Rapport d'information n° 463 (2015-2016) de Mme Fabienne KELLER et M. Jean-Yves LECONTE , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 10 mars 2016

Disponible au format PDF (277 Koctets)


N° 463

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 mars 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la réforme de la loi électorale de l' Union européenne ,

Par Mme Fabienne KELLER et M. Jean-Yves LECONTE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, MM. Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Michel Mercier, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle

AVANT-PROPOS

La commission des affaires européennes a été saisie dans le cadre de l'application de l'article 88-4 de la Constitution d'un projet de réforme de la loi électorale de l'Union européenne adopté par le Parlement européen. Cette réforme vise l'élection des membres du Parlement européen. Aux termes des Traités, le Parlement européen peut en effet proposer une révision du dispositif existant qui est ensuite soumise au Conseil. Celui-ci dispose de toute latitude pour l'amender et le voter. Après vote du Parlement européen, le texte est ensuite soumis à l'approbation des Etats membres. Le texte initial, adopté en 1976, n'a été révisé qu'une fois, en 2002. La sensibilité du sujet et les problèmes de subsidiarité qu'il suppose en matière de droit électoral ont souvent limité les velléités réformatrices du Parlement européen.

Ce nouveau projet, qui a recueilli un vote favorable du Parlement européen le 11 novembre 2015, s'inscrit dans un contexte de progression de l'abstention lors des élections européennes et d'une difficulté plus large pour l'Union européenne à s'incarner auprès de nos concitoyens. Elle s'appuie sur le Traité de Lisbonne qui prévoit que la nomination du candidat à la présidence de la Commission européenne par le Conseil tienne compte du résultat des élections européennes. S'appuyant sur cette disposition, plusieurs partis politiques européens ont, en 2014, fait campagne en mettant en avant le candidat qu'ils avaient l'intention de soutenir à la tête de la Commission européenne. C'est cette évolution vers un débat politique européen que le Parlement européen veut renforcer et inscrire dans le droit.

La commission des affaires européennes du Sénat partage cette préoccupation de rapprocher l'Union européenne et ses représentants des citoyens. Toute réforme allant dans le sens d'un renforcement de la légitimité démocratique de ses institutions va incontestablement dans la bonne direction. De tels projets doivent cependant respecter le principe de subsidiarité et être le plus clair possible, à la fois pour le législateur et pour le citoyen. C'est à l'aune de cette double exigence que vos rapporteurs ont analysé la proposition de décision du Parlement européen et ont conclu à l'adoption d'une proposition de résolution européenne sur ce texte.

LE PROJET DU PARLEMENT EUROPÉEN

Le Parlement européen a adopté, le 11 novembre 2015, une résolution sur la réforme de la loi électorale de l'Union européenne. Porté par Mme Danita Hübner (Pologne - PPE) et M. Jo Leinen (Allemagne - S&D), ce texte est assorti d'une proposition de décision du Conseil destinée à modifier l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel, annexé à une décision du Conseil adoptée en 1976 1 ( * ) . Ces dispositions ont été modifiées en 2002 afin de tenir compte de l'évolution des Traités 2 ( * ) . Plusieurs principes ont alors été retenus :

- L'organisation des élections sur la base d'un scrutin de liste ou d'un vote unique transférable de type proportionnel 3 ( * ) ;

- La suppression du cumul de tout mandat national avec celui de député européen ;

- La liberté pour les États membres de constituer des circonscriptions au niveau national ;

- La faculté pour les États de mettre en place des seuils d'éligibilité fixés à 5 % des suffrages exprimés.

L'intervention du Parlement européen se fonde sur l'article 223, alinéa 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, aux termes duquel « le Parlement européen élabore un projet en vue d'établir les dispositions nécessaires pour permettre l'élection de ses membres au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à des principes communs à tous les États membres ».

Le Conseil établit ensuite les « dispositions nécessaires », ce qui lui laisse toute latitude pour amender le dispositif. Il statue à cet effet à l'unanimité. Le texte doit ensuite être adopté par le Parlement européen, qui se prononce à la majorité. Ces dispositions entrent en vigueur après leur approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

La rédaction des Traités laisse une grande marge de manoeuvre aux Etats quant à la rédaction finale du texte, ce dont semble avoir parfaitement conscience le Parlement européen qui considère le texte comme une « boîte à outils » ou une contribution au débat, ce qui explique l'absence de précision sur certains points.

Il ne s'agit pas, en tout état de cause, d'une nouveauté. Un projet de rapport de la commission des affaires constitutionnelles avait déjà été présenté en juillet 2010 sur cette question, sans rencontrer un accueil favorable au sein du Parlement européen qui n'avait alors pas donné suite. Le document contenait déjà des propositions pour une liste électorale transnationale, des circonscriptions régionales obligatoires au sein des États membres comptant plus de 20 millions d'habitants et un âge de vote minimum fixé à 16 ans à l'échelon communautaire 4 ( * ) .

VERS UNE VÉRITABLE ÉLECTION EUROPÉENNE ?

L'ambition affichée par le Parlement européen est de faire de ce scrutin une véritable élection européenne, comme en témoigne la résolution qu'il a adoptée. Celle-ci constitue en quelque sorte l'exposé des motifs de la proposition de décision soumise au Conseil. Il s'agit de renforcer la dimension démocratique et transnationale des élections européennes. Ce faisant, le Parlement européen entend concourir à l'amélioration du processus décisionnel de l'Union européenne, en lui conférant davantage de légitimité démocratique. Le Parlement européen souhaite, dans le même temps, permettre aux partis politiques européens de s'affirmer et contribuer à la formation de la conscience politique européenne, conformément à l'article 10 du Traité sur l'Union européenne.

Deux propositions concourent directement à cet objectif :

- La mise en place d'une circonscription commune ;

- La mise en avant par les partis politiques européens de leurs candidats à la présidence de la Commission européenne.

Le principe d'une circonscription commune n'est pas détaillé. Sa création est soumise à un vote à l'unanimité du Conseil. Les rapporteurs du texte au Parlement européen ont clairement distingué leur projet de celui d'une circonscription unique étendue à l'échelle de l'Union européenne. La circonscription commune serait connexe à celles des Etats et concernerait autour de 8 % des députés européens. Un tel projet suppose la mise en place d'un système de double vote : les électeurs seraient appelés à voter dans leurs circonscriptions nationale d'une part et pour les listes présentées dans cette circonscription supranationale d'autre part.

Selon le projet du Parlement, ce faisant, les électeurs participeraient à la désignation du Président de la Commission européenne. Les têtes de listes au sein de cette circonscription commune seraient, en effet, les candidats de chaque famille politique à ce poste ( Spitzenkandidaten ). Le Parlement européen propose ainsi une lecture à son avantage de l'article 17, alinéa 7, du traité sur l'Union européenne. Aux termes de celui-ci, si le président de la Commission européenne doit être élu par le Parlement européen, ce vote n'intervient qu'après que le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée et tenant compte des élections au Parlement européen, lui a proposé un candidat. Le vote aux élections européennes lierait en quelque sorte les mains du Conseil.

La mise en place d'une circonscription commune aurait également une autre conséquence. Elle rendrait encore plus nécessaire une harmonisation du droit électoral concernant les élections européennes. Le droit doit être le même entre la circonscription commune et celles mises en place au sein des Etats membres. C'est sous cet angle qu'il convient d'analyser la suite de la proposition de décision du Parlement européen .

UNE PROCÉDURE ELECTORALE HARMONISÉE ?

