B. UN SERVICE COÛTEUX, CONFRONTÉ AUX RÉDUCTIONS BUDGÉTAIRES DES COLLECTIVITÉS

La loi du 3 mai 1996 17 ( * ) a modifié l'organisation des services d'incendie et de secours, en transférant seulement à ce dernier la gestion des moyens de secours relevant antérieurement des communes ou de leurs établissements publics.

Confrontés aux évolutions inverses de leurs charges, notamment de personnels, et de leurs recettes aussi contraintes que les ressources des collectivités territoriales, les SDIS ont essayé depuis plusieurs années d'optimiser leurs moyens. À défaut, c'est le modèle français de sécurité civile qui serait menacé, situation d'autant plus dommageable que les services rendus par les SDIS sont reconnus de tous. Il y a donc urgence à appliquer le principe selon lequel « qui décide paye », à moins que ce ne soit « qui paie décide ». En l'espèce, constatons que l'État décide et les collectivités payent.

1. Une équation budgétaire à plusieurs inconnues

Les dépenses en matière d'incendie et de secours sont une obligation pour les communes et les départements.

a) Des sources de dépenses multiples et difficilement maîtrisables

Les communes contribuent aux dépenses de personnel et de matériel relatives aux services d'incendie et de secours, au travers d'une participation obligatoire versée au SDIS. La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015 a élargi les possibilités de transfert de la cotisation des communes aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

• Une masse salariale difficilement compressible

Mécaniquement, l' augmentation de la part des professionnels dans le total des effectifs , passée de 15,07 % à 17,40% entre 2004 et 2014 18 ( * ) , sous l'effet d'un double mouvement de diminution des vocations de volontaires et d'une augmentation des effectifs de professionnels, s'est traduite par une pression budgétaire accrue sur les SDIS. Le recrutement de pompiers professionnels, dont le coût est plus élevé que celui des volontaires, pour pallier au moins la crise partielle des vocations qui a perduré jusqu'en 2014, ne pouvait avoir qu'un fort impact sur les budgets des SDIS.

Nombre de professionnels et de volontaires
recensés chaque année entre 2004 et 2015

Source : Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises,
Les statistiques des services d'incendie et de secours, édition 2015

Ceci dit, ce constat global ne doit pas masquer les disparités entre SDIS, diversement confrontés à cette évolution.

Les SDIS des départements urbanisés disposent des moyens d'action matériels et humains les plus importants. Au contraire, on ne sera pas étonnés de constater que moins les SDIS ont de moyens, plus leur bon fonctionnement dépend de l'activité des volontaires et que l'effectif de ces derniers en découle.

Sur le plan budgétaire, le recul du nombre de volontaires, continu jusqu'en 2014, n'était donc pas tenable pour les SDIS, en particulier ceux des secteurs les plus ruraux. En effet, la mixité entre les professionnels et les volontaires, et l'équilibre du mode de financement qui en résulte, constitue l'assise du modèle français de sécurité civile. Or, malgré les progrès apportés successivement par le législateur 19 ( * ) , le nombre de volontaires a diminué jusqu'en 2014. Indéniablement, les contraintes, tant pour les intéressés que pour leurs employeurs, sont à l'origine de cette érosion. C'est la raison pour laquelle l'action en faveur du volontariat s'est poursuivie avec la signature, le 11 octobre 2013, de l'engagement national pour le volontariat, comportant un plan d'actions de 25 mesures 20 ( * ) . S'il semble que les premiers effets de cette politique se soient fait sentir, le mouvement reste fragile. En effet, si le nombre de volontaires a augmenté en 2014 - plus de la moitié des SDIS étant concernés - il s'est stabilisé en 2015. La DGSCGC recense 193 656 sapeurs-pompiers volontaires en 2015, soit une baisse de 0,05 % par rapport à 2014.

La masse salariale des SDIS est aussi fortement dépendante de la réglementation relative au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels. Or la France a dû tirer les conséquences de la mise en demeure, par la Commission européenne, le 27 septembre 2012, de se conformer à la directive communautaire 2003/88/CE qui fixe une limite maximale au temps de travail de 48 heures hebdomadaires, heures supplémentaires comprises. La Cour de Justice de l'Union européenne avait eu l'occasion 21 ( * ) de confirmer que cette directive, et la limite qu'elle fixe, s'appliquait aux pompiers professionnels. Saisie d'une plainte de deux syndicats relative à l'application en France de cette directive, la Commission a conclu que la France ne l'avait pas correctement transposée.

C'est la raison pour laquelle un décret du 18 décembre 2013 22 ( * ) instaure une semestrialisation du décompte du temps de travail et modifie les plafonds du temps d'équivalence dans le cadre des gardes de 24 heures. Ces modifications ramènent la période de référence pour l'appréciation de la durée maximale hebdomadaire de travail à six mois. La limite annuelle de 2 400 heures précédemment en vigueur devient un plafond semestriel de 1 128 heures qui, cumulé sur deux semestres, respecte la limite maximale de 48 heures hebdomadaires en moyenne sur 47 semaines de travail imposée par la directive 2003/88/CE. Le nombre de gardes de 24 heures est ainsi plafonné pour chaque sapeur-pompier professionnel à 47 pour chaque semestre. En outre, ce décret met fin à la possibilité de majorer le temps d'équivalence pour les sapeurs-pompiers professionnels logés, depuis le 1 er juillet 2016, et leur régime de travail est aligné sur celui des sapeurs-pompiers professionnels non logés.

• Des équipements onéreux

Les SDIS, compte tenu des risques auxquels ils sont confrontés, disposent d'un matériel divers, de qualité, correctement entretenu. Les normes techniques applicables se sont complexifiées avec le temps, normes relevant du droit commun mais également d'une réglementation spécifique 23 ( * ) .

