EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 14 janvier 2016 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Jean Bizet, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet, président . - Cette rencontre avec nos collègues du Bundesrat devrait être suivie, dans les prochains mois, d'une nouvelle réunion, organisée cette fois-ci au Sénat. Trois sujets devraient faire l'objet de travaux communs. D'abord, il importe que le tandem franco-allemand définisse une position commune sur le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (dit « TTIP », pour Transatlantic Trade and Investment Partnership), qui donnera une orientation forte pour les 28. Le deuxième sujet concerne la politique européenne de l'énergie, au coeur de la réindustrialisation de notre continent. Ne nous le cachons pas : s'il est signé, le TTIP déclinera simplement la politique nationale des États-Unis en matière d'énergie. Enfin, le troisième sujet porte sur le marché unique du numérique.

Nous avons publié voici quelques années une déclaration commune sur la PAC. Depuis la situation s'est dégradée dans certains départements, notamment en Normandie dans la filière laitière. Je crains que les visions française et allemande des problématiques agricoles ne divergent de plus en plus, l'Allemagne ayant rejoint le camp des pays libéraux. En matière agricole, l'ultra-libéralisme n'est pas la solution.

M. Daniel Raoul . - En effet, s'agissant du TTIP, l'Allemagne et la France tiendront des positions divergentes dans la négociation. Le poids de l'agriculture devient marginal chez notre voisin, et sa pugnacité en sera réduite d'autant. Malgré tout, j'ai été frappé par la communauté de vues entre nos deux commissions.

À la page 33 du projet de rapport, dans le point 3 de la déclaration commune, il me semble qu'une erreur de traduction doit être corrigée afin notamment de viser la « communauté de valeurs européennes ».

M. Simon Sutour . - Il est utile de rencontrer les commissions des affaires européennes des autres États membres, comme nous le faisons pour la deuxième fois avec l'Allemagne et chaque année avec l'Italie.

Le projet de rapport explique bien ce qu'est le Bundesrat, que certains présidents de groupe considèrent comme le nec plus ultra du bicamérisme, alors que ses pouvoirs sont limités. La rencontre commune de nos deux commissions avec les deux commissaires européens - M. Mimica, que nous avions entendu en sa qualité de président de la commission croate des affaires européennes, et M. Avramopoulos, ancien maire d'Athènes et membre de la Vouli - a été particulièrement fructueuse. C'est une bonne méthode de travail. La France et l'Allemagne représentent 150 millions d'habitants et le tiers du PIB de l'Union européenne.

Sur la forme, la déclaration commune n'est pas celle des deux commissions, mais celle de leurs présidents, à la demande des Allemands. Je me félicite que ma suggestion sur la coopération euro-méditerranéenne ait été prise en compte, grâce à l'habileté de Peter Friedrich, président de la commission allemande, qui a su surmonter les réserves de certains de ses membres.

M. André Gattolin . - En effet, votre rapport restitue fidèlement la place du Bundesrat dans les institutions allemandes. Toutefois, il serait à mon sens possible de distinguer plus explicitement les compétences exclusives, concurrentes et subsidiaires de l'État et des Länder.

Il est écrit que « la Fédération est représentée par le Président de la République fédérale » et que la Loi fondamentale « détermine les domaines qui relèvent de sa compétence » : il faudrait ici ajouter « exclusive ». C'est globalement juste, mais les Länder peuvent intervenir lorsque la loi fédérale le permet explicitement.

Le paragraphe suivant énumère les domaines d'intervention transférés aux Länder : il faudrait préciser qu'il s'agit là de compétences concurrentes.

On lit plus bas : « Les Länder ne peuvent légiférer qu'avec l'assentiment de la Fédération dans les domaines suivants ». Il serait plus juste de parler d'absence d'intervention de la Fédération. Parmi ces domaines est citée la politique énergétique, ce qui exagère le poids des Länder : la définition de la stratégie de production et de distribution de l'énergie relève entièrement du domaine fédéral.