L'objectif d'harmonisation du droit électoral est poursuivi dans trois domaines :

- Le mode de scrutin ;

- La procédure électorale ;

- La campagne électorale en tant que telle.

LA QUESTION DES SEUILS ÉLECTORAUX

Il s'agit là d'une des principales motivations du texte. Afin d'éviter une dispersion des voix et participer à la mise en place de majorités cohérentes, le texte prévoit que pour les circonscriptions dotées de plus de 26 sièges, le seuil d'éligibilité ne doit être ni inférieur à 3 % ni supérieur à 5 % (nouvel article 3). La décision du Conseil de 2002 laisse pour l'heure aux Etats membres le soin de fixer un seuil minimal pour l'attribution des sièges, celui-ci ne pouvant dépasser 5 % des suffrages exprimés au niveau national. Le Parlement européen relève en effet que 15 États membres ont déjà eu recours à cette option et ont introduit un seuil compris entre 3 et 5 %. Il souligne que dans les pays qui n'ont pas institué un tel seuil légal, la pratique montre que les formations disposant d'élus dépassent généralement 3 % des votes.

La Grèce a mis en place un seuil de 3 %, l'Italie, l'Autriche, la Suède et la Slovénie un seuil de 4 %. La Croatie, la France, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et la République tchèque ont introduit un pallier de 5 %. Le seuil en Bulgarie tourne autour de 5,88 % selon les circonscriptions.

La Belgique, Chypre le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, l'Irlande, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, et le Royaume-Uni ne disposent pour l'heure pas de seuils électoraux. La plupart de ces pays sont considérés comme des Etats membres de petite ou moyenne taille dont les délégations oscillent entre 5 et 26 eurodéputés. Même sans seuil, la proportionnelle intégrale mais mécaniquement en place un seuil de fait situé entre 4 et 20 %. Il convient aussi de souligner que les seuils électoraux n'ont pas la même signification dans les pays où la répartition des sièges se fait à la proportionnelle dans chacune des circonscriptions et dans les pays où les sièges sont répartis dans les circonscriptions en fonction des scores obtenus à la proportionnelle au niveau national.

L'Espagne (54 députés) et le Royaume-Uni (73 députés) font figure d'exception. Il convient d'y ajouter désormais l'Allemagne (96 députés). Deux arrêts du Tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe, datant de 2011 et 2014, ont en effet invalidé le système de seuil mis en place pour les élections européennes. Un premier seuil de 5 %, introduit en 2008, allait, selon elle, à l'encontre de l'égalité des chances et de l'égalité dans le processus électoral des partis politiques, considérés comme des principes constitutionnels allemands 5 ( * ) . Le second dispositif adopté en 2013 par le législateur allemand prévoyait un seuil de 3% a été invalidé pour les mêmes raisons 6 ( * ) . Reste que le juge constitutionnel estime que ce seuil pourrait être autorisé s'il découle d'une obligation imposée par le droit international, ce qui n'est pas le cas dans le cadre de la décision de 2002. C'est dans ce contexte que le ministre des affaires étrangères allemand a plaidé le 8 juillet 2014 pour l'introduction d'un seuil minimal pour entrer au Parlement, souhaitant une règle uniforme à l'échelle de l'Union européenne. Un tel dispositif permettrait selon lui de lutter contre les dérapages racistes au sein du Parlement européen, en limitant la présence des mouvements xénophobes 7 ( * ) . La proposition de décision du Parlement européen répond à cette ambition.

Le mode de scrutin en France

En France, la loi n°2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques définit le mode de scrutin pour les élections européennes.

8 circonscriptions interrégionales (Nord-Ouest, Ouest, Est, Sud-Ouest, Sud-Est, Massif central-Centre, Outre-mer, Île-de-France à laquelle sont associés les Français de l'étranger) se sont substituées à la seule circonscription nationale. Les 74 sièges à pourvoir sont répartis entre les 8 circonscriptions proportionnellement à leur population 8 ( * ) .

Les députés français sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à un tour. Les électeurs choisissent donc une liste sur laquelle ils ne peuvent rayer aucun nom, ni changer l'ordre. Les listes ayant recueilli moins de 5% des voix ne sont pas admises à la répartition des sièges.

LA PROCÉDURE ÉLECTORALE

Aux termes de la proposition de décision, les dates de scrutin (la période électorale s'étalant entre le jeudi et le dimanche à 21 heures, le choix des jours de vote étant à la discrétion des États membres) est désormais déterminée au moins un an avant la fin de la législature par le Parlement européen, après consultation du Conseil. Elle était jusqu'alors déterminée par le Conseil statuant à l'unanimité. La proposition de décision ne reprend pas pour autant la mise en place d'une date commune pour le scrutin, la résolution du Parlement encourageant les États membres à oeuvrer à la recherche d'un accord sur cette question (point 24). Dans une recommandation de mars 2013, la Commission européenne allait plus loin en proposant que les États membres arrêtent une date commune pour les élections au Parlement européen et font en sorte que la fermeture des différents bureaux de vote ait lieu à la même heure 9 ( * ) .

La date limite pour l'établissement et la finalisation de la liste des électeurs est fixée à huit semaines avant le premier jour de scrutin (nouvel article 3 ter ). Ce souci d'harmonisation est motivé par le souhait de renforcer le caractère européen d'un scrutin dont les règles en la matière divergent grandement d'un État membre à l'autre. Le Parlement européen constate que les délais fixés pour finaliser la liste des candidats varient en effet de 17 à 83 jours de part et d'autre de l'Union européenne.

Le texte laisse la possibilité aux États membres de mettre en place un vote électronique, par correspondance ou par internet pour ce scrutin (nouvel article 4 bis ).

La proposition de décision insiste en outre sur la garantie du droit de vote pour les citoyens de l'Union qui résident ou travaillent dans des pays tiers (nouvel article 9 bis ). Le double vote pour les électeurs issus d'un État membre mais résidant dans un autre devrait, de son côté, être limité par la mise en place d'une autorité de contact au sein de chaque État membre. Celle-ci sera chargée d'échanger avec les homologues des autres États membres des données sur les électeurs, dès lors qu'ils sont ressortissants de plus d'un État membre ou qu'ils ne sont pas ressortissants de l'État membre dans lequel ils résident (nouvel article 9 ter ). Il convient de rappeler qu'au terme de l'article 9 de l'acte portant élection des membres au Parlement européen au suffrage universel direct nul ne peut voter deux fois. 13 États membres n'ont pour autant pas pris de règles adaptées pour empêcher de telles situations de se produire. Le principe d'une autorité de contact était déjà contenu dans la recommandation de la Commission européenne de mars 2013.

Les règles concernant l'envoi de matériel électoral aux électeurs lors des élections au Parlement européen doivent, par ailleurs, être les mêmes que celles appliquées à l'occasion des scrutins nationaux, régionaux ou locaux (article 3 sexies ).

La résolution allait plus loin en ce qui concerne la participation au scrutin, le Parlement européen recommandant aux États membres d'harmoniser l'âge minimal des électeurs à 16 ans, cet âge étant déjà retenu par certains États membres (point 15 de la résolution). Le Parlement européen entend ainsi favoriser une plus grande égalité. Il convient de rappeler à ce stade que seuls l'Autriche, la Slovénie (dès lors que les votants travaillent) et certains Länder allemands (Bade-Wurtemberg, Basse-Saxe, Berlin, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Rhénanie-du-Nord-Westphalie et Saxe-Anhalt pour le seul niveau local et Brême, Hambourg et Schleswig-Holstein, aux niveaux local et régional) ont abaissé l'âge minimal des votants à 16 ans. Cet abaissement n'a pas été retenu dans la proposition de décision.

