B. DES AMÉLIORATIONS POSSIBLES

1. Un recours encore trop rare à la qualification de traite des êtres humains au regard de l'ampleur du phénomène

Dans son rapport de mai 2013 relatif à la traite des êtres humains et aux violences faites aux femmes 65 ( * ) , notre collègue Maryvonne Blondin soulignait le faible nombre d'infractions de traite constatées par les forces de l'ordre , les services préférant la plupart du temps recourir à la seule qualification de proxénétisme, plus facile à établir.

Or, les statistiques récentes démontrent que la situation n'a guère évolué depuis trois ans .

En effet, le rapport de la CNCDH présente les statistiques des infractions relevées entre janvier et mai 2015, transmises par les forces de l'ordre (police et gendarmerie). Seules 45 infractions de traite des êtres humains (TEH) ont été constatées , contre 313  en matière de proxénétisme et 100 en matière de conditions de travail et d'hébergement indignes 66 ( * ) .

Nombre d'infractions relevées par les services de police
et de gendarmerie sur le territoire national

Nombre d'infractions

Janvier à mai 2015

Traite des êtres humains

45

Proxénétisme

313

Recours à la prostitution

32

Réduction en esclavage

1

Exploitation de la mendicité

25

Conditions de travail et d'hébergement indignes

100

Travail forcé

0

Réduction en servitude

0

Trafic d'organes

0

Total général

516

Source : ministère de l'Intérieur, bases de données des procédures enregistrées (DGCN, DGPN), traitement SSMSI, données citées dans le rapport de la CNCDH

En outre, les chiffres transmis par le ministère de l'Intérieur et relatifs aux infractions constatées par les unités de gendarmerie confirment la place très faible de la traite des êtres humains au sein des infractions constatées pour les années 2012 à 2014 .

Nombre d'infractions relevées par les unités de gendarmerie
sur le territoire national

Nombre d'infractions

2012

2013

2014

Traite des êtres humains

19

24

49

Proxénétisme

149

214

255

Recours à la prostitution

36

17

54

Réduction en esclavage

0

0

1

Exploitation de la mendicité

5

6

12

Conditions de travail et d'hébergement indignes

121

119

112

Travail forcé

0

0

0

Réduction en servitude

0

0

0

Trafic d'organes

1

0

0

Total général

331

380

483

Source : ministère de l'Intérieur/bases de données des procédures enregistrées (DGPN),
traitement SSMI, données citées dans le rapport de la CNCDH

Malgré tout, les statistiques relatives aux condamnations prononcées par les juridictions pénales montrent que, depuis 2009, il existe une progression du nombre de condamnations prononcées au titre de l'article L. 225-4-1 du code pénal (0 en 2009, 28 en 2012, 127 en 2013). En 2013, ce sont donc 9 % des infractions relatives à la traite des êtres humaines qui ont été inscrites dans les condamnations figurant au casier judiciaire.

Ce constat en demi-teinte est regrettable : il existe un réel intérêt à viser l'incrimination de traite des êtres humains en plus de celle de proxénétisme, car elle couvre un champ plus large et un plus grand nombre de situations .

En outre, le recours à celle-ci est décisif car il facilite la coopération internationale , indispensable dans des affaires qui impliquent dans la majorité des cas des étrangers et supposent donc des demandes d'entraide internationale. Elle facilite également le recours au mandat d'arrêt européen (MAE).

Enfin, le trop rare nombre de condamnations au titre de la traite des êtres humains a aussi pour conséquence de contribuer à la faible visibilité du phénomène .

Cette situation s'explique en partie par une certaine « frilosité 67 ( * ) » de la part des magistrats dans le recours à l'incrimination de traite des êtres humains.

En outre, dans un contexte de surcharge des tribunaux , il est souvent considéré comme plus simple de poursuivre sur le fondement du proxénétisme aggravé ou du travail dans des conditions indignes que sur celui de la traite des êtres humains, infraction juridiquement plus complexe à apprécier.

Entendue par votre délégation le 14 janvier 2016 68 ( * ) , Véronique Degermann, procureur adjoint au parquet de Paris en charge de la division antiterroriste et de lutte contre la criminalité organisée, a ainsi expliqué qu'il a fallu une dizaine d'années pour que l'incrimination de traite des êtres humains entre dans la culture judiciaire et que les magistrats du parquet de Paris se l'approprient. En effet, en matière d'exploitation sexuelle, l'infraction de proxénétisme leur était plus familière. Les autres infractions, mieux maîtrisées, sont donc plus facilement retenues par les magistrats.

La situation semble toutefois évoluer positivement, du moins en région parisienne , Véronique Degermann estimant que si l'incrimination de traite peut sembler complexe, sa rédaction dans le code pénal, qui couvre un grand nombre de situations, est globalement satisfaisante. Les magistrats y étant désormais habitués, une évolution pourrait survenir dans les prochaines années.

Elle a rappelé par ailleurs que des circulaires et des protocoles de travail avec les associations en soulignent l'intérêt, en particulier la circulaire du 22 janvier 2015 de politique pénale en matière de lutte contre la traite des êtres humains 69 ( * ) . Notons que si ce texte constitue un indéniable progrès, il présente néanmoins certaines faiblesses pointées par le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) :

- il réserve l'identification des victimes aux seules forces de police et de gendarmerie ;

- et il entretient une confusion entre traite et prostitution.

Or, la première forme de traite à l'échelle mondiale relève de l'exploitation par le travail.

