B. LA LUTTE ANTI-VECTORIELLE, UNE POLITIQUE MISE EN oeUVRE À L'ÉCHELLE DE L'OCÉAN INDIEN

L'épidémie de chikungunya de 2006, qui a touché les deux tiers de la population réunionnaise, a constitué un véritable électrochoc . Il en a résulté une prise de conscience et une sensibilisation de l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des pouvoirs publics ou de la population, qui a abouti à la mise en place d'une politique de lutte anti-vectorielle efficace et coordonnée dans l'Océan Indien.

En raison de leur situation géographique et de la présence de moustiques vecteurs, La Réunion comme Mayotte apparaissent en effet particulièrement vulnérables au risque d'épidémies d'arboviroses . Depuis la crise majeure de 2006, La Réunion connaît ainsi une situation inter-épidémique ponctuée d'épisodes contenus de circulation virale - résurgence du chikungunya en 2010 avec le premier foyer d'importance depuis 2006 ; plus récemment, trois épisodes de circulation du virus de la dengue entre 2012 et 2014 ; actuellement un nouvel épisode de circulation de la dengue. Mayotte a connu sur la même période un épisode contenu de circulation de la dengue en 2010, puis un plus important en 2014, en parallèle d'une forte diminution de l'incidence du paludisme. Jusqu'à présent, tous ces épisodes ont pu être contenus grâce à une très forte mobilisation des services de lutte anti-vectorielle (LAV) de l'agence de santé et à la collaboration efficace des collectivités locales.

a) Une politique transversale et mobilisant de multiples acteurs

Si l'information sur le risque épidémique existait dès avant 2006, la structuration de la lutte anti-vectorielle telle qu'elle existe aujourd'hui a été opérée à la suite des événements de 2006.

Partant du constat qu'en la matière, les enjeux comme les réponses à y apporter ne peuvent être compris à l'échelle de la zone Océan Indien , la direction de la veille et de la sécurité sanitaires (DVSS) de l'agence de santé est commune à La Réunion et à Mayotte , et constitue la seule direction transversale de l'agence.

Les missions de la DVSS de l'agence de santé pour l'Océan Indien

La direction de la veille et de la sécurité sanitaires (DVSS) a pour mission première la détection précoce des évènements pouvant constituer une menace pour la santé des populations et des patients, l'identification des risques et la mise en oeuvre réactive de mesures de gestion appropriées pour la maîtrise de ce risque.

Elle assure, au niveau de ses deux cellules de veille, d'alerte et de gestion sanitaires (CVAGS) -l'une étant située à La Réunion, et l'autre à Mayotte-, la réception de l'ensemble des signalements sanitaires (maladies à déclaration obligatoire, cas groupés de maladies, évènements indésirables graves au sein des établissements de santé, etc.), et la définition et la coordination des mesures de gestion. Elle bénéficie pour ce faire de l'appui de la cellule de l'InVS en région (Cire) en matière de surveillance de l'état de santé de la population, d'études d'observation en santé, et d'évaluation des évènements sanitaires.

Par le biais de sa cellule « produits de santé et activités biologiques », la DVSS exerce également les missions de contrôle, d'expertise et d'appui pour les professionnels et établissements de santé, dans le champ des activités pharmaceutiques et biologiques. Au travers de la cellule régionale d'hémovigilance, elle a pour mission l'expertise, l'appui et l'accompagnement des établissements de santé qui utilisent les produits sanguins labiles.

Enfin, la DVSS pilote la préparation aux situations sanitaires exceptionnelles . Elle coordonne et harmonise la rédaction des plans sanitaires ou des volets sanitaires des plans Orsec et est un acteur essentiel dans le pilotage et le fonctionnement des cellules régionales d'appui (Cra) de l'agence de santé lors des situations sanitaires exceptionnelles. Dans le champ des risques sanitaires et des situations sanitaires exceptionnelles, la DVSS est ainsi l'interlocuteur privilégié des préfectures de La Réunion et de Mayotte, de l'État-major de zone au niveau local, et de la direction des urgences sanitaires (Dus) du ministère de la santé au niveau national.

Source : Agence de santé de l'Océan Indien

Depuis 2006, la LAV est mise en oeuvre à La Réunion dans le cadre du groupement d'intérêt public de lutte anti vectorielle (GIP-LAV) présidé par le préfet . Il s'agit d'une structure de coordination, qui s'appuie sur les effectifs et les moyens opérationnels permanents des services de l'agence de santé (près de 140 agents, répartis sur 4 sites opérationnels délocalisés), complétés en situation épidémique par des moyens mis à disposition par les collectivités locales . La coopération avec les communes se fait notamment par le biais de contrats aidés. Schématiquement, la LAV est organisée sous l'autorité du directeur général de l'agence de santé, la compétence passant entre les mains du préfet dès lors que le stade épidémique est atteint.

