III. APPROFONDIR LES RELATIONS AVEC LE MONDE ÉCONOMIQUE POUR UNE FORMATION PROFESSIONNELLE EFFICACE

A. VALORISER RÉELLEMENT LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET L'APPRENTISSAGE

Votre rapporteur recommande l'approfondissement des relations entre l'éducation nationale et le monde économique : il s'agit là d'un levier important d'amélioration de la qualité de l'enseignement professionnel.

La valorisation de la voie professionnelle et de l'apprentissage constitue un poncif du discours politique. Malgré le discours de l'« égale dignité des filières », l'image de l'enseignement professionnel demeure dégradée.

L'enseignement professionnel est encore trop souvent perçu comme une filière de relégation , « fortement associé à la faiblesse des résultats scolaires, au poids des origines sociales ainsi qu'à une vision négative de la pratique de certains métiers par les familles ou les jeunes eux-mêmes » 207 ( * ) . L'absentéisme et la violence y sont plus prégnants que dans les autres établissements 208 ( * ) , ce qui explique en partie les stratégies d'évitement mises en oeuvre par de nombreuses familles, en particulier les plus favorisées (cf. supra ).

Si les recommandations formulées précédemment par votre rapporteur, qui visent à améliorer les processus d'orientation et d'affectation, participent de cette valorisation, il estime que les efforts doivent être intensifiés pour revaloriser réellement la formation professionnelle et l'apprentissage.

À cette fin, il formule un ensemble de recommandations qui s'articulent autour de trois objectifs : l'amélioration de l'image de la voie professionnelle, le développement des parcours et des enseignements mixtes, ainsi que la mobilité des lycéens professionnels et des apprentis.

1. Mettre en avant toutes les réussites

Votre rapporteur considère que la revalorisation de l'enseignement professionnel passe en premier lieu par l'amélioration de son image , tant auprès des élèves et de leurs parents qu'auprès de certains enseignants.

Le rectorat de Paris indique ainsi qu'il est « important que les familles comprennent que la voie professionnelle peut permettre des parcours de réussite » 209 ( * ) . Parmi les préconisations formulées pour améliorer l'orientation, les formations et l'insertion des jeunes de l'enseignement professionnel, le CNESCO recommande de « changer les représentations (...) dès le collège, en cherchant à valoriser les métiers d'avenir, le continuum secondaire/supérieur et la formation tout au long de la vie, par des campagnes d'information ciblées sur l'excellence des filières qui permettent de s'insérer facilement sur le marché du travail et sur l'accès des filles à des spécialités de formation dites masculines » 210 ( * ) .

En vue de changer les perceptions, il convient de mettre en avant les réussites des élèves de la voie professionnelle et de l'apprentissage, afin de démontrer que l'enseignement professionnel constitue une authentique filière d'excellence. Les modalités d'une telle promotion sont multiples : campagnes de communication centrées sur la réussite d'élèves issus de l'enseignement professionnel, intervention de professionnels dans les collèges, mise en avant des élèves récompensés, à l'instar des lauréats du concours général des métiers ou des meilleurs apprentis de France, rencontre de professionnels, etc.

Par exemple, l'académie de Paris propose, en partenariat avec le comité Colbert, aux élèves de collège un parcours de découverte des métiers du luxe. Visant à « susciter des vocations pour ces métiers » fondés sur « des savoir-faire d'excellence (...) et où les emplois sont durables, valorisés et valorisants », ce parcours conduit les collégiens à rencontrer des maîtres artisans et à visiter les établissements préparant à ces métiers, où ils dialoguent avec des élèves et des professeurs 211 ( * ) .

Recommandation : valoriser les réussites de l'enseignement professionnel et de l'apprentissage

2. Développer et encourager la mixité des parcours et des publics

La complémentarité de l'enseignement professionnel sous statut scolaire et de l'apprentissage est un enjeu essentiel pour votre rapporteur. La meilleure association des deux modes de formation constitue un levier important d'efficacité et d'attractivité de l'enseignement professionnel, ainsi que de développement de l'apprentissage au sein de l'éducation nationale.

Cette complémentarité peut s'organiser selon deux modalités distinctes : le développement des parcours mixtes, permettant à un élève d'effectuer une partie de sa formation en alternance et l'autre sous statut scolaire et l'accueil au sein de la même formation de publics différents.

a) Favoriser les parcours alliant formation en alternance et sous statut scolaire

La généralisation de la mixité des parcours par laquelle un élève peut passer du statut scolaire à celui d'apprenti, et inversement, en cours de cycle de formation constitue un élément déterminant pour assurer une plus grande personnalisation des parcours de formation et améliorer l'insertion professionnelle des élèves.

De nombreux interlocuteurs ont appelé de leurs voeux cette évolution, qui n'améliore pas seulement la formation des élèves, ces derniers tirant profit des avantages de la formation sous statut scolaire et de l'alternance, mais permet également de réduire les aléas de parcours et de mieux réguler l'offre de formation. Le rectorat de Rouen souligne ainsi que « la possibilité de changer de statut pendant le cursus de formation (scolaire?apprenti) faciliterait la fluidité des parcours » 212 ( * ) .