Les possibilités d'arrangement entre l'État et les Länder pourraient être évoquées. « Dans ces mêmes domaines, la Fédération ne peut légiférer que s'il existe un besoin de réglementation uniforme à l'échelle de l'État fédéral » : il s'agit là des compétences concurrentes. Il faudrait préciser « dans certains de ces domaines ».

Un rappel de la réforme de la Loi fondamentale en 2006, dont les conséquences ont été importantes, serait bienvenu.

M. Jean-Yves Leconte . - Voilà un rapport très intéressant. Toutefois, les convergences dans le domaine de la lutte anti-terroriste y sont mises en avant, alors que nos échanges avec nos collègues font apparaître de nombreux décalages. La protection des libertés, la biométrie, le suivi des personnes soupçonnées : autant de points de divergence. À l'heure où nous envisageons une évolution de notre législation, son état actuel est déjà problématique aux yeux des Allemands ! Il est indispensable de parler de ces divergences, car rien ne sert d'aller plus loin dans la lutte anti-terroriste si nos partenaires ne nous suivent pas. Mes positions sur le sujet sont bien connues ; elles seraient considérées d'extrême droite en Allemagne !

M. Jean Bizet, président . - Il reste quand même de la marge...

M. Jean-Yves Leconte . - Ne négligeons pas les sensibilités allemandes dans ce domaine. L'impression de convergence globale cache de nombreux points de désaccord.

L'Europe de la défense, ensuite, qui désigne les capacités de notre continent à intervenir à l'extérieur, n'est pas la défense de l'Europe, que nous avons confiée à l'OTAN : il ne faut pas confondre les termes...

M. Simon Sutour . - Et vous êtes atlantiste, en sus !

M. Richard Yung. - Seulement deux hot spots ont été ouverts, l'un en Italie, l'autre en Grèce, alors que nous en avons besoin de bien davantage et que les financements ne paraissent pas manquer, ni les spécialistes : cette lenteur est-elle le fait des Grecs et des Italiens ?

Je salue les passages du projet de rapport sur le Bundesrat, lequel a une approche très pragmatique de son travail, en particulier lorsqu'il est consulté sur la mise en oeuvre de la législation y compris avant l'adoption des textes. Il est tout à fait utile de consulter, avant d'adopter des textes, ceux qui auront la charge de les appliquer, nous le savons par défaut...

M. Jean Bizet, président . - Merci pour ce débat. Comme nous y invite Daniel Raoul, nous devons effectivement veiller à ce que l'agriculture ne soit pas la variable d'ajustement du TTIP. Nous pourrons également, comme le souhaite André Gattolin, examiner de plus près les compétences spécifiques du Bundesrat, voir s'il n'y aurait pas des convergences nouvelles à rechercher. Nous pourrions éventuellement nous réunir avec nos collègues allemands et italiens ; par exemple, un déplacement au Mont-Saint-Michel me semblerait tout à fait approprié, pour identifier les pistes de travail sur le TTIP. Le président du Sénat a, à cet égard, appelé de ses voeux notre plus grande attention, car ce traité risque bien, s'il n'est pas maîtrisé, d'entraîner une véritable onde de choc dans notre économie, concomitante de celle qui suivra la reconnaissance du statut d'économie de marché à la Chine. Une réunion avec nos collègues allemands et italiens, voire espagnols si cela était possible, serait tout à fait utile pour trouver des positions communes.

En attendant, je vous propose d'adopter ce rapport d'information.

M. Jean-Yves Leconte . - Nous serions bien inspirés, également, de nous rapprocher de nos collègues du Parlement polonais.

M. Simon Sutour . - Pour l'Espagne, il faut compter avec le fait que la commission des affaires européennes est commune au Sénat et aux Cortes ; d'autre part, la situation politique actuelle est très particulière outre-Pyrénées.

À l'issue de ce débat, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du présent rapport d'information.

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