B. DES DÉPENSES DONT L'URGENCE EST MANIFESTE, MAIS PAS L'IMPRÉVISIBILITÉ

1. L'urgence : nécessité et imprévisibilité

L'article 13 de la LOLF dispose que les décrets d'avance sont pris « en cas d'urgence ».

Votre rapporteur général considère, à l'instar de la Cour des comptes 5 ( * ) , que le critère d'urgence répond « aux deux conditions que sont la nécessité , constatée au moment où est préparé le décret d'avance, et l' imprévisibilité des dépenses auxquelles ce dernier doit faire face ».

Ces deux composantes ne sont pas précisées explicitement dans la loi organique relative aux lois de finances, mais elles se déduisent du caractère dérogatoire du décret d'avance.

En effet, l'urgence ne saurait s'apprécier au seul regard de la nécessité d'ouvrir les crédits dans un délai contraint : toutes les dépenses du budget de l'État pourraient alors être considérées, à un moment ou à un autre de l'année, « urgentes ». En outre, le décret d'avance est défini comme un dispositif exceptionnel puisqu'il contrevient au principe selon lequel les crédits budgétaires ne peuvent être modifiés que par une loi de finances . Le caractère dérogatoire du décret d'avance implique donc que les dépenses qu'il finance n'auraient pas pu être intégrées à une loi de finances.

2. Des dépenses qui ne paraissent pas imprévisibles

Les dépenses doivent toutes être engagées rapidement . En ce qui concerne les contrats aidés, l'Agence de services et de paiement (ASP) ne dispose pas de la trésorerie nécessaire pour assurer les paiements en attendant le vote d'une loi de finances rectificative. S'agissant de l'hébergement d'urgence, une mise à disposition rapide des crédits est nécessaire pour maintenir l'accueil des personnes hébergées et, concernant les frais de justice, les juridictions se verraient bientôt dans l'incapacité d'assurer la continuité du paiement des dépenses prescrites par les officiers de police judiciaire et par les magistrats dans le cadre des procédures judiciaires.

Mais l'imprévisibilité de la plupart des dépenses que ce projet de décret d'avance vise à financer paraît beaucoup plus incertaine .

Le relèvement de la cible de contrats aidés n'est pas un évènement de force majeure qui s'impose au Gouvernement . Il s'agit d'une décision politique dans un contexte de taux de chômage élevé.

Concernant l'hébergement d'urgence, la sous-budgétisation des dépenses était manifeste dès la loi de finances initiale. Notre collègue Philippe Dallier n'avait pas manqué de la relever et indiquait dans son rapport spécial que l'insuffisance des crédits pour l'année 2016 semblait « évidente s'agissant de la veille sociale et de l'hébergement d'urgence ». Là encore, ces dépenses n'étaient pas imprévisibles.

Enfin, s'agissant des frais de justice, il est difficile à votre rapporteur général d'apprécier le respect du critère d'imprévisibilité dans la mesure où aucune précision ne lui a été apportée.

Au total, votre rapporteur général constate que la nécessité d'une ouverture rapide des crédits est manifeste mais ne découle pas forcément d'évènements imprévisibles . Il souligne que l'usage répété de la procédure du décret d'avance ainsi que la mise en réserve toujours plus importante de crédits conduisent à réduire la portée et le sens de l'autorisation parlementaire .


* 5 Cour des comptes, « Rapport sur les crédits du budget de l'État ouverts par décret d'avance », décembre 2014, p. 12.

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