La proposition de décision étend, enfin, la portée des incompatibilités en prévoyant ainsi que les membres d'un parlement régional ou les représentants d'une assemblée régionale investie de pouvoirs législatifs ne puissent cumuler leurs fonctions avec celles de membre du Parlement européen. Elle précise par ailleurs que les membres du Comité des régions, de la Cour des comptes ou de la Banque européen d'investissement ne peuvent être parlementaires européens (article 7 modifié).

LA CAMPAGNE ÉLECTORALE

Chaque État membre disposerait d'un délai pour l'établissement des listes des candidats. Celui s'établirait à douze semaines au moins avant le début de la période électorale. Ce délai s'appliquerait également pour la désignation, par les partis européens, de leurs candidats au poste de président de la Commission européenne.

Le texte s'intéresse aussi à la sélection des candidats, les partis politiques participant aux élections s'engageant à respecter les procédures démocratiques et la transparence dans la désignation de leurs représentants (nouvel article 3 quater ). La liste des candidats doit, par ailleurs, assurer l'égalité des genres (nouvel article 3 quinquies ). La proposition de décision ne reprend pas une recommandation de la résolution du Parlement européen visant à promouvoir une représentation appropriée des minorités « ethniques, linguistiques et autres » (point 21 de la résolution).

La proposition de décision insiste, en outre, sur la visibilité des partis politiques européens. Les logos des partis nationaux qui leurs sont affiliés doivent avoir la même taille sur le bulletin de vote. Les supports de campagne électorale doivent contenir une référence au programme du parti politique européen. Les Etats membres sont incités à faciliter l'utilisation de ces affiliations dans les émissions radiotélévisées et sur les supports de campagne (article 3 sexies ). La recommandation de la Commission de 2013 était plus mesurée en invitant les partis politiques nationaux à mettre en avant leur affiliation à une formation européenne, en faisant connaître leur choix pour la présidence de la Commission, en faisant connaître leur programme et en diffusant cette information dans les médias. Les États membres pouvaient également faciliter la transmission d'informations aux électeurs sur les liens d'affiliation entre partis nationaux et partis politiques européens avant et pendant les élections au Parlement européen, notamment en autorisant et en encourageant l'indication de cette affiliation sur les bulletins utilisés lors de ces élections. Il s'agissait cependant d'une recommandation, à visée non prescriptive.

La résolution du Parlement européen va, au contraire, encore plus loin en matière de campagne en suggérant d'autoriser les partis régionaux à utiliser les langues régionales (point 4 de la résolution) et en insistant sur la limitation des dépenses de campagne à un montant « raisonnable », permettant une présentation « adéquate » des partis politiques, des candidats et de leurs programmes électoraux, sans plus de précision (point 11). Ces dispositions n'ont pas été détaillées dans le texte.

La présente proposition prévoit désormais que les projections officielles des résultats soient communiquées simultanément dans tous les États membres à la fin des votes, soit le dimanche à 21 heures (CET, soit l'heure française). Avant ce moment, aucune prévision fondée sur la sortie des urnes ne peut être publiée (article premier, alinéa 10). Il s'agit, selon ses promoteurs, de renforcer le caractère européen du scrutin et de réduire la possibilité d'influencer les résultats des élections. La décision de 2002 prévoyait déjà que le résultat des élections ne pouvait être proclamé dans un État membre qu'après la clôture du scrutin dans l'État membre où les électeurs votent les derniers.

*

Le Parlement européen souhaite que le nouveau dispositif puisse entrer en vigueur à l'occasion du scrutin de 2019.

Le texte prévoit d'ailleurs que les mesures d'application de la décision soient proposées par le Parlement européen, statuant à la majorité de ses membres avant d'être adoptées par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après consultation de la Commission européenne et nouvelle approbation du Parlement européen (nouvel article 14). Les mesures d'application de la décision sont, dans le texte original, adoptées à l'unanimité par le Conseil sur proposition du Parlement européen et après consultation de la Commission européenne. Ces mesures devaient avoir obtenu l'accord du Parlement européen, au sein d'une commission de concertation regroupant membres du Conseil et du Parlement européen.

LA POSITION DE VOS RAPPORTEURS

La proposition de décision présentée par le Parlement européen s'inscrit dans une démarche que vos rapporteurs ne peuvent qu'encourager : celle de la modernisation d'une procédure destinée à la rendre à la fois plus européenne, à renforcer la visibilité du Parlement européen et à renouer le lien entre l'électeur et le député européen. Cette ambition passe par des mesures nationales : on peut ainsi s'interroger sur l'actuel mode de scrutin et la représentativité des listes régionales ou l'interdiction, sur les bulletins de vote, de mentionner une affiliation. Elle est également dépendante de la procédure électorale européenne.

La commission des affaires européennes du Sénat s'est déjà interrogée par le passé sur les dispositions à prendre en vue de consolider le rôle du Parlement européen.

Une résolution européenne adoptée par le Sénat à l'initiative de la commission des affaires européennes avait approuvé, en 2014, les recommandations de la Commission européenne de mars 2013. La résolution appuyait la transmission d'informations aux électeurs sur les liens d'affiliation entre partis nationaux et partis politiques européens. Elle invitait les partis nationaux et européens à faire connaître avant les élections le nom du candidat aux fonctions de président de la Commission qu'ils soutiennent et son programme. Elle proposait la fixation par les États membres d'une date commune pour les élections avec une fermeture des bureaux de vote à la même heure 10 ( * ) .

La commission des affaires européennes avait également estimé, dans un rapport publié en 2014, qu'il convenait de mieux prendre en compte les conclusions de l'arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe du 30 juin 2009 qui souligne que le Traité sur l'Union européenne ne met pas en place, au sein des institutions de l'Union, un organe de décision politique élu au suffrage égalitaire par tous les citoyens et capable de représenter la volonté du peuple 11 ( * ) . Le Parlement européen n'est pas considéré par la Cour comme un organe représentatif du peuple européen souverain puisqu'il est composé de contingents nationaux de députés entre lesquels les inégalités de représentation apparaissent considérables. Il est indispensable, dans ces conditions de modifier les règles qui déterminent sa composition, en révisant notamment sa base démographique. Le rapport concluait à la nécessité de mettre en place une procédure électorale uniforme, arrêtée par le Parlement européen, permettant d'élire un nombre de parlementaires limité à 700 (contre 751 aujourd'hui) au sein d'une circonscription unique. En cas de maintien d'un scrutin régionalisé, le rapport prévoyait la possibilité de constituer des circonscriptions transnationales si les États le demandaient.

La proposition de décision du Parlement européen apparaît moins ambitieuse que les préconisations de la commission des affaires européennes puisqu'elle n'insiste pas sur le principe d'une circonscription unique. Elle entend néanmoins participer de l'objectif d'une procédure électorale uniforme, alors même que les circonscriptions nationales sont maintenues. Ce qui n'est pas sans susciter des réserves au titre de la subsidiarité. Il est permis, par ailleurs, de s'interroger sur l'opportunité d'introduire dans le droit des dispositions qui relèvent plus de la pratique politique.