Le catalogue publié par la DGSCGC recensant les normes potentiellement applicables aux sapeurs-pompiers et à la sécurité civile est à cet égard fort instructif. Ce catalogue recense, en effet, plus de deux cents normes applicables au matériel pouvant être utilisé par les services d'incendie et de secours. Ces normes régissent les moindres aspects du matériel utilisé, ce qui est rassurant pour les utilisateurs sauf si les coûts induits empêchent d'en acquérir d'autres plus utiles et peut-être moins coûteux.

• Des coûts de formation non négligeables

À cela s'ajoute le coût important des formations des sapeurs-pompiers professionnels et sapeurs-pompiers volontaires avec, notamment, la création dans certains départements de structures dédiées (écoles départementales...). À titre d'exemple, une « maison à feu », permettant de reproduire une intervention et de manoeuvrer avec l'appareil respiratoire isolant, coûte environ deux millions d'euros.

• Des coûts de sortie de véhicules de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) élevés, insuffisamment compensés par les carences ambulancières

Les remboursements pour frais d'intervention en cas de carence ambulancière sont la seule contribution des organes de santé au fonctionnement des SDIS, alors même que le secours à personne est une mission du ministère de la santé, ce qui laisse rêveur sur la rationalisation budgétaire.

Le montant moyen d'une sortie résulte de l'addition des coûts des moyens humains et techniques engagés - trois sapeurs-pompiers dans un VSAV.

À cela s'ajoutent les conséquences en termes d'effectifs des recours peu justifiés aux sapeurs-pompiers qui se répercutent nécessairement sur l'encadrement du temps de travail : gardes, effectifs...

Le poids des carences ambulancières est très disparate sur l'ensemble du territoire. Calculé sur la base des informations transmises à vos rapporteurs par les SDIS, il constitue en moyenne 7 % du total des interventions annuelles. Ce taux renvoie cependant à des situations très inégales selon les départements : l'Indre affiche le taux le plus faible de carence (0,5 %), le plus élevé revenant à Mayotte (53,33 %) et, en métropole, à l'Oise (25 %).

• Un transfert de charge dont bénéficient les autres acteurs du secours à personne

Le remboursement aux SDIS de leurs frais d'intervention pour carence du transport sanitaire s'effectue sur la base d'un forfait fixé à 118 euros pour 2015 24 ( * ) . Rapporté au coût moyen d'une sortie, 500 euros restent donc à la charge des SDIS. Ce différentiel peut donc peser fortement dans le budget de certains d'entre eux.

Plusieurs SDIS, dont ceux des Ardennes ou de la Corrèze - où le nombre de carence a presque triplé en quatre ans, croissant de 466 en 2010 à 1 360 en 2014 - ont indiqué que le montant de l'indemnisation pour carence ne couvrait pas les charges réellement supportées. Le SDIS de l'Ariège a mis en avant le « scandale de l'insuffisance du remboursement au titre des carences ambulancières », expliquant que le montant remboursé, en l'espèce 118 euros, devait être mis en rapport avec le coût d'une intervention qu'il évalue à 500 euros.

Au-delà de la dépense budgétaire, certains SDIS dénoncent un recours trop complaisant aux moyens des sapeurs-pompiers. Le SDIS du Calvados souligne que le SAMU l'utilise comme variable d'ajustement des ambulanciers privés sans qu'il ne dispose de moyens de contrôle ou de maîtrise tant opérationnels que financiers. Le SDIS des Alpes-de-Haute-Provence regrette le trop faible montant du coût des carences, non dissuasif pour le médecin régulateur. Il souligne également que « les transporteurs privés préfèrent souvent privilégier leurs transports planifiés rentables en semaine plutôt que de réserver un véhicule pour une urgence hypothétique. Il en est parfois de même en période de garde rémunérée. »

Or les carences ambulancières peuvent entraver la capacité opérationnelle des SDIS. C'est le cas du Jura - qui pressent une croissance inexorable des carences -, de la Corrèze ou de l'Oise qui regrette le nombre très élevé des carences et ses répercussions sur le fonctionnement des centres de secours. Ce constat apparaît d'autant plus insupportable aux services qu'ils voient leurs ressources se raréfier.

Surtout, le recours aux sapeurs-pompiers pour des interventions qui ne relèvent pas de leur ressort représente un avantage financier pour les établissements hospitaliers, comme l'avaient souligné la Cour des comptes ainsi que notre collègue Dominique de Legge 25 ( * ) , les SDIS ne facturant pas toujours leurs interventions ou ne se les faisant pas toujours rembourser. Et la Cour des comptes de souligner qu' « il paraît parfois moins coûteux de faire appel au SDIS, car il ne facture pas toujours son intervention ou ne se fait pas rembourser par le centre hospitalier, faute de disponibilité financière de ce dernier » 26 ( * ) .

Le bataillon des marins-pompiers de Marseille regrette à cet égard l'absence de respect des tableaux de garde prévus par le schéma régional d'organisation des soins (SROS) aussi bien par les médecins eux-mêmes que par les transporteurs privés. Le SDIS de Dordogne a recensé 2 000 interventions destinées à pallier la carence d'ambulanciers privés, dans le cadre du secours à personne. Le SDIS du Jura s'interroge sur la compétence des SDIS à évacuer des personnes vers des centres hospitaliers éloignés.

Certes, il serait utile de mettre en place, comme dans le Bas-Rhin, des échanges téléphoniques quotidiens pour décompter les carences. Le suivi des interventions pour carence ambulancière pourrait même faire l'objet d'une mutualisation au niveau régional, dans l'optique d'en réduire la fréquence.

