ANALYSE DES OUVERTURES ET ANNULATIONS DE CRÉDITS

Le présent projet de décret d'avance prévoit des ouvertures et annulations de crédits pour un montant total de 1 532 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 699 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Soumis pour avis à la commission des finances, il lui a été notifié le 23 septembre 2016.

Conformément à l'article 13 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), « la commission chargée des finances de chaque assemblée fait connaître son avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui a été faite du projet de décret ».

I. OBJET DES OUVERTURES ET ANNULATIONS DE CRÉDITS

Les décrets d'avance permettent de procéder à des ouvertures de crédits en cas d'urgence, dans la limite de 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale, gagées par des annulations de crédits 1 ( * ) .

A. LES OUVERTURES

Les ouvertures prévues par le présent projet de décret d'avance concernent trois missions. Il faut noter que les ouvertures de crédits dépassent le seuil de 2 % des crédits ouverts en LFI sur chaque programme , rendant impossible l'emploi d'une procédure de virement de crédits.

Ouvertures de crédits de paiement prévues
par le présent projet de décret d'avance

Source : commission des finances, d'après le projet de décret d'avance

La mission « Travail et emploi » représente l'essentiel des ouvertures avec 1,4 milliard d'euros en AE et 574,7 millions d'euros en CP pour le financement de 150 000 contrats aidés supplémentaires.

84 millions d'euros sont ouverts sur la mission « Égalité des territoires et logement » pour financer la création et la pérennisation de places en hébergement d'urgence .

Enfin, la mission « Justice » bénéficie de 25 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 40 millions d'euros en crédits de paiement pour honorer le paiement de prestations en matière de frais de justice .

1. 1,4 milliard d'euros ouverts en AE et 575 millions d'euros en CP sur la mission « Travail et emploi » au titre de la création de 150 000 contrats aidés supplémentaires

Le Gouvernement prévoit la création de 150 000 contrats aidés supplémentaires par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale . Au total, 445 000 contrats aidés devraient être conclus en 2016, soit un nombre identique à celui de l'année 2015.

Programmation des contrats aidés en 2016
avant et après la circulaire du 30 juin 2016

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Le relèvement du nombre de contrats aidés découle d'une circulaire du 30 juin 2016 de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social 2 ( * ) . Le Gouvernement n'a donc fait aucune annonce publique à ce sujet. Cette circulaire n'a pas été communiquée au Parlement ni aux commissions des finances des deux assemblées . Votre rapporteur général considère que cette méthode est pour le moins surprenante , dans la mesure où le Parlement est mis devant le fait accompli et ne découvre les dépenses supplémentaires qu'au moment où il y a urgence à les engager.

La majorité des contrats aidés supplémentaires porterait sur le secteur non marchand . Pourtant, ce sont les contrats qui donnent les moins bons résultats en termes d'insertion sur le marché du travail : seuls 40 % des bénéficiaires d'un CAE ont accédé à l'emploi après leur engagement alors que c'est le cas de 65,6 % des titulaires de CIE 3 ( * ) . La commission des finances avait d'ailleurs proposé, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, de réduire le nombre de contrats aidés dans le secteur non marchand.

Les différents types de contrats aidés

Les contrats aidés reposent sur le principe d'une aide à l'insertion professionnelle par une subvention à l'employeur .

Les emplois d'avenir visent les jeunes sans diplôme de 16 à 25 ans. Ces emplois sont principalement créés dans le secteur non marchand.

Les contrats d'accompagnement dans l'emploi (CUI CAE) cherchent à faciliter le recrutement de personnes rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle chez les employeurs du secteur non-marchand.

Les contrats d'insertion dans l'emploi (CUI-CIE) sont similaires aux CUI-CAE, mais s'appliquent en cas d'embauche par un employeur privé (secteur dit « marchand ») .Le contrat CIE-« Starter » cible les jeunes rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle et s'applique dans le secteur « marchand ».

