II. UN DÉFICIT PERSISTANT, DES RESSOURCES INSUFFISANTES ET INSTABLES

A. UN FINANCEMENT INSUFFISANT, UN ENDETTEMENT QUI N'EST DÉSORMAIS PLUS PRIS EN CHARGE

1. L'explosion du déficit depuis 2009 s'explique principalement par la prise en charge des cotisations pour les périodes assimilées au titre du « chômage »

Trois périodes peuvent être distinguées pour suivre l'évolution du compte du FSV depuis sa création au 1 er janvier 1994 (voir graphiques).

• Entre 1994 et 2000 , le fonds est en situation d'équilibre voire en léger excédent. Les recettes affectées, principalement 1,3 point de CSG, suffisent à financer les charges pour un budget avoisinant 10 milliards d'euros par an. En 2000, les réserves financières du FSV s'élèvent à 1,6 milliard d'euros.

• L'année 2001 marque un premier tournant avec l'apparition d'un déficit de 86 millions d'euros, consécutif à la diminution des recettes liée à la baisse de 0,15 point du taux de CSG affecté au fonds. Entre 2001 et 2006 , le déficit du FSV se creuse mais reste contenu en dessous de 2 milliards d'euros. Le fonds renoue même avec les excédents en 2007 et 2008.

• La crise économique de 2008-2009 va contribuer à durablement dégrader le résultat du fonds avec l'envolée du nombre de chômeurs. En 2011, le FSV se voit également attribuer le financement d'une fraction du Mico entraînant une dépense supplémentaire de 3,5 milliards d'euros. Un panier de huit recettes nouvelles (voir tableau p. 38) est affecté au FSV mais ne suffit pas à compenser la progression de la dépense liée au chômage, ni le financement du Mico.

Le déficit du FSV se creuse durablement et avoisine désormais les 4 milliards d'euros par an (3,9 milliards en 2015 et 2016).

Comptes du FSV 1994-2019

solde prévisionnel

Solde du FSV 1994-2014 et prévisions 2015-2019

La dépense liée au chômage est la principale raison de la progression des dépenses du FSV mais elle ne s'explique pas uniquement par l'envolée du nombre de demandeurs d'emploi. La comparaison de ces deux données, illustrée par le graphique ci-dessous, montre en effet une sur-réaction de la dépense liée au chômage par rapport au nombre de chômeurs.

Évolutions comparées du nombre de chComptes 1994-2019

ômeurs pris en charge par le FSV
et du montant des dépenses chômage (régimes de base)

D'après la règle de calcul 49 ( * ) permettant de déterminer le montant versé par le FSV au régime général et au régime des salariés agricoles, seuls régimes de base concernés par ce dispositif, deux facteurs distincts apparaissent pour expliquer l'évolution de cette dépense.

Il y a, d'une part, un effet volume lié principalement à la progression du nombre de chômeurs du fait de la conjoncture économique. De façon moins marquée, la modification de certains paramètres dans la détermination du nombre de chômeurs « au sens du FSV » contribue également à augmenter la dépense.

Ainsi, la part des chômeurs non indemnisés prise en compte est passée de 23,5 % en 1994, à 25,5 % en 1998 puis à 29 % en 1999. De même, la liste des allocations retenues pour établir les effectifs de chômeurs indemnisés a évolué. Elle est fixée à l'article L. 135-2 du code de la sécurité sociale et vise aujourd'hui 14 types d'allocations chômage 50 ( * ) .

D'autre part, un effet prix joue également dans la détermination du montant de la dépense et relativise l'impact qu'aurait sur cette dernière une baisse éventuelle du nombre de chômeurs. Cet effet concerne la progression du coût individuel du chômeur (ou assiette forfaitaire) pris en charge et qui dépend du Smic horaire moyen, du nombre d'heures légales travaillées dans l'année, du taux de cotisation d'assurance vieillesse et du taux de réfaction appliqué. Or ces paramètres ont fortement augmenté entre 1994 et aujourd'hui. Ainsi, d'après les données obtenues auprès du FSV, le Smic horaire moyen est passé de 5,37 euros à 9,67, le taux de réfaction du Smic horaire de 60 % à 90 % dès 1996 et le taux de cotisation de 16,35 % à 17,65 % en 2016. Seul le paramètre du nombre d'heures de travail a diminué avec le passage de la durée légale hebdomadaire de travail de 39 à 35 heures. La prise en compte de la diminution du nombre d'heures travaillées, mise en oeuvre dès 2002, n'a toutefois été intégrée dans le calcul du coût unitaire du chômeur... qu'en 2015 !

