Seconde séquence - À la confluence de deux continents et d'un voisinage insulaire, des opportunités de développement à l'export

Marc SCHWEITZER, Responsable de l'Observatoire économique et monétaire des Instituts d'émission IEDOM-IEOM

C'est avec grand plaisir que je réponds au nom des Instituts à cette invitation faite à son directeur général - actuellement dans le Pacifique à l'occasion du 50 e anniversaire de l'IEOM - à intervenir à une des tables rondes de cette journée. Comme vous le savez, l'IEDOM, devenu filiale à 100 % de la Banque de France au 1 er janvier 2017, a dans ses missions de service public une mission d'observation économique des territoires ultramarins. Mon propos sera donc de brièvement caractériser les échanges extérieurs des départements français de l'océan indien (DFOI) et d'en tirer quelques enseignements sur les dynamiques économiques à l'oeuvre, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement régional.

Une remarque préalable : si le rattrapage par rapport à la métropole n'est pas achevé, puisque les produits intérieurs bruts (PIB) par habitant de La Réunion et Mayotte représentent respectivement deux tiers et un quart du niveau national, ils ressortent toutefois comme les plus élevés de la zone.

Données 2013 pour les DOM, 2015 pour les autres.
Sources: FMI; INSEE

Produit intérieur brut par habitant par rapport à l'Hexagone

30 988

52 700

Source : Insee 2013

En comparaison, la région Hauts de France, région hexagonale dont le PIB par habitant est le plus faible, atteint 79 % de la moyenne nationale en 2014.

Je commencerai par le constat statistique que l'on peut effectuer en matière d'échanges extérieurs. Comme la plupart des économies ultramarines, les échanges extérieurs sont déficitaires. Le tableau ci-dessous donne les chiffres 2015 :

En milliards d'euros

Importations

Exportations

Solde commercial

La Réunion

4,7

0,3

-4,4

Mayotte

0,5

0,008

-0,5

Île Maurice

4,2

2,1

-2,1

Union des Comores

0,3

0,03

-0,2

Mais il convient évidemment de dépasser cette simple observation, qui, en soi, n'emporte pas de conséquence macro-économique particulière, puisqu'on parle ici de départements français qui n'ont pas de balance des paiements à financer. Et le constat est triple.

1 er constat : La Réunion et Mayotte sont peu ouvertes aux échanges

Dans le graphique ci-dessous, qui porte sur une moyenne sur la période 2010-2015, le taux d'ouverture est défini comme le rapport de la somme des importations et exportations sur deux fois le PIB.

Le taux d'ouverture est ainsi moins élevé que celui de l'Hexagone ou celui des départements français des Amériques.

Taux d'ouverture (2010-2015) Exportations+importations/2*PIB

Sources : Douanes, IEDOM

Ils le sont également moins que les pays voisins de la zone, comme le montre le graphique suivant, qui a le mérite de fournir une comparaison par rapport à l'ensemble de la zone sur l'année 2015.

Ainsi, Mayotte et La Réunion présentent des taux d'ouverture moyens respectifs de 13 % et 14 %, soit les plus faibles parmi les pays de la zone. Pour comparaison, le taux d'ouverture des Seychelles avoisine les 49 %.

Taux d'ouverture (2015) des pays d'Afrique australe et dans les DOM de l'océan Indien

Sources : OMC, IEDOM

2 e constat : le degré d'ouverture est notamment limité par la faiblesse des exportations

Cette faible ouverture sur l'extérieur s'explique notamment par le niveau limité des exportations des deux îles : la propension à exporter s'élève à 1,7 % à La Réunion alors qu'elle n'est que de 0,3 % à Mayotte (4,9 % en Martinique et en Guyane). Elle trouve également son origine dans une propension à importer en retrait par rapport aux Antilles-Guyane. Toutefois, au total, le taux de couverture est plus faible qu'aux Antilles-Guyane.

Propension à exporter des biens (Exportations de biens/PIB*100)

Sources : Douanes, IEDOM

Taux de couverture (moyenne 2010-2015)

Sources : Douanes, IEDOM

Une explication : la relative faiblesse de ce que les économistes appellent la « base échangeable »

Comme le montrent les graphiques que nous avons extraits des données collectées par les douanes, les échanges de La Réunion et de Mayotte sont essentiellement composés de produits agricoles ou issus de l'industrie agroalimentaire (près de deux tiers des exportations et plus de 20 % des importations). Les matériels de transport tiennent également une place importante dans les échanges de La Réunion et de Mayotte (la part importante des matériels de transport dans les exportations de Mayotte correspondant quasi exclusivement à des réexportations).

La base échangeable de La Réunion est relativement limitée et concerne essentiellement des produits issus de l'industrie agroalimentaire (sucre, produits de la pêche, rhum...) tandis que celle de Mayotte est quasiment nulle. Les faibles niveaux d'exportation s'expliquent par la faiblesse des investissements productifs et la limite des ressources naturelles de l'île. Cette forte concentration des exportations rend le commerce extérieur des deux DOM vulnérables aux chocs (de demande, d'offre, volatilité des prix mondiaux) pouvant intervenir sur ces secteurs spécifiques.

Ainsi, pour me focaliser sur les exportations, on constate dans ces graphiques que les principaux postes d'exportations de biens sont :

- pour La Réunion, les produits des industries alimentaires est majoritaire (40 %). À l'intérieur de ce bloc, on trouve notamment le sucre (70 %) et le rhum (20 %), mais aussi les animaux vivants et produits du règne animal : il s'agit en fait des exportations de poisson. Rappelons que le poisson, pêché dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), est très apprécié sur les marchés asiatiques pour sa chair (source Insee) ;

- pour Mayotte, le premier poste concerne les exportations de machines et appareils, principalement dans l'océan Indien (il s'agit de ré-exportations).

S'agissant de la ventilation géographique des exportations, on voit dans le graphique ci-après la part significative de l'Hexagone, mais aussi de l'Asie et du reste de l'UE pour La Réunion. Pour Mayotte, la part de l'Hexagone dans les exportations est d'environ 40 %.

