UNE PROCÉDURE ELECTORALE HARMONISÉE ?

L'objectif d'harmonisation du droit électoral est poursuivi dans trois domaines :

- Le mode de scrutin ;

- La procédure électorale ;

- La campagne électorale en tant que telle.

LA QUESTION DES SEUILS ÉLECTORAUX

Il s'agit là d'une des principales motivations du texte. Afin d'éviter une dispersion des voix et participer à la mise en place de majorités cohérentes, le texte prévoit que pour les circonscriptions dotées de plus de 26 sièges, le seuil d'éligibilité ne doit être ni inférieur à 3 % ni supérieur à 5 % (nouvel article 3). La décision du Conseil de 2002 laisse pour l'heure aux Etats membres le soin de fixer un seuil minimal pour l'attribution des sièges, celui-ci ne pouvant dépasser 5 % des suffrages exprimés au niveau national. Le Parlement européen relève en effet que 15 États membres ont déjà eu recours à cette option et ont introduit un seuil compris entre 3 et 5 %. Il souligne que dans les pays qui n'ont pas institué un tel seuil légal, la pratique montre que les formations disposant d'élus dépassent généralement 3 % des votes.

La Grèce a mis en place un seuil de 3 %, l'Italie, l'Autriche, la Suède et la Slovénie un seuil de 4 %. La Croatie, la France, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et la République tchèque ont introduit un pallier de 5 %. Le seuil en Bulgarie tourne autour de 5,88 % selon les circonscriptions.

La Belgique, Chypre le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, l'Irlande, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, et le Royaume-Uni ne disposent pour l'heure pas de seuils électoraux. La plupart de ces pays sont considérés comme des Etats membres de petite ou moyenne taille dont les délégations oscillent entre 5 et 26 eurodéputés. Même sans seuil, la proportionnelle intégrale mais mécaniquement en place un seuil de fait situé entre 4 et 20 %. Il convient aussi de souligner que les seuils électoraux n'ont pas la même signification dans les pays où la répartition des sièges se fait à la proportionnelle dans chacune des circonscriptions et dans les pays où les sièges sont répartis dans les circonscriptions en fonction des scores obtenus à la proportionnelle au niveau national.

L'Espagne (54 députés) et le Royaume-Uni (73 députés) font figure d'exception. Il convient d'y ajouter désormais l'Allemagne (96 députés). Deux arrêts du Tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe, datant de 2011 et 2014, ont en effet invalidé le système de seuil mis en place pour les élections européennes. Un premier seuil de 5 %, introduit en 2008, allait, selon elle, à l'encontre de l'égalité des chances et de l'égalité dans le processus électoral des partis politiques, considérés comme des principes constitutionnels allemands 5 ( * ) . Le second dispositif adopté en 2013 par le législateur allemand prévoyait un seuil de 3% a été invalidé pour les mêmes raisons 6 ( * ) . Reste que le juge constitutionnel estime que ce seuil pourrait être autorisé s'il découle d'une obligation imposée par le droit international, ce qui n'est pas le cas dans le cadre de la décision de 2002. C'est dans ce contexte que le ministre des affaires étrangères allemand a plaidé le 8 juillet 2014 pour l'introduction d'un seuil minimal pour entrer au Parlement, souhaitant une règle uniforme à l'échelle de l'Union européenne. Un tel dispositif permettrait selon lui de lutter contre les dérapages racistes au sein du Parlement européen, en limitant la présence des mouvements xénophobes 7 ( * ) . La proposition de décision du Parlement européen répond à cette ambition.

Le mode de scrutin en France

En France, la loi n°2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques définit le mode de scrutin pour les élections européennes.

8 circonscriptions interrégionales (Nord-Ouest, Ouest, Est, Sud-Ouest, Sud-Est, Massif central-Centre, Outre-mer, Île-de-France à laquelle sont associés les Français de l'étranger) se sont substituées à la seule circonscription nationale. Les 74 sièges à pourvoir sont répartis entre les 8 circonscriptions proportionnellement à leur population 8 ( * ) .

Les députés français sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à un tour. Les électeurs choisissent donc une liste sur laquelle ils ne peuvent rayer aucun nom, ni changer l'ordre. Les listes ayant recueilli moins de 5% des voix ne sont pas admises à la répartition des sièges.