L'ABSENCE DE CONSULTATION DES PARLEMENTS NATIONAUX

La résolution du Parlement européen insiste sur le fait que la réforme de la procédure électorale doit respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité et ne pas chercher à imposer l'uniformité (considérant C). Le Parlement européen n'a, pourtant, pas transmis ce texte aux parlements nationaux, alors même que le Protocole 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au Traité de Lisbonne, prévoit que tout projet d'acte législatif émanant du Parlement européen soit soumis à leur contrôle (article 4). L'article 3 dudit Protocole assimile les initiatives législatives du Parlement européen à des projets d'actes législatifs. La résolution du Parlement européen et la proposition de décision qui lui est jointe auraient donc dû être transmises pour permettre aux parlements nationaux d'exercer leur contrôle.

Cette transmission était d'autant plus nécessaire que le texte, en dépit des précautions affichées dans le considérant C, ne paraît pas respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Le degré de détail de la proposition de décision peut en effet laisser songeur, alors même que le principe d'une circonscription unique n'est pas retenu. Nombre des thématiques abordées relèvent du droit interne voire des pratiques politiques. Une intervention de l'Union européenne dans ces domaines n'est pourtant pas envisagée par les Traités, en particulier en ce qui concerne la procédure électorale. Il convient de rappeler que la Charte des droits fondamentaux annexée au traité sur l'Union européenne ne met en avant que trois principes en la matière :

- Le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen de tout citoyen de l'Union dans l'État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État (article 39.1) ;

- L'élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, libre et secret (article 39.2) ;

- Le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales de tout citoyen de l'Union dans l'État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État (article 40).

Ces principes ne sauraient conduire à une harmonisation des législations nationales. L'intervention du Parlement européen doit donc être proportionnée et respectueuse à la fois des Traités et des pratiques nationales, ce qui n'est pas, en l'espèce, le cas.

L'absence de transmission au titre du Protocole 2 ne constitue pas une première en ce qui concerne un acte du Parlement européen. À l'initiative de la commission des affaires européennes, le Sénat a ainsi adopté en mars 2013 une résolution européenne visant les modalités d'exercice du droit d'enquête du Parlement européen. Elle concernait une proposition de règlement du Parlement européen, non encore formellement adoptée par celui-ci. Le problème de subsidiarité avait déjà été relevé 12 ( * ) .

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que plusieurs Parlements nationaux aient choisi le biais de l'avis motivé au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité, prévu dans le cadre du protocole 2, pour relayer leur opposition à ce texte. La Chambre des communes britannique a d'ailleurs choisi la forme de l'avis motivé pour relayer ses critiques sur le projet le 4 février 2016. Le Riksdag suédois a opté pour la même solution le 3 février, suivi de la Chambre des députés luxembourgeoise le 5 février. La chambre des représentants et le Sénat néerlandais ont également adressé un avis motivé le 9 février. Le choix de ce format peut néanmoins laisser songeur, le texte n'ayant pas été transmis au titre du protocole 2, aucun délai d'examen commun aux parlements des 28 Etats n'est fixé.

Ces prises de positions nationales avaient été précédées par l'envoi d'un courrier adressé au président du Parlement européen regrettant l'absence de transmission du document au titre du protocole 2, que le président de la commission des affaires européennes a co-signé avec ses homologues des deux chambres néerlandaises et tchèques, des parlements hongrois, irlandais, letton, maltais et portugais, de la Chambre des Lords britannique et de l'Assemblée nationale.

Cette lettre a donné lieu à une réponse du président du Parlement européen qui ne donne toutefois aucun argument convaincant face aux objections légitimes des parlements nationaux. L'argument évoqué par les rapporteurs du texte pour justifier cette non-transmission tient à la volonté d'entamer des négociations avec le Conseil le plus rapidement possible afin que le texte soit applicable au prochain scrutin. Compte-tenu de la procédure, les rapporteurs du Parlement européen estiment que les parlements nationaux auraient de toute façon été consultés au moment de l'approbation de la réforme par les Etats membres, à l'issue du processus en somme. Une telle réponse n'apparaît pas satisfaisante au regard des Traités et des enjeux du texte.

LA PROPOSITION EST-ELLE COHÉRENTE AVEC L'OBJECTIF POURSUIVI ?

Vos rapporteurs sont assez favorables sur le principe à une révision du dispositif actuel dès lors qu'il renforce le lien entre l'électeur et son représentant européen et que l'ensemble apporte une réelle valeur ajoutée aux pratiques existantes. Il ne semble pas, toutefois, que ces conditions soient toujours remplies à la lecture du projet.

LA CIRCONSCRIPTION COMMUNE ET SES CONSÉQUENCES

Le principe d'une circonscription commune, limitée à 8 % des parlementaires européens, peut apparaître comme une avancée vers la circonscription unique et un moyen de renforcer le débat européen en le soustrayant aux enjeux nationaux. Il n'est pas certain pour autant que ce projet garantisse totalement une meilleure lisibilité au scrutin. Les électeurs seraient amenés à effectuer un double choix le jour du vote, en faveur d'une liste transnationale et d'une liste nationale. Le système peut apparaître complexe là où toute démarche doit s'orienter vers un renforcement de la lisibilité du scrutin. S'opère de surcroît une distinction entre députés européens issus de la première liste, conduite rappelons-le, par le candidat à la présidence de la Commission européenne et ceux de la deuxième, moins prestigieuse. La question des partis ne bénéficiant que d'une assise nationale est par ailleurs posée, dans quelle mesure peuvent-ils s'inscrire dans une circonscription par essence européenne ?

Le projet peut, en outre, apparaître, dans la configuration proposée, comme contraire aux Traités. La circonscription commune doit permettre la désignation du candidat à la présidence de la Commission. La procédure est, rappelons-le, déjà encadrée par les Traités qui prévoient que ledit candidat est présenté par le Conseil européen en tenant compte des résultats aux élections européennes. Il est évident - les premières négociations au Conseil sur le projet de texte le montrent - que le Conseil européen ne renoncera pas à cette prérogative fondamentale. La pratique observée lors du dernier scrutin européen tend à souligner que le dispositif actuel permet de respecter le choix des électeurs. Le candidat officiel du Parti populaire européen Jean-Claude Juncker, vainqueur des élections, a été désigné par le Conseil européen. La procédure actuelle offre par ailleurs de la souplesse en cas de majorité incertaine au Parlement européen, le Conseil pouvant présenter un candidat qui n'était pas tête de liste de chacun des partis mais à même de réunir sur son nom une coalition.

Le système proposé par le Parlement européen méconnaît par ailleurs une réalité, celle du vote. Plusieurs questions demeurent en effet ouvertes :

- celle de la légitimité d'une tête de liste battue au sein de la circonscription commune - celle de la véritable élection européenne - mais dont le parti est vainqueur en voix grâce aux circonscriptions nationales ;

- celle, plus hypothétique, de l'élimination éventuelle de la tête de liste dans la circonscription commune.

La question de la circonscription commune doit, enfin, être articulée avec celle de la composition même du Parlement européen. Dans le cadre actuel, autour de 60 députés seraient élus au sein de cette nouvelle circonscription. Il convient de rappeler que 2016 devrait être marquée par une révision de la composition du Parlement européen. La décision du Conseil européen de juin 2013 qui fixe celle-ci prévoit en effet que le Parlement européen présente avant la fin de l'année une initiative en vue d'instaurer un système qui, avant chaque nouvelle élection au Parlement européen, permettra de répartir les sièges entre les États membres d'une manière objective, équitable et durable 13 ( * ) . Il devra tenir compte de toute modification des évolutions démographiques dûment constatées et respecter l'équilibre global du système institutionnel. Ce système devra être opérationnel avant le début de la législature 2019-2024 sur la base d'une initiative du Parlement européen, présentée avant la fin de l'année 2016. Cette nouvelle répartition devrait donner lieu à de nombreux débats qui devraient être tranchés, compte tenu de l'importance du sujet, au niveau du Conseil européen. Il paraît difficilement concevable que les pays qui devraient voir leur nombre de représentants européens réduit dans ce cadre acceptent en plus de voir de nouveaux sièges transférés vers la circonscription commune.