Caractéristiques des exportations

Par types de produits

Par clients

Sources : Douanes, IEDOM

S'agissant des importations, le niveau de diversification par produits est bien plus élevé :

Caractéristiques des importations

Par types de produits

Part de l'Hexagone

Sources : Douanes, IEDOM

Taux d'importation (2015) des pays d'Afrique australe et dans les DOM de l'océan Indien

Sources : Douanes, IEDOM

3 e constat : la France reste le premier partenaire commercial des DFOI

Importations de La Réunion - ventilation par pays

Sources : Douanes, IEDOM

Importations de Mayotte - ventilation par pays

Sources : Douanes, IEDOM

Comme le montrent ces graphiques, la France est le premier partenaire commercial des DOM de l'océan Indien. La Réunion et Mayotte se fournissent en métropole à hauteurs respectives de 57 % et de 47 % de leurs importations sur la période. L'Asie est le second fournisseur des DOM de l'océan Indien avec 16 % du total des importations de Mayotte et 17% pour La Réunion. On observe d'ailleurs le retour de ce que d'aucuns appellent la prime « métropole » : la part de l'Asie dans les importations des DOM, notamment de La Réunion, est en baisse depuis 2011 alors que celle de la métropole regagne du terrain.

Mon deuxième point concerne le processus d'intégration régionale : il est moins avancé que dans la Caraïbe.

Un mot sur l'environnement régional : La Réunion et Mayotte se situent au sein d'une région hétérogène où l'intégration économique régionale est encore peu développée. Les deux départements français partagent la caractéristique de l'insularité avec Maurice, les Comores, les Seychelles et Madagascar. Les trois premiers ont des marchés étroits du fait de leur petite taille tandis que Madagascar et les Comores présentent, comme les pays voisins du continent africain, un faible niveau de PIB par habitant. L'accord commercial le plus avancé, dont sont exclus les deux départements français de par leur rattachement à une métropole, est formé autour de l'Afrique du Sud (SADC). Cette dernière fait d'ailleurs figure d'exception dans la zone puisque dotée d'une taille de marché plus importante et d'un niveau de développement supérieur à ses partenaires.

Bien que des organisations régionales existent et continuent de se développer, l'intégration économique régionale reste limitée dans l'océan Indien et l'Afrique australe. On distingue trois principaux accords régionaux impliquant des pays du pourtour de l'océan Indien. À l'exception de la participation de La Réunion à la Commission de l'océan Indien (COI), Mayotte et La Réunion, de par leur rattachement à la métropole, ne sont pas intégrées à ces accords régionaux.

Pour mémoire, ces accords régionaux s'incarnent par les trois organisations que sont :

- la Commission de l'océan Indien (COI), créée en 1984, qui regroupe les quatre États insulaires de l'océan Indien (Seychelles, Madagascar, Maurice et les Comores) ainsi que La Réunion au titre de la France. Son but est de favoriser les échanges intra-régionaux et de défendre les intérêts insulaires de ses membres qui ont en commun l'isolement, l'étroitesse de leur marché intérieur, la fragilité environnementale et l'exposition aux catastrophes naturelles. Cependant, les difficultés liées à l'insularité, aux différences de niveau de développement et aux crises politiques - notamment à Madagascar et aux Comores - compliquent le fonctionnement de cette organisation ;

- le marché commun d'Afrique orientale et australe (COMESA), créé en 1993, regroupe 20 États d'Afrique orientale et australe (dont les quatre états insulaires de l'océan Indien et hors Afrique du Sud). Établie en 2000, il s'agit à ce jour de la plus large zone de libre-échange sur le continent africain ;

- la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), créée en 1979, regroupe 15 États (dont l'Afrique du Sud) et vise la constitution d'une zone économique intégrée. La SADC est devenue une zone de libre-échange depuis 2008. Parmi les organisations africaines, la SADC affiche le niveau le plus important de flux d'échanges intra-régionaux (20 % pour les exportations ; 33 % pour les importations), même si ces échanges sont essentiellement orientés vers l'Afrique du Sud.

Mon troisième point concerne les déterminants des échanges régionaux des DOM de l'océan Indien et des autres îles de la zone.

Les échanges des deux géographies avec la zone sont très limités, peu diversifiés et se concentrent sur les économies insulaires proches. Les Instituts ont, il y a quelques années, effectué une recherche sur le thème des échanges intra-zone en modélisant à l'aide d'un modèle dit de « gravité » les facteurs de soutien et de frein aux échanges régionaux dans l'océan Indien. Que constate-t-on ?

- il y a ce que l'on appelle un « paradoxe » de la distance : la distance impacte en effet doublement les échanges des DOM avec leurs voisins. Elle pèse sur les échanges de cette zone dans la mesure où tous les grands centres économiques mondiaux en sont éloignés, mais parallèlement, l'isolement qui découle de cet éloignement devrait être un facteur de soutien important aux échanges intra-régionaux ;

- le faible niveau de développement des pays voisins combiné à l'étroitesse de leur marché constituent un frein aux échanges intra-régionaux des DOM de l'océan Indien. Un potentiel d'échanges importants pourrait toutefois exister avec l'Afrique du Sud ;

- l'illustration d'une « prime métropole », qui traduit comme pour les autres DCOM la forte intégration de La Réunion et Mayotte à l'ensemble national. L'histoire explique aussi bien sûr par exemple l'existence d'un circuit privilégié d'échanges entre Maurice et les Seychelles avec l'ancienne métropole anglaise ;

- l'effet positif pour les pays concernés de la participation à des accords régionaux tels que le COMESA ou la SADC, voire l'Association des pays riverains de l'océan Indien pour la coopération régionale (ARC), a pu être mis en évidence. En revanche, la Commission de l'océan Indien (COI) regroupant les quatre pays insulaires de l'océan Indien (les Seychelles, Madagascar, Maurice et les Comores) ainsi que La Réunion au titre de la France n'apporterait pas à ses membres de bénéfices en matière d'échanges régionaux.

