N° 58

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 octobre 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la société de financement local (SFIL) ,

Par M. Maurice VINCENT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

La SFIL, Société de financement local, a été créée début 2013 après la cessation des activités de Dexia Crédit Local, qui détenait 40 % du marché du crédit bancaire au secteur public local. Elle est détenue à 75 % par l'État, 20 % par la Caisse des dépôts et 5 % par La Banque postale ; elle est l'unique actionnaire de la Caisse française de financement local.

La SFIL est en réalité la société autour de laquelle s'est organisé un dispositif public de financement des collectivités territoriales et des hôpitaux publics. Ainsi, La Banque postale (LBP) assure la commercialisation des prêts par l'intermédiaire de son réseau territorial, tandis que la Caisse des dépôts apporte des financements à la SFIL pour un montant maximal de 10 milliards d'euros. La CAFFIL, pour sa part, assure le refinancement de ces prêts par l'émission d'obligations foncières.

1. Une banque qui a trouvé sa place dans le paysage du financement local

Après bientôt trois années d'existence, l'ensemble SFIL/LBP est devenu le deuxième financeur du secteur public local , avec une part de marché estimée à 25 % . Ainsi, depuis sa création, environ 6,6 milliards d'euros de prêts ont été octroyés aux collectivités territoriales et un peu moins de 900 millions d'euros aux hôpitaux publics . La part de marché auprès des plus petites collectivités territoriales est supérieure à 50 %.

En outre, la CAFFIL, société de refinancement, filiale de la SFIL, se révèle capable d'émettre des volumes importants d'obligations foncières (4 milliards d'euros en 2014), sur des durées longues et à des taux particulièrement faibles, ce qui permet à La Banque postale de proposer des taux d'intérêt attractifs à ses clients. Elle est devenue un émetteur reconnu et recherché par les investisseurs européens et internationaux.

2. Premier enjeu - Démontrer la solidité de son modèle économique

Depuis la création de la SFIL, le contexte concurrentiel s'est transformé : le marché du crédit bancaire au secteur public local est passé d'une situation de pénurie à celle d'une abondance de financements .

En conséquence, malgré une importante part de marché, le dispositif public a octroyé un volume de prêts moins important que prévu (environ 3 milliards d'euros par an contre 5 milliards d'euros prévus) avec un taux de marge également inférieur à celui anticipé.

Les résultats de la SFIL ont ainsi été déficitaires en 2013 (- 68,9 millions d'euros) et en 2014 (- 33,8 millions d'euros) . Corrigé des éléments exceptionnels, le résultat 2014 reste négatif à - 4 millions d'euros.

Au vu de cette évolution, les actionnaires et la direction de la SFIL ont décidé de développer une nouvelle activité, celle du refinancement des crédits export, qui doit participer à son retour à l'équilibre financier . Elle expose cependant la SFIL à de nouveaux risques , devant être à la fois identifiés et maîtrisés. Cette nouvelle activité apparaît socialement utile puisqu'elle devrait permettre de réduire le coût des crédits export au bénéfice de grandes entreprises exportatrices , à l'instar de la pratique suivie par plusieurs de nos partenaires européens ou des États-Unis.

Dans les mois à venir, le marché du financement du crédit local va être confronté à une forte incertitude sur les investissements des collectivités territoriales et donc sur leur recours à l'endettement. La SFIL devra s'adapter à ce nouvel environnement, qui ne lui sera pas forcément favorable.

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Si le dispositif public de financement du secteur public local construit autour de la SFIL fonctionne, il faut aussi relever que les différents acteurs en présence ont des intérêts divergents. À moyen terme, il conviendra par conséquent de s'interroger sur le maintien d'une organisation aussi complexe .

3. Second enjeu - Réussir la désensibilisation

Au 31 août 2015, l'encours des emprunts toxiques détenu par la SFIL était de 5,4 milliards d'euros pour 658 emprunteurs - contre 8,5 milliards d'euros pour 879 emprunteurs au 31 décembre 2012.

Dans un premier temps, la politique de « désensibilisation » conduite par la SFIL a certes été volontariste dans son propos et son action, mais elle n'était pas accompagnée de moyens suffisants pour la rendre pleinement efficace . Elle a ainsi consenti 16,5 millions d'euros d'abandons de créance en 2013 et 9,9 millions d'euros en 2014, soit des montants élevés au regard de ses contraintes mais sans commune mesure avec les sommes restant à la charge des collectivités territoriales. Au demeurant, pour les emprunts les plus risqués (indexés sur le franc suisse), la SFIL a toujours considéré qu'une aide de l'État serait nécessaire .

