B. L'ALLEMAGNE, MOTEUR DE L''UNION EUROPÉENNE ?

L'Allemagne occupe une place centrale dans les institutions européennes. Premier pays de l'Union par son économie mais également par sa population, elle compte, avec 96 députés, la première délégation au Parlement européen. Elle dispose également de 29 voix au Conseil, comme la France, l'Italie et le Royaume-Uni. L'Allemagne n'a cessé d'affirmer son profond ancrage européen depuis les débuts de la construction européenne et notamment à l'occasion de la crise de la zone euro.

La République fédérale d'Allemagne est le plus grand contributeur net de l'Union (19,7 % du budget européen en 2014 contre 16,7 % pour la France) ; elle est aussi le premier contributeur (27 %), juste devant la France (20 %), au Mécanisme européen de stabilité créé en 2012.

1. Des performances économiques au service de son ambition européenne ?

Au plan économique, l'Allemagne n'a pas été épargnée par la crise économique et financière (- 5,1 % de PIB en 2009). Mais les taux de croissance contrastés des années suivantes pourraient susciter bien des « jalousies » : + 3,5 % en 2010, + 3 % en 2011, + 0,7 % en 2012, + 0,3 % en 2013, + 1,5 % en 2014. Les projections gouvernementales sont plutôt optimistes pour les exercices à venir, même si la croissance devrait progresser à un niveau modéré : + 1,6 % en 2015, + 1,6 % en 2016 et + 1,3 % les trois années suivantes.

L'excédent commercial (217 milliards d'euros) et l'excédent des transactions courantes (215,3 milliards d'euros soit 7,4 % du PIB) ont encore atteint, en 2014, des niveaux records. En 2015, on s'attend à une progression des exportations de + 4 %.

Après une augmentation de + 0,6 % en 2013, l'emploi total aurait progressé en 2014 de + 0,9 % (42,7 millions d'emplois). Le chômage, au sens du Bureau international du travail, a diminué de 3,5 %, le taux de chômage s'établissant à 4,7 % contre 4,9 % en 2013.

Au plan des finances publiques, le gouvernement fédéral prévoit pour 2015 un solde budgétaire fédéral équilibré pour la première fois depuis 1969. La programmation financière retient, d'ailleurs, un solde budgétaire légèrement excédentaire pour l'ensemble de la période 2015-2019.

Le budget fédéral rectificatif pour 2015, adopté le 29 septembre dernier, prévoit 5,1 milliards d'euros de dépenses supplémentaires notamment pour faire face à l'afflux des réfugiés. Notons qu'un système de péréquation financière est appliqué aux Länder : en 2014, seuls quatre États fédérés étaient contributeurs nets (la Bavière, le Bade-Wurtemberg, la Hesse, et Hambourg) ; Berlin était le principal bénéficiaire.

Relevons enfin que le ratio dette/PIB demeure élevé : 74,7 % en 2014. Le gouvernement fédéral s'efforce d'améliorer ce ratio, l'objectif étant de le réduire à 61,5 % en 2019.

Ces performances économiques ne sauraient cependant constituer un tout aux yeux de la Commission européenne. L'Allemagne est, en effet, concernée par le mécanisme d'alerte des déséquilibres macro-économiques, mis en place dans le cadre de la procédure pour déséquilibre excessif introduite par le six-pack en décembre 2011. La Commission européenne souligne notamment l'insuffisance de ses investissements public et privé, affectant ainsi la consolidation de sa croissance économique. Elle considère également que ses excédents commerciaux, régulièrement supérieurs à 6 % du PIB, sont dangereux pour la stabilité et estime qu'il convient de favoriser les investissements pour doper les importations. Le déséquilibre n'est pas, cependant, considéré comme excessif.

2. Une adhésion moindre depuis la crise dite de la zone euro ?

La crise des dettes souveraines qui a affecté la zone euro à partir de 2009 a conduit à un certain « essoufflement » de l'élan européen dans l'opinion allemande : en janvier 2015, 60 % de l'opinion allemande soutenaient, selon les sondages, une sortie de la Grèce de la zone euro. La population est assez critique à l'égard d'un certain nombre de ses partenaires peu enclins à accomplir les réformes structurelles qu'elle-même a menées à leurs termes, facilitant le retour de la croissance dans le pays. Parallèlement, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe, en s'attachant à défendre depuis 2009 les prérogatives du Bundestag, contribue un peu plus à encadrer l'action du gouvernement allemand au sein de l'Union européenne, au risque de fragiliser la prise de décision.