Mais c'est tout le dispositif et la notion même de carence qu'il faudrait revoir.

b) Un coût budgétaire entièrement supporté par des collectivités territoriales de plus en plus réticentes

Les réponses au questionnaire soulignent l'inadéquation du mode de financement des SDIS aux besoins actuels. La répartition entre les collectivités territoriales, d'une part, et le désengagement progressif de l'État, d'autre part, conduisent de nombreux départements à demander une refonte de leur mode de financement. La répartition du financement se fait au détriment des départements : la croissance des dépenses des SDIS, difficilement maîtrisable, repose principalement sur ces derniers.

Ceci dit, il faut constater que la part des recettes de fonctionnement allouée par le conseil départemental varie beaucoup d'un département à l'autre : sans être exhaustif, la plupart des départements ayant répondu au questionnaire font état d'une prise en charge variant entre un tiers et les trois quarts des dépenses de fonctionnement.

Constatons aussi que c'est le président du conseil départemental ou son représentant qui préside le conseil d'administration du SDIS et que les communes, directement ou indirectement à travers les EPCI, n'y sont pas en position dominante.

Exemples de part des recettes de fonctionnement des SDIS
émanant du conseil départemental

Bas-Rhin

35,61 %

Loiret

36,43 %

Hérault

40 %

Eure-et-Loir

41 %

Finistère

43 %

Haute-Garonne

47 %

Creuse

48,1 %

Indre

48,5 %

Isère

50,5 %

Côte d'Or

51,2 %

Doubs

55,5 %

Dordogne

56 %

Drôme

58,86 %

Côtes d'Armor

59 %

Deux-Sèvres

59,5 %

Landes

60,46 %

Loir-et-Cher

61 %

Orne

61 %

Eure

61,28 %

Haute-Corse

64 %

Haute-Saône

68,76 %

Indre-et-Loire

73,16 %

Si la part départementale du financement est très variable d'un SDIS à l'autre, la tendance globale est à l'augmentation des besoins de financement, situation difficilement conciliable avec des budgets subissant par ailleurs des transferts de compétences partiellement compensés. C'est la raison pour laquelle certains départements ont été conduits à figer la dotation allouée à leur SDIS. En 2015, plusieurs conseils départementaux ont ainsi reconduit en euros courants la dotation de 2014, comme en Dordogne. Cette pression budgétaire nouvelle sur les départements rend d'autant moins tenables deux contraintes parallèles : le désengagement de l'État dans le financement des SDIS et le contingentement de la contribution du bloc communal.

• Le désengagement de l'État à travers la disparition progressive du FAI

Créé en 2003 27 ( * ) , le fond d'aide à l'investissement (FAI) des SDIS était destiné à soutenir ces derniers dans leurs efforts d'investissement en équipements et en matériels. Les autorisations d'engagement décidées en loi de finances ont augmenté jusqu'en 2006, puis progressivement diminué jusqu'à disparaitre en 2013, le fonds ayant été soldé, en crédits de paiement, en 2016.

Pour justifier une telle disparition, le Gouvernement a fait valoir que l'État a pour objectif prioritaire d'achever le développement et d'améliorer la qualité de la couverture du réseau opérationnel des transmissions ANTARES 28 ( * ) , le réseau numérique des services publics qui concourent aux missions de sécurité civile. Vos rapporteurs considèrent qu'il n'y avait aucune raison valable pour justifier un désengagement de l'État dont l'impact sur les budgets départementaux n'est pas négligeable.

La solution de facilité serait de transférer la charge sur les communes en mettant un terme au contingentement de leur contribution.

• La question du contingentement de la contribution communale

Les réformes de la fiscalité locale qui ont privé le département de ressources aussi évolutives que la taxe professionnelle et la taxe d'habitation, conjuguées à la croissance de leurs dépenses à caractère social qu'ils ne peuvent que subir, posent le problème du maintien ou non du contingentement de la contribution communale aux dépenses des SDIS.

Le contingentement de la contribution communale

En application de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales, le conseil d'administration du SDIS fixe les modalités de calcul des contributions des communes et des EPCI au vu des critères qu'il définit.

Ces critères tiennent généralement compte de la population, du potentiel fiscal et de l'existence ou non d'un centre de secours sur le territoire de la commune.

On constate, en règle générale, des écarts de contributions très importants selon les départements et les communes, placés dans des situations financières équivalentes.

De plus, la loi du 20 juillet 2011 permet au conseil d'administration du SDIS de prendre en compte, lors de la délibération fixant les modalités de calcul et de répartition des contributions des communes et des EPCI, au profit de ces collectivités, la présence dans leur effectif d'agents publics, titulaires ou non titulaires, ayant la qualité de sapeurs-pompiers volontaires, la disponibilité qui leur est accordée pendant le temps de travail ou les mesures sociales prises en faveur du volontariat.

Le conseil d'administration peut également considérer la situation des communes et des EPCI situés dans les zones rurales ou comptant moins de 5 000 habitants. Le montant global des contributions des communes et des EPCI ne peut excéder le montant global de leurs contributions à l'exercice précédent augmenté de l'indice des prix à la consommation. À cet égard, il appartient aux élus du conseil d'administration du SDIS de décider annuellement du choix de l'indice à prendre en compte (avec ou sans tabac) pour calculer l'évolution du montant global de ces contributions.

L'article 116 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 maintient les contributions communales et leur contingentement au budget des SDIS, ce qui a pour conséquence que toute dépense nouvelle doit être prise en charge par le département.