L'identification précoce du risque constituant une condition très importante de l'efficacité de la LAV, un système de surveillance régional collaboratif dédié a été mis en place en 2010. Reposant sur la coopération entre la Cire de l'Océan Indien, les CVAGS et les services de LAV à La Réunion et à Mayotte, le dispositif s'appuie sur la participation active des laboratoires d'analyses biologiques et médicales, ainsi que des médecins généralistes et hospitaliers, pour la remontée rapide des signalements de suspicions ou confirmations de cas . Il s'agit d'un système renforcé alternatif au système de la déclaration obligatoire (DO), qui n'apparaît pas pertinent en matière d'arboviroses ; en cas de soupçon de chikungunya ou de dengue, par exemple, les laboratoires procèdent ainsi à une recherche systématique. À Mayotte, un financement spécifique est attribué depuis 2010 au laboratoire du CHM pour sa participation à la surveillance épidémiologique des arboviroses.

La Réunion et Mayotte sont par ailleurs dotées d'une organisation préalable des moyens de gestion de l'événement et de secours, dans le cadre du dispositif ORSEC , sous la forme de plans décrivant pour chacun des territoires l'organisation de la lutte pour différents niveaux de risque et en fonction du contexte épidémiologique.

Les acteurs associatifs sont également très mobilisés sur le terrain. Lors de son déplacement dans la commune de Salazie, votre délégation a pu rencontrer les responsables de l'association Eva , financée par l'État et la commune, et qui travaille en collaboration avec l'agence de santé dans le champ de la lutte anti-vectorielle. Mobilisant une trentaine de personnes à l'échelle de la commune, elle procède à des opérations de défrichage et de collecte des déchets visant à éliminer de potentiels réservoirs d'eau, et organise des opérations de promotion de la LAV dans les établissements scolaires.

b) Une mobilisation forte et au plus près du terrain

Sur ces deux territoires, la LAV repose sur trois piliers : la prévention du développement des moustiques vecteurs à la source ; la mobilisation de tous dans la mise en oeuvre des gestes de prévention ; le déploiement rapide de moyens de lutte autour des signalements de cas de maladies vectorielles et en situation épidémique. L'objectif est de pouvoir mobiliser très rapidement des moyens importants, et d'intervenir au tout début de la propagation afin de la limiter au maximum.

Ainsi, dès lors qu'un signalement est effectué, les services compétents de l'agence de santé interviennent dans un rayon de 100 mètres autour des malades dans le but de réduire la population de moustiques et d'éliminer les gîtes larvaires, afin de casser la chaîne de transmission.

Ils procèdent dans le même temps à une recherche active en porte-à-porte, afin d'identifier d'éventuels autres cas dans le secteur, et à une information de la population sur la conduite à tenir, notamment s'agissant de la protection contre les moustiques. Dès lors que plusieurs cas sont identifiés dans un même secteur, l'ensemble des médecins qui y exercent sont contactés pour être à nouveau sensibilisés à la question.

Cette forte présence sur le terrain permet d'assurer l'adhésion de la population . Selon les informations fournies par la DVSS, 95 % de la population se déclare informée des enjeux de la lutte anti-vectorielle, et on relève seulement 3 % d'opposition aux mesures prises dans ce cadre. De nombreuses campagnes d'information et de sensibilisation sont régulièrement organisées, avec notamment les opérations de mobilisation sociale dites « Kass'Moustik », qui se voient largement relayées par les médias.

Votre délégation souligne que l'expérience développée à La Réunion et à Mayotte en matière de lutte antivectorielle pourra utilement être exportée en métropole , et notamment dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca). Des premiers cas autochtones de chikungunya sont en effet apparus en 2010 dans le Sud de l'hexagone, et l'Institut Pasteur indique que 18 départements français présentent actuellement toutes les conditions propices à la propagation de la maladie.

c) La nécessité d'une action coordonnée au niveau de la zone Océan Indien

L'amélioration de la prévention et de la réponse épidémique nécessite, d'une part, le renforcement des capacités de veille et de surveillance sur l'ensemble de la zone potentiellement touchée, et, d'autre part, la mise en commun en temps réel de l'ensemble des informations collectées par les différents pays concernés.

Afin de répondre à cet objectif, un réseau de surveillance des épidémies et de gestion des alertes de l'Océan Indien, dit réseau Sega, a été mis en place dans le cadre de la Commission de l'Océan Indien (COI) , avec un financement de l'AFD depuis 2009. La coopération ainsi établie entre cinq des pays de la zone 31 ( * ) , qui prend la forme d'une conférence téléphonique hebdomadaire, assure une connaissance fine de l'état de la circulation virale dans la région.

Le fonctionnement de ce réseau permet également de mettre en oeuvre un accompagnement technique et financier des autres pays de la zone Océan Indien , visant à parvenir à une harmonisation des méthodes de surveillance dans le champ sanitaire.


* 31 Il est à noter que l'Etat mauricien n'accepte de communiquer les informations épidémiologiques relatives à son territoire que depuis un peu plus d'un an, à la date de publication du présent rapport.

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