II. UN CONTRAT D'OBJECTIFS SANS MOYENS SUFFISANTS, DONT LES AMBITIONS SONT LIMITÉES PAR UNE FORTE CONTRAINTE BUDGÉTAIRE

Si le projet de COM 2017-2019 de l'Institut français énonce des objectifs louables, il ne comporte toutefois aucune indication sur les moyens (financiers et humains) que l'État sera susceptible d'allouer à l'Institut français au cours des trois prochaines années.

Rien ne laisse augurer, dans le texte qui nous est soumis, de la relance pourtant nécessaire de l'action culturelle extérieure.

A. UNE FORTE CONTRAINTE BUDGÉTAIRE

1. Une subvention du ministère des affaires étrangères en baisse continue, déjà dénoncée par le Sénat

En 2017, le seul bémol à la diminution des moyens des opérateurs de la diplomatie culturelle tient à l'attribution de moyens supplémentaires au titre du plan de sécurité mis en place par le ministère des affaires étrangères et du développement international. Ces crédits sont bienvenus, puisqu'ils permettront aux opérateurs de ne pas prélever sur leurs moyens pour assurer l'indispensable sécurisation des réseaux. Ils masquent toutefois, en fait, une diminution des moyens de la diplomatie culturelle et d'influence, à tous les niveaux. Cette diminution est d'autant plus inquiétante qu'elle s'inscrit dans une tendance de long terme.

Depuis 2015, les crédits budgétaires alloués à l'Institut français au titre du programme 185 sont en baisse continue 8 ( * ) .

Évolution des crédits de l'Institut Français (prog. 185)

2015

2016

Prévision 2017

Dotation en LFI (en €)*

29 965 570

29 581 961

28 691 961

variation

-2%

-1,3%

-3%

*Montant avant le calcul de la réserve légale de précaution

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre commission

Cette dotation de la mission « Action extérieure de l'Etat » représente, en 2016, 71 % du budget initial de l'Institut français, qui s'élève à 41,9 M€.

Le plafond d'emplois de l'Institut français en 2015 s'établissait à 143 ETP, dont 141 emplois sous plafond et 2 hors plafond. En 2016, le plafond d'emplois de l'opérateur a été augmenté de +2 ETPT sous plafond, soit 143 ETPT sous plafond et 2 ETPT hors plafond, afin d'intégrer dans ses moyens humains les commissaires des Saisons croisées (France-Corée du sud en 2016) et de la Mission « Foire du Livre de Francfort 2017 ». Cette augmentation du plafond d'emplois est la résultante d'un transfert d'ETPT prévu en LFI 2016.

En PLF 2017, une baisse de -3 ETPT est prévue sur le plafond d'emplois de l'Institut français. Ce dernier s'élève donc à 140 ETPT sous plafond et 2 ETPT hors plafond.

Depuis la création de l'Institut français en 2011, ses crédits totaux auront diminué de 25 % (en incluant 2017) et ses crédits d'intervention de 34 %.

En 2017, les crédits d'intervention de l'IF reculeront de 8 %.

Il devient évident que la diminution des crédits d'intervention de l'Institut français risque de le contraindre à restreindre le champ géographique ou sectoriel de ses actions , pour des raisons moins stratégiques que purement financières. Or l'une des forces de cet organisme, que le COM s'efforce de maintenir malgré des adaptations, est de couvrir un large spectre tant géographique que sectoriel (cinéma, spectacle vivant, musique, architecture, langue française, livres, idées et savoirs...).

2. Un relatif désintérêt de la part du ministère de la culture et de la communication ?

Depuis juillet 2016, l'Institut français est sous la double tutelle du MAEDI et du ministère de la Culture et de la Communication (MCC).

L'Institut français bénéficie d'une subvention au titre du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la Mission « Culture ». Cette subvention s'élève, en PLF 2017, à 1,36 M€ (stable). Elle est donc vingt fois moins importante que celle du MAEDI . En outre, une subvention exceptionnelle sera allouée par le ministère de la culture et de la communication pour la Foire du livre de Francfort 2017 (840 000 euros).

Au total, d'après les estimations fournies par le ministère de la culture et de la communication, celui-ci devrait verser 2,3 M€ à l'Institut français en 2017.

Ces chiffres illustrent le caractère quelque peu marginal de l'Institut français parmi les dispositifs mis en oeuvre par le ministère de la culture et de la communication à l'international, notamment par les établissements publics culturels (grâce à la politique internationale des Musées, par exemple).