Pour vos rapporteurs, si la suppression de ce contingentement communal devait être décidée, ce ne pourrait être sans une étude préalable de l'évolution comparée des ressources et charges du département et du bloc communal lui aussi confronté à une diminution de ses dotations et à des transferts de charges indus.

Elle devrait par ailleurs s'accompagner d'une homogénéisation des règles de calcul des participations communales, très disparates et pas toujours équitables sur l'ensemble du territoire, ainsi que d'une représentativité plus importante du bloc communal au conseil d'administration du SDIS (CASDIS).

Elle supposerait enfin un lissage de sa mise en oeuvre.

• Des mesures de péréquation entre départements insuffisantes ?

Pour faire face à cette situation, resterait à mettre en oeuvre une politique de solidarité interdépartementale.

Au regard du succès des propositions successives de ce type, cette remarque n'est formulée que pour mémoire.

2. Des expérimentations d'organisations moins coûteuses

Ces contraintes budgétaires ont conduit, depuis plusieurs années, les collectivités à modérer les dépenses des SDIS en recourant aux mutualisations, en créant des services communs avec l'administration départementale, ce que le législateur a encouragé en élargissant les modes de coopération.

Les élus réclament aussi un allègement des normes mieux adaptées à la réalité des interventions. Ces préconisations n'étant pratiquement jamais suivies d'effets, nous ne mentionnons cette piste d'économies substantielles que pour mémoire aussi.

a) La recherche de mutualisations

L'acquisition en commun de fournitures et de certains services devrait être une évidence, le groupement des achats réduisant les coûts. Il en est également ainsi du traitement de la paye et de l'entretien des matériels. Notre collègue Yves Rome, alors président de la conférence nationale des services d'incendie et de secours, le relevait lors de son audition. Certaines missions techniques des SDIS peuvent aussi être mutualisées : il citait l'exemple des « hommes grenouilles » et des scaphandriers.

Comme le mentionnait notre ancien collègue François Trucy 29 ( * ) « afin de répondre à des risques spécifiques [...] les SDIS maintiennent en condition opérationnelle des équipes spécialisées. Outre que ces équipes mobilisent des effectifs conséquents, elles présentent un coût non négligeable en dépense de personnel et d'équipement. Au regard de leur niveau d'activité, la question du regroupement de certaines de ces unités se pose ». De nombreux SDIS ont fait état de la mise en place de politiques de mutualisation des interventions spécialisées, dont la présence homogène sur l'ensemble du territoire n'est pas toujours possible. Les SDIS des départements de la Grande couronne francilienne ont, par exemple, mis en place un projet zonal de « complémentarité opérationnelle » avec la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP).

Le législateur a aussi offert une large palette d'outils pour favoriser les mutualisations. Les SDIS ont la faculté de se regrouper au sein d'un établissement interdépartemental chargé d'effectuer pour leur compte et à leur demande l'entretien de leurs moyens matériels ; un conventionnement peut régir des services fonctionnels communs aux SDIS et aux conseils départementaux.

Cette mutualisation des ressources et des achats représente concrètement une des rares marges d'action réelle sur les coûts pour les SDIS. Là encore, les formes de ces mutualisations sont variables d'un SDIS à l'autre 30 ( * ) .

S'agissant des politiques d'achat, compte tenu des économies d'échelle potentielles, l'Union des groupements d'achat public (UGAP) a notamment signé plusieurs conventions avec des SDIS pour que soit centralisé l'achat de solutions de mobilité (véhicule de lutte contre l'incendie, véhicules de secours, moyens élévateurs, etc.) et d'équipements de protection individuelle (accessoires hydrauliques, tuyaux, matériel de sauvetage, etc.). C'est le cas du SDIS de Haute-Garonne.

Étonnamment, la mutualisation des achats par la voie de l'UGAP reste insuffisamment pratiquée par les SDIS. La Cour des comptes relève que moins de 10 % des achats sont réalisés par le biais de l'union des groupements d'achats publics en 2013. Il ne semble pas que cette situation ait beaucoup évolué depuis cette date.

La mutualisation de l'achat peut également prendre la forme de groupements de commande entre SDIS : les SDIS de l'ancienne région Midi-Pyrénées ont ainsi constitué un groupement de commandes pour l'acquisition de matériel médico-secouriste, d'habillements, de véhicules de secours ou encore de récepteurs d'appels sélectifs.

En matière de gestion des ressources humaines se développe notamment l'organisation de concours communs de recrutement de sapeurs-pompiers 31 ( * ) .

Cette pratique est désormais répandue. C'est le cas, depuis 2007, du Rhône qui organise des concours communs de recrutement de sapeurs-pompiers professionnels. Le SDIS de Gironde s'est également porté volontaire pour organiser les concours au titre de l'ensemble de la zone de défense et de sécurité sud-ouest. Il a ainsi constitué une mission concours, composée de dix agents pour en gérer l'organisation et la liste complémentaire, fédérant par la même occasion 15 SDIS. Ce sont ainsi 6 000 copies, ayant fait l'objet d'une double correction, émanant de 3 000 candidats qui ont mobilisé près de 100 correcteurs pendant trois jours consécutifs.

La mutualisation prend également la forme de conventions d'assistance mutuelle entre SDIS.

La quasi-totalité des SDIS interrogés fait en outre état de la mutualisation de moyens avec les collectivités territoriales.

Les SDIS d'Ille-et-Vilaine, de l'Isère, de la Loire-Atlantique et de Maine-et-Loire, par exemple, bénéficient de la politique d'achat de leurs départements respectifs, qu'il s'agisse de bureautique, de téléphonie, de carburant, de fluides, d'entretien des espaces verts ou de maintenance des bâtiments.