En conclusion, je me limiterai à trois brèves considérations :

- je rappellerai que, faute de statistiques, nous n'avons parlé que d'échanges commerciaux et pas de services ; or, s'agissant de ceux-ci, il n'est pas exclu que les potentiels à l'exportation puissent être significatifs. Et je ne parle pas seulement des services touristiques, mais aussi des services d'ingénierie, par exemple. Pour avoir une mesure de ces échanges de services, il faudrait mener des enquêtes lourdes, comme c'est le cas lorsqu'on établit une balance des paiements complète ;

- certaines filières comme la filière canne-sucre sont confrontées à une problématique particulière liée à l'échéance de la libéralisation du marché. L'IEDOM de La Réunion a ainsi publié en novembre 2016 une note intitulée La filière canne-sucre face à la libéralisation du marché européen du sucre en 2017 . Cette filière, qui se place au coeur du paysage agricole réunionnais et de son modèle économique, est le premier secteur exportateur de La Réunion, à travers le sucre et le rhum. Elle évolue dans un marché réglementé par l'Union européenne - l'OCM Sucre - qui prévoit sa libéralisation au 1 er octobre 2017, c'est-à-dire la fin des quotas et des prix de référence. L'adaptation de cette filière se heurte dans les DOM à des contraintes locales de productivité qui induisent un besoin de soutien additionnel. Nécessaires, ces soutiens accroissent la dépendance de la filière et ne lèvent pas toutes les incertitudes auxquelles elle fait face à moyen long terme.

- tout ce qui touche à l'innovation impactera aussi les échanges extérieurs.... Et le programme de cette journée montre l'étendue du potentiel en la matière.

Luc HALLADE, Ambassadeur délégué à la coopération régionale dans l'océan Indien

Les ambassadeurs, fussent-ils thématiques, ont depuis plusieurs années le développement économique et le soutien à l'export parmi leurs priorités d'action. Aussi est-il naturel que la Délégation sénatoriale à l'outre-mer en ait trouvé et invité un pour participer à cette table ronde sur la confluence des continents... Je ne suis pas géographe, ni spécialiste de la tectonique des plaques. Néanmoins, parce que d'autres que moi sont ou seront plus à même de vous parler chiffres, de vous abreuver de statistiques ou de vous vanter les opportunités que représentent leurs produits ou leurs secteurs d'activité, je voudrais faire devant vous une intervention axée principalement sur la géographie et sur la stratégie, ou si vous préférez sur la géostratégie.

En effet, qu'il s'agisse de La Réunion ou de Mayotte, c'est avant tout la géographie - et aussi l'histoire - qui déterminent leurs stratégies de développement à l'export.

Vous l'aurez certainement remarqué, il s'agit de deux territoires insulaires qui subissent donc de fortes contraintes logistiques, mais aussi en termes de coûts et d'étroitesse de leur marché intérieur.

Aussi, nos DOM ne sont-ils guère armés pour être compétitifs sur des productions agricoles ou industrielles de masse, entourés qu'ils sont d'eau, mais aussi de pays à bas coûts de production.

Il leur faut donc se déployer, soit sur des marchés de niche comme l'ananas Victoria ou le café Bourbon pointu, voire la légine à La Réunion, soit sur des produits à haute valeur ajoutée, notamment technologiques, soit sur des services.

Et ils sont à l'inverse, avec les spécificités propres à chaque territoire déjà évoquées (et il faudrait aussi parler des TAAF), bien armés pour se positionner à l'export sur de tels créneaux. D'autres que moi vous en parleront plus en détail.

En ce qui concerne les marchés potentiels, il me semble qu'on peut raisonner en trois cercles, partant du plus proche au plus lointain.

Le cercle rapproché est représenté par les États membres de la Commission de l'océan Indien (COI).

La France est membre de la COI depuis 1986, 30 ans donc, au titre de son département de La Réunion.

Même si Mayotte est jusqu'à présent « en marge » de la COI d'un point de vue institutionnel, elle n'en reste pas moins géographiquement incluse dans ce premier cercle.

Les autres États-membres en sont Maurice, les Seychelles, les Comores et Madagascar, deux pays à revenu intermédiaire (PRI) et deux pays les moins avancés (PMA), donc aux économies et aux marchés fort différents.

Depuis sa création, la COI s'est fixée comme objectif de promouvoir les échanges inter-îles, de tous ordres - y compris économiques et commerciaux, avec cependant un succès tout relatif car, encore aujourd'hui, les échanges inter-régionaux ne représentent, selon les pays, que 2 à 5 % maximum du commerce extérieur.

Il y a de nombreuses raisons à cela : historiques, institutionnelles, économiques, logistiques...

Pour autant, la connectivité inter-îles s'améliore petit à petit et leur relative proximité, les multiples liens, politiques, historiques et culturels entre elles font que ces échanges devraient croître à l'avenir. La Réunion et Mayotte doivent saisir les opportunités qui se présenteront dans ce cadre, en cherchant, pour chaque marché concerné les créneaux, produits ou services sur lesquels elles peuvent bâtir une stratégie à l'export. L'État, les pouvoirs publics sont prêts à les accompagner dans la recherche de débouchés.

Le deuxième cercle, ce sont les pays d'Afrique orientale et australe, du Kenya à la République d'Afrique du Sud en passant par le Mozambique.

On parle là de marchés beaucoup plus vastes, certes plus éloignés aussi, et n'ayant pas le français mais plutôt l'anglais ou le portugais comme langue de travail ou d'échange, comme langue commerciale.

Néanmoins, une prospection commerciale intelligente et ciblée devrait permettre d'y trouver des opportunités d'affaires.

Le troisième cercle me paraît concerner prioritairement La Réunion, compte tenu de son développement économique plus avancé, mais aussi de l'histoire de son peuplement.

Ce troisième cercle s'étend beaucoup plus loin, vers l'Inde et la Chine, deux puissances émergentes majeures du XXI e siècle.

Qu'il s'agisse d'échanges commerciaux, mais aussi et surtout de services - je pense notamment au tourisme, avec son corollaire les liaisons aériennes -, ces deux sous-continents asiatiques me paraissent représenter des cibles et des gisements potentiels importants à l'export ou en apport de devises pour l'île Bourbon. Ils justifient un effort particulier de prospection. Là encore, l'État est prêt à accompagner les opérateurs économiques et les organisations professionnelles pour les aider à entrer sur ces marchés, certes complexes, mais appelés à un grand développement.

Un exemple parmi d'autres : La France et l'Inde ont été, à l'occasion de la COP21, à l'origine de la création de l'Alliance solaire internationale. Il me semble que plusieurs entreprises implantées à La Réunion ont, dans ce cadre et sur ce créneau, une belle carte à jouer.

Nos deux, voire trois, territoires de l'océan Indien, malgré leurs handicaps structurels, ont des cartes intéressantes à jouer à l'export, notamment dans le secteur des services.

