II. UNE HAUSSE DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS LIÉE À L'ACCROISSEMENT DES CRÉDITS D'IMPÔTS, UNE SOUTENABILITÉ MENACÉE

A. UNE CROISSANCE PORTÉE PAR LES CRÉDITS D'IMPÔTS

1. Un poids croissant des remboursements liés aux politiques publiques

La forte hausse des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État est particulièrement liée à la modification de dispositifs fiscaux et notamment de crédits d'impôts , retracés normalement au sein de l'action 12 « Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques ».

Cette hausse a été essentiellement due à l'augmentation de la sous-action 12-3, relative à l'impôt sur les sociétés . Ils représentaient 1,9 milliard d'euros en 2013 et sont passés à 8,9 milliards d'euros en 2016, soit une multiplication par 4,7 en trois ans .

L'analyse de cette action conduit cependant à constater, par exemple, qu'une partie du CICE s'impute sur les acomptes d'impôt sur les sociétés, comptabilisés dans l'action « mécanique de l'impôt ». L'analyse de l'évolution des crédits, notamment ceux relatifs à l'impôt sur les sociétés, doit donc englober la sous-action 11-1 relative aux remboursements d'excédents d'acompte d'impôt sur les sociétés , particulièrement pour le CICE. Sur cette sous action également, la hausse est nette.

Évolution des crédits de la sous-action 11-1 (mécanique de l'impôt, IS),
de l'action 12 (politiques publiques) et de la sous-action 12-3
(politiques publiques, IS) depuis 2012

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données transmises par la direction générale des finances publiques)

Une faible progression ou une relative stabilité du montant global des crédits d'impôt peuvent en réalité occulter des mouvements non négligeables mais compensés par des évolutions en sens contraire d'autres dispositifs. Par exemple, en 2016, une baisse apparente des crédits du programme 200 traduisait à la fois la disparition de la prime pour l'emploi et la montée en charge du CICE .

Répondant aux critiques renouvelées de votre rapporteure spéciale, le ministère des finances a indiqué en avril 2017 que « cette affirmation apparaît factuellement discutable, le législateur n'ayant créé qu'un très petit nombre de crédits d'impôt au cours de ces cinq dernières années exception faite, bien sûr, de la mise en place du crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi ». Une « exception » de l'ordre de 20 milliards d'euros à l'horizon 2020 justifie pleinement, pour votre rapporteure spéciale, qu'une attention accrue soit portée sur l'ensemble des dispositifs .

2. Des dépenses fiscales et crédits d'impôt qui dépassent largement les plafonds fixés par la loi de programmation

Depuis 2012, les lois de programmation des finances publiques prévoient des plafonds relatifs aux dépenses fiscales 1 ( * ) .

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2014-2019, tel que déposé par le Gouvernement, comprenait 2 ( * ) un plafond de dépenses fiscales n'incluant pas le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Lors de son examen, l'Assemblée nationale a modifié cet article en relevant le plafond afin de prendre en compte le CICE . Le Sénat s'y était alors opposé, considérant que la « forte incertitude » 3 ( * ) qui pesait sur les estimations de coût du CICE ne permettait pas d'établir un plafond fiable et pertinent.

La loi de programmation des finances publiques 4 ( * ) (LPFP) pour la période 2014-2019 prévoyait ainsi un plafond pour les dépenses fiscales et un plafond pour les crédits d'impôt, fixés comme suit :

Plafonds des dépenses fiscales et crédits d'impôt, par exercice

(en milliards d'euros)

Dépenses fiscales

Crédits d'impôt

2015

80,6

24,7

2016

81,8

25,9

2017

86

30,1

Source : loi de programmation 2014-2019

En 2016, les dépenses fiscales ont atteint 85,3 milliards d'euros soit, selon la Cour des comptes 5 ( * ) , 3,5 milliards d'euros de plus que le plafond fixé en loi de programmation des finances publiques après retraitement de la suppression de la prime pour l'emploi. Concernant les crédits d'impôts , la Cour des comptes constate avec les mêmes modalités de retraitement que le plafond a lui aussi été largement dépassé, à hauteur de 1,7 milliard d'euros .

En 2017, l'objectif de dépenses fiscales atteint 89,9 milliards d'euros selon le rapport économique, social et financier 6 ( * ) , soit près de 4 milliards de plus que ce que prévoyait la loi de programmation des finances publiques . Le Gouvernement expliquait alors dans ce même rapport avoir « jugé préférable de ne pas corriger l'écart compte tenu de l'importance du CICE dans le soutien à l'emploi et de la fragilité des secteurs économiques qui auraient été concernés par la hausse des taux réduits de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ».

Le CICE constitue une dépense fiscale extrêmement coûteuse, et ce alors même qu'un large consensus s'était formé ces dernières années pour réduire le coût des « niches fiscales ». Votre rapporteure ne peut que renouveler les réserves profondes formulées l'an dernier sur ce dispositif, et ses préconisations le concernant.

Parmi les dépenses fiscales les plus importantes, celle relative au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi est estimée à 12,61 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017, tandis que la dépense fiscale afférente au crédit d'impôt recherche est évaluée à 5,42 milliards d'euros.


* 1 Article 14 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 2 Article 19 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 3 Rapport n° 55 (2014-2015) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 octobre 2014, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 4 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, article 19.

* 5 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2016.

* 6 Annexe au projet de loi de finances pour 2017.

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