Les départements mettent également à disposition des SDIS de nombreuses fonctions supports : c'est le cas par exemple du conseil départemental des Landes (vérification technique des véhicules, alertes adressées au personnel d'astreinte), celui de Loir-et-Cher (parc informatique) ou encore du Loiret (informatique, entretien des bâtiments ou moyens humains en matière budgétaire et comptable).

Ces évolutions ont été encouragées par la loi, par exemple avec la possibilité de créer « un service unifié ayant pour objet d'assurer en commun des services fonctionnels » 32 ( * ) ou encore la faculté pour un conseil départemental de conclure des baux emphytéotiques administratifs en vue de construire des casernes au profit des SDIS 33 ( * ) .

Cette tendance devrait perdurer puisque, lors du troisième comité interministériel aux ruralités, le 20 mai 2016, seize mesures nouvelles de simplification des normes ont été annoncées par le Gouvernement, parmi lesquelles six concernent la sécurité civile, dont deux portent sur la mutualisation des moyens. Le Premier ministre s'est notamment engagé à favoriser la mutualisation des achats de véhicule des SDIS en mettant en place des cahiers des charges nationaux.

Ont également été annoncées la diversification de la gamme des véhicules autorisés aux SDIS pour leurs interventions, une coopération favorisée entre les pharmacies à usage intérieur (PUI) et la facturation sur l'ensemble du réseau autoroutier concédé et sous-concédé de la prise en charge des frais de secours.

La mutualisation des PUI dont la mise en place est coûteuse, particulièrement pour les SDIS de 5 ème catégorie (produits onéreux et peu utilisés, présence d'un pharmacien SPP à mi-temps au moins pour une activité insuffisante), constitue une demande insistante de nombreux SDIS comme vos rapporteurs ont pu le constater : c'est le cas de l'Aveyron, de l'Indre ou du Territoire de Belfort qui souhaitent pouvoir autoriser les mutualisations de PUI, y compris avec d'autres structures que les SDIS, tels les centres hospitaliers publics. D'autres SDIS, tel celui du Rhône, demandent la mutualisation des commandes et de la détention de « certains produits onéreux, à vie courte et à faible occurrence de service (antidote) ».

En ce qui concerne les pharmacies à usage intérieur (PUI), les conditions dans lesquelles les produits ainsi que le personnel de ces pharmacies peuvent être mutualisés sont relativement strictes.

Non seulement elles ne peuvent s'approvisionner entre elles qu'à la condition qu'il n'existe pas d'autre source d'approvisionnement possible pour un médicament ou un produit déterminé, mais de surcroît l'autorisation du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) est requise. Par ailleurs, la législation impose la présence d'un pharmacien professionnel 34 ( * ) . La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a habilité le Gouvernement à « simplifier et harmoniser [par ordonnance] le régime des autorisations des pharmacies à usage intérieur (...) tout en facilitant la coopération entre celles-ci ou, pour le recours aux pharmacies à usage intérieur, avec ou entre les services d'incendie et de secours et réviser les procédures autorisant la vente au public et au détail des médicaments par les pharmacies à usage intérieur autorisées à assurer cette activité ainsi que les procédures fixant les conditions de prise en charge des médicaments concernés par l'assurance maladie ». Le délai d'habilitation ouvert court jusqu'au 25 janvier 2017.

Soulignons enfin que des SDIS peuvent recourir à la coopération transfrontalière : le SDIS du Haut-Rhin collabore avec les autorités suisses et allemandes (canton de Bâle, canton du Jura suisse et le Bade-Wurtemberg).

Bien que des progrès aient été indéniablement accomplis pour optimiser les moyens dont disposent les SDIS à travers des politiques de mutualisation, force est de constater une approche trop parcellaire de la mutualisation. Celle-ci se concrétise, au cas par cas, au gré des bonnes volontés, voire des affinités politiques sans qu'aucune approche globale de la mutualisation des moyens entre SDIS ne soit envisagée. En outre, si l'État se montre, sur le plan théorique, favorable aux initiatives de mutualisation, des obstacles, notamment juridiques, liés par exemple aux règles de la commande publique, demeurent.

Visiblement, la pulsion réglementaire de l'État est plus puissante que ses tentatives de déréglementation.

b) Des tentatives de rationalisation de la carte des implantations territoriales

En 2014, on répertoriait :

- 332 centres de secours principaux (CSP) ;

- 2 773 centres de secours (CS) ;

- 2 633 centres de première intervention (CPI) intégrés au corps départemental ;

- 1 277 centres de première intervention (CPI) non intégrés, leur nombre de ces derniers reculant d'année en année (- 7 % en 2014 par rapport à 2013). S'ils ont disparu dans certains départements tels le Maine-et-Loire, la Meuse, dans d'autres, en revanche, les CPI sont encore très nombreux, voire prédominants telle la Marne où ils représentent plus de 72 % du total des centres d'incendie et de secours du département.

Les centres sont généralement organisés en groupements territoriaux qui couvrent tout le territoire départemental.

Les critères de classification des centres
(art. R. 1424-39 à R. 1424-41 du code général des collectivités territoriales)

Les centres d'incendie et de secours sont les unités départementales chargées principalement des missions de secours.

Les centres de secours principaux assurent simultanément au moins un départ en intervention pour une mission de lutte contre l'incendie, deux départs en intervention pour une mission de secours d'urgence aux personnes et un autre départ en intervention.

Les centres de secours assurent simultanément au moins un départ en intervention pour une mission de lutte contre l'incendie ou un départ en intervention pour une mission de secours d'urgence aux personnes et un autre départ en intervention.

Les centres de première intervention assurent au moins un départ en intervention.

Ces critères de classement déterminent les moyens humains correspondants : le centre doit disposer d'un effectif lui permettant au minimum d'assurer la garde et les départs en intervention de sa catégorie.