C'est à l'aune de cette double pression populaire et juridique qu'il convient d'analyser la fermeté du Gouvernement allemand dans les négociations avec la Grèce pour le versement d'une nouvelle tranche du prêt international puis la signature d'un troisième plan d'aide. Il en va de même en ce qui concerne sa position sur la discipline budgétaire au sein de la zone euro et les réserves exprimées sur l'introduction en janvier 2015, par la Commission européenne, de nouvelles clauses de flexibilité (investissements, réformes structurelles, chocs économiques) dans l'application du Pacte de Stabilité et de Croissance, et les critiques de la Bundesbank à l'égard de la Banque centrale européenne quant à la politique de rachats de titres mise en place par cette dernière (SMP, OMT, assouplissement quantitatif). Tout écart avec l'orthodoxie budgétaire ou financière est envisagé comme un facteur potentiel de nouvelle crise des dettes souveraines.

La crise des migrants contribue également à renforcer ce scepticisme d'une partie de l'opinion publique à l'égard de l'Union européenne. L'Allemagne a ainsi accueilli environ 1,1 million de demandeurs d'asile en 2015, la plupart utilisant la route des Balkans. 206 101 personnes ont ainsi été enregistrées pour le seul mois de novembre. 428 468 réfugiés proviennent de Syrie, 154 046 d'Afghanistan, 121 622 d'Irak. Près de 100 000 demandeurs d'asile sont issus de pays d'Europe : 69 426 Albanais et 33 049 Kosovars. Les capacités d'accueil allemandes sont fortement sollicitées, au risque de susciter des tensions au sein de la population. Le gouvernement a annoncé le recrutement par l'Office fédéral des migrations et des réfugiés (BAMF) de 4 000 collaborateurs supplémentaires en 2016, une aide de 670 euros par mois et par demandeur devant être versée aux communes et aux Länder afin d'améliorer la prise en charge. Par ailleurs, d'après les estimations du ministère du travail allemand, seuls 10 % des réfugiés pourraient être immédiatement intégrés sur le marché du travail, 30 % auraient besoin de plusieurs années, 20 % étant analphabètes. De fait, après avoir décidé d'accueillir massivement des réfugiés fin août 2015 avant de réintroduire des contrôles aux frontières une semaine plus tard, l'Allemagne est aujourd'hui plus exigeante à l'égard de ses partenaires européens, insistant sur une répartition équitable des réfugiés, une meilleure coordination de la politique des États membres, une ouverture à l'égard des pays tiers et en particulier la Turquie, le renforcement des points d'accueil ( hot spots ) et du contrôle aux frontières, au risque de susciter des tensions avec ses partenaires, à l'image de l'Autriche.

En dépit de ces difficultés, l'Allemagne tend toujours à constituer une force de proposition en matière européenne. Il convient ainsi de mettre en avant le consensus apparu au Conseil européen de juin 2015 entre les trois États du « triangle de Weimar » (créé en 1991 et réunissant depuis 2004 l'Allemagne, la France et la Pologne) sur l'indispensable construction d'une « Europe de la défense ». La quasi-totalité de l'effort de défense allemand est pour l'heure consacré à l'OTAN, considérée comme la principale enceinte légitime pour les sujets relatifs à la sécurité et à la défense. Le volet militaire de la Politique de sécurité et de défense commune (PSCD) est, en effet, perçu comme secondaire. Dans le cadre de l'OTAN, l'Allemagne contribue de manière significative aux opérations en Afghanistan, son engagement étant le plus important, en nombre, en durée et en intensité à l'étranger depuis la Seconde guerre mondiale. L'Allemagne est également partie prenante au sein de la KFOR au Kosovo et participe de manière substantielle aux mesures de réassurance prises par l'OTAN en faveur des membres d'Europe orientale dans le cadre de la crise ukrainienne.

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