En outre, Véronique Degermann a précisé que, depuis quelques années, la qualification de traite des êtres humains est systématiquement visée au niveau de la juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) de Paris, où 45 affaires sont en cours d'instruction ou en attente de jugement en matière d'exploitation sexuelle.

Pour autant,  au cours de la table ronde du 14 janvier 2016, Bénédicte Lavaud-Legendre, chargée de recherche au CNRS, a estimé que l'appropriation de l'incrimination de traite des êtres humains par les magistrats demeurait une pratique parisienne et qu'elle n'était pas encore véritablement effective sur le reste du territoire.

En résumé, dans la pratique, malgré la circulaire de janvier 2015, l'incrimination de traite des êtres humains reste encore trop peu utilisée et les classements sans suite sont nombreux . S'agissant de la traite à des fins d'exploitation économique, les faits sont souvent requalifiés en travail dissimulé, aide à l'entrée et au séjour irréguliers, conditions de travail et d'hébergement indignes , tandis que la traite à des fins d'exploitation sexuelle est trop souvent qualifiée comme proxénétisme aggravé .

Ce constat est partagé par les associations oeuvrant en faveur de la lutte contre les êtres humains .

Enfin, les statistiques disponibles permettent de mettre à jour un phénomène paradoxal : dans certains cas, les femmes sont victimes des femmes . On peut citer à cet égard le cas des « mamas » nigérianes, victimes qui deviennent à leur tour auteurs de traite sur d'autres jeunes femmes plus vulnérables , selon le témoignage recueilli par les co-rapporteures Hélène Conway-Mouret et Brigitte Gonthier-Maurin au cours d'un déplacement à Nice, le 15 janvier 2016.

L'ouvrage de Louis Guinamard 70 ( * ) présente ce phénomène particulier, également évoqué par Véronique Degermann au cours de la table ronde du 14 janvier 2016 : « les femmes sont souvent recrutées par des femmes qui sont d'ex-prostituées installées dans un pays européen, ce sont les « madames » ou les « mamas » des proxénètes. Sur le même principe qu'un investisseur, elles recrutent plusieurs femmes, payant des contacts auprès de filières d'immigration clandestines, puis une fois leurs « recrues » arrivées, elles les prostituent pour se rembourser et augmenter leurs gains » comme l'indique un rapport réalisé par l'antenne de l' Amicale du nid à Grenoble ».

2. Une formation toujours insuffisante des différents professionnels susceptibles d'être en contact avec des victimes de la traite

Un autre constat partagé par les acteurs entendus par la délégation, plus particulièrement les associations prenant en charge les victimes, tient à une formation perfectible des professionnels , notamment des forces de l'ordre et des magistrats, qui a pour conséquence une mobilisation insuffisante des services dans la lutte contre la traite des êtres humains , et une identification encore très lacunaire des victimes de traite, notamment s'agissant des mineurs ( cf. infra ).

Ainsi, certaines formes d'exploitation ne font l'objet d'aucun constat de la part des forces de l'ordre . En trois ans, aucun cas d'infraction n'a été relevé en matière de travail forcé ou de réduction en servitude, et on relève un seul cas d'infraction pour esclavage et un seul pour trafic d'organes.

Il est vrai que la question de l'identification des victimes peut s'avérer particulièrement complexe lorsque les victimes potentielles ne s'auto-identifient pas en tant que telles ( cf. infra ).

Sur ce point, les personnalités entendues au cours de la table ronde du 25 novembre ont mis en exergue la difficulté à identifier les personnes victimes de formes d'exploitation telles que le travail forcé ou l'esclavage domestique . En effet, les victimes d'exploitation sexuelles s'avèrent plus faciles à approcher, l'exploitation ayant souvent lieu dans l'espace public.

Louis Guinamard indique que « cerner la notion de victime n'est pas une évidence. Parce qu'il existe une pluralité de situations de traite, il existe un grand nombre d'indices permettant de les soupçonner. Le travail d'identification des victimes de traite doit donc aller de pair avec la mise en place d'un faisceau d'indicateurs spécifiques, propres à chacune de ces catégories 71 ( * ) ».

De même, l'identification des mineurs est très insuffisante, notamment en raison d'un manque de formation des professionnels sur la question de l'emprise ( cf. infra ), ce qui nuit au travail d'identification et ne permet pas de proposer des mesures adaptées.

Ainsi, au cours de la table ronde du 25 novembre sur les femmes victimes de la traite des êtres humains, Alice Tallon, chargée de projet à ECPAT 72 ( * ) France , a indiqué que toutes les victimes dont l'association a pu retracer le parcours ont pour point commun d'être sous l'emprise de leur exploiteur. Cela signifie qu'elles s'inscrivent toutes dans une position de soumission ou de dépendance face à un exploiteur qui se positionne comme dominant. Or, sans un travail de fond pour « déconstruire » l'emprise, la prise en charge des victimes est souvent vouée à l'échec, se soldant souvent par la fugue des mineurs identifiés .

La délégation souhaite en conséquence insister sur la nécessité d'améliorer la formation initiale et continue des magistrats et des forces de sécurité , en plus des professionnels spécialisés sur la question, en renforçant par exemple les modules proposés par l'École nationale de la magistrature (ENM) 73 ( * ) . Cette évolution apparaît d'autant plus urgente que, dans la pratique, la formation des professionnels conditionne l'identification, la prévention et la protection des victimes de tous les types de traite des êtres humains.

Une recommandation sera formulée en ce sens.