Source : commission des finances du Sénat

Le Gouvernement décide au contraire d'en créer encore plus, pour un coût qui est loin d'être négligeable : les nouveaux contrats nécessitent l'ouverture de 1,4 milliard d'euros supplémentaires, qui pèseront pour 600 millions d'euros sur 2016 et pour 850 millions d'euros sur l'exercice budgétaire 2017. En 2016, les plafonds de la loi de finances initiale en matière de contrats aidés seront largement dépassés : de 8 % en crédits de paiement et de 20 % en autorisations d'engagement 4 ( * ) .

Répartition des contrats aidés par type et par semestre
avant et après la circulaire du 30 juin 2016

(en nombre de contrats et en %)

Répartition prévue en LFI

Répartition après circulaire 30 juin 2016

Semestre 1

Semestre 2

Total

Part

Semestre 1

Semestre 2

Total

Part

Contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE, secteur non marchand)

100 000

100 000

200 000

67,8%

123 000

182 000

305 000

68,5%

Contrat initiative emploi (CIE, secteur marchand)

30 000

30 000

60 000

11,9%

60 000

15 000

75 000

14,6%

Emplois d'avenir (EAV, secteur non marchand)

17 500

17 500

35 000

20,3%

35 000

30 000

65 000

16,9%

Total

147 500

147 500

295 000

100,0%

218 000

227 000

445 000

100,0%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

L'objectif affiché est de « conforter le mouvement de reprise de l'activité et de l'emploi amorcé en 2015 ». Il s'agit donc pour le Gouvernement de chercher à maîtriser les chiffres du chômage à travers une politique coûteuse dont l'efficacité est, au mieux, incertaine .

2. 84 millions d'euros sur la mission « Égalité des territoires et logement » pour l'hébergement d'urgence

De façon désormais classique, des crédits sont aussi ouverts au profit de l'hébergement d'urgence, à hauteur de 84 millions d'euros .

Sur ce total, 34 millions d'euros découlent de décisions prises par le Gouvernement en cours d'année : création de 3 000 places supplémentaires indiquée dans l'instruction aux préfets du 29 juin 2016 et pérennisation de 2 300 places qui avaient été créées pendant l'hiver 2015-2016 annoncée par la ministre du logement et de l'habitat durable en mars 2016.

A contrario , 50 millions d'euros sont ouverts pour les places déjà existantes, ce qui signifie que le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » était sous-budgétisé - comme notre collègue Philippe Dallier, rapporteur spécial de la mission « Égalité des territoires et logement », ne manque pas de le constater chaque année.

En outre, le Gouvernement indique qu'à fin septembre, il ne dispose pas d'une estimation fiable de la prévision budgétaire totale du programme en 2016 . Il est donc probable que ces ouvertures ne suffisent pas à combler les besoins pour l'année 2016 et que l'hébergement d'urgence fasse l'objet de nouvelles ouvertures prévues par le décret d'avance de fin de gestion.

3. 40 millions d'euros en crédits de paiement pour le paiement des frais de justice

25 millions d'euros en AE et 40 millions d'euros en CP sont ouverts pour payer les frais de justice . Le Gouvernement indique que ces frais sont en hausse à la suite des attentats, en raison d'un nombre plus élevé d'enquêtes et de réquisitions techniques. Si votre rapporteur général comprend parfaitement cette motivation, il regrette de ne pas avoir pu obtenir de chiffres précis, malgré ses demandes.


* 1 Ou la constatation de recettes supplémentaires - mais, dans la pratique, ce dernier cas est très rare.

* 2 Circulaire n° DGEFP/MIP/2016/215 du 30 juin 2016 de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, relative à la programmation des contrats uniques d'insertion et emplois d'avenir au deuxième semestre 2016.

* 3 Source : projet annuel de performances de la mission « Travail et emploi » joint au projet de loi de finances de l'année 2013.

* 4 D'après le rapport de motivation joint au présent projet de décret, « pour les contrats aidés, les autorisations d'engagement (AE) correspondent au montant total des dépenses attendues au titre des décisions d'attribution sur l'ensemble de la durée de vie prévisionnelle de ces contrats, qui peuvent dépasser l'année en cours, soit près de 11 mois en moyenne pour un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), 10 mois pour un contrat initiative emploi (CIE) et 24 mois pour un emploi d'avenir (EAV). Le dispositif est ainsi géré de façon distincte en AE et en CP ».

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