LA CAMPAGNE ÉLECTORALE DOIT-ELLE ÊTRE ENCADRÉE PAR LA NORME EUROPÉENNE ?

Si vos rapporteurs peuvent comprendre la logique d'une nécessaire mise en avant de l'enjeu européen de l'élection, ils s'interrogent sur la nécessité, dans certains domaines, d'en passer par la norme européenne pour améliorer ce qui relève de la pratique.

Il en va ainsi des procédures de sélection des candidats que le Parlement européen souhaite voir les plus transparentes possibles et les plus démocratiques. Traditionnellement, le législateur national laisse aux formations politiques le soin d'organiser leur mode de fonctionnement, l'encadrant éventuellement de contraintes en matière de représentation égale des deux sexes. En France, l'article 4 de la Constitution garantit le libre exercice de leur activité. Le projet du Parlement européen apparait ainsi contraire à la Constitution. Dans ces conditions, il semble peu opportun d'envisager une intervention normative européenne dans ce domaine et uniformiser le mode de fonctionnement des partis nationaux à l'échelle européenne. La question du contrôle de la procédure de sélection n'est, par ailleurs, pas abordée par le texte.

De telles réserves s'appliquent également au délai imposé aux partis pour désigner leurs candidats à la présidence de la Commission européenne. Là encore, la liberté d'organisation des partis politiques apparaît remise en cause.

Rien n'est par ailleurs indiqué sur l'ordre des listes alors même que les traditions électorales divergent en la matière. L'ordre des candidats peut être modifié par l'attribution des voix de préférence en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Finlande, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Suède. Le droit électoral luxembourgeois permet de voter pour des candidats appartenant à différentes listes là où le droit suédois permet aux électeurs d'ajouter ou de supprimer des noms sur les listes. De telles pratiques fragilisent également la volonté d'harmoniser les bulletins.

La rédaction de l'article 3 sexies peut, en outre, susciter un certain scepticisme en ce qui concerne le rôle des Etats membres en vue d'encourager de de faciliter l'utilisation des affiliations aux partis européens lors des émissions électorales à la télévision et à la radio. Les contours de celles-ci ne sont pas suffisamment détaillés de sorte qu'une interrogation subsiste quant à savoir s'il s'agit des émissions de la campagne officielle ou d'autres programmes. Dans ce dernier cas, l'intervention des pouvoirs publics peut apparaître étrange. Toutefois, il est important que les droits nationaux évoluent et permettent de mettre le nom de l'éventuel candidat à la Commission européenne soutenue par une formation politique sur les bulletins de vote. Ce qui n'est pas possible aujourd'hui en France.

A l'inverse il est curieux, si l'ensemble du dispositif apparaît assez prescriptif et ambitieux, que rien ne soit indiqué concernant le financement de la campagne, notamment en ce qui concerne la circonscription commune. Le règlement sur les partis politiques européens adopté en 2014 ne vise pas la question de la campagne électorale 14 ( * ) . Le considérant 27 dudit règlement prévoit que si les partis politiques européens devraient pouvoir financer des campagnes menées à l'occasion des élections au Parlement européen, le financement et la limitation des dépenses électorales pour les partis et les candidats en vue de ces élections sont régis par les règles applicables dans chaque État membre. Le Parlement européen ne va pas au-delà et prend ainsi acte de l'hétérogénéité des règles de financement des campagnes électorales de part et d'autre de l'Union européenne. Cette situation est d'autant plus paradoxale qu'il aspire à une harmonisation du droit électoral touchant au scrutin européen. Il serait pourtant utile d'évoluer vers des règles communes en ce qui concerne le financement de cette campagne.

LE PROJET RENFORCE-T-IL LA VISIBILITÉ DU SCRUTIN ET LA REPRÉSENTATIVITÉ DU PARLEMENT EUROPÉEN ?

L'absence de visibilité du scrutin et les doutes sur sa représentativité se traduisent dans les urnes par une progression régulière de l'abstention. Le taux de participation ne cesse de diminuer depuis 1979 à l'échelle de l'Union. Il a ainsi atteint 42,54% en 2014 contre 43%, cinq ans plus tôt. Il n'est pas certain qu'avec l'adoption du projet de loi électorale tel que proposé par le Parlement européen cette dynamique soit totalement enrayée. Deux points peuvent susciter des réserves aux yeux de vos rapporteurs.

L'objectif affiché par la proposition de décision de fixer à huit semaines, soit quarante-cinq jours, la date limite pour l'établissement et la finalisation de la liste des électeurs pourrait ainsi s'avérer en deçà de la future norme française en la matière, destinée à lutter contre l'abstention. La loi n° 2015-852 du 13 juillet 2015 visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales a déjà permis, dans le cadre des élections régionales des 6 et 13 décembre 2015, de repousser la date limite d'inscription du 31 décembre 2014 au 30 septembre 2015. Dans la lignée de ce texte, une proposition de loi rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales, déposée à l'Assemblée nationale le 9 décembre 2015 par les deux auteurs de la loi n°2015-852 15 ( * ) . Elle prévoit que les citoyens puissent s'inscrire jusqu'à trente jours avant la date d'une élection. Une fois voté, le dispositif devrait entrer en vigueur avant le 31 décembre 2018, soit avant le prochain scrutin européen.

Il y a également lieu de s'interroger sur l'encouragement à mettre en place le vote électronique et le vote sur internet, ainsi que le vote par correspondance (article 3 septies ). Le texte prévoit que ces mises en place soient assorties des mesures suffisantes pour assurer la fiabilité du résultat, la confidentialité du vote et la protection des données. Comme l'a souligné un rapport de la commission des lois du Sénat en 2014, ce type de vote ne présente pas toutes les garanties 16 ( * ) . Le vote par internet n'offre ainsi aucune assurance en matière de sincérité et de secret des votes et ne prémunit en rien contre l'abstention. Les machines à vote reposent, quant à elle, sur la confiance de l'électeur, laquelle ne peut être aujourd'hui assurée par la démonstration matérielle de la fiabilité du processus. Un moratoire a d'ailleurs été mis en place en France en 2007 sur l'extension de ce type de pratique.

La question de la représentativité est, quant à elle, posée avec l'extension des incompatibilités. Le souhait du Parlement européen d'étendre le cumul des mandats aux membres de parlements ou d'assemblées régionaux disposant de pouvoirs législatifs peut s'entendre à l'aune du rôle national joué par certaines collectivités au sein d'États fédéraux à l'image des Länder allemands. Sa généralisation peut néanmoins être délicate au sein d'autres modèles constitutionnels. C'est notamment le cas de la France. Aux termes de l'article 72, alinéa 4, de la Constitution, les collectivités territoriales peuvent seulement déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences. Au contraire, des compétences plus importantes sont reconnues par la Constitution aux départements et régions d'Outre-Mer ainsi qu'aux collectivités d'Outre-Mer. Au titre des articles 73 et 74 de la Constitution, ils peuvent, en effet, adapter ou modifier la loi, là encore de façon encadrée. Les élus locaux ultramarins se verraient donc dans l'obligation d'abandonner leur mandat pour intégrer le Parlement européen alors même que les élus locaux métropolitains pourraient continuer à exercer ces deux mandats. Au-delà de cette inégalité, il convient d'insister sur le fait que la présence d'élus ultramarins au Parlement européen permet de maintenir le lien entre l'Union européenne et ses territoires éloignés du continent mais pour autant concernés par les décisions européennes. Il n'apparait donc pas utile d'évoluer sur les dispositions actuellement prises en matière d'incompatibilités.