LA PROCÉDURE ÉLECTORALE

Aux termes de la proposition de décision, les dates de scrutin (la période électorale s'étalant entre le jeudi et le dimanche à 21 heures, le choix des jours de vote étant à la discrétion des États membres) est désormais déterminée au moins un an avant la fin de la législature par le Parlement européen, après consultation du Conseil. Elle était jusqu'alors déterminée par le Conseil statuant à l'unanimité. La proposition de décision ne reprend pas pour autant la mise en place d'une date commune pour le scrutin, la résolution du Parlement encourageant les États membres à oeuvrer à la recherche d'un accord sur cette question (point 24). Dans une recommandation de mars 2013, la Commission européenne allait plus loin en proposant que les États membres arrêtent une date commune pour les élections au Parlement européen et font en sorte que la fermeture des différents bureaux de vote ait lieu à la même heure 9 ( * ) .

La date limite pour l'établissement et la finalisation de la liste des électeurs est fixée à huit semaines avant le premier jour de scrutin (nouvel article 3 ter ). Ce souci d'harmonisation est motivé par le souhait de renforcer le caractère européen d'un scrutin dont les règles en la matière divergent grandement d'un État membre à l'autre. Le Parlement européen constate que les délais fixés pour finaliser la liste des candidats varient en effet de 17 à 83 jours de part et d'autre de l'Union européenne.

Le texte laisse la possibilité aux États membres de mettre en place un vote électronique, par correspondance ou par internet pour ce scrutin (nouvel article 4 bis ).

La proposition de décision insiste en outre sur la garantie du droit de vote pour les citoyens de l'Union qui résident ou travaillent dans des pays tiers (nouvel article 9 bis ). Le double vote pour les électeurs issus d'un État membre mais résidant dans un autre devrait, de son côté, être limité par la mise en place d'une autorité de contact au sein de chaque État membre. Celle-ci sera chargée d'échanger avec les homologues des autres États membres des données sur les électeurs, dès lors qu'ils sont ressortissants de plus d'un État membre ou qu'ils ne sont pas ressortissants de l'État membre dans lequel ils résident (nouvel article 9 ter ). Il convient de rappeler qu'au terme de l'article 9 de l'acte portant élection des membres au Parlement européen au suffrage universel direct nul ne peut voter deux fois. 13 États membres n'ont pour autant pas pris de règles adaptées pour empêcher de telles situations de se produire. Le principe d'une autorité de contact était déjà contenu dans la recommandation de la Commission européenne de mars 2013.

Les règles concernant l'envoi de matériel électoral aux électeurs lors des élections au Parlement européen doivent, par ailleurs, être les mêmes que celles appliquées à l'occasion des scrutins nationaux, régionaux ou locaux (article 3 sexies ).

La résolution allait plus loin en ce qui concerne la participation au scrutin, le Parlement européen recommandant aux États membres d'harmoniser l'âge minimal des électeurs à 16 ans, cet âge étant déjà retenu par certains États membres (point 15 de la résolution). Le Parlement européen entend ainsi favoriser une plus grande égalité. Il convient de rappeler à ce stade que seuls l'Autriche, la Slovénie (dès lors que les votants travaillent) et certains Länder allemands (Bade-Wurtemberg, Basse-Saxe, Berlin, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Rhénanie-du-Nord-Westphalie et Saxe-Anhalt pour le seul niveau local et Brême, Hambourg et Schleswig-Holstein, aux niveaux local et régional) ont abaissé l'âge minimal des votants à 16 ans. Cet abaissement n'a pas été retenu dans la proposition de décision.

La proposition de décision étend, enfin, la portée des incompatibilités en prévoyant ainsi que les membres d'un parlement régional ou les représentants d'une assemblée régionale investie de pouvoirs législatifs ne puissent cumuler leurs fonctions avec celles de membre du Parlement européen. Elle précise par ailleurs que les membres du Comité des régions, de la Cour des comptes ou de la Banque européen d'investissement ne peuvent être parlementaires européens (article 7 modifié).

LA CAMPAGNE ÉLECTORALE

Chaque État membre disposerait d'un délai pour l'établissement des listes des candidats. Celui s'établirait à douze semaines au moins avant le début de la période électorale. Ce délai s'appliquerait également pour la désignation, par les partis européens, de leurs candidats au poste de président de la Commission européenne.