Au-delà des associations, les pouvoirs publics sont conscients de cet enjeu . Ainsi, Élisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) a indiqué devant votre délégation que « la formation est (...) l'un des noyaux durs de la lutte contre la traite des êtres humains, une nécessité absolue, dont l'insuffisance est aujourd'hui à l'origine de la plupart des problèmes soulevés par les associations. Je pense notamment à l'hébergement et à l'absence de formation des Services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAo) aux problématiques liées à la traite des êtres humains 74 ( * ) ».

Il s'agit donc d'élaborer et de publier dans les meilleurs délais des outils inédits de formation , prenant en compte l'ensemble des formes d'exploitation visées par la traite, centrés sur l'identification et l'accompagnement des victimes, à destination de l'ensemble des professionnels susceptibles d'être en contact avec des victimes de la traite des êtres humains (policiers, gendarmes, magistrats, personnel de la protection de l'enfance, inspecteurs du travail, personnel hospitalier, travailleurs sociaux, services de police aux frontières).

Une recommandation sera formulée en ce sens.

Tel est d'ailleurs l'objet de la mesure 2 du Plan d'action national contre la traite des êtres humains - Développer la formation des professionnels à l'identification et à la protection des victimes ( cf. infra) .

De façon plus générale, comme l'ont souligné Patrick Hauvuy, directeur de l'association ALC-Dispositif national Ac.Sé , et Élisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la MIPROF, la réponse que l'on doit apporter aux victimes de la traite relève d'une prise en charge et d'un accompagnement globaux , qui impliquent :

- un accueil par des personnels correctement formés, des solutions d'hébergement ;

- et, sur le plan de la répression, des parquets dédiés.

À cet égard, la délégation recommande la mise en place d'un référent dédié à la traite des êtres humains au sein des parquets les plus concernés par cette problématique .

Une recommandation sera formulée en ce sens.

3. L'absence d'outils adaptés au cas des mineurs victimes de la traite, malgré une réelle prise en compte de cette problématique

« Dispositifs de l'Aide sociale à l'enfance saturés, difficultés de scolarisation, non-respect de la présomption de minorité, risques encourus... de nombreuses difficultés viennent entraver la prise en charge des mineurs victimes de traite 75 ( * ) » : la question de la prise en charge des mineurs victimes de traite des êtres humains est l'une des problématiques recueillant à l'heure actuelle le plus grand nombre de critiques des associations . Celles-ci dénoncent :

- l'accès insuffisant des mineurs à l'assistance d'un tuteur ou d'un administrateur ad  hoc , contrairement à ce que recommandent les directives européennes 76 ( * ) ;

- le manque d'accueil sécurisant pour les mineurs victimes de traite en France, sur le modèle du réseau Ac.Sé (accueil sécurisant) pour les victimes majeures ;

- l'inadaptation du système de l'aide sociale à l'enfance (ASE) à la problématique spécifique de la traite ;

- le manque de formation des professionnels sur l'emprise des mineurs ( cf. supra ) ;

- la difficulté à identifier les victimes et à prouver leur minorité ;

- l'absence d'office spécialisé en matière d'exploitation des mineurs (la brigade de protection des mineurs (BPM) aide le Parquet de Paris alors qu'elle est déjà surchargée).

Par exemple, au cours de la table ronde du 14 janvier 2016, Bénédicte Lavaud-Legendre, chargée de recherche au CNRS, a souligné que seuls les mineurs victimes de traite dont les auteurs sont impliqués dans des procédures pénales sont protégés . Cela paraît insuffisant : les mineurs devraient en effet être protégés de manière inconditionnelle . Or, force est de constater que l e système de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) n'atteint pas son but pour les mineurs victimes de la traite , lorsqu'il n'y a pas de procédure pénale parallèle.

En ce qui concerne la question de l'emprise, les associations ont souligné que les mineurs ne se considèrent généralement pas comme des victimes. Au contraire, ils adhèrent, semble-t-il, au système d'exploitation. Dès lors, il convient avant toute chose de les aider à prendre conscience du caractère illégal et inhumain de leur situation, en leur proposant un système alternatif de références et de valeurs .

L'insuffisance du système de protection des victimes mineures de la traite des êtres humains est d'autant plus incompréhensible que, en matière d'exploitation sexuelle, on constate un abaissement préoccupant de l'âge des victimes . Les associations dénoncent un manque d'outillage patent sur cette question . En effet, actuellement, les mineurs relèvent de l'autorité des conseils départementaux, qui n'ont pas les capacités matérielles de prendre en charge les victimes et dont les personnels ne sont pas formés à ce type d'accueil.

Pour votre co-rapporteure Corinne Bouchoux, les insuffisances dans la prise en charge des mineurs victimes de la traite des êtres humains ne sont pas sans rappeler les défaillances constatées au niveau de l'assistance et du secours apportés aux enfants victimes d'abus sexuels, ce qui appelle donc une vigilance particulière.

L'association ECPAT France , entendue par votre délégation au cours de la table ronde du 14 janvier 2016, a particulièrement souligné l'importance que revêt la désignation de tuteurs pour les mineurs victimes de traite , notamment lorsqu'il s'agit de mineurs étrangers isolés ou lorsque l'environnement familial est lui-même impliqué dans les faits de traite.

En effet, une victime mineure se trouve souvent dans l'incapacité juridique d'agir . Si on lui refuse une prise en charge, elle devra se présenter à un juge pour contester la décision. Or, sans représentant, aucun soutien ne lui sera accordé. Par ailleurs, pour ces mineurs sous emprise, il est essentiel de tisser des liens de confiance pour les sortir du système de traite. Le fait d'avoir un accompagnant unique, pérenne et présent tout au long de la procédure peut réellement faire la différence et améliorer considérablement l'efficacité de la prise en charge.