Les structures d'appui pour cela existent - il faut les mobiliser - mais il faut surtout :

- définir une stratégie collective qui mobilise tous les acteurs concernés ;

- chasser en meute, car l'union fait la force et la taille de nos économies insulaires et de nos opérateurs rend indispensable de regrouper les efforts et les forces et de mutualiser les risques ;

- faire confiance et appuyer les opérateurs économiques qui sont les mieux placés pour définir leurs forces et leurs faiblesses, leurs cibles et leurs besoins en termes d'accompagnement.

Une chose est sûre : le cordon ombilical, pour ne pas dire le lien colonial qui unissait la métropole et nos DOM, voire l'Europe et les RUP, n'est plus suffisant pour assurer leur développement économique.

Il leur faut donc, dans leurs géographies et en fonction de leurs caractéristiques propres, s'ouvrir davantage sur leur environnement régional.

Jean-Fabrice VANDOMEL, Président de Be Green Group

Le débat sur l'avenir de La Réunion et sur son développement « géoéconomique » intervient à un moment important du fait de la gravité de notre situation économique. Les caractéristiques spécifiques de cette crise semblent minorées, voire méconnues. Il m'importe d'attirer votre attention sur les redoutables défis auxquels nous sommes confrontés, alors que des interrogations surgissent sur l'avenir de la France et sur sa place dans le monde.

Il est important de souligner que les conséquences de la crise mondiale actuelle, et toutes les mutations, viennent aggraver notre crise structurelle.

Je citerai 2 chiffres : 40 % de la population réunionnaise vit au-dessous du seuil national de pauvreté et 30 % de la population active est au chômage.

L'économie mondiale connaît des changements profonds. L'Europe, qui a contribué à la civilisation dans de multiples domaines, est confrontée à un monde en pleine mutation, marqué par le développement de l'Asie. Le continent africain exprime également sa volonté de participer activement à ce renouveau et à la mondialisation. Entre ces deux blocs économiques, La Réunion et Mayotte ont du mal à trouver leur place et ne parviennent pas à s'intégrer dans cette dynamique alors que les défis auxquels nous sommes confrontés sont énormes.

Le bouleversement de l'ordre mondial offre à La Réunion et à Mayotte l'opportunité de développer des relations économiques, culturelles, scientifiques et diplomatiques avec la Chine et avec l'Inde, mais également avec l'Afrique et avec les îles du premier cercle de collaboration : Maurice, Madagascar, Mayotte, les Seychelles, les Comores. Face à cette situation, je formule trois constats :

- historiquement, La Réunion est principalement tournée vers son ancienne métropole coloniale, qui s'est ensuite intégrée à l'Union européenne. Cette intégration normative, à 10 000 kilomètres, participe à l'isolement de notre territoire sur la scène économique mondiale ;

- en comparaison des pays de la zone, notamment Maurice et Madagascar, le développement de la Chine, de l'Inde et de l'Afrique n'a pas bénéficié à l'économie réunionnaise ;

- nous souffrons d'un déficit d'image à combler ;

- nous devons aujourd'hui construire notre propre stratégie et notre propre identité à l'export. Nous devons convenir des règles nous permettant d'assurer une politique économique et diplomatique régionale.

La Réunion et Mayotte sont emprisonnées dans des logiques de court terme, alimentaires et individuelles, sans représentation forte à l'échelle régionale.

Au terme des cinquante dernières années, La Réunion reste confrontée à une dépendance de son ancienne métropole mais également des fonds européens, à la fois un vrai levier et un soutien au développement, mais qui génèrent une forme d'assistanat.

Ce type de relation a entraîné l'aliénation de tout modèle de développement propre à La Réunion et à sa culture, qui devrait pouvoir intégrer modernité et tradition. L'avenir passe par la prise de conscience et l'implication des acteurs politiques et économiques, dans le développement et le positionnement régional : la question est donc politique et la réponse réunionnaise. La culture n'est ni un frein, ni une composante secondaire du développement ; elle est son essence même. Le développement n'est pas seulement la croissance, mais également l'accès à une existence intellectuelle et spirituelle satisfaisante ; ce n'est pas seulement avoir plus mais aussi être mieux.

Il faut une vraie dynamique économique. Les programmes de développement économique doivent être confiés par l'État aux compétences locales ; l'État doit accompagner ce processus mais il revient aux acteurs du territoire de définir la stratégie, les moyens, et de définir les accords avec les pays tiers.

Pour cela, il faut que les projets, dès leur conception, intègrent la gouvernance et la réforme de l'État afin d'accompagner l'émancipation et le développement du territoire.

Il faut construire sur du long terme un partenariat multiple entre l'État, la société civile et les instances locales, en se concentrant sur les administrations décentralisées et en prenant en compte prioritairement les besoins de base des populations : soins, emploi, éducation, autonomie énergétique, autonomie alimentaire, stratégie de développement à l'international, développement économique et la formation.

L'Inde et la Chine ont su allier la tradition à la modernité, développer l'école et l'enseignement en s'appuyant sur leur propre langue, créer des États-nations et ils se sont appropriés la science et la technologie.

Il est temps de poser les fondements de la construction de notre territoire avec davantage de lucidité, de courage et d'ambition, ainsi qu'une implication de l'État visant à étayer le développement et le rayonnement régional, notamment par une meilleure représentation de La Réunion et la mise en place d'une vraie diplomatie économique.

L'ouverture sur notre environnement ne doit pas renier notre attachement à la France et à l'Europe. Les sociétés réunionnaise et mahoraise vont devoir faire face à de nombreux défis, écologique, de changement climatique, d'évolution démographique et de la mondialisation. Il faut bâtir ensemble un nouveau modèle de développement.

Pour La Réunion, l'enjeu consiste à passer d'un modèle basé sur une économie de transfert passif à une dynamique économique s'appuyant notamment sur le secteur privé, dont les compétences sont nécessaires aux besoins de développement d'un marché francophone qui approchera les 700 millions de personnes en 2050. 85 % de ces francophones résideront en Afrique en 2050.

Quelles stratégies pour La Réunion et Mayotte ?

Il faut la mise en place d'une diplomatie économique, investir dans le domaine de l'environnement, de l'écologie et de la valorisation des ressources humaines. Les projets dans le domaine économique visent à construire un espace commercial sécurisé et compétitif. Il est nécessaire d'intégrer rapidement les blocs régionaux tels le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC) et la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC).

L'autre pilier de l'axe économique est le développement de la pêche, de l'aquaculture et de l'agriculture dans le but d'assurer la sécurité alimentaire.

