F. LES ÉVOLUTIONS DE 2000 ET 2006 : DE LA DIRECTIVE CADRE EUROPÉENNE À LA LOI FRANÇAISE SUR L'EAU ET LES MILIEUX AQUATIQUES

La directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000, dite DCE a fixé des objectifs environnementaux, ainsi que des échéances pour améliorer l'état écologique et chimique des cours d'eaux souterrains et de surface.

La directive fixe notamment un objectif général d'atteinte du « bon état des masses d'eau d'ici à 2015 » en mettant en place une méthode ainsi qu'une planification pour tous les États membres de l'Union qui devaient, en 2016, rendre des comptes à la Commission.

Après la tenue d'un grand débat public, le Parlement adopte le 30 décembre 2006 la loi sur l'eau et les milieux aquatiques visant à atteindre les objectifs de la directive.

Cette loi vise à améliorer les conditions d'accès à l'eau de tous et à apporter plus de transparence au fonctionnement du service public de l'eau. Elle reconnaît le droit à l'eau pour tous et prend en compte l'adaptation au changement climatique.

Elle rénove également l'organisation des institutions de gouvernance et met en place des outils nouveaux pour lutter contre les pollutions diffuses.

1. Le droit européen de l'eau : la directive-cadre du 23 octobre 2000

Pièce législative centrale de la politique européenne de l'eau, la Directive 2000/60/CE 5 ( * ) du Parlement Européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, regroupe les principales obligations concernant la gestion de l'eau dans l'Union européenne. Dès son préambule, la directive établit que « l'eau n'est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel . »

Avant cette directive, les premiers textes communautaires réglementant le domaine de l'eau sont apparus dans les années 1970 : directive 75/440/EEC sur la qualité des eaux de surface du 16 juin 1975, directive 76/464/EEC sur les substances dangereuses du 4 mai 1976, directive 78/659/EEC sur la protection des eaux douces à usage piscicole du 18 juillet 1978, directive 91/271/ EEC sur les eaux résiduaires urbaines du 24 mai 1991, directive nitrates 91/276/EEC du 12 décembre 1991, directive 80/778/EEC du 15 juillet 1980 sur l'eau potable ou encore directive 75/160/EEC sur les eaux de baignade du 8 décembre 1975.

LA DIRECTIVE CADRE SUR L'EAU

La DCE fait suite à une longue série de directives sectorielles comme la directive 76/464/CEE du 4 mai 1976 concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté. Son objectif est d'unifier les règles existantes et de mettre en oeuvre, une véritable politique de l'eau comme composante de la politique de l'environnement européenne mentionnée à l'article 192 § 2 2°) b du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne.

La directive est marquée par l'influence française, puisqu'elle est adoptée pendant la présidence française au Parlement Européen de Nicole Fontaine (1999-2002) et de Hubert Védrine, Président du Conseil de juillet à décembre 2000. La directive intervient également dans un contexte de montée en puissance du contentieux d'application du droit européen de l'environnement.

Le texte est marqué par trois préoccupations principales :

- améliorer, protéger et développer les écosystèmes aquatiques ;

- promouvoir une gestion durable et de long terme de la ressource en eau ;

- répondre aux difficultés rencontrées par les États membres à la suite d'inondations ou de sécheresse.

Ses deux objectifs principaux - garantir la quantité et qualité de l'eau pour répondre aux besoins économiques et protéger les eaux souterraines des pollutions diffuses - confirment la place centrale du milieu naturel aquatique et marquent une innovation par la fixation d'objectifs environnementaux à atteindre dans un délai précis tout en prenant en compte l'économie et l'aménagement du territoire à chaque étape de sa mise en oeuvre.

La directive établit des règles pour mettre fin à la détérioration de l'état des masses d'eau de l'Union Européenne et ainsi respecter l'ambition première du texte, à savoir parvenir « au bon état des rivières, des lacs et des eaux souterraines d'ici à 2015 ». Par cet objectif le texte conforte ainsi la tradition française, qui dès 1964, fixait des objectifs de qualité mais il va beaucoup plus loin car il s'applique à tous les milieux aquatiques en prenant en compte toutes les composantes de la qualité.

La directive établit un calendrier commun à tous les États membres, qui devront suivre cette méthode pour atteindre les objectifs européens fixés.

Premier objectif, une priorité est donnée à la protection de l'environnement et à une utilisation durable de l'eau, par le biais d'instruments européens, qui sont les plans de gestion .

Ensuite, la directive fixe l'objectif d'améliorer la qualité chimique des eaux, en inversant la tendance à la dégradation de la qualité des eaux souterraines. Pour ce faire, il faut supprimer les rejets de vingt substances « prioritaires dangereuses » identifiées sur une liste européenne. De même, pour les eaux superficielles, il faut réduire les rejets de substances prioritaires qui sont annexées sur une liste mentionnant 33 substances.

Enfin, le texte fixe comme objectif central la préservation et la restauration de l'état des eaux superficielles pour atteindre d'ici à 2015, le bon état général des milieux aquatiques sur tout le territoire européen .

Une planification et une programmation sont nécessaires pour assurer ces objectifs de bon état de la qualité en eau . Pour cela, un état des lieux doit être effectué pour pouvoir analyser les différents usages de l'eau, avec notamment, l'établissement d'un registre de zones protégées pour identifier les zones faisant l'objet d'une protection spéciale, renforcée. En 2006, un réseau de surveillance de l'état des eaux par les États membres est mis en place pour permettre une comparaison.

