C. DES PARTENARIATS-CLÉS À CONSOLIDER POUR L'UNION EUROPÉENNE

1. Réaffirmer le lien fort de l'Union européenne avec la Norvège dans une période de turbulences

La Norvège est certainement le pays le plus actif avec la Russie dans l'Arctique 7 ( * ) . C'est légitime car 80 % de ses eaux territoriales se situent au-delà du cercle polaire, et c'est dans ces eaux que se situent les ressources naturelles qui alimentent son riche fonds souverain : hydrocarbures et pêcheries.

La Norvège est aussi un partenaire de tout premier plan de l'Union européenne : membre de l'Espace économique européen, elle participe à un grand nombre de programmes européens. Si le Brexit est pour elle une source d'interrogations, voire d'inquiétudes, la Norvège a répété à plusieurs reprises qu'elle est satisfaite de son partenariat avec l'Union européenne.

Elle a d'ailleurs accueilli la communication conjointe avec satisfaction. Lors de l'audition menée à l'ambassade de Norvège auprès de l'Union européenne, l'ambassadeur a redit à votre rapporteur que les objectifs majeurs pour la Norvège étaient de mettre en valeur le potentiel du Grand nord, de surmonter les défis et de rationaliser la politique de développement régional. En outre, le changement climatique dans l'Arctique replacé dans une perspective globale s'impose à tous et, dans ce contexte, l'importance de la recherche est plus prégnante que jamais. Elle attache une importance particulière à la protection de l'environnement de l'Arctique et la lutte contre les pollutions. Dans le même temps la Norvège souhaite développer l'activité économique et, en particulier, la navigation en mer de Barents.

Par ailleurs, elle se montre la plus ouverte à la coopération internationale, y compris en ce qui concerne l'Arctique. Elle a soutenu l'adoption du code de navigation polaire de l'Organisation maritime internationale, est favorable à ce que l'Union européenne dispose du statut d'observateur au Conseil de l'Arctique et à ce que les observateurs en général participent davantage aux travaux de ce forum. Elle est membre de l'OTAN, dont le secrétaire général est actuellement norvégien.

La Norvège est attachée au droit international et particulièrement à la convention des Nations unies sur le droit de la mer pour réguler les activités dans l'océan Arctique. Relevant que l'activité étant encore faible et la composition des eaux encore mal connues, il n'est pas urgent d'adopter des règles concernant les eaux internationales de l'Arctique.

En outre, la Norvège maintient le principe d'une coopération étroite avec la Russie dans certains domaines d'intérêt commun et tout particulièrement pour les sujets ayant trait à la gestion de l'Arctique. Il convient toutefois d'observer que les relations russo-norvégiennes se sont tendues avec l'adoption des sanctions à l'égard de la Russie, suite à l'annexion de la Crimée par cette dernière. Le renforcement de la présence militaire russe dans l'Arctique inquiète la Norvège qui elle-même est très investie dans les exercices de l'OTAN dans le Grand nord.

Il convient également de rappeler que la question du Svalbard oppose la Norvège et les autres États parties au traité de Paris de 1920 qui régit cet archipel tout au nord de l'Europe. Cette opposition a franchi un palier nouveau avec l'arraisonnement par la Norvège d'un navire letton venu pêcher le crabe des neiges. La politique de la pêche relevant de l'Union européenne, la réponse ne peut être qu'européenne. Une solution pragmatique doit pouvoir être trouvée concernant la pêche, sans attendre que le différend juridique sur l'exploitation de la zone économique exclusive ne trouve une réponse.

La Norvège a démontré au fil des années qu'en dépit de dissensions, elle pouvait s'entendre avec la Russie sur les questions arctiques. Elle est un partenaire de premier plan de l'Union européenne, constructif et exigeant. Elle a l'ambition affirmée d'exploiter ses ressources tout en assurant un niveau élevé de protection de l'environnement et en luttant contre le réchauffement climatique. Elle a toujours mis en avant le règlement des conflits en Arctique par la discussion et la coopération. Le traité de Paris fêtera bientôt ses cent ans d'existence. Gageons qu'une solution amiable pourra être trouvée quant à son application.

