DEUXIÈME PARTIE - CLARIFIER LA SITUATION DES CONSEILLERS TECHNIQUES SPORTIFS

A. LE CONSTAT : DES CONSEILLERS INDISPENSABLES TRIBUTAIRES D'UNE GESTION PARADOXALE

1. Des conseillers indispensables à l'animation du sport de haut niveau dans les territoires

L'article L. 131-12 du code du sport prévoit que « des personnels de l'État ou des agents publics rémunérés par lui peuvent exercer auprès des fédérations agréées des missions de conseillers techniques sportifs [CTS] ». Leur statut est précisé par l'article, de nature réglementaire, R. 131-16 du même code qui prévoit, notamment, quatre catégories de CTS : directeur technique national, entraîneur national, conseiller technique national ou conseiller technique régional. Ces CTS ont principalement pour mission le développement, au sein des fédérations sportives auprès desquelles ils interviennent, du sport de haut niveau, par la détection des jeunes talents, la formation, et le perfectionnement des élites.

Article R.131-16 du code du sport

« Les missions de conseillers techniques sportifs susceptibles d'être exercées auprès des fédérations sportives au titre du deuxième alinéa du V de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 susvisée sont celles de directeur technique national, d'entraîneur national, de conseiller technique national ou de conseiller technique régional.

« Ces missions portent en priorité sur le développement des activités physiques et sportives, et en particulier sur la pratique sportive au sein des associations sportives ainsi que sur la détection de jeunes talents, le perfectionnement de l'élite et la formation des cadres, bénévoles et professionnels.

« La mission de directeur technique national est de concourir à la définition de la politique sportive fédérale, de veiller à sa mise en oeuvre et de contribuer à son évaluation. Dans le cadre de l'accomplissement de sa mission, il dirige et anime la direction technique nationale de la fédération.

« La mission de l'entraîneur national est d'encadrer les membres des équipes de France et de participer à l'animation de la filière d'accès au sport de haut niveau de la fédération.

« Les missions de conseiller technique national et de conseiller technique régional sont respectivement de mener, l'un au niveau national et l'autre au niveau territorial, des tâches d'observation et d'analyse, de conseil et d'expertise, d'encadrement de sportifs, de formation des cadres, d'organisation et de développement de l'activité sportive de la fédération intéressée.

« Les personnels exerçant ces missions sont chargés de mettre en oeuvre la politique sportive définie par la fédération.

« Cette politique fait l'objet d'une contractualisation entre la fédération et l'État dans le cadre de la convention d'objectifs mentionnée à l'article R. 411-1. Les personnels exerçant les missions de conseillers techniques sportifs restent soumis durant toute la durée de l'exercice de leurs missions, selon les cas, à l'autorité du ministre chargé des sports ou du chef de service déconcentré. »

Au total, ce sont 1 623 agents de l'État qui interviennent, en 2015, auprès des fédérations en qualité de conseillers techniques sportifs . Leur rémunération brute s'élevant en moyenne à 69 360 euros, les CTS représentent une aide de l'État qui peut être valorisée à environ 112,6 millions d'euros - soit davantage que les subventions directes .

Les fédérations rencontrées par votre rapporteur spécial ont d'ailleurs toutes souligné l'importance de ce vivier pour le fonctionnement de la fédération et le développement de son haut niveau . C'est en particulier le cas des petites fédérations, notamment les fédérations non olympiques comme la pelote basque, ou des fédérations dont les ressources propres sont limitées, comme l'escrime. Cependant, même les fédérations les plus importantes sont attachées aux CTS placés par l'État auprès d'elles : ainsi, la fédération française de football considère ainsi que le nombre de ses CTS, au regard du nombre de licenciés et de la vitalité de son réseau, est « inexplicablement injuste ».

Parmi les CTS figure une catégorie spécifique constituée des cadres sous contrats de droit public, soit contrat de préparation olympique (CPO) soit contrat de haut niveau . Ces contrats concernent l'encadrement national des fédérations (DTN, DTN adjoint, EN). Ce statut, qui concerne aujourd'hui environ 400 agents, avait notamment pour objet, à l'origine, de permettre aux fédérations de disposer de cadres pour la préparation des athlètes sur la durée de l'olympiade, tout en permettant une rémunération plus importante (le contrat prévoit une augmentation de 15 % de la rémunération par rapport à la rémunération de base du fonctionnaire). L'extension et les conditions de mise en oeuvre de ces contrats , y compris sous la forme de détachement du ministère des sports vers ce même ministère, a fait l'objet de certaines critiques de la part de la Cour des comptes dans son rapport de 2013 précité, qui considérait qu'une telle procédure de détachement nécessitait une base législative manquante (cf. infra ).

2. Une répartition qui évolue lentement, dans le cadre d'une légère réduction du nombre de conseillers

Globalement, le nombre de CTS a toutefois connu une légère diminution sur la période récente. Ils sont ainsi passés de 1 680 en 2012 à 1 622 en 2014 (- 3,45 % en trois ans) .

