B. L'IDENTIFICATION DES VOYAGEURS, UNE QUESTION LIÉE MOINS À LA SÉCURITÉ QU'À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE

1. La difficulté d'imposer un titre d'identité obligatoire sur la voie publique

Le choix d'imposer le port obligatoire d'une carte d'identité a été écarté à plusieurs reprises par le législateur, aussi bien par la loi n° 83-466 du 10 juin 1983 portant abrogation ou révision de certaines dispositions de la loi n° 81-82 du 2 février 1981 et complétant certaines dispositions du code pénal et du code de procédure pénale, que par la loi n° 86-1004 du 3 septembre 1986 relative aux contrôles et vérifications d'identité. Une telle mesure avait été précédemment adoptée par le régime de Vichy, puis supprimée en 1955.

Par ailleurs, dans la mesure où les agents de la SNCF ou de la RATP ne peuvent pas solliciter la présentation d'une pièce d'identité, rendre obligatoire le port d'un titre d'identité ne garantit pas que celui-ci sera davantage présenté, à la demande des agents. En cas de refus ou d'impossibilité de justifier de l'identité, les agents de la SNCF ou de la RATP - comme d'ailleurs les agents de police non OPJ - ne pourront qu'appliquer la procédure actuelle, consistant à demander à un OPJ de procéder à une vérification d'identité.

En outre, l'existence d'un délit spécifique fondé sur l'absence d'un titre d'identité ne permettrait en soi aucun moyen de coercition supplémentaire au bénéfice des agents privés.

Enfin, une telle mesure pourrait être considérée comme portant une atteinte au principe constitutionnel d'aller et venir , dans la mesure où cette liberté serait conditionnée par le fait de disposer d'un document particulier, attestant l'identité de la personne sans que les avantages escomptés en matière de protection de l'ordre public, qui est également un principe constitutionnel, ne soient avérés puisqu'en tout état de cause, les agents de sécurité ne pourront pas contrôler effectivement l'identité de la personne.

Sans doute, l'obligation de disposer d'un titre d'identité existe en Espagne, mais cette obligation ne permet toutefois pas de fonder une mesure de vérification de l'identité plus coercitive que celle qui existe en France. Par ailleurs, il n'existe aucune obligation de détenir un titre d'identité, en Allemagne comme aux États-Unis, sans que cela entraîne des difficultés particulières en matière de sécurité.

2. Les billets nominatifs, un choix commercial des exploitants

Le choix de billets nominatifs par une société de transport - ce qui est une pratique déjà observée dans le transport aérien mais aussi dans le transport de personnes par autocar -, permet aux contrôleurs privés de ces sociétés de contrôler que la personne qui souhaite embarquer est bien le titulaire du billet.

Ces contrôles ne s'exercent pas pour des raisons de sécurité, mais pour des raisons commerciales , en particulier la lutte contre la fraude . Le refus de présenter une pièce d'identité par le voyageur entraîne la rupture du contrat et permet donc de refuser l'accès au moyen de transport.

Créer des billets nominatifs pourrait se justifier pour lutter contre la fraude mais ne présente aucun apport particulier en matière de sécurité : en effet, pour cela, la société devrait contrôler les noms au regard d'un fichier, ce qu'elle ne peut pas faire, dans la mesure où cela consisterait à déléguer des prérogatives de puissance publique à des personnes privées ou à les faire participer à des missions régaliennes, ce que le Conseil constitutionnel a censuré dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure précitée.

Enfin, le choix de billets nominatifs comporte des limites pratiques : dans le métro ou dans les trains de banlieue, une telle mesure nécessiterait d'importantes modifications pratiques et techniques pour les exploitants comme pour les usagers, même si le recours fréquent à des abonnements s'apparente de fait à un voyage avec un titre nominatif.

Le choix de billets nominatifs ne s'inscrit donc pas dans le cadre de la présente mission ; il relève d'abord des opérateurs, qui peuvent le mettre en oeuvre de manière contractuelle , sans modification législative.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page