N° 463

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 mars 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la réforme de la loi électorale de l' Union européenne ,

Par Mme Fabienne KELLER et M. Jean-Yves LECONTE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, MM. Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Michel Mercier, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle

AVANT-PROPOS

La commission des affaires européennes a été saisie dans le cadre de l'application de l'article 88-4 de la Constitution d'un projet de réforme de la loi électorale de l'Union européenne adopté par le Parlement européen. Cette réforme vise l'élection des membres du Parlement européen. Aux termes des Traités, le Parlement européen peut en effet proposer une révision du dispositif existant qui est ensuite soumise au Conseil. Celui-ci dispose de toute latitude pour l'amender et le voter. Après vote du Parlement européen, le texte est ensuite soumis à l'approbation des Etats membres. Le texte initial, adopté en 1976, n'a été révisé qu'une fois, en 2002. La sensibilité du sujet et les problèmes de subsidiarité qu'il suppose en matière de droit électoral ont souvent limité les velléités réformatrices du Parlement européen.

Ce nouveau projet, qui a recueilli un vote favorable du Parlement européen le 11 novembre 2015, s'inscrit dans un contexte de progression de l'abstention lors des élections européennes et d'une difficulté plus large pour l'Union européenne à s'incarner auprès de nos concitoyens. Elle s'appuie sur le Traité de Lisbonne qui prévoit que la nomination du candidat à la présidence de la Commission européenne par le Conseil tienne compte du résultat des élections européennes. S'appuyant sur cette disposition, plusieurs partis politiques européens ont, en 2014, fait campagne en mettant en avant le candidat qu'ils avaient l'intention de soutenir à la tête de la Commission européenne. C'est cette évolution vers un débat politique européen que le Parlement européen veut renforcer et inscrire dans le droit.

La commission des affaires européennes du Sénat partage cette préoccupation de rapprocher l'Union européenne et ses représentants des citoyens. Toute réforme allant dans le sens d'un renforcement de la légitimité démocratique de ses institutions va incontestablement dans la bonne direction. De tels projets doivent cependant respecter le principe de subsidiarité et être le plus clair possible, à la fois pour le législateur et pour le citoyen. C'est à l'aune de cette double exigence que vos rapporteurs ont analysé la proposition de décision du Parlement européen et ont conclu à l'adoption d'une proposition de résolution européenne sur ce texte.

LE PROJET DU PARLEMENT EUROPÉEN

Le Parlement européen a adopté, le 11 novembre 2015, une résolution sur la réforme de la loi électorale de l'Union européenne. Porté par Mme Danita Hübner (Pologne - PPE) et M. Jo Leinen (Allemagne - S&D), ce texte est assorti d'une proposition de décision du Conseil destinée à modifier l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel, annexé à une décision du Conseil adoptée en 1976 1 ( * ) . Ces dispositions ont été modifiées en 2002 afin de tenir compte de l'évolution des Traités 2 ( * ) . Plusieurs principes ont alors été retenus :

- L'organisation des élections sur la base d'un scrutin de liste ou d'un vote unique transférable de type proportionnel 3 ( * ) ;

- La suppression du cumul de tout mandat national avec celui de député européen ;

- La liberté pour les États membres de constituer des circonscriptions au niveau national ;

- La faculté pour les États de mettre en place des seuils d'éligibilité fixés à 5 % des suffrages exprimés.

L'intervention du Parlement européen se fonde sur l'article 223, alinéa 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, aux termes duquel « le Parlement européen élabore un projet en vue d'établir les dispositions nécessaires pour permettre l'élection de ses membres au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à des principes communs à tous les États membres ».

Le Conseil établit ensuite les « dispositions nécessaires », ce qui lui laisse toute latitude pour amender le dispositif. Il statue à cet effet à l'unanimité. Le texte doit ensuite être adopté par le Parlement européen, qui se prononce à la majorité. Ces dispositions entrent en vigueur après leur approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

La rédaction des Traités laisse une grande marge de manoeuvre aux Etats quant à la rédaction finale du texte, ce dont semble avoir parfaitement conscience le Parlement européen qui considère le texte comme une « boîte à outils » ou une contribution au débat, ce qui explique l'absence de précision sur certains points.