Nous sommes une région isolée, éloignée des grands centres, avec des marchés locaux restreints. L'éloignement et l'étroitesse des marchés ne sont pas les seules difficultés auxquelles sont confrontés nos départements car la région souffre également de l'insuffisance de la communication entre les pays qui la constituent et du défaut d'une réelle volonté de construire ensemble.

La connectivité, qu'elle soit maritime, aérienne ou numérique, n'est pas à la hauteur des enjeux.

Agir rapidement et aller au-delà des intentions

« Malgré les volontés exprimées de collaboration et de développement économique, moins de 5 % des échanges globaux de La Réunion sont réalisés avec les pays voisins, contre 70 % avec la France et l'Europe. »

Trois décennies après sa création, la Commission de l'océan Indien (COI) qui regroupe cinq États membres - Comores, France, Madagascar, Maurice, Seychelles - demeure encore pour le grand public un concept flou. Comme beaucoup d'organisations internationales à vocation régionale, elle engendre l'indifférence, quand ce n'est pas le scepticisme.

Cette institution du bassin sud-ouest de l'océan Indien - l'Indianocéanie - est loin d'avoir comblé tous les espoirs que ses créateurs avaient placés en elle en signant à Victoria, le 10 janvier 1984, l'Accord général de coopération.

Créée pour contribuer à la prospérité des États membres, la COI reste empêtrée dans des difficultés qui sont davantage d'ordre politique, diplomatique et juridique qu'économique, technique et culturel. Elle manque souvent de visibilité au niveau de ses programmes qui sont trop dispersés et, pour la plupart, éphémères.

Ses résultats sont encore rares et modestes. Les échanges commerciaux intra COI restent faibles. Faut-il alors douter de l'avenir de la solidarité régionale dans l'Indianocéanie ? Existe-t-il une réelle volonté d'agir en commun chez les dirigeants des États membres ? La COI est-elle, par ailleurs, un cadre de référence approprié ? Mais sur un autre versant, peut-on vraiment faire le bilan de la COI alors même que d'importants travaux de soubassement sont en cours depuis 2012 ? Une réponse négative est donnée par la plupart des experts qui insistent sur la nécessité d'un développement de la coopération régionale dans la zone sud-ouest de l'océan Indien.

Les responsables des pays de cette région sont condamnés à poursuivre leur coopération au service d'une Indianocéanie toujours plus intégrée, solidaire et prospère.

Dès lors, ne serait-il pas judicieux d'envisager, avec Reynolds Michel, « la création d'une citoyenneté indianocéanique, une citoyenneté commune aux ressortissants de nos États insulaires, comme premier pas dans ce processus d'intégration communautaire ? ».

Faut-il enfin souligner que la disparition de la COI irait à contre-courant d'un phénomène caractérisé par l'ouverture des frontières et la mondialisation des échanges ? Cette disparition serait préjudiciable à l'ensemble des pays membres de l'institution régionale et d'abord à La Réunion, région monodépartementale française des Mascareignes et région ultrapériphérique de l'Union européenne.

Source : André Oraison, Radioscopie critique de la Commission de l'océan Indien. La spécificité de la France au sein d'une organisation régionale de proximité , RJOI, n° 22, 2016, p. 95-145.

Les freins à l'intégration régionale

Ces freins sont multiples :

- le coût du travail et l'alignement normatif européen ;

- les disparités fiscales et douanières avec le voisinage ;

- des TPE et PME accablées de charges ;

- l'absence de fonds propres des PME ;

- un marché étroit et concurrentiel déjà absorbé par les grands groupes métropolitains ;

- un déficit d'image sur le plan international ;

- l'instabilité politique et l'insécurité juridique de certains pays voisins ;

- les accords de libre-échange établis entre l'Union européenne et les pays de la zone ;

- l'absence de La Réunion des organisations régionales à vocation économique.

Malgré ces difficultés, nombreux sont les entrepreneurs réunionnais à vouloir tracer des perspectives d'intégration régionale.

Or, cette ouverture ne sera possible qu'à condition de déployer une stratégie de développement spécifique avec les pays du premier cercle. Elle suppose la mise en place d'une stratégie de co-développement et de complémentarité avec les pays du premier cercle, pour valoriser nos atouts et nos compétences.

Il existe un maillage géographique francophone à exploiter avec Maurice, Madagascar, les Seychelles et les Comores

Dans le deuxième cercle, nous devrons adopter une position stratégique différente sur le continent africain. La Réunion doit se positionner en tant que pôle d'excellence régional.

À titre d'exemple, le groupe Be Green que je représente, fondé il y a six ans, réalise 20 % de son chiffre d'affaires à l'export. Nous opérons sur l'ensemble de l'océan Indien, en Chine et en Afrique du Sud.

Nous avons gagné des marchés avec les pays de l'Union africaine (UA) alors que nous ne faisons partie ni du marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA) ni de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC). Néanmoins, les accords passés avec d'autres acteurs économiques régionaux nous ont permis d'accéder à ces marchés.

Cela constitue la preuve que l'expertise réunionnaise et son savoir-faire est exportable.

Cela nous renforce également dans la stratégie commune de développement puisque ces marchés ont été obtenus avec des partenaires régionaux intégrés aux marchés régionaux et internationaux.

Les expertises réunionnaises sont nombreuses et diverses et sont autant d'atouts du territoire que nous pouvons faire valoir.

Les domaines dans lesquels La Réunion a toutes chances de remporter des succès sont nombreux :

- l'adaptation au changement climatique ;

- la construction en milieu tropical ;

- la santé ;

- l'aménagement et la préservation de l'environnement ;

- la production d'énergie, la gestion de l'eau et des ressources naturelles ;

- la formation ;

- les filières du numérique ;

- l'industrie ;

- le traitement des déchets ;

- l'agriculture.

En vue de la prochaine Conférence internationale sur le climat, nous venons de remettre au Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) une étude consacrée à l'impact du changement climatique pour sept pays côtiers d'Afrique de l'Ouest.

Ce travail prouve que La Réunion dispose de fortes capacités d'expertise et quelle peut jouer un rôle important dans le développement de la région.

Nous avons bénéficié du soutien de Bpifrance, de la région, du fonds d'investissement régional ACG Management et du FEDER. L'accompagnement de la BFCOI (société générale) est la preuve de la volonté du secteur bancaire d'accompagner les entreprises innovantes dans leur développement à l'international. Ces initiatives sont importantes et méritent d'être ici soulignées, tout comme l'accompagnement de Business France à l'international.