LA QUESTION DU VOTE À L'ÉTRANGER

Les nouveaux articles 9 bis et 9 ter sont censés garantir la participation des citoyens de l'Union établis dans un pays tiers d'une part et l'absence de double vote pour les citoyens établis dans un autre pays membre de l'Union européenne d'autre part.

Le premier cas est sans doute le plus délicat à mettre en oeuvre, au-delà de l'affirmation de principe. Selon une étude de la Commission de Venise, 23 pays prévoient le droit de vote pour les expatriés depuis leur lieu de résidence (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Espagne Estonie, Finlande, France, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède et République tchèque) 17 ( * ) . Ce droit n'est pas forcément applicable aux élections européennes : la Belgique, le Danemark, l'Italie et le Portugal n'accordent le droit de vote qu'à leurs ressortissants qui résident dans un autre État de l'Union. L'Allemagne réserve ce droit de vote aux citoyens qui résident dans un autre pays depuis moins de vingt-cinq ans et le Royaume-Uni, seules certaines catégories de résidents à l'étranger sont concernées à l'instar des citoyens vivant à l'étranger depuis moins de quinze ans. À l'inverse, Chypre, la Grèce, l'Irlande ou Malte n'ont pas adopté de dispositions pour les résidents dans les pays tiers, quel que soit le scrutin. Par ailleurs, dans les pays qui l'autorisent, les citoyens résidant à l'étranger sont parfois tenus de voter uniquement en personne (Bulgarie, Croatie, Hongrie, Pologne, Roumanie et République tchèque), le vote par correspondance n'étant pas possible ce qui peut poser des difficultés 18 ( * ) .

La faiblesse du réseau consulaire peut justifier ces limites. Il apparaît difficile d'y remédier pour les seules élections européennes. C'est dans ce cadre qu'une circonscription commune serait peut-être la plus adaptée. Elle réunirait l'ensemble des citoyens résidents à l'étranger.

La mise en place d'une autorité de contact destinée à échanger des informations sur les électeurs résidant dans d'autres Etats membres de l'Union européenne va incontestablement dans le bon sens. Il s'agit notamment d'éviter les cas de radiation. La mauvaise transposition des règles européennes relatives au droit de vote aux élections municipales et européennes conduit certains pays à ne tenir qu'une seule liste électorale complémentaire, ce qui peut conduire à une double radiation non-souhaitée. Vos rapporteurs expriment cependant des doutes sur les contours du dispositif, comprenant un certain nombre de données qui peuvent s'avérer sensibles ou inopérantes (binationalité, nom et prénom, âge, ville de résidence, date d'arrivée). L'expérience française de 2014 montre ainsi que les échanges d'informations relatifs aux ressortissants d'un État membre vivant dans un autre État membre et ayant demandé son inscription sur la liste électorale de son État de résidence fonctionnent. Certains défauts sont néanmoins pointés. Des Etats confondent les demandes d'inscription sur les listes municipales avec les demandes d'inscription sur les listes dédiées aux élections européennes. Le manque d'harmonisation de l'état civil (en particuliers entre le nom de naissance et le nom marital) empêche les échanges d'infirmation d'être performants et fiables. S'agissant de la binationalité, l'État de résidence ne dispose pas toujours de l'information sur la seconde nationalité de son ressortissant. La proposition du Parlement de disposer de « données relatives aux citoyens de l'Union qui sont ressortissants de plus d'un État membre » peut apparaitre attentatoire à la liberté individuelle, à la souveraineté des Etats, et totalement disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi.

Un système attribuant à chaque citoyen européen un numéro électoral type INSEE simplifierait cet échange d'information et permettrait une actualisation rapide des listes.

*

La proposition de décision a été transmise au Conseil fin décembre 2015. Elle fait aujourd'hui l'objet d'échanges de vue entre Etats, sans véritable ouverture des négociations. Le service juridique du Conseil a, de son côté, été chargé d'élaborer un avis juridique portant sur les amendements au texte de 1976 et non sur la résolution du Parlement européen. Cet avis devrait être rendue public courant mars.

Pour l'heure, les débats au Conseil témoignent d'un certain scepticisme, partagé par le Gouvernement français, sur le texte en l'état actuel. L'institutionnalisation de la procédure de désignation des candidats à la Commission est le point qui suscite le plus de réserves, les États mettant en avant qu'il s'agit là d'une interprétation particulière des Traités. Plusieurs États émettent par ailleurs des réserves au titre de la subsidiarité concernant l'introduction d'un délai de 12 semaines pour l'établissement de listes de candidats, la date limite pour la finalisation de la liste des électeurs, l'harmonisation de l'heure de clôture des votes ou l'introduction du vote électronique. Certains Etats relèvent que les questions liées au respect de l'égalité de genre pour les listes des candidats ou la transparence des procédures relatives à la sélection des candidats sont de la compétence des partis nationaux. Des oppositions claires ont par ailleurs été affichées au remplacement de l'unanimité par la majorité qualifiée au Conseil pour les décisions relatives à l'acte électoral ou l'introduction du seuil électoral minimum entre 3 et 5 %. Ce point est cependant soutenu par l'Allemagne. Des doutes sur la faisabilité des mesures ont, en outre, été émis concernant l'échange de données entre États membres sur les électeurs.

La révision des modalités de vote au Conseil sur les mesures d'application de la procédure électorale - ceux-ci ne nécessiteraient plus l'unanimité mais une majorité qualifiée - devrait également susciter les réserves du Conseil. L'article 223 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit en effet que tout projet concernant la procédure électorale soit approuvé par le Conseil, statuant à l'unanimité, sous forme de décision. Les dispositions ne peuvent par ailleurs entrer en vigueur qu'après leur approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Une telle disposition revient par ailleurs à déléguer des pouvoirs d'exécution au Parlement européen, ce qui est, là encore, contraire aux Traités.

Compte-tenu de ces réserves mais aussi des discussions à venir sur le texte fixant la future composition du Parlement européen, il paraît peu probable que le nouveau dispositif soit opérationnel pour le scrutin de 2019.

Afin de contribuer au débat et étayer la réflexion du Gouvernement, vos rapporteurs proposent l'adoption d'une résolution européenne sur le sujet qui résumerait les observations présentées dans ce rapport.

EXAMEN PAR LA COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 10 mars pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par Mme Fabienne Keller et M. Jean-Yves Leconte, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet , président . - Merci pour ces réflexions sur ce sujet fondamental.

M. André Gattolin . - Le sujet est complexe sans être nouveau. L'idée d'une circonscription transnationale avait déjà émergé, notamment dans le très bon rapport d'Andrew Duff, un eurodéputé libéral britannique. Le Parlement européen, dans sa volonté d'affirmer sa souveraineté, nous fait une proposition un cran au-dessous. Pour ma part, j'y suis favorable : la renationalisation des votes durant les deux dernières mandatures représente un danger.

