C. UNE STRATÉGIE DE CIBLAGE DES ACTIONS ET UN RENFORCEMENT DE L'APPUI AU RÉSEAU

Le COM 2017-2019 conforte l'Institut français dans ses missions traditionnelles, tout en mettant l'accent sur le ciblage géographique et un renforcement de l'appui au réseau.

1. L'Institut français conforté dans ses missions traditionnelles

L'Institut français a connu en 2014 une phase de transition avec la fin de l'expérimentation du rattachement du réseau à l'EPIC, et une gouvernance instable du fait du départ anticipé de deux de ses présidents, M. Antonin Baudry, pour raisons personnelles, et M. Denis Pietton, malheureusement décédé. Cette situation particulière explique l'absence de contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2014-2016.

Dans ce contexte, le projet de COM 2017-2019 vise à insuffler une dynamique nouvelle , par ailleurs incarnée par le nouveau président de l'Institut français, M. Bruno Foucher. Ce COM a été examiné par le Conseil d'orientation stratégique de l'Institut français le 15 décembre 2016.

Il fixe à l'établissement public quatre objectifs :

- « Développer l'influence et l'attractivité de la France par sa culture et sa langue » ;

- « Animer le dialogue et favoriser les échanges avec les cultures étrangères en France, en Europe et dans le monde » ;

- « Renforcer la mission d'appui au réseau à l'étranger » ;

- « Consolider les capacités de pilotage de l'Institut français ».

L'accent est mis, dans le prolongement de l'histoire de l'Institut français et de ses prédécesseurs, sur la promotion de la création contemporaine, de l'émergence artistique, de la jeune création et des expressions innovantes, ainsi que sur le soutien au développement international des industries culturelles et créatives françaises. La transversalité et l'interdisciplinarité sont privilégiées.

La promotion du français est également une priorité, au motif, invoqué par M. Bruno Foucher, président de l'Institut français, lors de son audition 7 ( * ) , que « la pensée se fait dans la bouche » (Tristan Tzara), c'est-à-dire que la langue a elle-même une fonction créatrice et peut être le vecteur de certaines valeurs.

Toutefois, comme l'a également expliqué M. Bruno Foucher, l'intention n'est pas, de la part de l'Institut français, d'être l'outil d'un « softpower » français, c'est-à-dire d'exporter une façon unique de penser, mais plutôt de privilégier le dialogue, les échanges et le débat d'idées , c'est-à-dire une démarche d'ouverture à l'altérité, conçue comme constitutive de la culture française.

La deuxième « Nuit des idées », organisée le 26 janvier 2017, illustre cette démarche. Elle a rassemblé 180 000 personnes dans le monde, lors d'événements organisés et coordonnés par l'Institut français, grâce au concours du réseau culturel, dans 40 pays et plus de 50 villes, sur le thème d' « un monde commun ». L'organisation des « Saisons croisées » s'inscrit aussi dans cette démarche de dialogue (France-Corée du sud en 2016, France-Colombie en 2017). L'Institut français sera par ailleurs présent lors de la prochaine Foire de Francfort, plus grande Foire mondiale du livre, dont la France sera l'invitée d'honneur en 2017. Ce Salon doit permettre des rapprochements entre éditeurs français et allemands, avec une ouverture prévue à la francophonie et aux pays du sud de la Méditerranée.

Le développement des outils numériques est encouragé. L'Institut français a mis en place, au cours des années récentes, différentes plateformes permettant des économies d'échelle : Culturethèque, IFCinéma, IFVerso, .... Depuis 2013, il s'est doté d'une équipe dédiée afin de poursuivre le développement et la diffusion de ces outils, et d'en faire un nouvel enjeu de coopération. Dans ce domaine, les deux prochaines années doivent voir la mise en place du projet « IF 360 », qui donnera à des publics du monde entier accès à la production culturelle française. Actuellement en cours de développement, cette plateforme numérique doit être lancée en 2018.

L'Institut français est, en outre, invité à développer ses partenariats avec les autres acteurs français à l'international, notamment les collectivités locales, avec lesquelles devront être entretenus des « partenariats structurants, par le biais de conventions de financement pluriannuelles, centrées autour d'axes prioritaires thématiques et géographiques .» L'atteinte de cet objectif devrait passer par une réduction du nombre de projets (350 en 2015), actuellement trop nombreux pour être réellement structurants.

S'agissant des relations avec le réseau, l'Institut français devra « renforcer » sa mission d'appui à la formation et à la professionnalisation des agents du réseau , et participer à la programmation culturelle « par une offre adaptée à la stratégie des ambassades », en privilégiant des publics cibles et notamment les jeunes publics. Le nombre d'agents formés par l'Institut français devra passer de 1300 à 1400 au cours de la période.