Au regard de ces lacunes, la délégation recommande la désignation d'un tuteur 77 ( * ) formé à la question de la traite, pour les mineur-e-s isolé-e-s étrangers et pour les mineur-e-s en danger dans leur milieu familial, victimes ou potentiellement victimes de traite. Une recommandation sera formulée en ce sens.

En outre, sur le modèle du réseau Ac.Sé existant pour les victimes majeures, il paraît indispensable de mobiliser des structures de protection de l'enfance sur tout le territoire de manière à y orienter de jeunes victimes qui seraient mieux protégées par un éloignement géographique de leur lieu d'exploitation .

Dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan d'action national contre la traite des êtres humains, la MIPROF travaille avec l' ECPAT , l'association Hors la Rue 78 ( * ) et le collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » sur l'expérimentation, à Paris, d'une protection adaptée aux mineurs, à travers une plate-forme d'accueil et d'orientation à leur intention . Une convention rassemblant un grand nombre d'acteurs (associations, parquet, ASE) doit ainsi être signée début 2016.

Elle prévoit des mesures de protection basées sur l'éloignement géographique , actuellement prévu uniquement pour les victimes majeures, et sur la formation des éducateurs qui reçoivent les mineurs dans les centres, avec un financement pour cinq mineurs dans un premier temps.

Si cette expérimentation fonctionne, le dispositif sera étendu à l'ensemble du territoire, ce qui constituerait une réelle avancée . Comme le souligne Bénédicte Lavaud-Legendre dans un article récent, « la directive de l'Union européenne consacre quatre articles sur vingt-cinq à la protection des mineurs (...) On identifie en effet des phénomènes de répétition pouvant conduire des victimes à être exploitées sous plusieurs formes différentes au cours de leur vie ou à l'inverse à devenir auteurs après avoir été victimes. Dans ce contexte, tout doit être mis en oeuvre pour rompre ce phénomène de spirale en développant des dispositifs d'accompagnement adapté à ces jeunes 79 ( * ) ».

La délégation soutient avec intérêt cette expérimentation qui « fait entrer ces mineurs dans le droit commun de la protection de l'enfance, tout en leur assurant un accompagnement spécialisé, ce qui favorisera leur réintégration sociale » 80 ( * ) . Elle souhaite sa généralisation sur l'ensemble du territoire si elle s'avère concluante. Une recommandation sera formulée en ce sens.

Néanmoins, une telle évolution requiert un financement qui semble aujourd'hui insuffisant ( cf. infra ).

4. Le traitement des victimes sur le territoire national : un effort de cohérence à encourager

Un autre point suscitant des réserves, tant de la part des associations que du GRETA, concerne l'absence d'uniformisation dans la prise en charge des victimes de la traite des êtres humains selon les différentes parties du territoire national, sur les plans administratif et judiciaire .

Au cours de la table ronde du 14 janvier 2016, le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) a souligné que cette problématique concerne en particulier la délivrance des titres de séjour , des divergences marquées existant entre les préfectures . D'après les chiffres de la CIMADE 81 ( * ) , sur les 200 000 titres de séjour accordés en France en 2014, seuls 63 ont été attribués sur le fondement de la traite.

Bénédicte Lavaud-Legendre, chargée de recherche au CNRS, a également critiqué une application très hétérogène du texte selon les préfectures , qui délivrent plus ou moins facilement le titre de séjour prévu à l'article L. 316-1 du CESEDA aux personnes déposant plainte. Alors que les personnes témoignant sous X devraient avoir droit à un tel titre de séjour, c'est dans la pratique loin d'être toujours le cas.

Sur la question des permis de séjour, le GRETA exhorte d'ailleurs les autorités françaises à « s'assurer que les victimes de la traite bénéficient du droit d'obtenir un permis de séjour renouvelable en accord avec le droit interne et conformément à l'article 14 de la Convention [ de Varsovie] », et de « veiller à une application homogène du droit sur l'ensemble du territoire français , en prévoyant notamment de nommer un référent et de le former à la traite des êtres humains dans chacune des préfectures françaises 82 ( * ) ».

Dans leur réponse, les autorités françaises indiquent que « La circulaire n° IMIM0900054C du 9 février 2009 a explicité les conditions dans lesquelles les victimes de la traite des êtres humains (TEH) pouvaient revendiquer un droit de séjour et a indiqué notamment qu'il était nécessaire d'identifier un interlocuteur au sein de chaque préfecture. Les dossiers relatifs aux victimes de la TEH bénéficient donc d'un traitement particulier par un personnel qui lui est spécialement dédié. Toutefois, afin de veiller à une meilleure application homogène du droit sur l'ensemble du territoire français, la nouvelle circulaire détaillera de manière précise les différentes étapes de la procédure et contiendra les éléments permettant au référent désigné dans chacune des préfectures de contacter le personnel formé à la TEH lorsque cela sera nécessaire ».

La nouvelle circulaire à laquelle il est fait référence est en réalité une instruction du ministre de l'Intérieur 83 ( * ) , qui a été publiée le 19 mai 2015 , et qui a pour objet de rappeler et de préciser les conditions d'examen des demandes d'admission au séjour de ressortissants étrangers victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme ( cf. supra ).

Le ministre indique qu'il  s'agit « d'une action prioritaire du Gouvernement » et que « l'objectif poursuivi est ainsi d'améliorer l'application des dispositions en vigueur pour garantir effectivement et de manière homogène le droit au séjour des victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme ».