L'effort consenti par le ministère de la Culture et de la Communication à l'international peut être évalué, au total, si l'on prend en compte les subventions de fonctionnement aux sociétés de l'audiovisuel extérieur, à 390 M€ (voir encadré).

La fonction internationale au ministère de la culture et de la communication

L'effort consenti par le MCC à l'international est ainsi évalué : environ 150 personnes, dont les deux tiers travaillent dans des établissements publics, sont affectées aux affaires internationales à temps plein. L'effort budgétaire global s'élève à 74 M€ (dont 18 M€ gérés directement par l'administration centrale) ; la moitié de ces concours sont consacrés à la promotion des industries culturelles et créatives, essentiellement financés par des taxes affectées au CNC et au CNL ; l'action en matière de patrimoine est portée pour une grande part par les établissements publics culturels. Enfin, si l'on prend en compte les subventions de fonctionnement aux sociétés de l'audiovisuel extérieur, le niveau global des dépenses d'action internationale gérées par le Ministère s'élève au total à près de 390 M€.

Source : Évaluation de la fonction internationale au ministère de la culture et de la communication, rapport de M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles

Dans ce contexte, vos rapporteurs souhaiteraient que le MCC , au titre de sa tutelle conjointe récemment institué, puisse contribuer davantage au budget de l'Institut français, non seulement pour abonder ses crédits d'intervention, mais aussi pour partager avec le MAEDI ses frais de structure.

La commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a exprimé le même souhait, lorsqu'elle a examiné le COM de l'Institut français le 25 janvier 2017 9 ( * ) .

Cette augmentation de la contribution du MCC doit bien sûr permettre une augmentation du budget global de l'Institut français. Elle ne doit pas venir compenser la baisse des moyens alloués par le MAEDI.

Une contribution accrue du MCC n'a de sens que si la subvention du MAEDI est, au minimum, stable.

Par ailleurs, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pourrait être davantage impliqué. Aux termes de l'article 2 du décret du 30 décembre 2010 relatif à l'Institut français, « Le ministre chargé de l'éducation est associé à la définition de la politique de promotion du français à l'étranger ».

3. Des ressources propres limitées et incertaines

L'apport des ressources propres reste limité et surtout incertain dans le temps.

Ainsi le mécénat et les partenariats rapportent-ils néanmoins 3,9 M€ à l'Institut français en 2016 (soit 11 % du budget), après 2,48 M€ en 2015 (soit 6% du budget).

Les limites du recours au mécénat sont les suivantes :

- Les crédits publics ont un fort effet de levier : ils facilitent la recherche de partenaires ; à l'inverse, la diminution de ces crédits complique la recherche de mécènes ;

- la concurrence est vive : ce sont toujours peu ou prou les mêmes entreprises qui sont sollicitées, non seulement par l'Institut français, mais aussi par les autres acteurs de la politique culturelle française, et leurs homologues étrangers, ce qui peut conduire à un certain tarissement de la ressource ;

- le mécénat fonctionne mieux dans certaines parties du monde et dans certains domaines que dans d'autres . Les entreprises mécènes attendent un certain retour sur investissement. En conséquence, trop compter sur le mécénat risquerait de conduire à un déséquilibre des actions menées, en faveur de certaines zones (Amérique du nord par exemple) plutôt que d'autres (Afrique, pays émergents...) ;

- le mécénat est susceptible de limiter la liberté d'action de l'opérateur , voire d'engendrer une certaine dépendance dans des pays où le nombre de partenaires possibles est limité, ce qui nécessite de demeurer vigilant dans l'élaboration des projets.

Les marges de manoeuvre dans la recherche de ressources propres ne doivent donc pas être surestimées.

Budget de l'Institut français

En M€

BI 2016**

Compta générale

BI 2016**

Compta budgétaire

Charges

41,9

40,5

Subventions de l'Etat

30,5

30,5

Dont SCSP

28,1

28,1

Ressources propres

11,3

3,9

Total des produits

41,9

34,4

Emplois rémunérés

145

145

Résultat/solde budgétaire

0

-6,1

*Les données correspondent aux comptes financiers votés après clôture de l'exercice.

** Données en budget initial 2016 (prévision)

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre commission.

Source : Institut Français


* 8 Cette partie reprend les informations figurant dans l'avis de votre commission (n° 142, tome II du 24 novembre 2016) sur les crédits du programme « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » (M. Jacques Legendre et M. Gaëtan Gorce, rapporteurs).

* 9 La commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a émis, à l'unanimité, un avis favorable au contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut français pour la période 2017-2019 (Compte-rendu n° 36, 2016-2017).

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