III. LE PROCESSUS D'ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE COMPROMIS

A. LES AMBIGUÏTÉS DE LA TURQUIE DEPUIS 2002

1. Une forte croissance économique et une volonté d'ouverture politique

Le PIB de la Turquie a plus que triplé, atteignant 857 milliards de dollars US en 2016 contre 231 milliards de dollars US en 2002, année où l'AKP est arrivé au pouvoir.

Cette réussite économique et sociale a bénéficié à l'ensemble de la population. Elle a aidé l'AKP à consolider son socle électoral.

Elle est en partie liée à l'Union douanière qui a permis à la Turquie d'intégrer l'acquis communautaire dans de nombreux domaines et de rassurer ainsi les investisseurs étrangers. En effet, celle-ci a favorisé une baisse de l'inflation qui est passée de 29,5% en 2002 à 8,5% en 2016. En outre, elle a permis le développement d'une législation plus transparente et de nature à favoriser l'investissement. Ainsi, la Turquie a su faire les efforts nécessaires pour éliminer les entraves techniques à la libre circulation des marchandises en adoptant les normes de l'Union européenne.

Sur le plan politique, la Turquie a aboli la peine de mort. De plus, l'AKP a favorisé la dépolitisation de l'armée, processus qui a abouti à la suppression des juridictions militaires n'ayant pas trait à la discipline dans l'armée, dans le cadre de la réforme constitutionnelle de 2017.

L'AKP au pouvoir a également pris des initiatives encourageantes destinées à montrer l'ouverture du régime sur la question des droits de l'Homme. En 2012, un cessez-le-feu a été décrété avec le PKK et un débat sur le génocide arménien avec une plus grande liberté d'expression a pu s'ouvrir en Turquie.

Ces efforts semblent montrer que l'objectif de la Turquie est d'adhérer à l'Union européenne. Pourtant, certains soupçonnent l'AKP et son président d'avoir un « agenda caché » et de se servir de l'Union européenne pour instaurer un régime en opposition avec les valeurs de l'Union.

2. Un parti au pouvoir avec des valeurs différentes de celles de l'Union européenne

L'AKP est un parti islamo-conservateur dont les valeurs sont en opposition avec celles prônées par Kemal Atatürk qui souhaitait une société turque laïque rattachée à l'Europe. Ainsi, ce parti milite pour le port du voile à l'université et dans les forces armées. Les Gülenistes, mouvement du prédicateur Fetullah Gülen accusé d'être à l'origine de la tentative du coup d'État du 15 juillet 2016, est un mouvement religieux qui a infiltré avec la bénédiction de l'AKP de nombreuses structures étatiques. Ceci montre le choix de l'AKP d'une présence plus forte de l'Islam au sein de la société turque.

À l'heure des printemps arabes, M. Erdogan nourrissait des ambitions hégémoniques sur les pays arabes rappelant la culture ottomane. Ceci justifie la politique d'exemptions de visa menée à l'égard de nombreux pays arabes.

Aujourd'hui, la Turquie se tourne davantage vers les pays du Moyen-Orient et l'Azerbaïdjan pour équilibrer sa balance commerciale et dynamiser le secteur du tourisme, en difficulté suite aux attentats.

Les interlocuteurs que vos rapporteurs ont rencontrés ont affirmé qu'au sein de l'AKP, deux tendances se font face : une pro-européenne et une favorable à une rupture avec l'Occident. Si cette deuxième tendance l'emportait, la Turquie pourrait sortir de l'OTAN. On observe d'ailleurs un rapprochement avec la Russie après une période de vives tensions.

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