La publication de cette instruction, qui traduit une véritable prise de conscience de cette problématique de la part des pouvoirs publics, devrait donc vraisemblablement contribuer à améliorer la situation mais, compte tenu de son caractère récent, il est encore trop tôt pour dresser un bilan de son efficacité .

5. La nécessité d'une sensibilisation systématique du grand public, à travers le lancement d'une campagne d'information

Les personnes entendues par les co-rapporteures au cours de leurs travaux ont mis en exergue la nécessité d'une sensibilisation accrue des professionnels et du grand public au phénomène de la traite des êtres humains, qui demeure mal appréhendé .

Ainsi, dans son rapport précédemment cité sur la lutte contre la traite et l'exploitation des êtres humains, la CNCDH insiste sur la nécessité de « mettre fin aux idées reçues » sur ce phénomène, en rappelant utilement plusieurs faits :

- la traite n'a pas nécessairement un caractère transnational ;

- la traite et l'exploitation ne relèvent pas systématiquement de la criminalité organisée ;

- l'exploitation sexuelle n'est pas la seule forme d'exploitation à combattre ;

- la traite et l'exploitation ne concernent pas uniquement les étrangers ;

- la traite des êtres humains et le trafic des migrants sont deux phénomènes distincts 84 ( * ) ( cf. infra ).

Une telle sensibilisation paraît d'autant plus nécessaire du fait de la confusion possible entre les phénomènes anciens de traite, notamment de traite des esclaves ou de « traite des blanches », et les visages nouveaux que revêt « l'esclavage moderne » ( cf. supra ).

En outre, plusieurs anecdotes racontées par les personnes rencontrées par les co-rapporteures ont permis de rappeler que la société civile peut aider à identifier les victimes de l'esclavage , qui concerne tous les milieux et peut être dénoncé par des tiers.

Sur ce thème, Michèle Ramis, ambassadrice chargée de la lutte contre la criminalité organisée, a rappelé que « le grand public doit absolument prendre conscience de la réalité de la traite : des personnes travaillant comme employés de maison peuvent en fait, sous nos yeux, être victimes d'esclavage domestique . Il faut ensuite sensibiliser les publics à risque et cibler l'information sur les collèges et les lycées. Cela existe pour les fonctionnaires français et pour les militaires en poste à l'étranger. Cette sensibilisation a également été élargie aux fédérations d'employeurs. Agir dès l'école est crucial, d'autant que les enfants peuvent être témoins de cas de traite . Il faut combattre l'acceptation sociale et culturelle de la traite, que ce soit dans les pays d'origine ou de transit ou dans les pays de destination, où ce phénomène pâtit souvent d'une certaine invisibilité 85 ( * ) ».

Dans son ouvrage précédemment cité, Louis Guinamard met également en valeur le rôle des acteurs de la société civile et la nécessité de sensibiliser tout un chacun au phénomène de la traite : « devant le constat des facteurs de risque et des terrains qui favorisent la traite, il apparaît que la sensibilisation du grand public doit être articulée à une prévention spécifique des populations vulnérables. En éveillant la conscience collective aux liens entre la pauvreté et l'exploitation, on peut espérer faire évoluer les regards et éveiller la conscience de chacun . Cette sensibilisation passe aussi bien par des outils informatifs simples (par exemple la plaquette « Être humain, victime de traite » du collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains ») que par des événements grand public (par exemple une exposition photographique) 86 ( * ) ».

Au cours de la table ronde du 25 novembre 2015, Maître David Desgranges, président du Comité contre l'esclavage moderne (CCEM), a pour sa part souligné la nécessité de « former des donneurs d'alerte », notamment dans la société civile, préconisation dont notre collègue Maryvonne Blondin a illustré la pertinence à travers l'histoire d'un facteur qui, au cours de sa tournée, s'est trouvé face à une « petite bonne » dont il a parlé à la boulangère du quartier, qui, par la suite, a donné l'alerte.

La sensibilisation du grand public à la traite des êtres humains et aux formes contemporaines d'exploitation semble par ailleurs essentielle pour tenter de rompre au moins partiellement l'isolement des victimes .

Pour autant, si la nécessité d'une sensibilisation accrue du grand public au phénomène de la traite des êtres humains fait consensus, la mise en oeuvre d'une telle action se heurte dans la pratique à la question budgétaire, en raison du coût d'une campagne nationale notammen t, comme l'a rappelé Michèle Ramis, qui a indiqué que le ministère des affaires étrangères et du développement international s'efforce de mobiliser des fonds européens à cet effet.

Au regard de ces différents éléments, la délégation invite les pouvoirs publics à faire de la lutte contre la traite des êtres humains une « grande cause nationale », comme l'ont été les violences faites aux femmes en 2010, à l'initiative de François Fillon et Roselyne Bachelot, et à lancer le plus rapidement possible une campagne de sensibilisation du grand public aux différentes formes de traite .

Elle souhaite également la prise en compte de la traite dans l'enseignement civique et moral de l'école .

Deux recommandations seront formulées en ce sens.