Comme le rappelait notre collègue Jean-Claude Carle dans son avis sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2016, le développement de parcours mixtes permettrait de lever les réticences des entreprises à s'engager dans un contrat d'apprentissage. Dans un contexte économique dégradé, certaines d'entre elles peuvent difficilement s'engager pour une durée de deux ans dans le cas d'un CAP, voire trois ans pour un baccalauréat professionnel 213 ( * ) .

b) Développer les formations mixtes

Votre rapporteur également favorable à la mixité des publics par laquelle un même enseignement accueille tout à la fois des élèves et des apprentis, voire des stagiaires de la formation continue.

Les avantages de cette mixité sont nombreux. D'abord, les personnes interrogées ont souligné son caractère bénéfique en matière de climat scolaire et de mise en commun des expériences. Ensuite, comme le souligne l'académie de Dijon, la mixité « permet la diversification de l'offre de formations, le maintien de formations à faible flux et contribue à améliorer les relations avec le monde professionnel » 214 ( * ) .

Les inspections générales font toutefois état de « résistances de toutes natures à ces initiatives : réticences des chambres consulaires, des conseils régionaux, des proviseurs, des enseignants. Ces réticences se renforcent mutuellement. L'anticipation par les régions de difficultés pour faire évoluer les horaires hebdomadaires des enseignants intervenant en apprentissage les conduit à freiner le développement de l'apprentissage en lycée professionnel, sous les différentes formes possibles » 215 ( * ) . En outre, la mise en oeuvre de ces formations est complexe et se heurte à de nombreux obstacles, dont votre rapporteur ne nie pas la réalité mais qui ne lui semblent pas insurmontables : « le montage de ces projets est si complexe, notamment du point de vue pédagogique, que les chefs d'établissement et les équipes y renoncent le plus souvent. Les problèmes de financement sont réels : comment facturer à la région le coût des apprentis accueillis dans un lycée professionnel ? Comment gérer les services partagés des enseignants, autorisés par leur statut mais complexes à mettre en oeuvre ? Lorsqu'une région a pris position contre ces formations mixant les publics, c'est un frein important aux projets de l'académie concernant la réussite des élèves de la voie professionnelle » 216 ( * ) .

Recommandation : développer et encourager la mixité des parcours et des publics dans l'enseignement professionnel

3. Favoriser la mobilité des lycéens professionnels et des apprentis

Enfin, votre rapporteur considère qu'un effort particulier doit être fait pour encourager la mobilité des lycéens professionnels et des apprentis. L'offre de formation n'étant pas extensible à l'infini, accéder à la spécialité de son choix implique souvent, pour l'élève, de quitter le domicile familial dès la fin du collège. Cette exigence n'est pas sans inconvénient pour l'élève et la famille, en particulier les plus modestes. Les coûts et les difficultés liées à la mobilité tendent à limiter le choix des élèves et à les enfermer dans des parcours qui ne sont pas véritablement souhaités.

Afin de lutter contre ce déterminisme géographique, il s'agit, comme le préconise le CNESCO, de « f avoriser la mobilité locale et régionale des élèves pour faciliter les meilleures orientations » 217 ( * ) . Cette politique pourrait être mise en oeuvre selon plusieurs modalités :

- mieux informer les élèves et leurs familles sur les possibilités de transport et de logement, qui pourrait prendre la forme d'« une cartographie dynamique qui permettrait de visualiser les formations, les transports et les internats en relation avec le domicile des élèves » 218 ( * ) ;

- développer une offre d'internat ciblée en direction des élèves de la voie professionnelle et des apprentis, en particulier dans le cadre des campus des métiers et des qualifications ;

- donner aux apprentis le bénéfice de l'ensemble des droits étudiants et des aides associées, notamment en matière d'hébergement, de transport et de mobilité internationale ;

- offrir une aide financière spécifique à la mobilité des lycéens professionnels, qui pourrait prendre la forme d'une majoration des bourses.

Recommandation : favoriser la mobilité des lycéens professionnels et des apprentis


* 207 CNESCO, op. cit.

* 208 DEPP, La moitié des élèves absentéistes concentrés dans 10 % des établissements, note d'information n° 11, avril 2016 ; DEPP, Les signalements d'incidents graves dans le second degré public sont stables en 2014-2015, note d'information n° 49, décembre 2015.

* 209 Réponse au questionnaire de la mission d'information.

* 210 CNESCO, op. cit.

* 211 Réponse au questionnaire de la mission d'information.

* 212 Réponse au questionnaire de la mission d'information.

* 213 Avis n° 168 (2015-2016) de Jean-Claude Carle et Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 19 novembre 2015.

* 214 Académie de Dijon, Mixité des publics - éléments de cadrage, guide pratique, février 2016.

* 215 IGEN et IGAENR, Évolution des cartes de formations professionnelles et technologiques à la rentrée 2013, op. cit.

* 216 Idem.

* 217 CNESCO, op. cit.

* 218 CNESCO, op. cit.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page