Il ne s'agit pas, en tout état de cause, d'une nouveauté. Un projet de rapport de la commission des affaires constitutionnelles avait déjà été présenté en juillet 2010 sur cette question, sans rencontrer un accueil favorable au sein du Parlement européen qui n'avait alors pas donné suite. Le document contenait déjà des propositions pour une liste électorale transnationale, des circonscriptions régionales obligatoires au sein des États membres comptant plus de 20 millions d'habitants et un âge de vote minimum fixé à 16 ans à l'échelon communautaire 4 ( * ) .

VERS UNE VÉRITABLE ÉLECTION EUROPÉENNE ?

L'ambition affichée par le Parlement européen est de faire de ce scrutin une véritable élection européenne, comme en témoigne la résolution qu'il a adoptée. Celle-ci constitue en quelque sorte l'exposé des motifs de la proposition de décision soumise au Conseil. Il s'agit de renforcer la dimension démocratique et transnationale des élections européennes. Ce faisant, le Parlement européen entend concourir à l'amélioration du processus décisionnel de l'Union européenne, en lui conférant davantage de légitimité démocratique. Le Parlement européen souhaite, dans le même temps, permettre aux partis politiques européens de s'affirmer et contribuer à la formation de la conscience politique européenne, conformément à l'article 10 du Traité sur l'Union européenne.

Deux propositions concourent directement à cet objectif :

- La mise en place d'une circonscription commune ;

- La mise en avant par les partis politiques européens de leurs candidats à la présidence de la Commission européenne.

Le principe d'une circonscription commune n'est pas détaillé. Sa création est soumise à un vote à l'unanimité du Conseil. Les rapporteurs du texte au Parlement européen ont clairement distingué leur projet de celui d'une circonscription unique étendue à l'échelle de l'Union européenne. La circonscription commune serait connexe à celles des Etats et concernerait autour de 8 % des députés européens. Un tel projet suppose la mise en place d'un système de double vote : les électeurs seraient appelés à voter dans leurs circonscriptions nationale d'une part et pour les listes présentées dans cette circonscription supranationale d'autre part.

Selon le projet du Parlement, ce faisant, les électeurs participeraient à la désignation du Président de la Commission européenne. Les têtes de listes au sein de cette circonscription commune seraient, en effet, les candidats de chaque famille politique à ce poste ( Spitzenkandidaten ). Le Parlement européen propose ainsi une lecture à son avantage de l'article 17, alinéa 7, du traité sur l'Union européenne. Aux termes de celui-ci, si le président de la Commission européenne doit être élu par le Parlement européen, ce vote n'intervient qu'après que le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée et tenant compte des élections au Parlement européen, lui a proposé un candidat. Le vote aux élections européennes lierait en quelque sorte les mains du Conseil.

La mise en place d'une circonscription commune aurait également une autre conséquence. Elle rendrait encore plus nécessaire une harmonisation du droit électoral concernant les élections européennes. Le droit doit être le même entre la circonscription commune et celles mises en place au sein des Etats membres. C'est sous cet angle qu'il convient d'analyser la suite de la proposition de décision du Parlement européen .


* 1 Décision du Conseil 76/787/CECA, CEE, Euratom du 20 septembre 1976.

* 2 Décision du Conseil 2002/772/CE, Euratom du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002.

* 3 Le vote unique transférable ou système de Hare permet à chaque électeur de pouvoir choisir son ou ses candidats, sans s'en remettre au choix d'un parti, le nombre d'élus devant également correspondre à une répartition proportionnelle. Il est utilisé en Estonie, en Irlande et à Malte.

* 4 Projet de rapport de M. Andrew Duff (Royaume-Uni - ADLE) au nom de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen (2009/2134).

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