AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Ainsi que votre commission des affaires sociales l'a récemment constaté lors de la discussion de la loi de modernisation de notre système de santé (LMSS) 1 ( * ) , la situation sanitaire des outre-mer est bien souvent mal connue, quand elle n'est pas tout simplement négligée, ou insuffisamment prise en compte dans la définition des politiques de santé publique.

Plusieurs travaux importants, publiés au cours des deux dernières années, ont cependant contribué à faire évoluer le regard sur cette situation, et à mettre en lumière l'ampleur et l'urgence des problèmes sanitaires auxquels sont confrontés ces territoires. En 2014, nos collègues Michel Vergoz et Eric Doligé 2 ( * ) mettaient en évidence le « rattrapage en panne » des niveaux de vie ultramarins par rapport à l'hexagone, ainsi que les difficultés statistiques entravant l'établissement d'un véritable diagnostic sanitaire et social sur les outre-mer. Surtout, le rapport de la Cour des comptes de juin 2014 3 ( * ) , qui a formulé, sur la situation sanitaire ultramarine, un constat extrêmement alarmant à partir d'une enquête de terrain minutieuse, a permis d'enclencher une dynamique nouvelle dans l'action menée sur ces territoires, avec notamment la mise en place d'une déclinaison ultramarine de la stratégie nationale de santé.

C'est pourquoi, au regard de ces différents éléments, la commission des affaires sociales a décidé de consacrer son déplacement annuel à la situation sanitaire dans les outre-mer, et singulièrement dans les deux territoires français de l'Océan Indien que sont l'île de La Réunion et Mayotte. Les situations respectives de ces deux départements d'outre-mer (Dom), l'un historique, l'autre encore tout jeune, nous semblaient en effet a priori bien refléter la diversité et le contraste des territoires ultramarins.

Ces deux collectivités, éloignées de 10 000 kilomètres de l'hexagone et distantes de 1 400 kilomètres l'une de l'autre, doivent faire face à des risques infectieux et environnementaux spécifiques : risques climatiques, qualité des eaux, exposition aux arboviroses -paludisme à Mayotte, chikungunya à La Réunion, peut-être demain l'arrivée du virus zika-, présence encore notable de certains agents infectieux presque oubliés sous nos latitudes, telle que la leptospirose à Mayotte. Toutes deux sont par ailleurs marquées, quoique dans une proportion très différente, par un contexte socio-économique dégradé et une forte précarité.

Face à ces défis communs, nous avons, d'une part, une collectivité au système sanitaire globalement performant, quoiqu'en rattrapage par rapport à l'hexagone ; d'autre part, un département récent, confronté à des difficultés multiples, et dont le très grand retard organisationnel en matière sanitaire apparaît comme un défi très difficile à relever. C'est sur ce contraste qu'il nous a paru intéressant de travailler.

Tandis que La Réunion présente une situation sanitaire relativement proche de celle de l'hexagone, avec une offre de soins répondant globalement aux standards métropolitains et des défis liés, notamment, au vieillissement de la population et au développement des maladies chroniques, la population encore très jeune de Mayotte connaît des difficultés très importantes et qui dépassent de très loin le strict champ sanitaire.

Ces difficultés sont d'ailleurs bien illustrées par le fait que, alors que le programme de travail initialement prévu pour votre délégation comprenait deux jours de rencontres et d'entretiens sur le territoire mahorais, les élus de la République n'ont finalement pas pu s'y rendre en raison des émeutes qui s'y étaient déclarées.

Au total, et au terme de la série d'auditions que nous avons conduite à Paris et de notre très riche déplacement sur le terrain, il nous paraît aussi indispensable qu'urgent de changer de regard sur les outre-mer. Alors qu'ils sont encore trop souvent perçus comme une source de difficulté pour la collectivité, nous avons pu constater le caractère souvent innovant et collaboratif des solutions mises en place dans ces territoires - qui pourraient dès lors être envisagés comme un laboratoire permettant d'imaginer un système de soins mieux équilibré pour l'ensemble du territoire national.

Alors que la législation sur l'outre-mer se fait encore trop fréquemment par voie d'ordonnance, avec des délais d'habilitation qui bien souvent ne sont pas respectés -ce qui contribue à renforcer le sentiment d'exclusion de ces populations-, les prochaines échéances parlementaires seront autant d'occasions de mieux prendre en compte les spécificités des territoires ultramarins dans la définition des politiques publiques. Aussi souhaitons-nous que les conclusions de nos travaux puissent irriguer la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017, mais aussi celle du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer.

C'est en effet ici non seulement l'égalité sur l'ensemble du territoire français qui est en jeu, dans l'une de ses composantes les plus sensibles que constitue la santé, mais également la promotion de l'excellence sanitaire française dans l'Océan Indien.


* 1 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 2 « Les niveaux de vie dans les outre-mer : un rattrapage en panne ? », rapport d'information de MM. Éric Doligé et Michel Vergoz, fait au nom de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, n° 710 (2013-2014), 9 juillet 2014.

* 3 « La santé dans les outre-mer, une responsabilité de la République », rapport de la Cour des comptes du 12 juin 2014.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page