Cette diminution s'est concentrée sur les fédérations pour lesquelles les ressources propres et le développement du sport professionnel permettent le recrutement de conseillers fédéraux pris en charge directement par les fédérations . C'est notamment le cas de l'athlétisme et du football, dont le nombre de CTS est passé respectivement de 111 et 91 en 2000 à 91 et 61 en 2014.

Le graphique ci-dessous illustre cette évolution pour les fédérations disposant des plus gros contingents de CTS, ainsi que celles qui présentent un sport professionnel relativement développé. À la lecture de ces données, on peut s'étonner de la diminution relativement faible des CTS de certaines fédérations qui présentent pourtant des leviers de financement alternatifs, comme le rugby ou le tennis . Même la fédération de football, qui est de loin la fédération sportive disposant des ressources propres les plus importantes, a encore en 2014 61 CTS, soit significativement plus que la moyenne des fédérations.

Évolution du nombre de CTS placés auprès des fédérations sportives depuis 2000

Source : commission des finances, d'après les données de la direction des sports

Cette situation reflète le constat dressé il y a trois ans par la Cour des comptes qui avait souligné, dans son rapport précité, qu'« en l'absence de critères objectifs d'affectation des postes entre les différentes fédérations, leur répartition résultait en fait largement du maintien des situations acquises ». Elle notait, à cet égard, la rigidité des affectations, les CTS étant souvent recrutés pour leur expertise dans une discipline, rendant difficiles les redéploiements.

3. Un statut ambivalent, une gestion des ressources humaines éclatée

Le statut des CTS est ambivalent . N'étant pas mis à disposition des fédérations, ils restent donc hiérarchiquement rattachés soit au directeur des sports (pour les conseillers sous contrats) soit aux directions régionales de la jeunesse et des sports (pour les autres conseillers) . Fonctionnellement, ils sont soit suivis par le directeur technique national s'agissant des cadres techniques nationaux (CTN et ETN), soit par les directions régionales de la jeunesse et des sports s'agissant des conseillers techniques régionaux.

Le maintien de l'autorité hiérarchique de l'État s'explique aisément par la fonction historique des CTS, qui est de mettre en oeuvre la politique nationale du sport auprès des fédérations , de constituer des relais de l'action de l'État dans les fédérations. Toutefois, la durée de leur intervention, ainsi que le suivi très limité de leur action par l'autorité hiérarchique rendent difficile l'exercice réel d'une gestion des ressources des CTS par leur autorité hiérarchique .

Afin de renforcer et homogénéiser le suivi des CTS par leur autorité hiérarchique, un arrêté du 30 avril 2012 8 ( * ) a créé un « centre de gestion opérationnelle des conseillers techniques sportifs » sous la forme d'un service à compétence nationale , qui a pour mission d'assurer le suivi de la répartition par fédération sportive des effectifs de CTS et contribue à la programmation des recrutements de ces agents. Il propose, en liaison avec l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), les orientations et les objectifs de formation initiale et continue des CTS. Il assure, enfin, un accompagnement des carrières des CTS.

Cependant, d'après les présidents de fédérations rencontrés par votre rapporteur spécial, la gestion des CTS demeure un point de difficulté, voire, parfois, d'incompréhension entre les fédérations et l'État . Certaines fédérations sportives regrettent d'être mises, du fait du statut des CTS, dans l'incapacité de gérer leur carrière sur le long terme ou de demander des comptes aux CTS sur l'exercice de leurs missions . C'est notamment le cas des fédérations les plus importantes, comme celle de natation, ou encore celle de tennis dont le directeur général rencontré par votre rapporteur spécial, a indiqué que la différence de statut entre les CTS et les autres cadres de la fédération avait rendu impossible la mise en place par la fédération d'un management fondé sur l'évaluation et les primes à la performance. C'est également le cas de fédérations de taille plus réduite et non olympique, comme celle de parachutisme ou celle de motocyclisme, qui a indiqué que « une clarification de leur statut serait souhaitable notamment en matière de droit du travail ».

En outre, les fédérations sont souvent critiques sur le renouvellement limité des CTS et en particulier des CTR , intervenant dans une discipline et sur un poste ou un territoire depuis des années.

Reflet de leur statut dérogatoire, la rémunération des CTS est composée de trois éléments : un traitement de base en tant que professeur de sport ; un complément subventionné, versé par l'État sur les crédits du programme 219 (3,04 millions d'euros en 2014) ; éventuellement, un complément versé par les fédérations, dont le montant n'est jusqu'à aujourd'hui pas plafonné.


* 89 Arrêté du 30 avril 2012 portant création d'un service à compétence nationale au sein de la direction des sports dénommé « centre de gestion opérationnelle des cadres techniques sportifs.

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