Cela dit, le Parlement européen peine à se mettre en ligne avec ses propres propositions. Comment articuler l'idée d'une circonscription commune avec celle d'un Parlement de la zone euro par exemple ?

En ce qui concerne la notion de seuil, elle ne veut rien dire dès lors qu'on fonctionne par subdivisions régionales ou par grandes régions, comme en France. Dans la région Centre, il faut obtenir 15 ou 16 % des voix pour espérer envoyer un élu au Parlement européen.

L'objectif est de rapprocher les eurodéputés des citoyens. De quel rapprochement parle-t-on ? Géographique, politique ou affinitaire par rapport au projet européen ? Je reste hostile au système d'eurorégions proposé en France. Avec des contingents nationaux réduits, il serait, en outre, de plus en plus difficile de garantir la proportionnalité des listes.

La lutte contre l'abstention ? Les élections européennes se déroulent toujours en mai-juin, quand le beau temps invite à la promenade. Si le vote électronique n'est pas une bonne idée, nous pourrions envisager le vote anticipé qui a fait ses preuves au Canada. Les citoyens auraient ainsi la possibilité de se prononcer une semaine avant la date fixée.

La rédaction de la résolution est parfois complexe. La dernière phrase du point 11 manque de clarté. Au point 14, mieux vaudrait remplacer « volet financier » par « le volet du financement » pour éviter les confusions. Je suis en désaccord avec le point 16 : certains parlementaires ultra-marins ont du mal à être présents dans notre assemblée. Il faudrait dresser un bilan sur la présence au Parlement européen de ceux qui viennent de très loin. Le non cumul est important.

Mme Fabienne Keller . - Nous approuvons l'amendement proposé pour l'alinéa 14.

M. Éric Bocquet . - Merci aux rapporteurs de nous avoir éclairés sur cette question que l'on ne saurait résumer à son aspect technique : les règles de l'élection sont une condition de la vitalité démocratique au sein du Parlement européen comme ailleurs. La diversité des opinions doit être respectée dans l'ensemble des États membres, sans quoi le bipartisme continuera de nourrir l'abstention et le rejet du système. La proportionnelle est le système électoral le plus juste qui soit, veillons à ne pas l'affadir. Peut-être pourrait-on ajouter à la proposition de résolution un alinéa sur le respect de la diversité des opinions ?

M. Alain Richard . - Selon le vieux principe de Greenspan, « si vous avez compris ce que je veux dire, c'est que je me suis mal exprimé » . Le flou a parfois du bon.

Ce projet de réforme du Parlement européen procède d'une erreur conceptuelle : normaliser les formes de représentation européenne. Dans une fédération, chaque composante conserve les particularités de sa vie politique. Le meilleur exemple en est le Canada. Les listes communes accentueront l'éloignement de l'électeur et favoriseront le regroupement d'apparatchiks.

J'ai tenu la plume lorsque l'on a modifié le statut du PSE pour que le candidat à la présidence de la Commission soit désigné par accord entre les partis contribuant à des listes convergentes. Nous avons d'ailleurs été surpris que le PPE nous suive. Cette évolution n'a pas imposé de modification du traité car, dans sa perspective, ce ne sont pas les résultats électoraux qui valident la désignation d'un candidat. C'est heureux : ces résultats ne sont pas toujours interprétables, ils recensent en réalité les gens qui s'inscrivent dans un groupe politique au moment de la constitution du Parlement européen, avec tout ce que cela comporte de manoeuvres opportunistes.

Le Conseil européen joue un rôle décisif dans la désignation du président de la Commission. Le Parlement européen, même s'il le désire ardemment, n'a pas à le contester, à moins de tomber dans l'autocaricature en allant contre les traités.

Quant à la sélection des candidats, elle pose un problème de légitimité. Quand nous avons modifié les statuts du PSE, nous avions veillé à tenir compte des traditions nationales. Les socialistes français voulaient une primaire ; les Britanniques, une sélection par le Conseil national du parti ; les Allemands, une consultation des adhérents du parti. Il a fallu trouver une solution respectant les lois de chaque pays. La Constitution française prévoit ainsi que les partis s'administrent librement, avec parfois les conséquences funestes que l'on sait... En instaurant des procédures internes à des partis unifiés à l'échelle européenne, nous perdrions le contact avec la réalité politique des États membres.

Enfin, la Nouvelle-Calédonie est la seule collectivité d'outre-mer française qui détient formellement le pouvoir législatif. Les autres disposent d'un pouvoir normatif encadré par la loi. Certains territoires sont représentés au Parlement européen alors que l'essentiel des dispositions qui y sont votées ne les concernent pas. C'est paradoxal. Traditionnellement, la représentation des départements d'outre-mer ou des collectivités d'outre-mer au Parlement européen est concentrée sur les plus peuplés.

M. André Reichardt . - Je m'interroge sur l'ambition du Parlement européen de moderniser le scrutin européen pour le « rendre plus visible », selon le point 10. De quelle visibilité parle-t-on ? L'enjeu de cette réforme est de rapprocher les citoyens de leurs élus européens. Dans le Bas-Rhin, les électeurs ont le sentiment d'élire des représentants qu'ils ne connaissent pas, un sentiment qui s'aggravera si le périmètre de la circonscription s'élargit.

Je soutiens les points 11, 12 et 13 de cette proposition de résolution. Pour autant, je regrette que nous n'ayons pas la possibilité de formuler d'autres propositions à l'Union européenne. Enfin, je ne comprends pas le point 16. Alain Richard vient de nous expliquer que les élus de Nouvelle-Calédonie sont les seuls à détenir des pouvoirs législatifs. Il faudrait modifier la rédaction de ce point.

M. Alain Vasselle . - Pour représenter un secteur très rural, je sais que l'objectif de la réforme, s'il est d'améliorer la lisibilité du scrutin européen, sera manqué. Les mesures proposées favoriseront l'abstention et le vote pour les extrêmes.

M. Jean-Yves Leconte , rapporteur . - Monsieur Bocquet, je vous propose de compléter l'alinéa 10 pour ajouter « et favorise l'expression du pluralisme politique » .

M. Éric Bocquet . - Très bien.

M. Jean-Yves Leconte . - Je vous rappelle que les modalités de scrutin et la définition des circonscriptions relèvent des politiques internes, non du projet de réforme actuel. La réforme de 2002 n'a pas créé une circonscription unique en France.

Je propose de conserver la rédaction actuelle de l'alinéa 16. Il inclut la Nouvelle-Calédonie. La définition des pouvoirs législatifs varie selon les pays. Comme les modalités de vote d'ailleurs : le vote par procuration n'est pas accepté partout.

Le but du Parlement européen était, avec ce projet de réforme, de fixer dans le marbre de la loi ce que le PSE a instauré en pratique pour son candidat à la présidence de la Commission européenne. Cela paraît difficile en pratique : nous aurions des listes où les partisans de Viktor Orban côtoieraient ceux d'Angela Merkel...

M. André Reichardt . - C'est la réalité dans les groupes politiques européens.

Mme Fabienne Keller . - L'ancrage du scrutin européen est un sujet assurément important. À l'alinéa 16, il est symboliquement important de ne pas écarter les territoires d'outre-mer.

M. André Gattolin . - Deux TOM sont sortis de l'Union européenne récemment, Saint-Barthélemy et le Groenland. Les TOM ne sont pas naturellement membres de l'Union européenne.

M. Jean Bizet , président . - On ne peut les écarter d'emblée !

Mme Fabienne Keller . - Comme vous, je regrette l'absence de dialogue avec le Parlement européen sur ce projet.

