D. DES COÛTS SUPPLÉMENTAIRES POUR LES TIERS COLLECTEURS

Ainsi que l'a relevé le Conseil des prélèvements obligatoires en 2012, la retenue à la source « génère une charge de gestion nouvelle pour les tiers payeurs à qui est confié le précompte de l'impôt » 94 ( * ) . En premier lieu, la mise en place du prélèvement à la source induirait des coûts d'adaptation : « les tiers payeurs devront à la fois adapter les outils de versement de revenus (logiciels de paye notamment) pour intégrer le taux d'imposition de chaque contribuable, adapter les circuits de transfert d'acomptes et d'informations (afin de précompter et reverser à l'administration le nouveau prélèvement qui leur est confié) et mobiliser des effectifs, notamment dans les services des ressources humaines, pour répondre aux questions nouvelles que ne manqueront pas de poser les contribuables - salariés sur la mise en oeuvre du nouveau système » 95 ( * ) . À cet égard, il est intéressant de noter que dans le développement de l'évaluation préalable communiquée par le Gouvernement relatif au « coût de mise en conformité des logiciels pour accueillir et renvoyer les flux entre l'administration fiscale et le collecteur et appliquer la retenue à la source sur les revenus versés » 96 ( * ) , ne figure aucune estimation chiffrée de ce coût... Faut-il y voir la marque d'une faible considération pour une question pourtant essentielle ou le souhait de ne pas estimer le coût réel de la réforme pour les entreprises ? Quoi qu'il en soit, Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du Medef, a indiqué lors d'une audition organisée par la commission des finances 97 ( * ) qu'« actuellement, la fédération Syntec représentant les éditeurs de paie ne conna[issait] pas le coût de la mise en place de la réforme ».

En second lieu, la retenue à la source s'accompagnerait de coûts de gestion en régime de croisière . Il s'agirait, en particulier, de gérer un nouveau flux d'informations avec l'administration fiscale. De même, Bénédicte Caron, vice-présidente de la CGPME a estimé, lors de la même audition, qu'il était « improbable, voire inimaginable, que les experts comptables ne facturent pas de supplément pour réaliser le prélèvement à la source ». Par ailleurs, celle-ci a souligné l'importance du « coût humain : on néglige souvent le temps passé à répondre aux salariés. Or les directeurs des ressources humaines sont déjà à saturation. Ils ne pourront consacrer du temps supplémentaire pour répondre à des questions fiscales ». Ce jugement a été conforté par Geoffroy Roux de Bézieux, qui a souligné l'existence d'un « coût caché lié au temps passé par le chef d'entreprise ou le responsable des ressources humaines à expliquer aux salariés, en particulier à ceux qui se trouvent dans une situation spécifique, les raisons du taux de prélèvement et du montant du salaire net ». La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) a quant à elle souligné, dans une contribution écrite adressée à votre rapporteur général, que « les agriculteurs employeurs [...] sont très majoritairement de petites structures, dont bon nombre assure encore eux-mêmes la gestion de la paie. La réforme du prélèvement à la source aurait pour effet d'augmenter les appels aux prestataires extérieurs et donc les coûts de gestion des exploitants ».

À ce titre, il convient de relever qu'une enquête internationale réalisée à la demande du Conseil des prélèvements obligatoires a confirmé que la charge de gestion supportée par les tiers collecteurs dans la durée pouvait être significative, allant « de 4 euros par salarié et par an au Danemark (pays à structure d'imposition très simple) jusqu'à 200 euros par salarié par an (Pays-Bas et Australie) » 98 ( * ) . Compte tenu du degré de complexité du droit fiscal français, il y lieu de s'inquiéter de ce que pourraient représenter de tels coûts pour les tiers collecteurs .

Ainsi, les coûts inhérents à la retenue à la source viendraient s'ajouter à des charges administratives déjà élevées supportées par les entreprises françaises . À en croire une étude réalisée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ces charges administratives représentent déjà 60 milliards d'euros , soit près de 3 % du PIB 99 ( * ) . Ceci est d'autant plus préoccupant que, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, « c'est sur les petites et moyennes entreprises (PME) que repose l'essentiel des coûts de conformité, dans la mesure où elles sont moins bien équipées que les entreprises et administrations de taille plus importante pour gérer la complexité d'un système de retenue à la source » 100 ( * ) . Il n'est donc pas inopportun de s'interroger sur les effets de la réforme proposée par le Gouvernement sur la compétitivité des entreprises française et sur l'attractivité de notre territoire .


* 94 Conseil des prélèvements obligatoires, op. cit. , 2012, p. 102.

* 95 Id.

* 96 Évaluation préalable de l'article 38, op. cit. , p. 314.

* 97 Sénat, audition du mercredi 5 octobre 2016, op. cit.

* 98 Conseil des prélèvements obligatoires, op. cit. , 2012, p. 103.

* 99 OCDE, Mieux légiférer en Europe : France 2010 , Paris, Éditions de l'OCDE, 2010.

* 100 Conseil des prélèvements obligatoires, op. cit. , 2012, p. 103.

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