6. Un aspect essentiel à améliorer : la connaissance statistique du phénomène de la traite

L'identification des victimes de la traite des êtres humains est un point essentiel de l'action menée pour lutter contre ce phénomène. Plusieurs organismes contribuent à recueillir des données statistiques sur les différents aspects de la traite (exploitation sexuelle et travail forcé notamment). Mais le système actuel présente plusieurs défauts .

a) Les différents offices
(1) L'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH)

L'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) , créé par le décret du 31 octobre 1958, est chargé :

- de centraliser tous les renseignements sur la prostitution et le proxénétisme au niveau national et international ;

- d'analyser et mesurer l'évolution des réseaux et des comportements, de développer de nouvelles stratégies de lutte (nouveaux réseaux, « cyber prostitution », etc.) ;

- d'assurer et de suivre la coopération nationale et internationale (traités de coopération, liaison avec Europol, Interpol, etc.) ;

- de mener et coordonner les opérations tendant à la répression de la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle .

Il opère directement dans les affaires de proxénétisme d'envergure nationale ou internationale et procède au démantèlement de réseaux criminels exploitant la prostitution. Par ailleurs il traite le renseignement avec l'étranger, participe à des réunions internationales, collabore avec tous les ministères, organismes internationaux, organisations non gouvernementales et associations nationales de prévention et de réinsertion des personnes prostituées.

Les données fournies par l'OCRTEH ne sont cependant que partielles . En effet, comme l'a indiqué Véronique Degermann au cours de la table ronde du 14 janvier 2016 sur les aspects juridiques de la traite des êtres humains, l'office manque de moyens et n'intervient guère en région parisienne . De surcroît, les effectifs de la police judiciaire s'avèrent insuffisants pour pouvoir être véritablement présents sur tous les fronts que recouvre la traite. Enfin, aucun office ne travaille spécifiquement sur l'exploitation des mineurs : c'est donc la brigade de protection des mineurs (BPI), pourtant déjà surchargée, qui se charge du phénomène parisien des gangs de jeunes roumains.

(2) L'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI)

La lutte contre le travail illégal étant une priorité, un Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) a été créé et confié à la Gendarmerie nationale.

Cet office central de police judiciaire a pour domaine de compétence la lutte contre les infractions relatives au travail illégal sous toutes ses formes et travaille en synergie avec l'Office central pour la répression de l'immigration illégale et de l'emploi des étrangers sans titre (OCRIEST) et la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (Dilti), qui conserve toutes ses attributions en matière de formation, d'animation des Comités opérationnels de lutte contre le travail illégal (Colti) et d'exploration de la réglementation.

Une cellule composée de six militaires (deux officiers et quatre sous-officiers) a été mise en place, dès le mois de mai 2005, en tant qu'élément précurseur chargé d'organiser la montée en puissance progressive de l'Office en 2006 et 2007. À terme, cet office doit être composé d'une trentaine de personnes issues de la Gendarmerie nationale, qui fournira le noyau principal (soit 20 personnes), ainsi que de représentants des autres ministères impliqués dans cette action : Police nationale (plusieurs policiers dont un commissaire adjoint au chef d'Office), ministère du travail (inspecteur URSSAF), ministère de l'économie et des finances (inspecteurs Impôts et Douanes), ministère des transports (attaché des transports terrestres).

L'élément précurseur de la Gendarmerie nationale a pour mission de préparer la montée en puissance de l'office, en prenant notamment les contacts nécessaires avec les administrations partenaires et en réalisant une évaluation exhaustive du besoin afin d'identifier clairement la plus-value future que pourra apporter l'Office central aux unités.

Là encore, le système actuel ne donne pourtant pas entière satisfaction . Par exemple, le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) a relevé que l'OCLTI n'intervenait qu'en assistance à d'autres services enquêteurs , parfois peu enclins à ouvrir leurs enquêtes à un office central de gendarmerie. En outre, il concentre son action sur les réseaux . Or, comme cela a déjà été souligné, la traite des êtres humains n'est pas le fait des seuls réseaux organisés.

b) Des outils statistiques à perfectionner

De façon générale, les différents acteurs entendus par la délégation ont souligné les limites actuelles des outils statistiques, qui sont insuffisants et manquent de fiabilité .

Le CCEM recommande à cet égard que le GRETA puisse bénéficier de moyens plus importants pour établir des données statistiques plus fiables sur le phénomène de la traite .

Le Président du GRETA alerte pour sa part les pouvoirs publics sur le fait que « nous n'avons toujours pas une connaissance précise du nombre de victimes de traite en Europe, et ceci parce que les États n'ont pas encore mis au point de procédures efficaces d'identification des victimes qui permettraient de les dénombrer avec plus de certitude 87 ( * ) ».

Pourtant, il paraît primordial de pouvoir disposer de données statistiques fiables sur le phénomène de la traite des êtres humains . C'est ce qu'explique Bénédicte Lavaud-Legendre, dans un article récent : « le développement d'outils statistiques de recueil de données ainsi que l'existence de recherches identifiant les pratiques criminelles sont une nécessité. En l'absence de données statistiques, il est difficile de savoir l'ampleur, voire la réalité des phénomènes évoqués, et partant, de mettre en place des mesures adaptées . Outre la violation évidente des droits fondamentaux des victimes , on ne peut ignorer que ces pratiques criminelles faussent les règles de la concurrence, génèrent un manque à gagner pour l'État du fait du non versement des cotisations par les employeurs - dans le cas du travail forcé ou de l'esclavage domestique - et génèrent des troubles à l'ordre public considérables pour ce qui est notamment de la prostitution de rue et des cambriolages 88 ( * ) ».

Cet impératif est également bien identifié au niveau de l'Union européenne . Tout d'abord, dans sa communication sur l'évaluation de la criminalité dans l'Union européenne 89 ( * ) , la Commission européenne a insisté sur la nécessité de recueillir des données fiables et comparables afin d'élaborer une politique en matière de traite des êtres humains reposant sur des éléments concrets .