Les centres d'incendie et de secours sont placés sous l'autorité d'un chef de centre.

Un centre est dit mixte lorsqu'il comprend à la fois des sapeurs-pompiers professionnels et des sapeurs-pompiers volontaires.

Le commandement d'un centre mixte est assuré par un sapeur-pompier professionnel quand il comprend au moins huit sapeurs-pompiers professionnels et par un officier de sapeurs-pompiers professionnels au-delà de trente sapeurs-pompiers, dont huit sapeurs-pompiers professionnels.

Le maillage territorial est non seulement un atout pour la réactivité, donc l'efficacité des secours, mais il permet également d'assurer la vitalité et la force du volontariat par la proximité des casernes des lieux de vie des sapeurs-pompiers et leur présence parmi la population. Il explique peut-être aussi la sur-sollicitation des sapeurs-pompiers, suppléant souvent à la désertification médicale, comme le remarque le SDIS des Alpes-de-Haute-Provence : les sapeurs-pompiers « sont encore très souvent au plus près [de la population] , comme le dernier service public de proximité ».

Ce maillage répond aussi à l'objectif fixé par le président de la République, rappelé le 12 octobre 2013 à Chambéry lors du congrès de la fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSP), de « permettre l'accès aux soins urgents depuis n'importe quel point de notre territoire en moins de 30 minutes ». Reste à savoir quel type de soins.

Cependant, si cette bonne couverture territoriale contribue à la bonne qualité du secours en France, elle présente un coût certain pour les collectivités territoriales. À l'heure où ces dernières recherchent toutes les sources d'économie pour des budgets sans cesse plus contraints, des SDIS s'interrogent sur la pertinence de leur organisation territoriale, sur l'existence de centres doublons du fait de leur trop grande proximité géographique, et tentent d'adapter au mieux la carte de leurs implantations. Ainsi, le SDIS de Maine-et-Loire a établi un plan quinquennal de suppression d'une dizaine de centres, sur un total de 78, répartis en quatre groupements territoriaux, après un audit diligenté par l'inspection de la défense et de la sécurité civile.

Cette démarche ne doit cependant pas aboutir à l'abandon de territoires déjà fragilisés. C'est pourquoi il est légitime que des communes, faiblement peuplées mais couvrant un vaste territoire, disposent d'un centre. Inversement, l'existence de centres très proches, distants de 5 ou 6 kilomètres, ne se justifie pas. Là encore, seule une réflexion d'ensemble permet la juste réforme.

La rationalisation des implantations doit également tenir compte de la place qu'occupent les sapeurs-pompiers dans la population. Ainsi que l'observait M. Rodolphe Amailland, maire de Vertou, le centre de secours demeure le « marqueur » de la présence régalienne de l'État. Il importe de préserver un maillage suffisant pour assurer la rapidité des secours et fidéliser les sapeurs-pompiers volontaires (SPV).

La mesure n° 7 de l'engagement national pour le volontariat 35 ( * ) s'inscrit dans cette optique : « Pérenniser le maillage territorial actuel » des CIS en concédant toutefois « les fermetures inévitables décidées après concertation entre l'État, les SDIS, les maires et les sapeurs-pompiers ». Le bilan d'étape, établi en 2015, soulignait une stabilisation du nombre des centres. Sur la période 2008-2010, 516 d'entre eux ont été supprimés, 126 pour le triennat 2011-2013 pour atteindre un effectif total de 7 151 centres, fin 2013. Cependant, l'année 2014 a été marquée par un regain du mouvement de réduction des implantations avec la suppression d'environ 135 centres.

Encore faut-il savoir si le degré d'activité est le résultat d'un manque de demande et de besoin ou d'une volonté de concentration des moyens dans quelques gros centres. Convenons aussi qu'il importe que chaque centre ait une activité minimale à même de préserver tout à la fois l'intérêt des volontaires et leur capacité opérationnelle.

À titre d'exemple, la Loire-Atlantique répertorie 97 centres d'incendie et de secours répartis en cinq groupements territoriaux dont deux urbains - ceux de Nantes et Saint-Nazaire - et trois ruraux - ceux de Bourgneuf-en-Retz, Riaillé et Blain comportant respectivement 23, 23, 15, 15 et 19 centres d'incendie et de secours. Or, comme le précisait le premier vice-président du CASDIS, M. Gilles Nicolas, la moitié des interventions des sapeurs-pompiers concerne la circonscription de Nantes. En d'autres termes, la rationalisation de la carte des implantations passe donc à la fois par la prise en compte du maillage territorial et par l'activité opérationnelle de chaque caserne.

Une autre voie de rationalisation du maillage passe par la mutualisation des casernes. C'est l'exemple de la Haute-Savoie qui a organisé sa carte des implantations territoriales en communautés de centres.

Mutualisation aussi entre SDIS, par exemple entre CIS frontaliers, ce qui suppose qu'ils puissent intervenir hors de leurs frontières départementales. Une telle coopération permettrait de réduire le délai d'intervention et de mieux utiliser les moyens engagés.

