B. LA QUESTION DE LA TRANSPARENCE

L'amélioration de la transparence passe aux yeux de la Commission européenne par la mise en place d'un nouveau registre obligatoire destiné à rendre compte du rôle des représentants d'intérêts dans l'élaboration et l'adoption de la norme. Les colégislateurs - Parlement européen et Conseil - sont invités à adopter un accord interinstitutionnel en ce sens. Une telle initiative doit être encouragée. Le Parlement européen a créé en 1995 un registre des lobbyistes, la Commission adoptant le sien en 2008. Les deux institutions ont, en juin 2011, fusionné ces deux listes, créant un registre européen de transparence 24 ( * ) .

Vos rapporteurs souhaiteraient que le renforcement de la transparence vise également les trilogues, qui réunissent représentants du Conseil, de la Commission européenne et du Parlement européen et qui tendent, ces dernières années, à symboliser une forme d'opacité. À l'image des commissions mixtes paritaires, les trilogues réunissent les colégislateurs pour faire émerger un compromis dès l'issue de la première lecture. 1 500 réunions du trilogue ont eu lieu au cours de la législature 2009-2014. 85 % des textes ont été adoptés sur cette période à l'issue d'un trilogue, contre 29 % au cours des deux législatures précédentes. Les traités prévoyant trois lectures dans la procédure législative ordinaire, l'intérêt du dispositif est certain puisqu'il permet d'accélérer la procédure législative.

Le trilogue n'est, cependant, pas défini précisément par les traités. Cette procédure reste peu transparente comme en témoignent l'absence de publication de l'ordre du jour ou de comptes rendus publics des négociations. Il convient de s'interroger également sur la composition de ces trilogues, où la présence d'experts de la Commission ou du Conseil peut fragiliser la position du Parlement européen. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que le Médiateur européen ait ouvert une enquête sur cette question le 28 mai 2015. Il a rendu ses conclusions le 12 juillet 2016. Il identifie plusieurs pistes pour accroître la transparence du dispositif :

- prévoir un calendrier prévisionnel des trilogues ;

- présenter un résumé des propositions de chacun des colégislateurs avant les réunions ;

- publier un document rendant public les versions successives du texte une fois celui-ci adopté ;

- permettre au public d'accéder aux documents utilisés dans le cadre des trilogues ;

- créer une base de données accessible au public, réunissant l'ensemble de ces documents.

Les institutions concernées devaient adresser leurs propositions de réforme avant le 15 décembre dernier. L'amélioration de la publicité entourant l'activité des trilogues va incontestablement dans le bon sens, en permettant de clarifier un peu plus la procédure. Cette question n'est, par ailleurs, pas sans conséquence pour les parlements nationaux qui ne disposent d'aucun éclairage sur les observations qu'ils ont pu transmettre sur des textes via leurs gouvernements ou dans le cadre du dialogue politique avec la Commission européenne. Il convient dans le même temps de conférer un véritable statut juridique au trilogue, afin de clarifier le recours à ce type de procédure et la composition de ces enceintes. Il s'agit également d'instituer une procédure d'urgence pour les textes européens.

*

Plus largement, vos rapporteurs rappellent leur souhait de voir les parlements nationaux associés au processus législatif européen. Il convient pourtant de faire émerger un droit d'initiative ou « carton vert », qui confère aux parlements nationaux la possibilité de proposer des actions à mener par l'Union européenne ou d'amender la législation existante. Il s'agit aussi d'éviter que les parlements nationaux ne soient cantonnés à un rôle d'opposant perpétuel, via le contrôle de subsidiarité et la procédure de « carton jaune ».

Au sein des institutions, le Conseil européen, le Conseil et le Parlement européen disposent déjà d'une forme de droit d'initiative. Le Conseil européen adopte à l'issue de ses réunions des conclusions et invite la Commission à les mettre en oeuvre. Aux termes de l'article 241 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le Conseil, statuant à la majorité simple, peut demander à la Commission de procéder à toute étude qu'il juge opportune pour la réalisation des objectifs communs et de lui soumettre toutes propositions appropriées. Si la Commission ne soumet pas de proposition, elle en communique les raisons au Conseil. Conformément à l'article 225 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le Parlement européen peut adopter des rapports d'initiative, aux termes desquels il demande à la Commission de soumettre toute proposition législative appropriée. Il peut en même temps fixer un délai pour la présentation de cette proposition. La Commission peut soit marquer son accord, soit refuser de soumettre la proposition législative demandée.

Le Traité de Lisbonne a, de son côté, introduit une Initiative citoyenne européenne (ICE), manifestation du droit de pétition (article 24 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne). Elle reste cependant complexe à mettre en oeuvre. L'initiative doit, en effet, être soutenue par un million de citoyens issus d'au moins sept États membres de l'Union européenne, un nombre minimum de citoyens étant requis au sein de chaque État membre. Une fois déposée, la Commission dispose d'un délai de trois mois pour répondre aux pétitionnaires et proposer, si elle le souhaite, une action. Le refus de donner suite à cette pétition doit être justifié. Seules trois ICE, remplissant toutes les conditions de recevabilité, ont été jusqu'à aujourd'hui présentées à la Commission européenne : la première concernant la vivisection, la deuxième visant les droits de l'embryon humain et la dernière portant sur l'accès à l'eau. Ces propositions, qui relevaient plus de l'incantation que de la proposition législative, ont donné lieu, chacune, à une communication de la Commission européenne aux termes desquelles, elle n'a pas donné suite. L'ICE ne permet donc pas réellement de rapprocher l'Union européenne du citoyen et de relayer précisément ses aspirations.

Le « carton vert » apparaît donc, dans ce contexte, indispensable.


* 24 Accord interinstitutionnel du 23 juin 2011 entre le Parlement européen et la Commission européenne sur l'établissement d'un registre de transparence pour les organisations et les personnes agissant en qualité d'indépendants qui participent à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques de l'Union européenne.

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