Des efforts sont encore souhaitables afin de relever les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés. Notre expertise à l'export nous permet aujourd'hui d'identifier les réformes nécessaires pour offrir à La Réunion toutes les chances de réussir.

Mes propositions et réflexions

Ces préconisations sont les suivantes :

- conclure des accords de partenariat économique entre La Réunion et les pays voisins et permettre aux deux assemblées du département et de la région de pouvoir engager des accords en concertation avec l'État ;

- adopter une stratégie et un programme de co-développement régional et affirmer la volonté d'échanges entre La Réunion et les pays qui composent le COMESA et la SADC ;

- renforcer la présence et la position de La Réunion au sein de la COI ;

- développer des collaborations techniques dans le domaine environnemental ;

- restructurer les dispositifs de soutien à l'innovation et à l'export ;

- développer des outils d'ingénierie financière et juridique ;

- renforcer l'accompagnement financier des entreprises ;

- créer une zone d'activités d'intérêt régional (ZIR) ;

- améliorer le trafic aérien et maritime ;

- faciliter l'accueil des partenaires commerciaux ;

- valoriser les pôles d'excellence ;

- créer une université de l'océan Indien ;

- créer un ministère de l'océan Indien

Il est temps que la France et l'Europe reconsidèrent la présence et le rôle de La Réunion et de Mayotte, territoires situés aux portes de marchés émergents. Il faut permettre à nos territoires de s'émanciper, de construire et de conduire une stratégie de développement économique local, tout en conciliant notre appartenance à la France et à l'Europe.

Sources : Parc national de La Réunion ; Schéma d'aménagement régional (Conseil régional) ; Comité de bassin de La Réunion ; Office de l'eau de la Réunion ; Insee ; Comité de pilotage de la canne ; Ile de la Réunion tourisme (IRT) ; organisations régionales ; Unosat ; Le Monde diplomatique - Mars 2010

Nassir GOULAMALY, Directeur général du groupe Océinde

Je partage assez l'opinion de Jean-Fabrice Vandomel. Il n'existe pas d'export sans bases solides. La Réunion est riche de sa nature, de son dynamisme et de sa place dans l'océan Indien. Elle permet à la France de rayonner de l'Afrique australe à l'Asie. Notre île est marquée par une forte vitalité économique. Nous possédons le quatorzième PIB des départements français. La Réunion regorge de compétences et d'ambitions.

Lors d'une conférence devant l'Agence française de développement (AFD), je rappelais qu'elle a bénéficié d'un soutien indéfectible de l'État depuis plus de soixante-dix ans. Il a permis des investissements structurants, créateurs de richesse et d'emplois. Elle possède une jeunesse formée, dynamique et ambitieuse. Dans la zone, elle dispose d'une stabilité économique et politique unique, en comparaison de Madagascar, par exemple.

Nous devons cependant continuer de nous mobiliser en faveur du désenclavement aérien, maritime et numérique de l'île ; de la lutte contre la vie chère et du renforcement de l'attractivité du territoire. Concernant le numérique, le groupe Océinde - un groupe familial réunionnais créé il y a plus de 40 ans, présent dans les nouvelles technologies et les médias, la chimie du bâtiment et l'agroalimentaire - a investi un peu plus de 120 millions d'euros sur fonds propres pour déployer la fibre optique. En 2011, personne ne croyait à ce déploiement, même à Paris.

Cet investissement a transformé La Réunion. Aujourd'hui, 50 % de l'île est couverte. Dans peu de temps, elle sera connectée en totalité, avant Paris. Ceci est historique ! La fibre optique permet ainsi à ce petit département perdu au milieu de l'océan Indien de se raccorder au monde. Et c'est un groupe privé qui a mené ces investissements et s'est battu pour les réaliser. Il ne faut pas simplement compter sur l'État.

L'aérien est structurant mais je laisse la parole à Air Austral et Corsair ici présents. Il est également nécessaire de développer le maritime afin de favoriser les échanges commerciaux entrants et sortants, de renforcer notre compétitivité économique, notamment dans le secteur de la pêche dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). La France possède le deuxième espace maritime mondial. Elle doit s'appuyer sur cette richesse d'avenir. Elle doit considérer les départements et régions d'outre-mer (DROM) comme des atouts et non comme des surcoûts.

Autrefois, la France investissait dans les DOM et les grands groupes français tiraient bénéfice de ces investissements. Désormais, ce sont les grands groupes étrangers qui investissent dans les DOM en employant une main d'oeuvre extérieure bon marché, présentant un manque à gagner pour la France et limitant la création d'emplois localement.

Par exemple, je me suis ainsi mobilisé contre la vente de la Société industrielle de Bourbon (SIB), délocalisée à Maurice par Colgate-Palmolive. Dans le secteur des télécoms, le jour où un opérateur mobile a été vendu à un groupe malgache, 300 emplois qualifiés ont quitté La Réunion pour s'établir à Madagascar. Pour exporter, nous devons disposer d'entreprises industrielles solides, être accompagnés par une économie forte et protégée par le Gouvernement.

Depuis plus de 45 ans, Océinde investit à La Réunion. Dans toutes les activités du groupe, nous avons fait le choix de nous concentrer sur la performance. Au sein de nos équipes, nous avons développé une stratégie dénommée « axe 3I » :

- l'innovation : nous sommes engagés dans le domaine de la recherche. Sur ses 2 800 kilomètres carrés, La Réunion rassemble douze microclimats. Cette réalité a conduit au développement d'une chimie du bâtiment performante et plus respectueuse de l'environnement ;

- l'industrialisation : nous investissons dans les projets industriels et surtout nos usines ;

- l'internationalisation : le premier marché d'exportation de La Réunion reste la France métropolitaine. Nous avons lancé un opérateur de fibre optique dans l'Hexagone en décembre 2016. Nos équipes ont conçu l'ingénierie SI. Notre centre d'appels est également situé à La Réunion.