Évolution du paramétrage de la facturation chômage FSV
en indice (100 en 1994)

Ces différents effets expliquent l'évolution beaucoup plus marquée de la dépense « chômage » du FSV par rapport à la progression du nombre de demandeurs d'emplois. A recettes constantes, il semble qu'une diminution du taux de chômage au-dessous de 8 % de la population active pourrait ramener le FSV à l'équilibre .

2. Jusqu'au début de l'année 2016, la reprise de la dette du FSV était assurée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale

La persistance du déficit du FSV entre 2001 et 2010 a conduit ce dernier à creuser un déficit cumulé de 7,2 milliards d'euros . Ce déficit, comme ceux de tous les organismes gestionnaires du régime général de la sécurité sociale, était porté, en termes de trésorerie, par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Partant du constat que le portage de déficits passés n'entrait pas dans l'objet social de l'Acoss, la LFSS pour 2011 51 ( * ) a organisé un plan de reprise du déficit cumulé porté par l'Acoss, au 31 décembre 2010, ainsi que de ses déficits prévisionnels pour la période 2011-2017, à hauteur de 130 milliards d'euros, par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Ainsi, les 7,2 milliards d'euros de déficit cumulé du FSV ont été intégrés dès 2011 au sein de l'enveloppe de 68 milliards d'euros de reprise de dette par la Cades. Les déficits prévisionnels du FSV devaient ensuite être repris annuellement par la caisse jusqu'en 2018, dans le respect d'un plafond annuel de reprise de 10 milliards d'euros et d'un plafond global de 62 milliards d'euros sur la période (pour atteindre les 130 milliards d'euros de la reprise autorisée par la LFSS pour 2011).

Ce plan de reprise a toutefois été perturbé par la LFSS pour 2016 52 ( * ) . Afin de pallier le risque d'exposer à la remontée des taux d'intérêt le stock de dette sociale croissant qui demeurait à la charge de l'Acoss, elle a ainsi supprimé le plafond annuel de reprise de dette par la Cades de 10 milliards d'euros et a permis une reprise immédiate de dette de l'Acoss à hauteur de 23,6 milliards d'euros. Cette reprise permet d'atteindre dès 2016 le plafond global de reprise de 62 milliards d'euros décidé par la LFSS de 2011 et qui n'a pas été remis en cause. Permettant d'optimiser la gestion de la dette sociale, cette solution ouvre toutefois une période d'incertitude pour le FSV quant au portage de sa dette prévisionnelle à partir de 2016.

Ce déficit cumulé pourrait atteindre un montant de 13,6 milliards d'euros en 2019 . Aucune solution à ce stade ne semble avoir été envisagée pour répondre au problème de son financement.


* 49 Pour rappel : Dépense chômage = nombre de chômeurs au sens du FSV [nombre de chômeurs indemnisés+ 29 % du nombre de chômeurs non indemnisés] X coût individuel du chômeur [90 % Smic horaire X 1820h (soit la durée annuelle du travail à raison de 35h hebdomadaires X taux de cotisation retraite (soit en 2016 17,65 %)].

* 50 Sur 35 types d'allocations versées par Pôle emploi en 2016 : 12 autres types d'allocations chômage sont hors champs du FSV mais ouvrent droit à validation de trimestres, tandis que les 9 derniers types d'allocation sont exclus des droits à l'assurance vieillesse. Cf. annexe n° 1.

* 51 Article 9 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

* 52 Loi n° 2015-1702 du 22 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

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