Ensuite, la stratégie de l'Union européenne en vue de l'éradication de la traite des êtres humains pour la période 2012-2016 90 ( * ) retient au titre de l'une de ses priorités le fait de « mieux cerner les nouvelles préoccupations relatives aux diverses formes de traite des êtres humains et y répondre efficacement », ce qui doit passer par la création d'un « système de collecte des données à l'échelle de l'Union européenne ». La Commission s'engage ainsi, « en collaboration avec les États membres, à mettre au point à l'échelle de l'Union européenne un système de collecte et de publication de données ventilées par âge et par sexe ».

Compte tenu des lacunes du système actuel en matière de données statistiques sur la traite des êtres humains, et dans le but d'améliorer l'information statistique sur ce phénomène, la délégation recommande de confier à la MIPROF un rôle de coordination des publications des offices existants, tout en conservant la spécificité et l'autonomie juridique de chacune de ces structures . Une recommandation sera formulée en ce sens.

7. L'exemple britannique : une source d'inspiration possible pour la France ?
a) Une étape législative essentielle en 2015

En 2014, le Royaume-Uni estimait que le nombre de victimes de l' « esclavage moderne 91 ( * ) » se situait entre 10 000 et 13 000 personnes sur son territoire. L'exploitation sexuelle y est la forme la plus répandue, suivie par le travail forcé, la criminalité forcée et la servitude domestique.

La lutte contre la traite des êtres humains a récemment fait l'objet d'une loi, adoptée le 26 mars 2015 ( Modern Slavery Act 2015 92 ( * ) ) par le Parlement britannique 93 ( * ) . Cette loi contre « l'esclavage moderne » vise notamment à améliorer la protection des victimes et à alourdir les sanctions applicables, dans la continuité d'une première loi ( bill ) adoptée en 2010 à l'initiative de Anthony Steen, président de la Fondation pour la lutte contre la traite des êtres humains, alors député. Elle comprend également une section relative à la transparence des chaînes d'approvisionnement des entreprises .

La section 54 prévoit ainsi que depuis octobre 2015, les entreprises qui vendent des biens ou des services et qui ont un chiffre d'affaires de plus de 36 millions de livres (soit plus de 49 millions d'euros) au Royaume-Uni publient chaque année :

- une déclaration précisant les actions que l'entreprise a mises en place au cours de l'année pour s'assurer qu'il n'y a ni esclavage, ni traite des êtres humains ou travail forcé chez aucun de ses sous-traitants ou dans ses propres établissements ;

- ou une déclaration indiquant que l'entreprise n'a effectué aucune démarche en ce sens.

Il ne s'agit pas pour l'entreprise de garantir que l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement est absolument vierge de toute infraction en matière de traite, mais plutôt de mettre en évidence les efforts réalisés pour éradiquer ce phénomène ( due diligence processes ). Ces dispositions visent à instaurer une logique vertueuse dans laquelle la transparence sur les fournisseurs va entraîner de facto une hausse des standards en matière de lutte contre la traite des êtres humains. Environ 12 000 entreprises sont concernées par cette nouvelle obligation.

Parallèlement à l'examen de cette loi, le Royaume-Uni a adopté en novembre 2014 un plan stratégique pour les années 2015 à 2017 et a nommé un commissaire indépendant en charge de la lutte contre l'esclavage moderne . La fonction de ce commissaire, nommé par le ministre de l'Intérieur ( Home Office ), a été créée par la loi de mars 2015 précitée.

b) Une action européenne portée par la Fondation pour la lutte contre la traite des êtres humains

Un groupe parlementaire, réunissant des membres des deux chambres britanniques (60 membres de la House of Commons et 20 membres de la House of Lords) , est dédié à la lutte contre l'esclavage moderne et la traite des êtres humains ( All Party Parliamentary Group on Human Trafficking and Modern Slavery) . Son secrétariat est assuré par la Fondation pour la lutte contre la traite des êtres humains ( Human Trafficking Foundation ), créée et dirigée par Anthony Steen.

En compagnie de deux autres membres de la fondation, Élizabeth Butler-Sloss et John Randall, le président de la fondation, Anthony Steen, a rencontré les co-rapporteures le mercredi 13 janvier 2016.

Partageant les craintes évoquées lors de la table ronde du 25 novembre 2015 liées à la captation de l'intérêt du grand public sur la seule problématique de la crise des migrants en Europe et à la confusion de ce sujet avec celui de la traite, les membres de la fondation oeuvrent depuis plusieurs années pour établir un réseau de parlementaires de tous les pays d'Europe susceptibles d'agir pour la lutte contre la traite des êtres humains . Ils comptent sur le Sénat français pour faire vivre cette dynamique européenne en France, et ont invité la délégation à se rendre à Londres, après l'adoption de ce rapport, pour en exposer le contenu à la fondation et pour mettre en place un suivi entre nos deux parlements sur le sujet de la traite des êtres humains .

D'ailleurs la coopération internationale est clairement identifiée comme l'une des priorités du Royaume-Uni, ainsi que le rappelle le commissaire en charge de la lutte contre la traite des êtres humains dans la présentation du plan stratégique 2015-2017. Cette collaboration est perçue comme essentielle entre forces de police, ou au sein d'Europol et d'Eurojust.

Les autres priorités définies par le Royaume-Uni sont :

- l'indentification et l'aide des victimes ;

- l'amélioration de l'application de la loi et de la réponse judiciaire ;

- la promotion des meilleures pratiques ;

- l'engagement du secteur privé.


