B. LA CRISE UKRAINIENNE A RÉVÉLÉ DES MALENTENDUS ANCIENS

L'actuelle tension qui oppose la Russie et l'Union européenne sur l'Ukraine cristallise des malentendus et des incompréhensions qui remontent bien avant 2014 et qui ont négativement influencé la relation bilatérale.

Un bref regard en arrière sur cette période peut expliquer en partie les difficultés actuelles.

Un premier malentendu est apparu lors du lancement en 2001 de la politique européenne de voisinage, devenue en 2009 le partenariat oriental. Orientée vers l'Ukraine, la Géorgie, la Moldavie et l'Arménie, cette politique visait un rapprochement des législations sur les bases normatives européennes dans différents domaines, en y adjoignant un volet commercial préférentiel. Même si la perspective d'adhésion ne fut jamais offerte explicitement aux pays partenaires, l'hypothèse y faisait son chemin, soutenue par certains des États membres les plus favorables à cette option : Grande-Bretagne, Pologne, Suède ou pays baltes...

La Russie pouvait s'accommoder de la conclusion d'accords avec la Moldavie et la Géorgie - pays affectés par des conflits gelés très directement liés à la Russie, (Transnistrie, Abkhazie, Ossétie du sud...). L'option ukrainienne en revanche portait en elle des germes de dissension.

La confusion de la démarche a entretenu le malentendu et aiguisé la méfiance russe. Pas de processus d'élargissement, certes, mais comme le relevait récemment un rapport de votre commission des affaires européennes 6 ( * ) : « Certains ont relevé une ambiguïté dans ce projet de partenariat oriental ou en tout cas un risque, celui de laisser espérer aux pays concernés plus que ce que l'Union peut effectivement leur apporter. Comme la politique du Partenariat oriental s'inspire par la force des choses (...) de la politique d'élargissement, elle nourrit, malgré des moyens limités, des ambitions comparables et elle demande aux pays partenaires de reprendre 80 % de l'acquis communautaire. De là a pu naître une certaine confusion, car il faut reconnaître que le projet du partenariat oriental est calqué dans sa méthodologie sur la politique d'élargissement et sur la politique d'aide au développement dans ses aspects financiers. »

Le cas ukrainien ne pouvait dès lors suivre la voie relativement paisible des accords d'association conclus avec la Moldavie et la Géorgie. En 2013, le ministre allemand des affaires étrangères, M. Frank-Walter Steinmeier, évoquait ainsi l'échec de la signature de l'accord par l'Ukraine : « Nous devons nous demander si nous n'avons pas sous-estimé la faiblesse et les divisions de ce pays, à quel point il est au-dessus de ses forces d'avoir à choisir entre l'Europe et la Russie ; si nous n'avons pas sous-estimé la détermination de la Russie qui est si étroitement liée à l'Ukraine, économiquement mais aussi historiquement et émotionnellement. » 7 ( * )

Placer l'Ukraine en situation de choisir entre la Russie et l'Union ne pouvait que générer une fracture politique alors même que la conclusion d'un accord commercial peut-être moins ambitieux avec l'Union - à l'exemple de ce qui a été fait depuis avec l'Arménie et, parallèlement, d'un accord commercial avec la Russie eut été théoriquement concevable.

Le commissaire à l'élargissement, M. Johannes Hahn, commentait ainsi une étude de la fondation Bertelsmann intitulée « Comment stabiliser l'économie de l'Ukraine » 8 ( * ) . Il estimait en avril 2015, soit au coeur de la crise ukrainienne : « L'étude reconnaît à juste titre que les relations [de l'Ukraine] avec la Russie ne sont pas exclusives (...). Rien dans notre nouvel accord 9 ( * ) n'interdit à l'Ukraine de continuer à exporter des produits vers la Russie ». L'option d'une relation tripartite UE-Ukraine-Russie a fait l'objet de négociations qui n'ont pas abouti et l'Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) est entré en vigueur, inchangé, le 1 er janvier 2016.


* 6 « Le Partenariat oriental : une nécessaire refondation » - Rapport d'information n° 797 (2015-2016) - 13 juillet 2016 - de MM. Pascal Allizard, Gérard César, Mme Gisèle Jourda, MM. Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt et Jean-Claude Requier, fait au nom de la commission des affaires européennes.

* 7 Ministère allemand des affaires étrangères - 17 décembre 2013.

* 8 Cité dans Euractiv - 16 avril 2015.

* 9 Accord UE-Ukraine.

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