B. L'IMPACT DU CICE S'AMPLIFIE, JUSQU'À MENACER LA SOUTENABILITÉ DU PROGRAMME 200

Votre rapporteure spéciale suit avec attention la gestion du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) depuis le début de sa mise en oeuvre en 2013, son coût ainsi que son impact sur la mission « Remboursements et dégrèvements » 7 ( * ) .

1. Le coût du CICE va encore fortement augmenter

Le CICE pèse budgétairement sur les crédits de la mission depuis 2014 , année de versement des premiers remboursements de créances 2013. Une montée en puissance de la mobilisation du CICE a été relevée lors de l'analyse de l'exécution 2015 de la mission, le coût continuant de progresser depuis.

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE)

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi a été créé par l'article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012. Il constitue la première mesure prise dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi présenté le 6 novembre 2012. Il est codifié à l'article 244 quater C du code général des impôts.

Le CICE vise à soutenir la création d'emploi et l'amélioration de la compétitivité des entreprises « à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ».

Le CICE est ciblé sur les bas salaires, pour lesquels la demande est réputée plus sensible au coût du travail.

En 2017, le crédit d'impôt est fixé à 7 % de la masse salariale inférieure à 2,5 fois le SMIC.

Le CICE peut être imputé sur l'impôt sur les sociétés (ou impôt sur le revenu) dû au cours des trois exercices suivant l'année de versement des salaires ayant généré la créance. À l'issue de ces trois ans, la restitution du reliquat s'effectue. Dans le cas des TPE-PME notamment, le remboursement du reliquat est possible dès la première année.

Le CICE est donc comptabilisé pour partie en moindre recettes dans la comptabilisation des recettes fiscales de l'État. Au sein de la mission « Remboursements et dégrèvements », une partie est comptabilisée dans les remboursements d'excédents d'IS (action 11), au titre des imputations sur acomptes versés, quant à l'autre part, elle est comptabilisée en remboursements liés à des politiques publiques (action 12).

Source : commission des finances du Sénat

Le coût budgétaire du CICE porté par la mission est ainsi croissant depuis 2014 et s'amplifiera dans les exercices à venir pour deux raisons :

- conformément à la mécanique de ce crédit d'impôt, le remboursement des reliquats d'une créance déclarée en année n intervient en année n+4. L'exercice 2017 marquera ainsi une augmentation nette des crédits du programme 200 dédiés aux remboursements de CICE ;

- les relèvements successifs des taux en 2014 et en 2017 augmentent les créances de CICE sur les exercices suivants.

Pour l'exercice 2016 le rapport annuel de performances indique que les remboursements s'élèvent à 4,5 milliards d'euros .

Les imputations de CICE sur l'impôt brut déclaré en 2016 sont estimées selon la Cour des comptes à 4,1 milliards d'euros par l'administration, à l'aide d'informations non comptables.

Évolution du coût budgétaire prévisionnel du CICE

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après données direction générale des finances publiques)

Mobilisation des créances de CICE

Les créances du CICE peuvent être mobilisées selon les cas par des imputations sur l'impôt dû, dans les trois ans suivant la déclaration, ou par des remboursements. Les créances non encore consommées constituent pour l'État une dépense certaine à un horizon de moins de quatre ans après la déclaration. Si les créances non consommées ne figurent pas dans les documents budgétaires, elles apparaissent au sein du compte général de l'État, annexé au projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat

Selon le compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement pour l'exercice 2016, les charges à payer au titre du CICE pour des remboursements d'impôt sur les sociétés - comptabilisées en autres dettes non financières - s'élèvent à 15,2 milliards d'euros en 2016, soit une augmentation de 5,6 milliards d'euros par rapport à 2015. Lors de l'exercice 2016, le stock de créances non encore consommées s'élevait à 17,11 milliards d'euros selon la direction générale des finances publiques.

Ces sommes constituent des dépenses certaines , elles affecteront le budget de l'État au cours des exercices à venir, en imputation ou en restitution, et ce même en cas de transformation du dispositif.

2. Un risque à moyen terme pour la soutenabilité de la mission

Les crédits de cette mission sont évaluatifs et n'entrent pas dans la programmation pluriannuelle : analyser la soutenabilité de la mission s'avère ainsi délicat. Cependant, la Cour des comptes relève dans son analyse de l'exercice 2016 un « risque en terme de soutenabilité sur la mission » 8 ( * ) pour les exercices à venir, et notamment à partir de 2018, du fait de la hausse du taux du CICE. Une hausse de 5 milliards d'euros des crédits de la mission est ainsi à prévoir en 2018, suivie d'une progression de 0,8 milliard d'euros par an ensuite. En effet, le taux du CICE ayant été relevé de 4 % à 6 % en 2014, les remboursements issus des reliquats de créances augmenteront fortement dès 2018.

Votre rapporteure spéciale avait déjà alerté sur ce sujet lors de son contrôle budgétaire mené en 2016. Elle ne peut aujourd'hui que renouveler ses inquiétudes sur la soutenabilité budgétaire de la mission, notamment au regard des conséquences du relèvement du taux du CICE à 7 % par la loi de finances pour 2017. Au-delà de l'augmentation des remboursements - à destination des PME notamment - dès 2018, un autre ressaut sera en effet à anticiper pour l'exercice 2021.

Recommandation n° 1 : Mettre fin à l'augmentation sans limite des crédits d'impôts en les réservant à des finalités ciblées et pour lesquelles l'utilisation de tels mécanismes est réellement pertinente et en permettant aux citoyens d'être sensibilisés à la politique publique portée par le crédit d'impôt.


* 7 « CICE : le rendez-vous manqué de la compétitivité ? », Rapport d'information n° 789 (2015-2016) de Marie-France Beaufils, fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 juillet 2016.

* 8 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2016.

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