2. Accompagner toujours mieux le Groenland

Comme l'a montré le rapport d'information de la commission des affaires européennes du Sénat n° 152 (2014-2015) sur l'avenir du Groenland, le renouveau et l'approfondissement des relations entre l'Union européenne et le Groenland sont devenus nécessaires. Le réchauffement important de l'Arctique transforme et va transformer en profondeur le mode de vie des Groenlandais. L'appétence des grandes puissances pour les richesses supposées du Groenland, associée au désir d'indépendance d'un territoire qui n'en a pas les moyens, pourrait conduire le peuple groenlandais vers une évolution dont il ne serait pas forcément gagnant. L'Union européenne, pour sa part, a tout intérêt à maintenir des relations saines et approfondies avec ce peuple auquel l'histoire la lie.

La Groenland a pensé, durant les dernières années, pouvoir asseoir son développement économique sur l'exploitation des ressources naturelles. La chute des prix du pétrole, le manque d'infrastructures dont souffre le territoire, et les conditions difficiles d'exploration et d'exploitation ont mis un coup d'arrêt à cette perspective. La transposition d'un modèle à la norvégienne avec un développement plus rapide s'est éloignée. Toutefois, le potentiel du sous-sol groenlandais demeure.

C'est notamment l'extraction d'uranium et de terres rares qui pourrait démarrer, car les gisements se situent dans le sud de l'île au climat plus doux. Le Groenland possèderait la cinquième réserve mondiale d'uranium et la troisième réserve mondiale de terres rares. Le sujet a pourtant été au centre de débats importants : au sein de la société groenlandaise, partagée entre le désir d'indépendance et des craintes environnementales, sanitaires et aussi identitaires ; entre le Groenland et le Danemark, sur la répartition des compétences dans la mesure où, dans l'accord qui lie le territoire à l'État danois, ce dernier a conservé la compétence en matière d'affaires étrangères et a signé le traité sur la non-prolifération de l'uranium.

Après plusieurs années de négociations, le Danemark et le Groenland sont parvenus, en mai 2016, à un accord sur un futur cadre légal applicable à l'exploration, l'exploitation et l'exportation d'uranium au Groenland. Les questions relatives au forage et à la délivrance de permis d'exploitation seront du ressort du gouvernement groenlandais. Le respect des règles de non-prolifération, la garantie de sûreté nucléaire et le contrôle des exportations relèveront du gouvernement danois.

Par ailleurs, l'accord de partenariat adopté entre l'Union européenne, le Danemark et le Groenland dans le domaine de l'éducation est en ce sens une étape importante. L'Union européenne apportera entre 2014 et 2020 près de 218 millions d'euros en faveur de l'éducation et de la formation professionnelle. Cet accord s'inscrit également pleinement dans les transformations de l'Arctique et ses conséquences.

Dans le rapport sur l'avenir du Groenland, la commission des affaires européennes du Sénat appelait l'Union européenne à mettre le Groenland au coeur de sa politique pour l'Arctique. Il est donc tout à fait satisfaisant de constater que la communication conjointe précise que le partenariat UE-Groenland « vise à aider le Groenland à relever les principaux défis qui se posent à lui, à commencer par la diversification durable de son économie et par le renforcement de sa capacité administrative » . Il est également heureux qu'il soit annoncé que l'Union « s'engagera plus avant dans un dialogue stratégique aux niveaux politique et technique appropriés sur des questions d'intérêt commun, qu'elles soient de portée mondiale (énergie, changement climatique et environnement, ressources naturelles) ou propres à l'Arctique » .