Pendant plusieurs années, l'État a nié cette réalité. Il ne s'est véritablement engagé dans une gestion active du stock d'emprunts toxiques que lorsqu'il est devenu actionnaire de Dexia puis de la SFIL. Le jugement du 8 février 2013 du tribunal de grande instance de Nanterre relatif à l'absence de mention du taux effectif global sur les contrats de prêts a conduit, d'une part, au vote d'une loi de validation, d'autre part, à la mise en place de deux fonds de soutien (collectivités territoriales et hôpitaux), depuis longtemps attendus par les associations d'élus.

Initialement dotés de 1,5 milliard d'euros (pour les collectivités territoriales) et de 100 millions d'euros (pour les hôpitaux), les deux fonds de soutien ont dû faire l'objet d'un doublement pour le premier ( 3 milliards d'euros ) et d'un quadruplement pour le second ( 400 millions d'euros ), suite à l'abandon par la Banque nationale suisse du plancher de 1,2 franc suisse pour 1 euro au début de l'année 2015. Cet événement montre qu'un traitement plus précoce de la question des emprunts toxiques, dès 2008, aurait été beaucoup moins coûteux pour les finances publiques .

L'aide des fonds de soutien interviendra en contrepartie d'une renonciation aux contentieux. Il s'agit donc d'une décision lourde pour les collectivités territoriales et les hôpitaux concernés. S'agissant des collectivités territoriales, le fonds de soutien devrait notifier 2,7 milliards d'euros d'aides, dont 2 milliards pour les seuls prêts indexés sur le franc suisse, correspondant à 6,7 milliards d'euros d'encours de prêt et 6 milliards d'euros d'indemnités de remboursement anticipé .

Les indemnités de remboursement anticipé des prêts les plus risqués pourront être prises en charge à hauteur de 75 % par le fonds de soutien. Pour autant, en valeur absolue, le reste à charge pour les collectivités territoriales est parfois très important au regard de leurs capacités financières . Certaines devront parfois faire le choix d'une hausse très substantielle de la fiscalité locale ou bien de supporter un endettement insoutenable à moyen terme. Si le fonds de soutien permet de sortir du risque de volatilité et de hausse ininterrompue des taux d'intérêt, il ne règle pas la question de l'endettement. Un diagnostic précis des situations particulièrement critiques devra être établi pour que des solutions spécifiques soient rapidement proposées, en liaison avec ces collectivités.

Si l'on comprend bien qu'en tant qu'actionnaire, l'État souhaite favoriser la réalisation du plan d'affaires de la SFIL en offrant un nombre significatif de nouveaux crédits, il faut rappeler que l'État, garant de l'intérêt général, doit également veiller à ce que les propositions opérationnelles faites par la SFIL ne contribuent pas à un surendettement excessif des collectivités concernées. En conséquence, toute proposition doit être discutée étroitement avec les élus locaux et ne pas relever d'une approche exclusivement unilatérale.

Pour la SFIL, la mise en place du fonds de soutien va lui permettre d'assainir son bilan . Elle devra cependant relever un défi opérationnel majeur puisqu'elle va devoir traiter plus de 500 dossiers de désensibilisation dans les mois qui viennent.

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En juillet 2013, la Cour des comptes avait chiffré le coût de la faillite de Dexia à 6,6 milliards d'euros, comprenant notamment les recapitalisations successives par l'État et la Caisse des dépôts. Il convient désormais d'y ajouter les IRA à la charge des collectivités territoriales et hôpitaux ayant souscrit des emprunts toxiques (environ 6 milliards d'euros). Si l'on tient compte des crédits antérieurement désensibilisés, le sinistre de Dexia aura donc coûté à ce stade - et sous réserve de nouveaux événements pouvant affecter, dans un sens comme dans l'autre, les emprunts toxiques et le reste du portefeuille de Dexia Crédit Local - environ 13 milliards d'euros aux contribuables français .

Pour ce qui concerne la Belgique, le coût s'élève à 6,9 milliards d'euros, correspondant à la nationalisation de Dexia Bank Belgique et à la recapitalisation de Dexia.

Actuellement, le coût de cette faillite bancaire peut donc être évalué à environ 20 milliards d'euros .

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