La directive européenne met au coeur de cette politique axée sur l'eau la consultation du public. Elle vise à assurer une participation active des acteurs de l'eau et du public, notamment pour l'élaboration du plan de gestion en prévoyant des consultations. Par ce biais, l'Union européenne veut obtenir un renforcement de la transparence de la politique de l'eau.

Contrairement à d'autres textes européens, la directive cadre sur l'eau raisonne en termes de masses d'eau. Pour ce faire, le texte met en place un référentiel aquatique qui sert à comparer l'état des eaux en Europe, lequel correspond à un volume d'eau à caractéristiques physiques homogènes et sur lequel les pressions urbaines, agricoles et industrielles sont identiques. Dans cette logique, l'article 2 de la directive identifie et définit les différents types d'eau ainsi que les objectifs. Ainsi, les eaux de surface sont « les eaux intérieures, à l'exception des eaux souterraines, les eaux de transition et les eaux côtières, sauf en ce qui concerne leur état chimique, pour lequel les eaux territoriales sont également incluses » qui doivent avoir un bon état écologique et chimique d'ici à 2015 et les eaux souterraines sont « toutes les eaux se trouvant sous la surface du sol dans la zone de saturation et en contact direct avec le sol ou le sous-sol » qui doivent également remplir un objectif de bon état chimique et quantitatif d'ici à 2015. Le bon état chimique correspond à la concordance avec les normes de qualité et les valeurs seuils. Ainsi, les Etats membres doivent s'engager à inverser toute tendance à la hausse de polluants et ils doivent prévenir l'introduction de polluants, de toute substance dangereuse ou susceptible de l'être.

Pour parvenir à ces objectifs, la directive confère, aux différentes autorités nationales, des responsabilités .

Tout d'abord, les États doivent recenser les bassins hydrographiques , qui sont l'unité géographique définie à l'article 2 13) de la directive. Ces derniers constituent l'unité de gestion de la ressource en eau pour l'application appropriée des programmes de mesures prescrites par le texte.

Ensuite, ils doivent désigner les différentes autorités compétentes pour gérer ces bassins selon les règles de l'Union européenne et analyser les caractéristiques des bassins, c'est-à-dire, l'impact des activités humaines et l'analyse économique de l'utilisation de l'eau.

De même, une fois ces différentes actions menées, les États membres doivent surveiller l'état des eaux dans chaque bassin et établir le registre des zones protégées , qui demandent une attention plus particulière, plus accrue que les bassins hydrographiques ou « districts hydrographiques ».

Une fois ces différentes actions menées, une importance est accordée pour l'élaboration et la mise en oeuvre des « plans de gestions des bassins hydrographiques » afin d'empêcher la détérioration des eaux de surface pour protéger et améliorer les eaux souterraines et pour préserver les zones protégées .

Il convient également de garantir la récupération des coûts de services liés à l'utilisation de l'eau et conformément au principe pollueur payeur. Ce dernier doit pouvoir répondre aux exigences de transparence voulues par la directive, puisque le texte fait de la tarification, un outil pour l'action et contribuer à la réalisation des objectifs environnementaux.

Enfin, les États membres ont l'obligation de garantir l'information ainsi que la consultation du public sur les plans de gestion hydrographique et ils doivent rendre compte régulièrement à la Commission des mesures prises et du chemin parcouru pour atteindre les objectifs.

La directive innove en mettant en place une méthode de travail commune à tous les États , ainsi qu'un calendrier pour parvenir aux différents objectifs. Le texte instaure une procédure de planification suivant des cycles de gestion d'une période de six ans (2010-2015 ; 2016-2021 ; 2022-2027).

Le respect de la DCE passe donc par la mise en place de plans d'actions qui sont évalués par la Commission. Ces documents sont des plans de gestion déclinés en programmes intégrés de mesures. Ces derniers sont établis dans le cadre du plan de gestion mais ils peuvent aussi répondre à la législation nationale, comme en France avec les SDAGE. Le programme de mesures doit être élaboré dans chaque district hydrographique (bassin) en prenant en compte des études et des analyses. En France, il est élaboré par le préfet et soumis pour avis au comité de bassin.

Le programme d'actions porte sur les caractéristiques des bassins hydrographiques et les incidences des activités humaines. Est également prise en compte l'évaluation du coût des différents services de l'eau et des mesures de restauration de la qualité des eaux, mais aussi une analyse sur la qualité de l'eau qui fait l'objet d'une surveillance systématique et qui peut être comparée entre les États membres puisque chaque district dispose d'un programme adapté.

La directive détermine enfin un calendrier d'échéances pour les exigences individuelles, au travers d'un programme de surveillance. Le but principal est de permettre une application cohérente et harmonieuse de la DCE, tout en maintenant une participation du public.

En somme, la directive cadre sur l'eau ne remet pas en cause la politique française puisqu'elle s'en inspire, en mettant notamment en place, à l'échelle de ses grands districts hydrographiques, des instruments comme les plans de gestion, pour fixer des objectifs à atteindre et des programmes de mesures définissant les actions nécessaires.

En France, le SDAGE mais également les SAGE et tout autre instrument de planification comme les contrats de rivières seront donc les instruments de mise en oeuvre de la politique communautaire.


* 5 Journal Officiel de l'Union Européenne, L 327, du 22.12.2000, p. 1-73

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