C. LES POLLUTIONS DIFFUSES

Aujourd'hui, comme en témoigne le rapport d'« Évaluation de la politique de l'eau » établi par Anne-Marie Levraut en septembre 2013 au nom du CGEDD, du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, de l'Inspection générale des finances, de l'Inspection générale de l'administration, du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies et de l'Université Paris-Diderot, la moitié des masses d'eau sont dégradées du fait de pollutions diffuses d'origine agricole : nitrates ou pesticides . Elle concluait en expliquant que « l'enjeu est de passer d'une multitude d'actions curatives à une approche préventive cohérente et à la bonne échelle, tirant ainsi les conséquences de la reconnaissance d'un cycle de l'eau unique au bénéfice de tous les usages » .

Deux actions contentieuses sont engagées pour le non-respect par la France des règles découlant de la directive de l'Union européenne portant sur les zones vulnérables.

Les zones les plus sensibles sont les aires d'alimentation des captages (AAC). Les délimitations actuelles s'étendent sur un million d'hectares, soit 3 % de la SAU, mais on estime que plus de 10% de la SAU est potentiellement concernée par des AAC du fait de l'allongement de liste des captages prioritaires devant faire l'objet d'une telle délimitation.

Un captage d'eau potable est un dispositif de collecte ou de pompage d'eau potable, en eaux superficielles ou en eaux souterraines, dont potentiellement vulnérable du fait de ces caractéristiques hydrogéologiques et des activités économiques pratiquées sur ces territoires.

Au-delà de l'instauration des périmètres de protection des captages (code de la santé publique), la loi sur l'eau instaure les aires d'alimentation de captage (AAC), aire géographique délimitant l'ensemble des territoires où les pollutions diffuses peuvent impacter la qualité de l'eau potable (code de l'environnement). Le rapport Levraut avait d'ailleurs proposé de faire « du sur-mesure hydrogéologique et de se concentrer sur la fraction de l'AAC qui contribue à l'essentiel de la pollution agricole » .

Initialement, le Grenelle de l'environnement avait fixé à 532 le nombre de captages dont les démarches de protection devaient être engagées : définir une aire d'alimentation vis-à-vis des pollutions diffuses et élaborer un plan d'action limitant les pollutions agricoles. Les SDAGE dans les bassins hydrographiques français, adoptés fin 2015, listent désormais plus de 1 000 captages qui doivent entamer cette procédure de protection en sus de la délimitation des périmètres de protection de captages.

Aujourd'hui, votre rapporteur regrette que l'administration ne tienne pas toujours assez compte des efforts déjà mis en oeuvre par les acteurs concernés afin de lutter contre les pollutions. L'ensemble des actions entreprises à la fois par les collectivités (maîtrise des eaux pluviales, rénovation des réseaux d'assainissement, etc), par les usagers de l'eau (maîtrise des intrants, mise aux normes des exploitations et du matériel, évolution des systèmes et des assolements, etc), encadré par un dispositif d'animation sur le terrain, a déjà contribué à maîtriser la qualité de l'eau, voire à des améliorations sur certains territoires.

Enfin, votre rapporteur a pu constater, tout au long de ses auditions, que les collectivités en charge de la mise en oeuvre dans les aires d'alimentation, des actions pour lutter contre les pollutions, sont souvent démunies, surtout lorsqu'il s'agit de petites collectivités avec de faibles moyens financiers. Elles manquent cruellement de moyens pour la mise en oeuvre de cette procédure, leur fonctionnement, mais aussi pour l'animation locale à même d'instaurer une dynamique vertueuse en concertation avec la profession agricole.

En outre, la taxe finançant le fonds de garantie du risque de développement lié à l'usage des boues en agriculture ou sylviculture mis en place par l'article 45 de la LEMA devait être supprimée, au titre des 90 mesures de simplification retenues pour les entreprises, en raison du coût élevé de recouvrement par les services du Trésor public. Cette suppression n'est pas recevable par la profession agricole qui considère que cette taxe, pour les territoires où les boues sont épandues en agriculture, est une garantie nécessaire à la pérennité de cette pratique, dont les coûts de mise en oeuvre sont sans commune mesure avec les autres filières d'élimination des boues.

Cette taxe est pourtant destinée à être mobilisée uniquement dans le cas où des terres agricoles ou forestières deviendraient totalement ou partiellement impropres à la culture à la suite d'un phénomène nouveau, inconnu au moment où l'épandage de boues d'épuration a été réalisé. Le rapport du CGEDD intitulé « Les épandages sur terres agricoles des matières fertilisantes d'origine résiduaire » 10 ( * ) de juillet 2015, préconisait même l'élargissement de ce fonds de garantie à d'autres matières résiduaires épandables afin de satisfaire les besoins de sécurité exprimés par les acteurs agricoles de la filière .

La suppression de cette taxe risquerait de se traduire sur le terrain par la remise en cause des plans d'épandage, et donc par d'importantes difficultés pour certaines collectivités en ce qui concerne l'élimination de leurs boues d'épuration. Elle pourrait aussi avoir des conséquences pour les usagers des services publics d'assainissement qui verraient le montant de leur facture d'eau augmenter en raison de la hausse de la redevance d'assainissement collectif.

Enfin, votre rapporteur a pu constater, tout au long de ses auditions, que les aires d'alimentation manquaient cruellement de moyens pour leur mise en oeuvre, leur fonctionnement, mais aussi d'animation locale à même d'instaurer une dynamique vertueuse, en concertation avec la profession agricole.

Proposition 10 : Mieux utiliser les moyens du fonds de garantie boues mis en place par la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques.

Proposition 11 : Renforcer les moyens dédiés à la protection des captages.


* 10 Rapport CGEDD n° 009801-01, CGAAER n° 14074 établi par Bertrand GAILLOT et Patrick LAVARDE (coordonnateur).

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