L'ensemble de ces objectifs et modalités d'action font l'objet d'indicateurs de performances, assortis de cibles. Certaines inflexions marquées sont demandées à l'Institut français :

- la part du budget d'activité de l'Institut français consacrée au développement des industries culturelles et créatives (ICC) françaises devra passer de 15 % en 2017 à 20 % en 2019, ce qui reflète l'accent mis par le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) sur la diplomatie économique ;

- la part du budget consacré à la jeune création devra passer de 15 % en 2017 à 20 % en 2019 ;

- la part des projets conduits en partenariat avec d'autres acteurs culturels français devra passer de 10 % à 18 % sur la même période.

Vos rapporteurs approuvent cette volonté d'accroître l'effet de levier des actions de l'Institut français, de renforcer la dimension économique de son action , tout en conservant sa vocation première, au service de la création contemporaine française et de la découverte de nouveaux talents.

L'atteinte des cibles susmentionnées n'aura toutefois pas la même signification, en valeur absolue, selon que les moyens de l'Institut français continueront à diminuer, qu'ils se stabiliseront, ou qu'ils progresseront, comme le souhaitent vos rapporteurs .

On pourra, enfin, regretter que l'objectif 2 (« animer le dialogue et favoriser les échanges avec les cultures étrangères en France, en Europe et dans le monde ») ne soit assorti d'aucun indicateur susceptible de mesurer véritablement l'activité ni de juger de l'efficacité des actions menées.

2. Le ciblage géographique : vision stratégique ou gestion de la pénurie de moyens ?

Le COM met en place des priorités géographiques, sans pour autant renoncer à l'universalité de la politique culturelle extérieure française, qui est réaffirmée. Il s'agit de « prendre en compte les lignes de force du monde contemporain » en adaptant les moyens et modes d'intervention de l'Institut français par pays. Cette géographie est détaillée à l'annexe 1 du COM.

Trois types de pays sont distingués :

- Les « pays prioritaires à partenariats de long terme » , « pays à fort potentiel du fait de leur qualité de pays prescripteur, émergent, en développement ou encore par les enjeux politiques qu'ils représentent » ;

- Les « zones géographiques stratégiques » dans lesquelles seront identifiés des « thèmes prioritaires » et où seront développés des « projets mutualisés ainsi qu'une expertise à dimension régionale » ;

- Enfin, l'ensemble du réseau culturel à l'étranger, qui bénéficiera « des plateformes, outils et ressources numériques développées par l'Institut français ».

Pour les 39 pays et territoires prioritaires de l'action culturelle extérieure, des conventions de partenariat triennales et transversales seront élaborées avec les postes d'ici à 2019. C'est déjà le cas dans une dizaine de pays, dans lesquels ces conventions devraient être mises en place en 2017. Cette contractualisation répond à la nécessité de développer un nouveau type de relation, plus pérenne, avec le réseau, dans le contexte de l'abandon, en 2013, de l'idée d'un rattachement direct à l'Institut français.

Vos rapporteurs approuvent cette stratégie de ciblage, qui vise à donner davantage de lisibilité et d'efficacité à l'action de l'Institut français. L'universalité risquerait en effet de n'être qu'un vain mot, si elle devait aboutir à une forme de « saupoudrage », en raison d'un contexte budgétaire contraint.

Toutefois, ce ciblage géographique ne pourra aboutir à un accroissement de l'efficacité de l'action culturelle extérieure que si les moyens globaux sont au moins stables, voire en augmentation, au cours des années à venir . Dans le cas contraire, la mise en place de priorités géographiques ne serait qu'un mode de gestion de la pénurie de moyens, plutôt qu'un principe actif et positif d'action.

Vos rapporteurs approuvent la prise en compte des enjeux politiques dans la cartographie de l'action culturelle extérieure : figurent ainsi, à ce titre, parmi les 39 pays et territoires prioritaires : Cuba, l'Iran, les Territoires palestiniens et l'Ukraine. Plusieurs pays où la France est intervenue militairement figurent par ailleurs, soit dans ce « premier cercle » prioritaire (Mali), soit dans le « deuxième cercle » de l'action culturelle extérieure (les « zones géographiques stratégiques » : RCA), étant entendu que des adaptations seront possibles en fonction des évolutions politiques (à l'égard de la Syrie ou de la Libye par exemple).

Vos rapporteurs souscrivent à la volonté , exprimée par M. Bruno Foucher lors de son audition, de conserver une certaine flexibilité dans les priorités retenues , qui doivent demeurer adaptables en fonction des évolutions observées, afin que le COM ne constitue par un carcan. De telles adaptations ne seront évidemment possibles qu'à moyens stables ou croissants.


* 7 Audition de M. Bruno Foucher, président de l'Institut français, par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, en présence de M. Jacques Legendre et Mme Hélène Conway-Mouret (8 février 2017).

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