AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est un établissement public administratif créé par la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale. Placé sous la double tutelle des ministères chargés de la sécurité sociale et du budget, il est chargé d'assurer le financement, auprès des régimes d'assurance vieillesse, d'un certain nombre de dispositifs de solidarité au moyen de recettes de nature fiscale.

En 2016, son budget s'élève à plus de 20 milliards d'euros et affiche un déficit prévisionnel de 3,9 milliards d'euros 1 ( * ) .

La création de ce fonds, en 1993, a marqué une étape dans les relations entre l'État et les gestionnaires des régimes sociaux concernant le financement de la sécurité sociale. La prise en charge des dépenses dites de solidarité constituait en effet un débat depuis les années 1970 en raison des préoccupations suscitées par la dégradation de la situation économique sur l'équilibre à moyen et long terme des régimes de retraite. Les partenaires sociaux considéraient que les dépenses de solidarité constituaient des « charges indues » pour les régimes de base et en premier lieu pour le régime général, qui reposait depuis 1945 sur une logique d'assurance. La distinction entre les dépenses contributives et les dépenses de solidarité était alors perçue comme une clarification de la responsabilité des différents acteurs et une diversification des financements : aux partenaires sociaux la responsabilité de gérer les régimes finançant les dépenses contributives au moyen des cotisations sociales ; à l'État, celle de financer les dispositifs de solidarité avec des ressources fiscales.

Cette proposition se retrouve formulée dès 1987 par la commission d'évaluation et de sauvegarde de l'assurance vieillesse. En 1991, le Livre blanc sur les retraites évoque la dissociation entre le contributif et le non contributif comme l'une des réformes susceptibles de « transformer en profondeur l'organisation du système actuel des retraites » . La première tentative de mise en oeuvre de cette distinction revient au gouvernement de Pierre Bérégovoy avec le projet de loi sur les pensions et la sauvegarde de la protection sociale porté, à la fin de l'année 1992, par René Teulade. Ce projet de loi, finalement abandonné, visait à créer un fonds de solidarité au périmètre et aux ressources toutefois différents de ce qui serait créé quelques mois plus tard.

C'est en effet à l'occasion de la première grande réforme des retraites, menée par le gouvernement d'Édouard Balladur, que la distinction entre les domaines contributif et non contributif va finalement être mise en oeuvre. Elle est vue comme une concession faite aux partenaires sociaux, alors que le projet de loi augmente, d'une part, la durée de cotisation requise pour l'obtention d'une retraite à taux plein et allonge, d'autre part, la période de référence prise en compte pour le calcul du salaire annuel moyen (passage des 10 aux 25 meilleures années). Le FSV est alors chargé de financer un nombre limité de dispositifs de solidarité au moyen de 1,3 point de contribution sociale généralisée (CSG) qui lui est affecté. Ce nouvel impôt, créé deux ans auparavant, a l'avantage d'être dynamique et d'assurer un financement suffisant et pérenne pour les dépenses de solidarité choisies pour relever du FSV. La création de ce dernier permettait également de remettre à l'équilibre les régimes de retraite de base.

Dans son rapport établi pour la discussion parlementaire du projet de loi de 1993, notre collègue Alain Vasselle résume le triple objectif assigné au FSV : il « vise à répondre à un problème de nature structurelle qui est celui de la nécessité de clarifier le domaine du non contributif par rapport au contributif afin d'engager les réformes évoquées (...) : financement distinct, remise en ordre des avantages redistributifs, responsabilisation des partenaires sociaux à l'égard de l'évolution des dépenses d'assurance vieillesse » 2 ( * ) .

Plus de vingt ans après, le bilan du FSV apparaît contrasté. Alors que pour la première fois depuis 11 ans, les régimes de base de l'assurance vieillesse affichent en 2016 un excédent de près de 900 millions d'euros, le FSV conserve un déficit très élevé, particulièrement marqué depuis la crise de 2009. Très sensible à la conjoncture économique, le FSV a en effet pour première dépense la prise en charge des cotisations retraite au titre des périodes de chômage (11 milliards d'euros en 2016).

De même, les ressources du FSV sont frappées, depuis 2001, par une très forte instabilité et se sont révélées insuffisantes pour couvrir la progression des charges. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a apporté une nouvelle illustration de cette instabilité en modifiant pas moins de 12 milliards d'euros dans les transferts de recettes affectées au FSV à la suite de l'arrêt de Ruyter de la Cour de justice de l'Union européenne 3 ( * ) .

Par ailleurs, les élargissements successifs des missions du FSV, en particulier à des dispositifs ne relevant pas exclusivement du champ de la solidarité nationale comme avec le financement d'une part du « minimum contributif » depuis 2011, ont entraîné une perte de lisibilité de son objet initial.

La création du FSV n'a pas non plus entraîné de remise en ordre des avantages redistributifs, dont le nombre demeure élevé et les financeurs multiples. Il est encore aujourd'hui difficile d'avoir une vision claire et exhaustive du coût global de la solidarité dans le système des retraites.

Enfin, la gouvernance du fonds connaît actuellement une situation de blocage. Alors que son conseil d'administration et son comité de surveillance ne se sont plus réunis depuis 2013, la publication du décret du 7 octobre 2015 4 ( * ) , visant à intégrer administrativement le fonds au sein de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) suscite d'importantes réserves de la part des partenaires sociaux.

Ces différents constats ont conduit la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat à lancer un état des lieux sur le FSV. A l'heure de rendre leurs conclusions et malgré un bilan en demi-teinte qu'ils ont cherché à objectiver, vos rapporteurs demeurent convaincus de la pertinence de la logique d'un FSV recentré sur un nombre restreint de dispositifs de solidarité et financé par des ressources suffisantes et stables.

Si le système de retraites réduit les inégalités entre les personnes pensionnées, l'existence du FSV permet d'en assurer un meilleur contrôle démocratique. Vos rapporteurs formuleront une série de propositions visant à la fois à rendre plus transparente la compréhension du financement des dispositifs de solidarité mais aussi à donner une image plus objective de la situation financière de la branche vieillesse .

Très attachés à la préservation des dispositifs de solidarité que le FSV finance, vos rapporteurs souhaitent que cette clarification permette de relégitimer un instrument qui, bien que technique, n'en incarne pas moins la dimension de solidarité permettant au système de retraite de demeurer socialement juste, équitable et universel.

Exposé général


* 1 Commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2016.

* 2 Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi relatif aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale, n°370, Alain Vasselle, 17 juin 1993.

* 3 Cour de justice de l'Union européenne, 26 juin 2015, ministre de l'économie et des finances, contre Gérard de Ruyter.

* 4 Décret n° 2015-1240 du 7 octobre 2015 portant dispositions relatives au fonds de solidarité vieillesse.

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