M. Daniel Raoul . - Pourquoi ne pas supprimer simplement la deuxième partie de l'alinéa 16 ?

M. Jean Bizet , président . - Une rédaction plus concise, plus mathématique... Celle de nos rapporteurs est plus juridique, restons-en là. Nous allons transmettre la proposition de résolution européenne et le rapport aux présidents de la Commission européenne et du Parlement européen. J'insisterai plus particulièrement dans la lettre qui accompagnera ces documents sur les différents arguments qui ont été développés au cours de notre réunion.

Mme Fabienne Keller . - Nous avons rencontré Danuta Maria Hübner, ancienne commissaire européenne, ainsi que Jo Leinen. Nous avons senti leur bonne volonté.

M. Jean-Yves Leconte . - Certes, mais se posent des difficultés pratiques. Par exemple, les états civils des États membres ne sont pas coordonnés, ce qui rend difficile la lutte contre les doubles votes.

À l'issue de ce débat, la commission adopte, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne modifiée.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article17 du traité sur l'Union européenne (TUE),

Vu l'article 223 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),

Vu le protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu la proposition de décision du Conseil adoptant les dispositions modifiant l'acte portant élection des membres du Parlemente européen au suffrage universel direct (ST 14473/15),

Vu la résolution du Parlement européen du 11 novembre 2015 sur la réforme de la loi électorale de l'Union européenne (2015/2035(INL),

Considère que toute réforme de la loi électorale de l'Union européenne doit pouvoir faire l'objet d'un examen par les parlements nationaux au titre de la subsidiarité, conformément au Protocole n°2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité ;

Souligne que, pour qu'un tel examen puisse produire un effet utile, les parlements nationaux doivent être destinataires du projet de réforme au moment où celui-ci est transmis au Conseil et déplore, en conséquence, le non-respect par le Parlement européen de la procédure prévue par le Protocole n°2 ;

Partage l'ambition du Parlement européen de moderniser le scrutin européen pour le rendre plus visible et souhaite que le scrutin fasse suite à de réels débats sur les orientations politiques qui doivent être données à l'Union européenne et favorise l'expression du pluralisme politique ;

Juge que le projet de circonscription commune tel que contenu dans la proposition est peu explicite, contraire aux Traités et à certaines traditions nationales et difficile à mettre en oeuvre compte tenu des décalages entre partis nationaux et formations politiques européennes ; considère, en conséquence, qu'il ne contribue pas à rapprocher le citoyen de ses élus européens et risque d'établir une distinction injustifiée entre parlementaires européens élus en son sein et ceux issus des autres circonscriptions ;

Estime qu'il est préférable que les droits électoraux nationaux évoluent progressivement pour mieux converger plutôt que d'établir un droit électoral spécifique aux élections européennes ;

Fait valoir que le dispositif proposé par le Parlement européen apparaît à bien des égards contraire au principe de subsidiarité et ne permet pas, dans le même temps, de renforcer la visibilité du scrutin, à l'image du délai commun pour l'inscription sur les listes électorales ;

Relève que l'harmonisation du droit électoral souhaitée par le Parlement européen ne concerne pas le volet du financement ;

Rappelle qu'en vertu de la Constitution, les partis politiques se forment et exercent leur activité librement ; regrette, par conséquent, que la proposition de décision tente d'intégrer dans le droit européen des éléments relevant de la pratique politique, à l'instar de la procédure de sélection des candidats ou du droit national, comme la date d'établissement des listes ;

Juge indispensable que les élus d'assemblées ou de parlements des régions ultrapériphériques et des pays et territoires d'outre-mer dotés de pouvoirs législatifs continuent à être représentés au sein du Parlement européen ; demande, en conséquence, que les règles d'incompatibilité entre le mandat des élus d'assemblées ou de parlements régionaux dotés de pouvoirs législatifs et celui de député européen soient abandonnées ;

Appuie la mise en oeuvre d'un système d'échange d'informations entre les Etats membres au sujet des électeurs dès lors qu'il est simple d'utilisation et garantit la protection des données personnelles ; fait valoir que si l'utilisation de ce fichier doit conduire à la perte d'un droit de vote, des voies de recours doivent être prévues ;

Souhaite la mise en place d'une circonscription commune pour les citoyens de l'Union résidant dans les pays tiers afin d'assurer à ceux-ci de manière systématique et égale le droit à une représentation au Parlement européen ;

Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

- Mme Danuta HÜBNER (Pologne - PPE), et M. Jo LEINEN (Allemagne - S&D), membre du Parlement européen, co-rapporteur du texte.

- Mme Pervenche BÉRES (France -S&D), membre du Parlement européen.

- M. Hubert LEGAL, Jusrisconsulte du Conseil européen et du Conseil, directeur général du service juridique.

- M. Etienne RANAIVOSON, conseiller, représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne.


* 1 Décision du Conseil 76/787/CECA, CEE, Euratom du 20 septembre 1976.

* 2 Décision du Conseil 2002/772/CE, Euratom du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002.

* 3 Le vote unique transférable ou système de Hare permet à chaque électeur de pouvoir choisir son ou ses candidats, sans s'en remettre au choix d'un parti, le nombre d'élus devant également correspondre à une répartition proportionnelle. Il est utilisé en Estonie, en Irlande et à Malte.

* 4 Projet de rapport de M. Andrew Duff (Royaume-Uni - ADLE) au nom de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen (2009/2134).

* 5 Arrêt du 9 novembre 2011

* 6 Arrêt du 26 février 2014

* 7 Ne tolérons pas les dérapages racistes, tribune de M. Frank-Walter Steinmeier, ministre allemand des affaires étrangères, Le Monde, 8 juillet 2014

* 8 L'Ile de France et les Français de l'étranger sont représentés par 15 députés, le Sud-Est par 13 députés, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest par 10 députés, l'Est et l'Ouest par 9 députés, le Massif central - Centre par 5 députés et l'Outre-Mer par 3 députés.

* 9 Recommandation du 12 mars 2013 sur le renforcement de la conduite démocratique et efficace des élections au Parlement européen (2013/142/UE)

* 10 Résolution européenne du Sénat sur la citoyenneté européenne du 21 janvier 2014 (n°65 - 2014-2015).

* 11 L'Union européenne : du crépuscule au nouvel élan, rapport d'information n°407 (2013-2014) de M. Pierre Bernard-Reymond, au nom de la commission des affaires européennes du Sénat, page 96.

* 12 Résolution européenne du Sénat du 5 mars 2013 sur les droits d'enquête du Parlement européen n°107 (2012-2013).

* 13 Décision du Conseil européen du 28 juin 2013 fixant la composition du Parlement européen (article 4).

* 14 Règlement n°1141/2014 du 22 octobre 2014 relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes.

* 15 Proposition de loi rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales, présentée par Mme Élisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann, députés (14ème législature, document n°3336).

* 16 Vote électronique : préserver la confiance des électeurs, rapport d'information n° 445 (2013-2014) de MM. Alain ANZIANI et Antoine LEFÈVRE, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale du Sénat, 9 avril 2014.

* 17 Commission européenne pour la démocratie par le droit, Observations sur le vote à l'étranger, par Mme Josette Durrieu - Étude 580/2010 (6 octobre 2010).

* 18 Commission européenne pour la démocratie par le droit, Observations sur le vote à l'étranger, par M. Lazlo Trocsanyi - Étude 580/2010 (6 octobre 2010).

Page mise à jour le

Partager cette page