II. LA DOUBLE RÉPONSE DE L'UNION EUROPÉENNE

Prenant progressivement conscience des difficultés de l'Italie et de la Grèce à faire face à ces afflux de migrants, l'Union européenne a élaboré au cours de l'année 2015 une double réponse : les hotspots pour renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l'Espace Schengen et la procédure de « relocalisation » afin de répartir les demandeurs d'asile au sein de ses États membres.

A. LE DISPOSITIF DES HOTSPOTS

Proposé par la Commission européenne dans le cadre de l'Agenda européen en matière de migration de mai 2015, le dispositif des hotspots vise à apporter une assistance aux États membres exposés, en première ligne, à des pressions migratoires extraordinaires aux frontières extérieures de l'espace Schengen .

1. Les missions des hotspots

Des agents de Frontex 7 ( * ) , d'Europol 8 ( * ) et d'Eurojust 9 ( * ) apportent leur soutien aux autorités de l'État membre concerné afin de l'aider à remplir ses obligations en matière :

- d' identification ,

- d' enregistrement (prise d'empreintes digitales, photographie),

- d' orientation soit vers la demande d'asile, soit vers le retour.

Le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) et le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) assurent l'information en vue de l'asile et Europol prend en charge la lutte contre les passeurs.

Ces hotspots ne sont donc que des centres de passage, qui ne comportent d'ailleurs que très peu de places d'hébergement.

2. La laborieuse mise en oeuvre des hotspots grecs

L'Île de Lesbos a une capacité d'accueil totale de 3 020 places réparties sur 6 sites. Celui de Moria - un ancien centre de rétention administrative fermé à l'arrivée au pouvoir du parti Syriza - a été désigné comme hotspot le 8 octobre 2015. Il fait partie des deux hotspots opérationnels au moment de la visite de la délégation de la commission, avec Lampedusa, en Italie.

L'ouverture de 3 autres hotspots grecs sur les îles de Chios, Samos et Leros a été annoncée par le ministère de la défense grec, qui en a repris la mise en place, le 15 février ; l'ouverture de celui de Kos est pour l'heure reportée en raison de l'hostilité de la population de l'île.

Le fonctionnement du hotspot de Moria

Une fois interceptés en mer par les garde-côtes assistés de Frontex ou arrivés sur une des plages de l'île de Lesbos, les migrants sont acheminés en bus vers le hotspot puis sont dirigés vers l'une ou l'autre section du camp en fonction de leur nationalité.

Ils sont alors conduits dans un premier baraquement où ils rencontrent les policiers grecs assistés de Frontex qui les soumettent à un interrogatoire d'identification, visant à s'assurer de la véracité de leurs déclarations.

Ils passent ensuite dans un deuxième baraquement où il est procédé à leur enregistrement par prise de leurs empreintes digitales et photographies. Les demandeurs d'asile sont enregistrés dans la base Eurodac.

Ces derniers sont ensuite mis en contact avec les équipes de l'UNHCR et de l'EASO qui, en fonction de leur nationalité, les orientent soit vers le programme de « relocalisation », soit vers une demande d'asile auprès des autorités grecques.

Des associations telles que Médecins du monde, Médecins sans frontières ou Praksis sont présentes dans le centre afin, notamment, d'assurer une assistance médicale.

À l'exception des quelques individus interpelés par la police grecque, les migrants sont dotés d'un « sauf-conduit » et peuvent rejoindre le port de Mytilène où ils pourront être embarqués pour Athènes ou Kavala.

Le hotspot ne dispose que de quelques places d'hébergement, principalement pour des mineurs isolés afin d'assurer leur sécurité. Ils y demeurent environ 7 jours et disposent d'un taux d'encadrement de 1 pour 1, avant d'être accueillis dans un centre dédié grec.

Les migrants ne restant tout au plus que 48 ou 72 heures sur l'île, ils sont hébergés dans des camps de toile ( cf . photo ci-après).

Campement à l'extérieur du centre de Moria

Source : commission des lois du Sénat

Avec la multiplication des hotspots et la fourniture de 96 nouvelles bornes Eurodac pour la prise d'empreintes digitales des demandeurs d'asile, les autorités grecques et européennes espèrent augmenter le taux d'enregistrement hors mineurs de 14 ans de 75 % actuellement à 100 % des migrants.

3. Des interrogations sur l'efficacité réelle du dispositif des hotspots

De l'avis des personnes rencontrées dans le hotspot de Moria et malgré l'arrestation et le déferrement aux autorités judiciaires de personnes soupçonnées de lien avec des activités terroristes ou autres crimes et délits, le point faible du dispositif reste les contrôles lors de l'identification , considérés comme insuffisamment poussés pour assurer la sécurité de l'Union européenne. Serait en cause notamment un défaut d'exploitation et de recoupement des informations recueillies par la police grecque et Frontex avec celles contenues dans le Système d'information Schengen (SIS) ou celles détenues par Europol. Le trafic de faux documents ferait également florès, étant en cause non seulement les titres de voyage présentés par les migrants mais également le « sauf-conduit » délivré par les autorités grecques ( cf. infra ), à la sécurisation duquel travaille actuellement l'Union européenne.

Avant tout, la mission d'orientation des migrants reste à cette heure théorique . Tout migrant enregistré sur l'île se voit attribuer un « sauf-conduit » pour le continent valant également « injonction de quitter le territoire », dont les délais varient en fonction de la nationalité du titulaire
- 6 mois pour les Syriens, 1 mois pour les autres nationalités. Moyennant 60 euros - le coût de la traversée en ferry -, toute personne en possession de ce « sauf-conduit » peut donc rejoindre le continent et poursuivre son chemin vers les Balkans, sans demander l'asile aux autorités grecques ni s'en retourner dans son pays d'origine.

L'éloignement des migrants en situation irrégulière ne concerne en effet qu'une infime minorité . Selon les chiffres fournis par les autorités grecques à la Commission européenne, seuls 16 131 retours forcés auraient été effectués en 2015, majoritairement à destination de l'Albanie. À la fermeture de la quasi-totalité des places en centres de rétention administrative s'ajoutent, en effet, les difficultés rencontrées par la Grèce
- comme par l'ensemble des États de l'Union européenne - pour obtenir l'application par certains États tiers des accords de réadmission signés avec les autorités européennes.

Quant aux retours volontaires aidés, seuls 3 460 auraient eu lieu en 2015 et 503 au mois de janvier 2016, dont la grande majorité - 352, soit près de 70 % - à destination du Maroc, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).


* 7 Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne.

* 8 Office européen de police.

* 9 Unité de coopération judiciaire.

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