Les besoins du Groenland sont énormes. Pour montrer l'attention qu'elle lui porte et s'inscrire dans le développement durable du territoire, l'Union européenne doit aider l'île plus encore qu'elle ne le fait actuellement. Elle pourrait envisager un mécanisme permettant d'appliquer le plan d'investissement pour l'Europe, le plan Juncker, aux pays et territoires d'outre-mer, s'appuyant sur les États membres auxquels ces territoires sont rattachés. Cela aurait le mérite de cibler quelques projets pertinents pour lesquels l'investissement privé ne se fera pas seul.

3. Appuyer la Finlande durant sa présidence du Conseil de l'Arctique

La Finlande, qui fête en 2017 le centenaire de son indépendance, a un rôle important à jouer en Arctique dans les mois et les années à venir.

En premier lieu, elle est à l'origine de l'embryon de la politique arctique de l'Union européenne : la Dimension septentrionale. Et c'est donc fort logiquement qu'elle s'est montrée très active lors de la préparation de la politique intégrée de l'Union 8 ( * ) .

C'est sous la présidence finlandaise de l'Union européenne, en 2006, que la Dimension septentrionale a été consacrée comme une politique commune de l'Union à part entière. Elle promeut le dialogue et la coopération concrète, favorise la stabilité de la région et l'intégration économique au bénéfice des populations du nord de l'Europe à travers quatre partenariats thématiques : environnement ; santé publique et bien-être social ; transport et logistique ; culture et industries créatives. Elle a été pour la Finlande un moyen d'offrir à la Russie la possibilité de dialoguer avec l'Union européenne sur des sujets d'intérêt commun.

En second lieu, la Finlande va prendre la présidence du Conseil de l'Arctique, dont la place et le rôle dans la gouvernance de l'Arctique n'ont cessé de grandir ces dernières années. Succédant aux États-Unis, la Finlande débutera sa présidence en mai 2017 dans le contexte de la mise en oeuvre à la fois de l'Accord de Paris sur le climat et des Objectifs du développement durable de l'ONU.

La Finlande a donc fixé quatre priorités pour ses deux années de mandat : la protection de l'environnement pour laquelle elle espère voir mises en oeuvre l'ensemble des recommandations adoptées par le Conseil ; la coopération dans le domaine de la météorologie pour améliorer la sûreté et la recherche dans l'Arctique ; la connectivité, dans le but de renforcer l'équipement et l'offre de services au bénéfice des populations de l'Arctique ; l'éducation et notamment le e-learning .

Ce faisant, la Finlande, fer de lance de la politique arctique de l'Union européenne, plus que tout autre, se retrouve entre les États-Unis et la Russie dont les politiques sont source d'interrogations et d'inquiétudes pour de nombreux acteurs. Alors que la présidence américaine du Conseil de l'Arctique termine son mandat, nul ne sait quelle est la vision de l'administration Trump pour la région.

La relation avec la Russie, voisin immédiat de la Finlande, est plus complexe. Cette relation ancienne est plutôt bien gérée par la Finlande
- d'une manière distincte mais guère différente de celle de la Norvège. Néanmoins, les tensions entre l'Occident et la Russie connaissent en Finlande une réalité tangible (contre-sanctions, cyberattaques attribuées à des Russes, violation de l'espace aérien...) et la question se pose de savoir si la Finlande pourra maintenir ces frictions hors de la coopération en Arctique durant sa présidence.

C'est pourquoi l'Union européenne doit voir en la Finlande un atout à employer et sur lequel s'appuyer. Cela est vrai pour obtenir un siège d'observateur permanent au Conseil de l'Arctique. Ça l'est aussi pour le maintien du dialogue avec la Russie sur un sujet d'intérêt commun et qui intéresse cette dernière au plus haut point.


* 7 Voir le rapport d'information de la commission des affaires européennes du Sénat n° 684 (2013-2014), « Arctique : préoccupations européennes pour un enjeu global » pages 76 à 80.

* 8 Voir le rapport d'information de la commission des affaires européennes du Sénat n° 684 (2013-2014), « Arctique : préoccupations européennes pour un enjeu global » pages 83 à 87.

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