Cette valeur ajoutée et cette performance sont bien présentes dans les entreprises réunionnaises. La Réunion monte en gamme. Elle doit maintenant accompagner les pays qui l'entourent, pour ne pas être concurrencée par ces mêmes pays. À cette fin, elle a besoin d'une politique de protection pour créer des groupes locaux puissants. Et je conclurai par ces mots de Maurice Cérisola : « Nou lé capable ! »

Philippe JOUANEN, Membre du Forum francophone des affaires (FFA)

Pour reprendre une formule employée précédemment par Marc Schweitzer, je dirai que le Forum francophone des affaires (FFA) constitue un moyen supplémentaire de la « diplomatie économique », une occasion de « chasser en meute » avec une plus grande meute. Créé en 1987, lors du second sommet de la francophonie, le FFA a pour objectifs :

- de mobiliser les entreprises dans l'espace francophone ;

- d'encourager la coopération entre acteurs économiques ;

- de développer les échanges en renforçant les synergies et en servant les valeurs de la francophonie.

Entre Mayotte, les Seychelles, Maurice et Madagascar, La Réunion est évidemment située dans un espace fortement francophone.

Le FFA regroupe des entreprises et des réseaux d'entreprises : groupements patronaux, organisations professionnelles, professions libérales, professionnels de tous secteurs. Il est structuré verticalement, depuis les organisations professionnelles jusqu'aux entreprises de terrain, et horizontalement, en intégrant les secteurs d'activité suscitant des transactions économiques. Il facilite les échanges entre professionnels, quel que soit le niveau de développement de leur pays. Il couvre les cinq continents et 114 pays.

Le FFA accomplit son action au travers de structures spécialisées : la Fondation internationale francophone finance, assurance, banque (FIFFAB), la Fédération des chambres de commerce francophones, le Groupement du patronat francophone, l'Observatoire de l'économie francophone, l'Institut de formation francophone, ainsi que différents accords de coopération et partenariats.

Le FFA est présent à l'occasion des sommets de la francophonie dont il assure la partie économique. Il réalise le volet économique des Jeux de la francophonie. En 2016, lors du sommet de Madagascar, il a créé, en partenariat avec le gouvernement malgache, l'Agence malagasy de développement économique et de promotion des entreprises (AMDP). De sa propre initiative, il organise les Assises annuelles de la francophonie économique, le prix de la francophonie économique et le prix du livre économique francophone.

L'AMDP est un outil de mobilisation de l'espace économique francophone au service du développement de Madagascar. Elle fait appel aux mécanismes d'appui et aux facilités de financement des bailleurs privés ou des agences de développement en priorisant l'espace économique francophone. Elle permet à des entreprises francophones de s'approvisionner à Madagascar.

Elle accompagne les entreprises malgaches dans leurs partenariats commerciaux avec des entreprises francophones. Elle favorise les partenariats stratégiques et les rapprochements capitalistiques entre entreprises malgaches et francophones.

Le FFA intervient également dans les sous-continents indiens et asiatiques. Il ne faut pas hésiter à solliciter ces possibilités supplémentaires d'appui à l'export.

Ayub INGAR, Directeur général délégué d'EWA Air

On ne peut pas parler de EWA Air sans rappeler ce qu'est Mayotte et ses enjeux de développement.

Mayotte est le plus jeune des départements d'outre-mer français. L'île est située dans l'océan Indien, entre l'Équateur et le tropique du Capricorne, à l'entrée Nord du canal du Mozambique, à mi-chemin entre Madagascar et l'Afrique.

Le 101 e département français est constitué de deux îles principales (Grande-Terre et Petite-Terre) et d'une trentaine de petits îlots parsemés dans un lagon de plus de 1 100 km². Mayotte est distante d'environ 70 km de l'île d'Anjouan.

D'une superficie totale de 375 km², c'est l'un des plus petits départements français avec Paris (105 km 2 ), loin derrière l'île de La Réunion (2 512 km 2 ), dont elle est distante de 1 400 km. Elle représente 0,4 % de la Guyane. 8 000 km la séparent de la métropole.

Son PIB par habitant (moins de 8 000 euros en 2015) n'atteint pas le quart de celui de la métropole. Pour autant, il est dix fois plus élevé que celui des pays qui l'environnent et il a été multiplié par deux en moins de 15 ans.

Son taux de croissance annuel dépasse les 6 %, pour une population qui augmente de près de 3 % chaque année depuis presqu'une décennie.

Les efforts conjugués des collectivités locales, de l'État et de l'Union européenne en faveur du rattrapage de son retard de développement ouvrent de réelles perspectives de consolidation économique.

En corollaire de ces perspectives de développement, se trouve une obligation collective d'améliorer les liaisons maritimes, mais surtout aériennes entre Mayotte, l'Europe et son environnement géographique direct.

EWA Air répond à cette attente.

EWA Air est née le 31 octobre 2013 de la volonté conjointe d'acteurs économiques mahorais (Ylang Invest et la Chambre de commerce et d'industrie de Mayotte) et de la compagnie Air Austral d'offrir au 101 e département d'outre-mer sa compagnie aérienne et des perspectives durables de désenclavement de ce territoire stratégiquement placé au coeur du canal de Mozambique.

Le désenclavement de Mayotte est en effet une des priorités des autorités et collectivités locales, car un moteur du développement économique du territoire et des échanges. Compte tenu du positionnement particulier du département, dans le canal du Mozambique et des ambitions de l'île, région ultrapériphérique européenne, dans la zone, la création de structures de transport aérien adaptées, basées sur le sol mahorais et aux standards les plus aboutis sur le plan de la sécurité et de la qualité de service est une évidence.

C'est dans ce cadre que s'inscrit la philosophie de développement d'EWA Air :

- elle favorise les relations entre habitants de 5 pays dans cette sous-région de l'Afrique australe ;

- elle contribue au développement des relations économiques entre la France d'outre-mer et ses partenaires du canal du Mozambique ;

- elle permet la création d'emplois qualifiés à haute valeur ajoutée locale et participe du développement économique de Mayotte (31 emplois directs créés en 3 ans, dont 75 % de natifs de l'île).

Ewa signifie « oui » en shimaoré. Oui pour exprimer que les plus grandes ambitions sont accessibles à ce petit territoire de 212 000 habitants, et ce en dépit des handicaps stratégiques qui pénalisent structurellement - aujourd'hui tout au moins - son développement endogène.

La compagnie mahoraise est basée à Dzaoudzi. Elle opère sous un certificat de transport aérien (CTA) commun avec Air Austral, ce qui lui a permis de démarrer son activité rapidement et de bénéficier des référentiels de formation, de qualité et d'exploitation de la compagnie réunionnaise. À terme, elle a naturellement vocation à disposer de son propre CTA.

