COMMENT INNOVER EN STOCKANT MASSIVEMENT DU CARBONE DANS LES SOLS (À LA CAMPAGNE), ET SUR LES MURS ET LES TOITS (DANS LES VILLES) ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée, docteur en sciences de la Terre. Le titre de cet exposé est, j'en conviens, quelque peu provocateur. Mais cette petite provocation n'en est, en fait, pas complètement une puisqu'il s'agit à mon sens, en matière d'innovation, de la grande question.

La poursuite des objectifs affirmés à l'occasion du Protocole de Kyoto s'est effectivement mise en route en 1997. Puis est arrivé 2013, et les choses se sont compliquées.

Ainsi, si l'on ressent une ambition et une prise de conscience mondiale, le décrochage des institutions, des pays, et même du citoyen qui estime tout cela très éloigné de lui et lui échappant quelque peu, n'en est pas moins perceptible. S'installe alors une sorte de culpabilité collective, sans forme, une espèce d'ectoplasme politique, institutionnel, administratif voire scientifique.

La question de l'innovation est donc centrale, dans la mesure où l'innovation ne peut, par nature et par fonction, être globale. Elle est forcément locale, relève de quelques personnes seulement et de la capacité de ces intelligences à trouver les capitaux nécessaires pour investir.

Une angoisse collective s'est ainsi peu à peu développée et cristallisée autour de la question du carbone. Il s'agit d'un sujet fondamental, dans lequel chacun a sa part de culpabilité. On pense tout d'abord aux mégapoles, qui regroupent environ 300 millions d'habitants de par le monde. On songe également aux déserts, dont le sous-sol recèle généralement du pétrole, et au monde agricole. M. Jean Jouzel expliquait précédemment qu'un changement dans les pratiques agricoles pourrait améliorer de 20 % la situation au regard du gaz carbonique. Dans ces conditions, faut-il interdire l'exploitation des forêts et les transformer en grands musées de la biodiversité et du carbone ? Il faut savoir que le carbone est déjà stocké dans les forêts et qu'il ne sera pas possible de faire mieux.

Faut-il ne pas utiliser le bois comme matériau de construction, de manière massive, sans jamais de destruction ?

On se situe vraiment là au coeur de questions économiques, sociales, et financières cruciales. Peuvent-elles être résolues à une échelle mondiale ?

Cela renvoie à la question, évoquée dans l'intitulé de mon exposé, de la possibilité d'un enfouissement du carbone dans les sols par les lombrics, dont je rappelle que la masse totale sur la planète est supérieure à celle de toutes les autres populations animales. Est-ce une solution ? Rien n'est moins sûr. J'ai lu, en effet, récemment dans une publication que les lombrics, loin de stocker massivement le carbone pour obtenir de belles terres grasses et noires partout dans les zones calcaires, contribueraient au bout du compte à un tiers de la production du carbone mondial, dans la mesure où les trous creusés dans le sol par leurs soins l'aèrent et provoquent finalement le dégazement.

On se situe à un tel niveau d'inquiétude et d'angoisse que l'on dit et entend tout et son contraire en l'espace de quelques décennies, de quelques années, voire de quelques semaines.

La question de l'innovation est fondamentale car elle nous ramène au local et à ce qui est possible, constructible et souhaitable.

Le carbone est aujourd'hui un problème essentiel, tout comme la question, moderne et nouvelle, posée dans le monde entier et notamment au Sud, de l'utilisation des murs et des toits des immeubles pour produire du végétal, et ainsi stocker du carbone et nourrir les gens.

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