QUELLES PERSPECTIVES LES NOUVELLES TECHNIQUES PHOTOVOLTAÏQUES OFFRENT-ELLES ?

M. Daniel Lincot, directeur de recherche, CNRS, École nationale supérieure de chimie. Merci de votre invitation. Je suis très heureux de pouvoir intervenir au sein de ce débat.

Je suis chercheur, directeur de recherche au CNRS et, par ailleurs, directeur scientifique de l'Institut photovoltaïque Île-de-France.

Le premier élément permettant d'apprécier l'évolution des technologies du domaine photovoltaïque dans la transition énergétique est de comparer l'évolution de la part de ces technologies dans la production d'électricité aujourd'hui. On constate une croissance importante en quelques années : aujourd'hui, près de 1 % de la production électrique mondiale est d'origine photovoltaïque. De façon plus différenciée, certains pays apparaissent pionniers dans ce domaine : ainsi, ce chiffre atteint 7 % en Allemagne, en Italie et en Grèce. En France, il vient de dépasser 1,2 %, avec pratiquement 6 gigawatts installés.

La poursuite de cette progression fera que, de plus en plus, l'énergie solaire photovoltaïque sera considérée comme une réponse aux demandes formulées dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

Les projections à l'horizon 2020 font état de quasiment 500 GW. L'Agence mondiale de l'énergie prévoit, par ailleurs, que 16 % de l'électricité mondiale sera produite par ce biais en 2050, avec près de 4,5 TW. Ainsi, l'énergie photovoltaïque est entrée dans l'ère du térawatt.

Outre ces perspectives, il est intéressant de considérer la vitesse de progression de ce domaine. Cette progression s'est faite bien entendu pour des motifs de coût, mais aussi pour des raisons techniques. J'y reviendrai dans la deuxième partie de ma présentation.

En un an, la Chine a installé 10 GW, le Japon quasiment autant, les Etats-Unis 6,2 GW et la France pratiquement 1 GW. La vitesse d'installation de ces nouvelles technologies est donc considérable.

L'une des raisons profondes de ce développement est l'abaissement des coûts de production de l'électricité photovoltaïque. Voici cinq ou six ans, cela coûtait 0,6 euro du kWh. On se situe aujourd'hui dans des gammes voisines de 0,1 euro, parfois moins, et l'on estime que cela pourrait, à l'horizon 2050, baisser encore pour atteindre 4 centimes d'euro du kWh.

Cette évolution est le résultat d'effets d'échelle mais aussi d'effets technologiques. Il faut ainsi savoir que le rendement moyen des modules des cellules photovoltaïques est passé, en quelques années, de 11 % à 15 %. Aujourd'hui, les rendements record des cellules au silicium cristallin sont de 25,6 %. Ces nouvelles architectures s'éloignent profondément des précédentes. Il s'agit de petits bijoux technologiques, installés sur des milliers ou des centaines de kilomètres carrés, à bas coût. C'est un point essentiel.

Outre le silicium, il convient de citer également le cas des couches minces, pour lesquelles nos collègues allemands obtiennent des rendements de 21,7 % maximum sur du verre et 20,4 % sur du flexible.

On voit donc se dégager aujourd'hui deux grandes tendances avec, d'un côté, de très hauts rendements, de l'autre, de nouvelles applications sur du flexible et des couches minces.

Ces progrès vont se poursuivre et l'un des objectifs pourrait être de se diriger, au-delà de 2020, vers des modules standard présentant un rendement de l'ordre de 20 %.

On dispose aujourd'hui, sur le plan technique, de moyens permettant d'aller au-delà de 30 % de rendement, à condition d'utiliser des concepts « multijonctions ». Les cellules d'aujourd'hui moyennent leur réponse sur tout le spectre solaire. L'idée de cette nouvelle technologie est de superposer des cellules qui travaillent très bien dans le bleu et d'autres qui font de même dans le rouge. En les faisant intervenir de façon combinée, on peut envisager des ruptures de rendement. Ainsi, des tandems, composés de deux jonctions, peuvent atteindre des rendements maximum de 40 %. On peut donc imaginer obtenir, dans quelques années et grâce à ces cellules tandems, des rendements moyens supérieurs à 30 %.

En outre, un cap supérieur pourra être franchi et de nouveaux points de rupture atteints grâce à des innovations dans le domaine des matériaux. Peut-être avez-vous entendu parler de cellules à colorant, de cellules organiques, etc . Une recherche se développe aujourd'hui sur l'abaissement des coûts de nouveaux matériaux permettant au photovoltaïque de franchir des étapes supplémentaires.

Des travaux sont également menés pour aller vers des concepts supérieurs à 50 % de rendement, théoriquement envisageables en utilisant de la plasmonique et de la photonique.

J'aimerais attirer ici votre attention sur la vitesse à laquelle une technologie nouvelle est apparue, même si elle reste non mature. Il est important de noter que cette technologie dite « perovskite », qui est un nouveau matériau pour le photovoltaïque, est passée, entre 2009 et 2015, de 3 % à 20,1 % de rendement. Il faut souligner que cette technologie bénéficie de tous les efforts de recherche menés préalablement sur d'autres matériaux et structures. Ainsi, les progrès ne surgissent pas d'un acte isolé mais sont le fruit de la mise en commun des savoirs accumulés.

Ces évolutions vont conduire à des multi-usages. On trouvera ainsi, bien entendu, du photovoltaïque intégré aux bâtiments mais aussi déployé, par exemple, dans l'agriculture. Tous ces nouveaux usages, en relation proche avec le citoyen, vont et doivent susciter des efforts de recherche, afin d'associer au plus près l'innovation technologique et le contact avec le développement et l'implémentation de ces technologies.

Parmi ces nouveaux usages, figure le couplage des systèmes photovoltaïques avec le stockage, qui est en plein développement expérimental.

Il me semble ainsi essentiel d'insister sur l'importance de la recherche fondamentale dans ce domaine mais aussi sur la nécessité d'accélérer les transferts industriels au bénéfice de la société, c'est-à-dire de ne pas mettre des décennies pour identifier et développer de nouvelles pistes technologiques.

Cela suppose, à l'avenir, une meilleure coordination entre les centres de recherche, en France, en Europe et dans le monde, ainsi qu'un approfondissement de leurs liens avec l'industrie.

Je terminerai en soulignant également l'importance des politiques publiques. En effet, tout cela n'aurait pas eu lieu si, à un moment donné, la décision n'avait pas été prise par les États - notamment en Allemagne, au Japon ou encore en France à l'occasion du Grenelle de l'environnement - de mener une politique en ce sens.

Il convient enfin d'insister sur le lien avec les citoyens, indispensable à l'acceptabilité de ces évolutions.

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