En 3 ans d'existence, notre compagnie mahoraise s'est imposée comme l'acteur de référence du développement du hub de Pamandzi et de la desserte du canal de Mozambique, en couvrant pas moins de 8 destinations au départ de et vers Mayotte.

Elle couvre aujourd'hui 4 points de desserte : Madagascar, les Comores, l'Afrique de l'Est au Mozambique et la Tanzanie. Son réseau est dense et élargi : Tananarive, Nosy Be, Majunga, Diégo Suarez, Moroni, Anjouan, Pemba, Dar Es Salaam.

Elle transporte plus de 72 000 personnes chaque année vers ces pays riverains du canal du Mozambique, grâce à une flotte de deux ATR 72-500 de 64 places.

Avec la mise en ligne d'un vol direct entre Dzaoudzi et Paris-Charles de Gaulle, deux fois par semaine - bientôt trois - par Air Austral, EWA Air s'ouvre à des opportunités de partenariat qui lui permettent d'offrir à sa clientèle les meilleures liaisons avec correspondance entre l'Europe et le canal de Mozambique, en renforçant par la même occasion la connectivité de la plateforme aéroportuaire de Mayotte.

Il est aujourd'hui plus facile de relier Moroni, Anjouan, Majunga ou Nosy Be depuis Paris, avec une seule escale, pour des temps de vol réduits de plus d'un tiers, en voyageant dans des conditions de confort et de sécurité sans égal. À l'avenir, EWA Air devra consolider son implantation dans le paysage aérien de la zone. Elle devra également développer la formation aux métiers de l'aéronautique, en partenariat avec les organismes agréés.

Antoine HUET, Directeur général adjoint Affaires commerciales de Corsair International

Comme vous le savez Corsair appartient au groupe TUI, leader mondial du tourisme qui réalise un chiffre d'affaires de 21 milliards par an. Sur l'exercice écoulé, les résultats de Corsair ont été significativement positifs. Corsair est dans une dynamique très favorable et continue de se développer au travers d'un réseau diversifié à l'international.

Nous sommes présents depuis près de 30 ans sur l'axe Caraïbes, nous développons un pilier africain, avec Dakar et Abidjan. Nous desservons le Canada en vols saisonniers durant la période estivale.

Nous bénéficions d'un fort ancrage historique dans l'océan Indien qui représente 40 % de notre activité. Nous y opérons des vols depuis plus de 25 ans. Nous desservons l'île Maurice depuis 10 ans, Madagascar depuis 20 ans, l'île de La Réunion depuis plus 25 ans et enfin, Mayotte, depuis 10 ans.

Le transport aérien est un vecteur de développement économique et touristique que nous soutenons au quotidien en facilitant les échanges de personnes et de fret.

Pour développer le trafic touristique et affaires sur les quatre îles que nous desservons dans l'océan Indien, il est indispensable d'offrir une alternative aérienne régionale.

En effet, autant l'offre de sièges s'est développée de manière forte ces dernières années entre la métropole et les îles de l'océan Indien, autant l'offre sur le réseau régional a peu progressé, voire stagné ! De plus, le prix moyen des billets d'avion sur les dessertes régionales est resté élevé alors que le prix sur l'axe Nord-Sud a fortement baissé en valeur réelle !

Nous sommes convaincus qu'il existe un potentiel important qui n'est pas encore suffisamment exploité et que cette situation est un frein au développement économique de La Réunion. C'est le cas notamment de la desserte aérienne entre Mayotte et La Réunion mais également entre La Réunion et l'île Maurice et entre La Réunion et Madagascar.

Le potentiel de développement est multiple :

- économique : pour les entreprises de la région pour explorer les marchés des îles avoisinantes. Un prix de billet d'avion trop élevé est un frein évident ;

- touristique : les touristes de métropole et d'Europe veulent désormais optimiser leurs séjours dans l'océan Indien en visitant plusieurs îles durant le même séjour. Le prix des vols inter-îles peut être dissuasif et les détourner de ces destinations. En effet, la concurrence dans le domaine touristique est désormais mondiale et les personnes arbitrent en fonction du prix final du package ;

- affinitaire : les familles dispersées entre les différentes îles souffrent du prix trop élevé des billets d'avion inter-îles.

C'est pourquoi Corsair a décidé de se positionner sur ces axes.

Afin de répondre à la volonté de développer les connexions, nous contribuons ainsi à renforcer les échanges inter-îles et avons signé en septembre 2016 une convention de partenariat avec les îles Vanille. Ce concept des îles Vanille est très intéressant pour développer ces échanges inter-îles mais il reste encore trop virtuel. C'est pourquoi nous avons demandé les droits de trafic entre les différentes îles que nous desservons dans l'océan Indien.

Nous avons obtenu l'autorisation de desservir Mayotte au départ de l'île de La Réunion. J'ai d'ailleurs inauguré personnellement le premier vol le 24 janvier dernier avec une importante délégation de journalistes conviés pour l'occasion, ainsi que des chefs d'entreprise réunionnais qui nous ont fait part de leur grande satisfaction de voir ainsi tomber un monopole.

Au travers de son offre, Corsair apporte ainsi plus de vols, plus de flexibilité, des tarifs attractifs et un produit de qualité plébiscité par nos clients. Notre arrivée se traduit par une forte réduction des prix, qui va nécessairement générer une progression du trafic sur l'ensemble des segments - tourisme, affaires et affinitaire.

De même, avec nos partenaires tour-opérateurs, nous allons pouvoir proposer des combinés entre l'île de La Réunion, Mayotte et Madagascar. Et nous espérons pouvoir très vite offrir le même type d'offre à destination de l'île Maurice.

Nous sommes convaincus du bien-fondé de la libéralisation du transport aérien sur le réseau inter-régional et soutenons l'idée d'un « Open Sky » pour ces routes. L'effet économique sera très fort et permettra à cette région d'être un exemple pour d'autres (je pense par exemple à la zone Caraïbes).

Le déploiement de notre réseau sur le trafic régional va favoriser l'essor des échanges de personnes et de fret, qui auront un impact direct et concret sur le développement de l'économie sur l'axe océan Indien.

Nous avons la ferme intention de développer notre présence dans l'océan Indien et de participer ainsi à offrir le meilleur rapport qualité-prix du marché pour accompagner le développement de la région.

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