Le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, présidé par M. Jean-Paul Bacquet, a examiné, le 30 juin 2016, le rapport établi par son groupe de travail «maillage territorial ». S'appuyant sur l'expérience de six SDIS de différentes catégories choisis en raison d'une réduction importante du nombre de leurs centres d'incendie et de secours sur la période 2007-2014 36 ( * ) , le rapport recommande diverses mesures de « bonnes pratiques », à commencer par le « temps de la concertation » qui conditionne l'acceptation de la réorganisation des implantations de casernes. Par ailleurs, s'il appelle à veiller aux conséquences des fermetures de centre sur l'activité opérationnelle des autres casernes, le rapport constate la non-corrélation automatique entre réduction des effectifs et rationalisation, en raison d'une plus grande motivation des sapeurs-pompiers bénéficiant alors de meilleurs équipements et encadrement.

c) La tarification d'opérations facultatives et l'abandon de certaines prestations non obligatoires

Face à la hausse des interventions de secours à personne, pour lesquelles les pompiers sont parfois sollicités abusivement, certaines de leurs prestations sont progressivement facturées, dès lors qu'il s'agit d'interventions dites « de confort ». De récents exemples très médiatisés ont illustré cette tendance à la facturation, en réalité ancienne. Le 21 mars dernier, le CASDIS du Calvados a adopté une délibération prévoyant la facturation de sollicitations répétitives et émanant de personnes solvables.

Plus généralement, la facturation d'opérations facultatives suit un double objectif : trouver des sources de financement et recentrer l'activité des SDIS sur les missions premières que lui a assignées le législateur.

De nombreuses demandes d'interventions relèvent en effet d'autres acteurs publics ou privés.

C'est le cas des carences ambulancières dont la refacturation, comme on l'a vu, est indéniablement en deçà de son coût réel.

Il faudrait aussi revoir la pratique consistant à solliciter les pompiers lorsqu'une personne se trouve sur la voie publique en état d'ébriété, alors même qu'il s'agit d'une prérogative relevant d'un pouvoir de police 37 ( * ) . Là encore, la facilité et la disponibilité des SDIS prennent le pas sur la règlementation.

Cette tendance à la refacturation suscite inévitablement un débat sur la gratuité du service public. Rappelons cependant que, s'il n'existe aucun principe général de gratuité du service public et si rien ne s'oppose juridiquement à la mise en place d'une telle refacturation, on constate que celle-ci demeure pour l'instant l'exception et circonscrite à des comportements exceptionnels. Elle présente au moins l'avantage de contribuer à la prise de conscience du coût des prestations fournies, pour des interventions parfois très éloignées de l'objectif assigné à la sécurité civile.

Si vos rapporteurs ont bien conscience du rôle social des SDIS, ils ne confondent pas pour autant service public et droit de tirage illimité sur le budget de la collectivité. Comme le soulignait M. Claudy Lebreton, alors président de l'Assemblée des départements de France (ADF), le financement des SDIS pourrait prendre la forme d'une taxe affectée, afin que chaque contribuable prenne conscience du niveau de dépenses correspondant.

Ceci dit, s'il n'est pas toujours facile de faire le tri entre sollicitations légitimes, comme le relevage d'une personne âgée isolée, et celles qui ne le sont pas, l'explosion de ce type d'interventions n'en suscite pas moins réflexion. Ainsi le relevage de personnes âgées a triplé en 10 ans en Haute-Vienne, soit 1 800 interventions de ce type en 2014, et 10 % de son activité totale. Le SDIS de Dordogne constate aussi une sur-sollicitation des sapeurs-pompiers, hors urgence ou détresse vitale, par des administrés pourtant abonnés au service de télésurveillance à domicile. Le CASDIS a délibéré d'une participation aux frais de 206 euros en cas d'appel abusif.

Pour faire face à cette situation, la quasi-totalité des SDIS est favorable à une clarification de leurs compétences sans toutefois revenir sur leur obligation d'intervention. Pour que soient mieux effectuées les missions confiées, à moyens constants, vos rapporteurs conviennent que le champ de compétence des SDIS doit être énuméré limitativement. Dès lors, sans aller jusqu'à autoriser les SDIS à refuser toute sollicitation qui ne relèverait pas de l'urgence ou du départ réflexe, il convient au moins de clarifier le périmètre des missions des différents services. Vos rapporteurs sont par exemple sensibles à la proposition du SDIS du Finistère d'instaurer la faculté de « re-catégoriser » a posteriori en carence de « fausses urgences ». Cette compétence pourrait utilement être exercée par le comité de suivi d'application du référentiel, à la demande d'un SDIS.

d) À la recherche d'une optimisation de l'emploi des moyens humains

Lorsque le SDIS effectue un transport sanitaire en lieu et place des ambulanciers privés alors indisponibles, l'équipage du véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) est le même que pour les interventions de secours à personne, c'est-à-dire trois sapeurs-pompiers.

Or, pour la même opération, la composition des équipages des ambulances s'élève à deux personnes 38 ( * ) .

• Une expérimentation non conclusive de la BSPP

La brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) vient d'expérimenter une sortie à deux pour les interventions « standard » qui représentent 70 % du total de son activité. Cette décision s'appuyait sur la croissance annuelle de 1,2 à 2 % du secours à personne depuis 35 ans qui résulte notamment de l'augmentation de la population et de la progression du tourisme. En outre, les travaux du Grand Paris Express, devraient drainer à compter de 2030 des flux supplémentaires, évalués à trois millions de personnes par an, dans le secteur de compétence de la brigade 39 ( * ) .

Précisons que la brigade reçoit, chaque jour, 6 000 à 7 000 appels qui donnent lieu à 1 250 départs dont un cinquième ne justifie pas l'intervention des sapeurs-pompiers. À effectifs humains constants, la brigade recherche les moyens d'améliorer sa réponse aux demandes de secours.

