C. DES OPÉRATIONS DE PLUS EN PLUS SIMULTANÉES ET CUMULATIVES

a) Des crises qui durent

L'opération Harmattan conduite du 17 mars au 31 octobre 2011, sans intervention de forces au sol, apparaît comme une exception avec une durée de 7 mois et demi. Les autres opérations dans lesquelles la France était engagée en 2008, ou dans lesquelles elle s'est engagée depuis, ont une durée largement plus importante :

Opérations achevées :

EUFOR Tchad-RCA, 2008-2009, 15 mois

Serval (Mali), janvier 2013 - 1 er août 2014, 18 mois, mais elle est prolongée par l'opération Barkhane en cours

Boali (RCA) 2002-2013, 11 ans mais elle est prolongée par l'opération Sangaris en cours

Pamir (Afghanistan), 2001-2014, 13 ans

Licorne (Côte d'Ivoire) 2002-2015, 13 ans

Trident (Kosovo) 1999-2015, 15 ans

Epervier (Tchad) 1986-2014 - 28 ans, mais elle est prolongée par l'opération Barkhane en cours

Opérations en cours :

Chammal (Levant) depuis septembre 2014, 23 mois

Barkhane (Sahel) depuis août 2014, 23 mois

EUNAVFOR Atalante (Somalie) depuis décembre 2008, 7 ans et demi

Corymbe (Golfe de Guinée) depuis 1990, 26 ans

Daman (Liban) depuis 1978, 38 ans

b) La difficulté de la sortie de crise

Nombre de ces opérations sont des opérations de stabilisation ou comportent un volet de stabilisation, la sortie de crise suppose un niveau de sécurité minimal pour permettre de passer le relai à une force multinationale (ou s'en désengager) ou aux forces locales, mais même dans ce cas, cela conduit souvent à rehausser la participation française dans la force multinationale, à participer activement à la formation des forces locales et à renforcer les forces prépositionnées dans le voisinage. La sortie de crise n'est plus immédiate, elle s'étale dans la durée, sur plusieurs mois, voire années (Afghanistan).

c) Du « hit and run » à la « bridging opération » ou de la difficulté à passer le relai : le passage du témoin en douceur...

Les succès militaires de l'opération en Libye, mais les dommages collatéraux que l'absence de projection au sol et l'impossibilité de construire un programme d'assistance avec les gouvernements libyens successifs ont apportés (dissémination des stocks d'armes dans le Sahel et au-delà, au profit de groupes terroristes armés, désordres politiques internes et implantation de groupes terroristes opérant sur ou à partir du territoire libyen...) ont montré les limites des opérations réduites à de simples frappes, projection de puissance sans projection de forces (« hit and run »), le concept actuellement en cours dans la doctrine française s'apparente au concept de « bridging operation », opération-relais ; l'objectif étant de limiter, après une projection de puissance aux moyens de forces aériennes ou terrestres, la projection d'une force trop nombreuse en effectif et de passer le relai pour la phase de stabilisation à une force multinationale.

Cette transition, qui dépend à la fois de la situation sécuritaire et politique sur le théâtre, mais aussi de la vitesse de génération de la force multinationale, de son déploiement et de l'acquisition de sa capacité opérationnelle, est souvent plus longue que prévue.

Le retrait progressif de Sangaris

L'exemple de l'opération Sangaris est remarquable. L'opération a été engagée en décembre 2013, elle a dû être renforcée en raison du durcissement des combats dans le courant de l'année 2014 ; déployée à partir de septembre 2014, la MINUSCA n'a acquis sa pleine capacité opérationnelle qu'en avril 2015, la force Sangaris a été réduite par palier avec une évolution de sa mission : initialement à 2000, son effectif passe à 1700 en mars 2015, puis à 900 au cours de l'été 2015 devenant une force de réaction rapide en appui à la MINUSCA, la réduction à 600 (force de réserve recentrée sur Bangui) est différée au printemps 2016 en raison de nouveaux risques en septembre 2015. En mai 2016, le retrait est annoncé comme devant intervenir d'ici la fin d'année, mais avec, semble-t-il, comme contrepartie probable une présence française renforcée au sein de la MINUSCA (état-major, renseignement), une participation active à EUTM RCA pour la formation de l'armée locale, et une augmentation des effectifs prépositionnés en Côte d'Ivoire. Depuis, la force a été réduite à 350 militaires.

Ces facteurs échappent en partie à l'autorité politique française, sauf à disposer d'autres leviers. L'étalement des sorties de crise, et donc du retrait des forces, consomme des capacités qui, du coup, sont moins disponibles pour d'autres missions.

Avec la dégradation de la situation sécuritaire globale, le risque est de devoir mener davantage d'opérations simultanément, et non plus successivement, ce qui conduit à solliciter les forces au-delà du contrat opérationnel et donc prendre le risque d'affecter leur régénération. Ce n'est pas une solution tenable sur le long terme, d'autant qu'elle se cumule avec des sollicitations croissantes dans le cadre de la fonction « protection », sauf à prévoir d'affecter des ressources supplémentaires à la Défense.

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