439), mais il est proche de celui atteint par d'autres pays très dynamiques, comme le Viêt-Nam (915).

Ainsi, selon l'étude du CEPII, la Chine constitue de moins en moins, pour les entreprises étrangères, une plateforme d'assemblage et d'exportation et, de plus en plus, un marché intérieur à capter.

3. La « projection » des entreprises chinoises et de l'économie à l'international

En même temps qu'elle réorganise son économie à l'intérieur, la Chine cherche des relais de croissance à l'international.

Ainsi, en septembre 2013, le Président Xi Jinping a évoqué l'initiative de la « nouvelle route de la soie », qui s'apparente plus à un concept et à une stratégie qu'à une politique prédéfinie. Souvent appelée « One belt ; one road » (une ceinture ; une route), elle regroupe une route dite terrestre et une route dite maritime qui ont pour objectif de renforcer les connections du pays avec ses partenaires commerciaux, en Asie, en Afrique et jusqu'en Europe, en suscitant le développement d'un réseau d'infrastructures dans les domaines du transport, de l'énergie ou des communications.

Cette initiative s'appuie notamment sur la création d'un fonds de la route de la soie doté de 40 milliards de dollars chargé d'investir principalement dans les infrastructures, le développement des ressources, ainsi que dans la coopération industrielle et financière.

La Chine a également suscité, sur le plan multilatéral, la création d'autres organismes de financement d'infrastructures ou de développement.

Lors du Sommet qui s'est tenu à Oufa en Russie en juillet 2015, les « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se sont ainsi mis d'accord pour ouvrir une banque de développement , la New development bank , chargée d'investir, dans un premier temps, dans ces pays pour des projets structurants. Dotée de 50 milliards de dollars de capital aujourd'hui, cette banque pourra également jouer un rôle en matière de stabilité monétaire pour ses pays membres. Le groupe de travail a rencontré, à Shanghai, le vice-président chinois de cette nouvelle institution en cours de constitution.

Évoquée pour la première fois par le Président Xi Jinping lors d'un déplacement en Indonésie en octobre 2013, la Banque asiatique d'infrastructure et d'investissement (AIIB selon son acronyme anglais) a vu le jour au printemps 2015, ce qui révèle la capacité de la Chine à aller très vite lorsqu'elle a pris une décision. Dotée d'un capital de 100 milliards de dollars et de 57 pays fondateurs , son rôle est de financer des projets de développement en Asie. La France est membre fondateur de l'AIIB depuis la signature des statuts de la banque le 29 juin. Cette banque, dont ne sont pas membres les États-Unis et la Japon, a des missions proches de celles de la Banque asiatique de développement (BAD), au sein de laquelle le Japon dispose d'un rôle prédominant.

La création de ces outils spécifiques, substantiellement dotés en capital, permet à la Chine de contourner les organismes de Bretton Woods (Banque mondiale et FMI), dans lesquels son poids est faible, en particulier en raison du blocage de la réforme des droits de vote par le Congrès américain. Ces organismes permettront à la Chine de développer son influence et d'orienter les décisions d'investissement et d'infrastructures dans les pays en développement ou émergents, même si elle est toujours très attentive à partager le pouvoir et à ne pas paraitre seule décisionnaire.

Plus largement, les autorités incitent les entreprises chinoises à investir à l'international, comme l'a clairement indiqué au groupe de travail le ministre des finances, M. Lou Jiwei, rencontré à Pékin lors du déplacement.

Cette « projection », pour reprendre une expression entendue par les membres du groupe de travail lors d'un entretien en Chine, s'appuie également sur la négociation et la conclusion d' accords commerciaux . La Chine a ainsi conclu des accords de libre-échange avec la Corée, le Chili et l'Australie. Dans le même temps, plusieurs pays riverains du Pacifique négocient un accord plus global dit « transpacifique », qui exclut la Chine ; un accord semble avoir été trouvé fin septembre 2015 en vue de cet accord.

4. L'internationalisation du Yuan

Les autorités chinoises ont clairement fixé un objectif d'internationalisation de leur monnaie, le Yuan ou Renminbi selon la terminologie officielle, même si peu d'informations circulent quant à la vitesse de réalisation et au point d'arrivée de la convertibilité. Il s'agit de rendre le Yuan utilisable à l'extérieur du pays pour réaliser des transactions financières et commerciales, en particulier pour les non-résidents en Chine mais aussi pour les entreprises chinoises.

Cette politique répond naturellement à un intérêt économique mais aussi politique en termes d'influence du pays sur la scène internationale.

Diverses mesures ont été adoptées ces dernières années : libéralisation progressive des taux d'intérêts, ouverture du compte de capital pour les entreprises, développement des marchés financiers domestiques, signature de contrats pour créer des chambres de compensation dans un certain nombre de pays,...

Alors que le débat sur le niveau du Yuan a longtemps été intense, notamment aux États-Unis, le FMI a annoncé au printemps 2015 qu'il estimait que la monnaie chinoise n'était plus sous-évaluée. À cette occasion, le FMI indiquait que cette sous-évaluation a été dans le passé un facteur majeur d'importants déséquilibres. Il appelait tout de même à la nécessité de continuer d'ajuster « le taux de change à l'évolution des fondamentaux ».

En août 2015, la Banque centrale de Chine, dont le groupe de travail a rencontré le Gouverneur lors de son déplacement à Pékin, a modifié les modalités de calcul de la parité centrale du yuan par rapport au dollar américain. Les autorités chinoises remplissaient ainsi deux objectifs : volonté de poursuivre la politique de flexibilisation du taux de change ; dépréciation du yuan, dans un contexte de ralentissement marqué des exportations et de persistance des pressions déflationnistes.

Conformément aux axes de réforme de la « nouvelle croissance » et de la « nouvelle normalité », la Banque central a notamment justifié sa décision par le souci de promouvoir un système de fixation des prix davantage guidé par le marché.

La décision de la Banque centrale s'inscrit ainsi dans la continuité des politiques de réforme, mais elle intervient aussi à un moment opportun (alertes sur la croissance chinoise et ralentissement de la production industrielle), tout en s'inscrivant dans la volonté de mieux intégrer les instances internationales. En effet, alors même que la Chine crée des organismes multilatéraux qui peuvent apparaitre comme concurrents de la Banque mondiale ou du FMI, elle cherche aussi à mieux intégrer ces organismes. Elle vise notamment à ce que le Yuan entre dans le panier de monnaies qui sert de base de calcul aux Droits de tirage spéciaux du FMI.

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