Le texte s'intéresse aussi à la sélection des candidats, les partis politiques participant aux élections s'engageant à respecter les procédures démocratiques et la transparence dans la désignation de leurs représentants (nouvel article 3 quater ). La liste des candidats doit, par ailleurs, assurer l'égalité des genres (nouvel article 3 quinquies ). La proposition de décision ne reprend pas une recommandation de la résolution du Parlement européen visant à promouvoir une représentation appropriée des minorités « ethniques, linguistiques et autres » (point 21 de la résolution).

La proposition de décision insiste, en outre, sur la visibilité des partis politiques européens. Les logos des partis nationaux qui leurs sont affiliés doivent avoir la même taille sur le bulletin de vote. Les supports de campagne électorale doivent contenir une référence au programme du parti politique européen. Les Etats membres sont incités à faciliter l'utilisation de ces affiliations dans les émissions radiotélévisées et sur les supports de campagne (article 3 sexies ). La recommandation de la Commission de 2013 était plus mesurée en invitant les partis politiques nationaux à mettre en avant leur affiliation à une formation européenne, en faisant connaître leur choix pour la présidence de la Commission, en faisant connaître leur programme et en diffusant cette information dans les médias. Les États membres pouvaient également faciliter la transmission d'informations aux électeurs sur les liens d'affiliation entre partis nationaux et partis politiques européens avant et pendant les élections au Parlement européen, notamment en autorisant et en encourageant l'indication de cette affiliation sur les bulletins utilisés lors de ces élections. Il s'agissait cependant d'une recommandation, à visée non prescriptive.

La résolution du Parlement européen va, au contraire, encore plus loin en matière de campagne en suggérant d'autoriser les partis régionaux à utiliser les langues régionales (point 4 de la résolution) et en insistant sur la limitation des dépenses de campagne à un montant « raisonnable », permettant une présentation « adéquate » des partis politiques, des candidats et de leurs programmes électoraux, sans plus de précision (point 11). Ces dispositions n'ont pas été détaillées dans le texte.

La présente proposition prévoit désormais que les projections officielles des résultats soient communiquées simultanément dans tous les États membres à la fin des votes, soit le dimanche à 21 heures (CET, soit l'heure française). Avant ce moment, aucune prévision fondée sur la sortie des urnes ne peut être publiée (article premier, alinéa 10). Il s'agit, selon ses promoteurs, de renforcer le caractère européen du scrutin et de réduire la possibilité d'influencer les résultats des élections. La décision de 2002 prévoyait déjà que le résultat des élections ne pouvait être proclamé dans un État membre qu'après la clôture du scrutin dans l'État membre où les électeurs votent les derniers.

*

Le Parlement européen souhaite que le nouveau dispositif puisse entrer en vigueur à l'occasion du scrutin de 2019.

Le texte prévoit d'ailleurs que les mesures d'application de la décision soient proposées par le Parlement européen, statuant à la majorité de ses membres avant d'être adoptées par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après consultation de la Commission européenne et nouvelle approbation du Parlement européen (nouvel article 14). Les mesures d'application de la décision sont, dans le texte original, adoptées à l'unanimité par le Conseil sur proposition du Parlement européen et après consultation de la Commission européenne. Ces mesures devaient avoir obtenu l'accord du Parlement européen, au sein d'une commission de concertation regroupant membres du Conseil et du Parlement européen.


* 5 Arrêt du 9 novembre 2011

* 6 Arrêt du 26 février 2014

* 7 Ne tolérons pas les dérapages racistes, tribune de M. Frank-Walter Steinmeier, ministre allemand des affaires étrangères, Le Monde, 8 juillet 2014

* 8 L'Ile de France et les Français de l'étranger sont représentés par 15 députés, le Sud-Est par 13 députés, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest par 10 députés, l'Est et l'Ouest par 9 députés, le Massif central - Centre par 5 députés et l'Outre-Mer par 3 députés.

* 9 Recommandation du 12 mars 2013 sur le renforcement de la conduite démocratique et efficace des élections au Parlement européen (2013/142/UE)

Page mise à jour le

Partager cette page