B. DES RISQUES D'OPTIMISATION FISCALE

1. La nécessité de maintenir une consolidation du chiffre d'affaires au niveau des groupes pour le calcul du dégrèvement barémique

Les conséquences budgétaires pour l'État de la QPC du 19 mai dernier (cf. supra ), seront importantes , dès lors que les groupes peuvent contester les modalités de calcul de la CVAE effectivement acquittée pour les exercices 2015 et 2016. En amont de la décision, le représentant du Gouvernement devant le Conseil constitutionnel, lors de l'audience du 2 mai dernier, indiquait que plus de 9 000 réclamations avaient été recensées, pour un montant de droit contesté s'élevant à 158 millions d'euros. Selon l'AdCF, la moindre recette pour l'État pourrait atteindre 300 millions d'euros en 2017 .

Surtout, la suppression de la consolidation du chiffre d'affaires au niveau du groupe pour le calcul du dégrèvement barémique ouvre la voie à une optimisation de la CVAE : les groupes pourraient diviser leurs activités en filiales au chiffre d'affaires réduit, afin de bénéficier de façon plus importante (voire totale) du dégrèvement. La mise en place de cette consolidation par amendement parlementaire, en 2010, visait d'ailleurs à empêcher un tel comportement. Au sens strict, cette optimisation n'affecterait pas le montant mis en répartition au profit des collectivités territoriales , le coût de ce dégrèvement étant totalement à la charge de l'État ; néanmoins, au-delà des préoccupations relatives aux finances publiques dans leur ensemble, on peut penser que si ce coût devait continuer à croître de manière importante, l'État pourrait être tenté de demander aux collectivités territoriales d'en prendre une partie à leur charge.

La décision du Conseil constitutionnel ne ferme pas la porte à tout dispositif anti-optimisation . En effet, il constate une différence de traitement - qui n'était pas contestée - qu'il considère « justifiée par le motif d'intérêt général consistant à faire obstacle à des comportements d'optimisation de la part des sociétés membres de groupes fiscalement intégrés » 42 ( * ) . En revanche, il a considéré que le critère retenu - le fait d'avoir opté pour le régime de l'intégration fiscale - « n'est pas en adéquation avec l'objet de la loi » 43 ( * ) .

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent donc, dès la prochaine loi de finances, empêcher de tels comportements d'optimisation et ainsi éviter un dérapage du coût du dégrèvement barémique pour l'État. Il serait possible d'étendre la consolidation du chiffre d'affaires à l'ensemble des groupes, qu'ils aient ou non choisi l'intégration fiscale. Une telle disposition serait pleinement compatible avec la décision du Conseil constitutionnel mais augmenterait la pression fiscale sur les groupes non intégrés - ce qui n'est pas l'objectif poursuivi. Il conviendra donc de travailler sur ce sujet d'ici le prochain projet de loi de finances.

2. Des interrogations sur l'évolution du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée

Comme indiqué précédemment, la somme des montants acquittés au titre de la CVAE et de la CFE est plafonnée à 3 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, qui peut donc demander le remboursement des sommes versées au-delà de cette limite.

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur les raisons de la progression du coût de ce dégrèvement , qui semble déconnectée de celle du produit de CVAE et de CFE, comme l'illustre le tableau ci-dessous. Le coût du dégrèvement a progressé deux fois plus vite que la somme du produit de ces deux impositions .

Évolution comparée des produits de CVAE et de CFE et du montant du coût
du dégrèvement au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

Évolution sur la période

Montant CVAE 44 ( * )

16 323

15 917

16 627

16 861

+ 3,3 %

Montant CFE

6 662

6 935

6 974

7 234

+ 8,6 %

CVAE + CFE

22 985

22 852

23 601

24 095

+ 4,8 %

Montant du PVA

937

868

1 068

1 041

+ 11,1 %

Source : commission des finances du Sénat

Ce décalage interroge d'autant plus que ce dégrèvement peut être affecté par des comportements d'optimisation fiscale . En effet, on peut imaginer qu'une entreprise regroupe tout son immobilier - et donc ses bases de CFE - dans une société foncière, dont elle minorerait artificiellement la valeur ajoutée à travers des transferts intra-groupes. Le montant obtenu au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée serait ainsi optimisé.

Les évolutions retracées dans ce tableau ne montrent pas à elles seules un comportement d'optimisation. Néanmoins, afin de lever toute interrogation, vos rapporteurs spéciaux examineront les caractéristiques des entreprises bénéficiant de ce dégrèvement et les raisons qui expliquent cette progression .


* 42 Commentaire au cahier de la décision 2017-629 QPC.

* 43 Décision 2017-629 QPC du 19 mai 2017.

* 44 Il s'agit du montant réparti en N+1 et donc acquitté par les entreprises en année N.

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