N° 859

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 septembre 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de décret d' avance notifié le 23 septembre 2016, relatif au financement de dépenses urgentes , transmis pour avis à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,
Rapporteur général,
Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

AVIS DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT

sur le projet de décret d'avance notifié le 23 septembre 2016, portant ouverture et annulation de 1 532 millions d'euros en autorisations d'engagement et 699 millions d'euros en crédits de paiement

La commission des finances,

Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 ;

Vu le décret n° 2016-732 du 2 juin 2016 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance ;

Vu le projet de décret d'avance notifié le 23 septembre 2016, portant ouverture et annulation de 1 532 250 403 euros en autorisations d'engagement et 698 718 934 euros en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, au questionnaire du rapporteur général ;

Sur la régularité du projet de décret d'avance :

1. Constate que l'objet du projet de décret d'avance est de permettre le financement de 150 000 contrats aidés supplémentaires, des dépenses relatives à l'hébergement d'urgence et aux frais de justice ;

2. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant réparties sur vingt-cinq missions du budget général et un compte d'affectation spéciale ;

3. Constate que les ouvertures de crédits prévues par le projet de décret d'avance et le décret n° 2016-732 du 2 juin 2016 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ;

4. Relève que les ouvertures représentent plus de 5 % de la budgétisation initiale hors dépenses de personnel des programmes 102 « Accès et retour à l'emploi » et 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ;

5. Note que le montant des crédits ouverts par le projet de décret d'avance excède le plafond de 2 % des crédits de chaque programme et ne peut par conséquent pas faire l'objet d'une procédure de virement de crédits ;

6. Constate qu'il n'apparaît donc pas possible d'ouvrir les crédits supplémentaires considérés autrement qu'en recourant à un décret d'avance ;

7. Estime que la nécessité d'une ouverture rapide des crédits est avérée au regard de la nécessité de financer les contrats aidés supplémentaires dont la création a été décidée par le Gouvernement, d'assurer la continuité de l'accueil en hébergement d'urgence et d'honorer le paiement des prestations en matière de frais de justice ;

8. Constate que les conditions techniques de régularité du recours au décret d'avance prévues par la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 précitée sont donc formellement réunies ;

Sur les ouvertures prévues par le projet de décret d'avance :

9. Note que les ouvertures de crédits en cours d'année pour financer une hausse de 50 % du nombre de contrats aidés par rapport à la programmation budgétaire initiale 2016 ne résultent pas d'un évènement imprévisible mais d'une décision gouvernementale dans un contexte de taux de chômage élevé ;

10. Relève que la réorientation de la programmation des contrats aidés ne découle pas d'une annonce publique du Gouvernement mais d'une circulaire du ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle qui n'a fait l'objet d'aucune communication au Parlement ni aux commissions des finances des deux assemblées malgré ses conséquences budgétaires importantes ;

11. Souligne que le relèvement de la programmation des contrats aidés à hauteur de 150 000 contrats aidés supplémentaires conduit à une augmentation des dépenses pour la fin de l'année 2016 représentant un dépassement de 8 % de la budgétisation initiale votée par le Parlement et entraîne l'engagement par l'État de près d'1,5 milliard d'euros, qui pèseront pour 850 millions d'euros en crédits de paiement sur l'exercice 2017 ;

12. Rappelle le caractère récurrent, ces dernières années, du dépassement de l'enveloppe budgétaire allouée aux contrats aidés ;

13. Note par conséquent que le coût de la politique des contrats aidés n'est pas contenu ;

14. Observe que la sous-budgétisation des dépenses d'hébergement d'urgence est habituelle et que l'insuffisance des moyens était manifeste dès la loi de finances initiale au regard de l'exécution 2015 et de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile sur le territoire à partir de la seconde moitié de l'année 2015 ;

15. Estime par conséquent que l'urgence à ouvrir les crédits ne découle pas du caractère imprévisible des besoins budgétaires, mais d'une décision gouvernementale s'agissant des contrats aidés d'une part et de l'insuffisance des moyens alloués en loi de finances initiale concernant l'hébergement d'urgence d'autre part ;

16. Constate par ailleurs que le Gouvernement ne fournit aucun chiffrage relatif à la hausse des dépenses liées aux frais de justice qui serait intervenue à la suite des attentats ; que le Parlement ne peut par conséquent en apprécier l'imprévisibilité ;

Sur les annulations prévues par le projet de décret d'avance :

17. Constate que la plus grande partie des annulations porte sur des crédits mis en réserve, ce qui ne permet pas au Parlement d'identifier les dispositifs touchés par les redéploiements avant la présentation par le Gouvernement, à la fin de l'année, du schéma de fin de gestion ;

18. Estime par conséquent que le recours croissant, par le Gouvernement, à la mise en réserve de crédits, qui s'élève depuis 2015 à 8 % des crédits ouverts sur le budget de l'État, et à la procédure de décret d'avance nuit à la lisibilité de la politique budgétaire du Gouvernement ainsi qu'à la portée de l'autorisation parlementaire ;

19. Relève que les annulations en autorisations d'engagement sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » ne constituent pas des économies réelles sur le budget de l'État dans la mesure où les crédits inscrits à cette mission sont fixés à un niveau conventionnel, identique d'année en année et indépendant du montant des dépenses  réellement prévues ; que les ouvertures qu'elles permettent se traduiront en revanche par une charge supplémentaire certaine sur le budget de l'État en 2016 et en 2017 ;

20. Souligne qu'une part importante des annulations sur le budget général pèse sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », à rebours des priorités affichées par le Gouvernement ;

21. Émet, en conséquence, un avis défavorable au présent projet de décret d'avance.

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