B. CLARIFIER LES RÈGLES RELATIVES AU REMBOURSEMENT DES DÉPENSES DE CAMPAGNE DES CANDIDATS

Les modalités de remboursement forfaitaire aux candidats de tout ou partie de leurs dépenses de campagne sont peu lisibles . En l'absence de précision de la part du législateur sur ce qui constitue une dépense électorale ou une dépense électorale remboursable, c'est la CNCCFP qui, par ses décisions, est venue graduellement apporter des clarifications. La CNCCFP dispose ainsi d'un véritable pouvoir d'appréciation, sous le contrôle du juge . Mais cette démarche au coup par coup est insatisfaisante, et place les candidats dans une certaine insécurité juridique.

À titre d'exemple, la CNCCFP a, à l'issue du contrôle des comptes de candidats aux élections régionales de 2010, modifié sa jurisprudence relative à la prise en compte des intérêts d'emprunts déclarés par les candidats, en décidant de réduire de douze à neuf mois après l'élection la période maximale de comptabilisation des intérêts 40 ( * ) .

Il est d'ailleurs arrivé que des décisions de la CNCCFP s'agissant de la prise en compte ou non de certaines dépenses soient annulées par le juge administratif. Par exemple, la CNCCFP avait exclu des dépenses électorales remboursables les dépenses d'objets promotionnels, considérant que ceux-ci n'avaient ni pour finalité ni pour effet de contribuer au débat électoral. Saisi de différentes requêtes contre ces décisions, le Conseil d'État a jugé au contraire que ces dépenses devaient être prises en compte dans l'assiette des dépenses ouvrant droit au remboursement forfaitaire de l'État 41 ( * ) .

Le nombre de compte de campagnes réformés et les montants réformés à chaque élection sont un indicateur du faible niveau d'information des candidats quant aux dépenses pouvant faire l'objet d'un remboursement ou non . Selon le président de la CNCCFP auditionné par votre rapporteur spécial, environ 50 % des comptes de campagne font aujourd'hui l'objet d'une réformation. Lors des élections municipales de 2014, la Commission a pris 2 435 décisions d'approbation après réformation, sur 4 675 comptes de campagne examinés et 4 122 comptes pouvant prétendre au remboursement forfaitaire de l'État. Il est même permis de s'interroger sur la question de savoir si un tel niveau de réformation des comptes de campagne n'a pas une finalité budgétaire, en permettant un moindre remboursement des candidats.

Dans son rapport d'activité adopté le 30 mars 2015 42 ( * ) , la CNCCFP énumère les principaux motifs de retrait des comptes de certaines dépenses déclarées. Il s'agit de dépenses n'ayant pas de caractère électoral, de dépenses post-électorales ou engagées le jour du scrutin, de retranchements liés aux intérêts d'emprunt, du coût du matériel ramené à sa valeur d'usage, de requalifications de dons en apport personnel et de dépenses relatives à la propagande officielle (article R. 39 du code électoral). Si la jurisprudence de la CNCCFP concernant les dépenses effectuées le jour du scrutin ou post-scrutin ou la prise en compte de la valeur d'usage du matériel acheté est aujourd'hui clairement établie, il n'en va pas de même de l'appréciation relative à la nature électorale ou non de certaines dépenses de campagne.

La plupart des candidats sont de bonne foi, et voient le plus souvent leurs comptes réformés voire rejetés par méconnaissance des règles applicables à la tenue des comptes de campagne. Certes, la CNCCFP et le ministère de l'intérieur publient, à chaque élection, un memento à l'usage du candidat précisant certaines règles relatives aux dépenses électorales. Mais force est de constater que ces informations ne sont pas suffisamment exhaustives. Surtout, il n'est pas rare que des incohérences existent entre les décisions rendues par la Commission et les informations délivrées par les préfectures aux candidats .

Votre rapporteur spécial considère donc que l'information à destination des candidats sur les modalités de remboursement de leurs dépenses de campagne est largement perfectible. Il préconise donc que les informations délivrées par les services préfectoraux et par la CNCCFP soient harmonisées et propose pour cela la rédaction, conjointement par le ministère de l'intérieur et la Commission, d'un nouveau guide détaillant avec précision les dépenses relevant de dépenses électorales ou non , qui devrait être régulièrement actualisé en fonction des problèmes nouveaux pouvant surgir.

Recommandation n° 9 : améliorer l'information des candidats quant aux modalités de remboursement de leurs dépenses de campagne par la rédaction d'un nouveau guide exhaustif et harmoniser les informations délivrées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) et les services préfectoraux.

Un des problèmes récents auxquels a été confrontée la CNCCFP réside dans la prise en compte des dépenses effectuées dans le cadre de « primaires ouvertes » organisées par des partis politiques dans le compte de campagne du candidat désigné . En 2012, suite à l'organisation d'une « primaire ouverte » par le Parti socialiste, la Commission avait considéré que les dépenses du parti liées à l'organisation proprement dite de la primaire n'avaient pas à être comptabilisées dans le compte de campagne du candidat investi mais, qu'en revanche, les dépenses exposées dans l'année précédant l'élection et pour son propre compte par ce candidat devaient être comptabilisées comme dépenses électorales 43 ( * ) .

Par la suite, saisi par le Gouvernement sur cette question, le Conseil d'État avait, dans un avis du 31 octobre 2013, indiqué que les dépenses engagées ou effectuées à l'occasion d'une élection primaire ouverte à l'ensemble des électeurs devaient être considérées comme engagées en vue de l'élection et figurer dans le compte de campagne du candidat désigné 44 ( * ) .

Votre rapporteur spécial estime qu'afin d'éviter les recours contentieux et de clarifier définitivement la situation, cette doctrine proposée par le Conseil d'État mériterait d'être inscrite dans la loi .

Recommandation n° 10 : clarifier par la loi les règles d'imputation des dépenses effectuées lors de primaires « ouvertes » dans les comptes de campagne des candidats.


* 40 Une jurisprudence constante depuis 2004 fondée sur l'avis du Conseil d'État n° 263319 du 30 avril 2004 conduisait la CNCCFP à admettre comme imputables au compte de campagne et pouvant ouvrir droit au remboursement forfaitaire de l'État les intérêts d'emprunt réglés à l'établissement bancaire à la date de dépôt du compte, le cas échéant avec paiement par anticipation pour une période de douze mois à compter de la date de l'élection. Dans le cadre de l'examen des comptes de campagne des candidats aux élections cantonales de 2011, la commission a réduit de douze à neuf mois après l'élection la période maximale de comptabilisation des intérêts afin d'éviter tout risque d'enrichissement sans cause.

* 41 Conseil d'État, 3 décembre 2010, Le Pen.

* 42 CNCCFP, Seizième rapport d'activité 2014.

* 43 CNCCFP, Quinzième rapport d'activité 2012-2013.

* 44 Conseil d'État, avis n° 388003 du 31 octobre 2013.

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