* 65 Traite des êtres humains et violences faites aux femmes : priorités nationales, lutte internationale , rapport d'information n° 583 (2012-2013) de Mme Maryvonne Blondin, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

* 66 Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), La lutte contre la traite et l'exploitation des êtres humains, année 2015, rapport présenté à M. le Premier ministre et à la Commission européenne, adopté par l'Assemblée plénière le 15 janvier 2016 et rendu public le 10 mars 2016, p. 104 et 105.

* 67 Pour reprendre les termes de Bénédicte Lavaud-Legendre, chargée de recherche au CNRS, dans son article L'accès des personnes vulnérables à la justice sociale. Le cas des esclaves domestiques exploitées en France , ce terme visant en l'espèce la « frilosité des magistrats dans la sanction des faits d'esclavage domestique » (document transmis par l'auteur).

* 68 Table ronde du 14 janvier 2016 sur les aspects juridiques de la traite des êtres humains.

* 69 Voir le document en annexe au présent rapport.

* 70 Louis Guinamard, Les nouveaux visages de l'esclavage , op. cit.

* 71 Louis Guinamard: Les nouveaux visages de l'esclavage , op. cit.

* 72 End Child Prostitution, Child Pornography and trafficking of Children for Sexual Purposes.

* 73 L'ENM dispense actuellement, dans le cadre de la formation continue, un module d'enseignement consacré à la traite des êtres humains sur deux jours et demi.

* 74 Compte-rendu de l'audition de Mme Élisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la MIPROF, devant la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, jeudi 19 novembre 2015.

* 75 Louis Guinamard : Les nouveaux visages de l'esclavage , op. cit.

* 76 Voir par exemple la directive 2011/36/UE, article 14, alinéa 2 : « Les États membres désignent un tuteur ou un représentant pour l'enfant victime de la traite des êtres humains dès que l'enfant est identifié comme tel par les autorités lorsque, en vertu de la législation nationale, un conflit d'intérêts avec l'enfant victime empêche les titulaires de l'autorité parentale de défendre les intérêts supérieurs de l'enfant et/ou de le représenter » ; article 16, alinéa 3 : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, s'il y a lieu, un tuteur soit désigné pour l'enfant victime de la traite des êtres humains qui n'est pas accompagné ».

* 77 L'association ECPAT plaide pour la désignation d'un tuteur plutôt que d'un administrateur ad hoc (AAH), en soulignant que le rôle de l'AAH est limité et provisoire. Il est chargé de représenter l'enfant ainsi que ses intérêts patrimoniaux et extrapatrimoniaux. Il a vocation à intervenir dans toutes les procédures pénales, civiles, administratives, contentieuses et extrajudiciaires. Il est principalement désigné aujourd'hui lorsque le mineur se trouve en zone d'attente ou lorsqu'il dépose une demande d'asile. En outre, l'AAH a un rôle plus limité que le tuteur, n'ayant pas de mission éducative en tant telle. En revanche, le tuteur agit comme un parent : il doit prendre soin de l'enfant, l'élever, gérer sa vie quotidienne ainsi qu'administrer ses biens. Il prend soin de la personne du mineur et le représente dans tous les actes de la vie civile.

* 78 Hors la Rue assure notamment la formation des éducateurs des centres de protection de l'enfance concernés.

* 79 Bénédicte Lavaud-Legendre : La traite des êtres humains comme objet de politique publique. Recherche d'une ligne directrice , document transmis par l'auteur.

* 80 Source : CNCDH.

* 81 Comité Inter-Mouvements Auprès Des Évacués.

* 82 Rapport soumis par les autorités françaises pour être en conformité avec la Recommandation du Comité des Parties CP (2013)1 sur la mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains , reçu le 13 février 2015.

* 83 Instruction n° NOR INTV1501995N , qui figure en annexe au présent rapport.

* 84 Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), La lutte contre la traite et l'exploitation des êtres humains, année 2015, rapport présenté à M. le Premier ministre et à la Commission européenne, adopté par l'Assemblée plénière le 15 janvier 2016 et rendu public le 10  mars 2016, p. 123.

* 85 Compte-rendu de l'audition de Mme Michèle Ramis, ambassadrice chargée de la lutte contre la criminalité organisée, devant la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, jeudi 29 octobre 2015.

* 86 Louis Guinamard : Les nouveaux visages de l'esclavage , op. cit.

* 87 Nicolas Le Coz, président du GRETA, cité par Louis Guinamard dans Les nouveaux visages de l'esclavage, op. cit.

* 88 Article de Bénédicte Lavaud-Legendre : La traite des êtres humains comme objet de politique publique. Recherche d'une ligne directrice (document transmis par l'auteur).

* 89 Évaluation de la criminalité dans l'Union européenne : plan d'action statistique 2011-2015 , COM (2011) 713 final , 18 janvier 2012.

* 90 Communication de la Commission au parlement européen, au Conseil, au Conseil économique et social européen et au comité des régions, COM (2012) 286 final , 19 juin 2012.

* 91 Il s'agit de l'équivalent de la qualification de la traite des êtres humains. Le droit britannique désigne sous la mention de traite les personnes ayant organisé ou facilité le déplacement d'une personne, tandis que l'esclavage moderne désigne le travail forcé, l'esclavage ou la servitude. Le code pénal français regroupe tous ces cas de figure sous la qualification de traite des êtres humains.

* 92 http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2015/30/contents/enacted

* 93 Les parlements écossais et d'Irlande du Nord ont également adopté un texte similaire.

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