L'expérimentation s'inscrivait dans ce cadre. Cependant, l'analyse des appels indiquait que 85 % des demandes de secours nécessitaient un équipage de trois sapeurs-pompiers. Le commandant de la brigade, le général Philippe Boutinaud, a indiqué qu'à ce résultat, il fallait également joindre le besoin, dans différents cas, d'un troisième homme pour les opérations de levage des victimes, les relations avec leur entourage très souvent affecté par leur état, sans omettre le cadre juridique opérationnel. Le format nécessaire à l'intervention s'avérait parfois difficile en raison des imprécisions de l'appelant. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le commandant de la brigade a mis un terme à l'expérimentation dont l'intérêt s'avérait très relatif.

• La nécessité cependant d'offrir un cadre d'intervention plus souple aux sapeurs-pompiers

Pourtant, un tel changement permettrait théoriquement une économie de moyens humains. Si seuls deux ambulanciers sont jugés nécessaires pour ces transports sanitaires, il n'y a pas de raison de contraindre à la sortie d'un équipage à trois lorsque la même opération est effectuée par les sapeurs-pompiers intervenant pour pallier une carence desdits ambulanciers. N'y a-t-il pas là une incohérence inexpliquée qui aggrave le poids des indisponibilités ambulancières sur les SDIS ? Contraints non seulement d'opérer en lieu et place de professionnels défaillants pour des motifs divers - mauvaise organisation des permanences ; délaissement de certaines parties du territoire départemental -, les sapeurs-pompiers sont sanctionnés une seconde fois par des critères plus sévères. En tout état de cause, le format pourrait être, le cas échéant, réévalué. Mais l'engagement d'un équipage à trois doit nécessairement découler de l'appréciation de la situation de la victime.

Par ailleurs, cet assouplissement logique permettrait d'alléger les difficultés résultant des conséquences sur les gardes de l'annualisation du temps de travail des SPP ( cf. supra ). Cette donnée n'affecte pas la couverture opérationnelle de la BSPP dans les mêmes termes que celle des SDIS dans la mesure où ses effectifs relèvent du statut militaire.

Dans leurs réponses au questionnaire de vos rapporteurs, plusieurs SDIS ont appelé à un assouplissement en ce sens du cadre d'intervention des sapeurs-pompiers, lequel permettrait d'alléger la charge des services comme le note le SDIS de l'Ariège. Celui de la Dordogne appelle à de tels allègements. Le SDIS du Jura demande en ce sens une adaptation de l'armement en personnel au type de mission.

Proposition :
Ouvrir la faculté, pour les SDIS, d'armer un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) avec un équipage de deux sapeurs-pompiers pour les interventions de transports sanitaires.


* 17 Loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours.

* 18 Hors BSPP et BMPM, Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, Les statistiques des services d'incendie et de secours, édition 2015.

* 19 Cf . loi du 31 décembre 1991 sur la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident ; loi du 3 mai 1996 sur le développement du volontariat et loi du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique.

* 20 Convention signée par l'État, l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France, la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.

* 21 Ayant respectivement fait l'objet d'une ordonnance le 14 juillet 2005 et d'un arrêt le 14 octobre 2010.

* 22 Décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels.

* 23 Par exemple, depuis le 31 décembre 2013, tous les véhicules neufs doivent être conformes à la norme Euro 6, en application du règlement n° 595/2009 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009. Il s'agit d'une nouvelle étape dans l'application de normes anti-pollution visant à réduire de manière drastique les émissions polluantes des véhicules. Ceux de la sécurité civile y sont donc naturellement astreints, ce qui représente une forte contrainte au regard des spécificités de ce type de véhicule et du fait qu'ils doivent être régulièrement remplacés.

* 24 Cf. arrêté du 30 novembre 2006 modifié par l'arrêté du 9 décembre 2014.

* 25 Rapport n° 148 (2012-2013) de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2013, Sécurité civile. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l12-148-328/l12-148-3281.pdf

* 26 Cour des comptes, rapport public thématique, Les services départementaux d'incendie et de secours, novembre 2011, p. 84. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ccomptes.fr/fr/Publications/Publications/Les-services-departementaux-d-incendie-et-de-secours

* 27 Article 129 de la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003.

* 28 Acronyme d'Adaptation Nationale des Transmissions Aux Risques Et aux Secours.

* 29 Rapport d'information n°165 (2013-2014)  de M. François Trucy « Mieux mutualiser les moyens des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) : une urgence déclarée », 21 novembre 2013. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/r13-165/r13-165.html

* 30 Cf. Rapport d'information n° 495 (2009-2010) de MM. Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard et Bruno Sido, fait au nom de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales, « Un nouvel atout pour les collectivités territoriales : la mutualisation des moyens ». Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2009/r09-495-notice.html

* 31 Cf. article 9 du décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels : « Le service départemental peut, par voie de convention, confier à un autre service départemental d'incendie et de secours l'organisation matérielle des concours et examens ».

* 32 Cf. article L. 5111-1-1 du code général des collectivités territoriales.

* 33 Cf. article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales.

* 34 L'article L. 5126-5 du code de la santé publique prévoit en effet que « la gérance d'une pharmacie à usage intérieur est assurée par un pharmacien. Il est responsable du respect de celles des dispositions ayant trait à l'activité pharmaceutique . » Une telle obligation peut s'avérer, pour les SDIS de cinquième catégorie notamment, une contrainte non négligeable.

* 35 Signé le 11 octobre 2013 à Chambéry par le ministre de l'intérieur, les présidents de l'assemblée des départements de France, de l'association des maires de France, de la conférence nationale des services d'incendie et de secours, du conseil national des sapeurs-pompiers et de la fédération nationale des sapeurs-pompiers.

* 36 Ain, Ardennes, Cantal, Côte d'Or, Jura et Savoie.

* 37 Article L. 3341-1 du code de la santé publique.

* 38 Cf. art. R. 6312-10 du code de la santé publique.

* 39 Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne.

Page mise à jour le

Partager cette page