C. DES MOYENS HUMAINS SOUS TENSION

1. Des remboursements et dégrèvements gérés essentiellement par la direction générale des finances publiques

Les dépenses de la mission « Remboursements et dégrèvements » sont, pour une grande partie, comptabilisées par les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP). La sous-action « Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques - taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques » est cependant essentiellement comptabilisée par les services de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

Le paiement des dépenses fait intervenir un large éventail de services. Ainsi, les dépenses acquittées par les services de la direction générale des finances publiques sont payées notamment par :

- les services des impôts des particuliers (impôt sur le revenu dont prime pour l'emploi, taxe d'habitation, contribution à l'audiovisuel public, bouclier fiscal, dégrèvements à la suite de demandes gracieuses) ;

- les services des impôts des entreprises (impôt sur les sociétés, TVA, taxe sur les salaires) ;

- les directions départementales des finances publiques (contentieux pour des montants excédant des seuils déterminés - quel que soit le montant concerné -, dégrèvements de TICPE aux agriculteurs) ;

- la direction des grandes entreprises (DGE) (remboursements accordés à des entreprises gérées à la DGE à la suite de réclamations contentieuses, contentieux de série, restitutions d'excédents de versements de CVAE) ;

- l'administration centrale (dégrèvement barémique en matière de CVAE, dégrèvement transitoire consécutif à la réforme de la taxe professionnelle, dégrèvements liés à des conventions fiscales internationales.

2. Une charge de travail liée aux calendriers des impôts traités

Votre rapporteure spéciale a également interrogé l'administration sur la répartition du travail sur l'année pour les services, alors que les indicateurs de performance de la mission sont consacrés à une réalisation rapide des opérations.

Les remboursements et restitutions liées à la mécanique de l'impôt concentrent environ 75 % des dépenses du programme. Comme le précise l'administration, le traitement des remboursements de crédits de TVA, soit 55% des crédits, se fait dans des délais encadrés : les demandes de remboursements de crédits de TVA sont traitées tout au long de l'année, la fréquence de la quasi-totalité des demandes étant mensuelle. Pour l'impôt sur les sociétés, la charge de travail est, elle, fortement liée au calendrier de cet impôt avec un pic d'activité aux mois de mai et de juin correspondant au dépôt de la déclaration de solde de la plupart des entreprises.

Concernant les remboursements et restitutions liées à des politiques publiques, la direction générale des finances publiques indique que le traitement des remboursements des crédits d'impôt portant sur l'impôt sur le revenu se fait au rythme de la « campagne » de cet impôt, selon le calendrier des émissions de rôles, concentrant ainsi la charge de travail correspondante essentiellement dans le courant du second semestre de l'année. Dans le cas de l'impôt sur les sociétés , la charge de travail se répartit sur toute l'année , au fil du traitement des réclamations.

Enfin, les dépenses comptabilisées en lien avec la gestion des produits de l'État génèrent une charge de travail « au fil de l'eau », les réclamations étant déposées toute l'année. Les dégrèvements d'impôt sur le revenu sont cependant surtout concentrés au second semestre, après la sortie des rôles.

3. Un impossible aperçu des moyens humains mobilisés...
a) Un aperçu global difficile

Les agents de la direction générale des finances publiques assurant la gestion des opérations de remboursements et dégrèvements ne sont pas distingués du reste de la direction. La mission « Remboursements et dégrèvements » ne comporte ainsi pas de titre 2 dédié aux emplois : la masse salariale de ces agents est prise en compte par le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » au sein du budget général.

L'administration indique que, pour « une partie très importante », les agents de la direction générale des finances publiques « interviennent, même de manière marginale, dans le traitement des remboursements. Néanmoins, il est impossible de quantifier de manière précise la quotité de ces effectifs dédiée à cette mission spécifique ».

Ainsi, aucune estimation des coûts de gestion des opérations de remboursements et dégrèvements n'est possible.

b) Une répartition des moyens non analysable

Votre rapporteure spéciale souhaitait également connaître la répartition des moyens humains mobilisés pour la gestion des remboursements et dégrèvements selon les services et leur échelon territorial. L'administration indique à ce titre qu'il n'est pas possible de connaître la répartition des moyens humains entre, d'une part, l'administration centrale et les services déconcentrés et, d'autre part, les services aux particuliers et les services aux entreprises.

c) Une nécessaire comptabilité analytique

Aucune appréciation de l'efficience ni de la bonne allocation des moyens humains n'est aujourd'hui possible.

Le ministère des finances estime que le calcul plus précis des coûts gestion serait redondant avec ceux déterminés pour le programme 156 dans lequel figurent notamment les rémunérations des agents de la direction générale des finances publiques chargés de la gestion des impôts concernés. Celui-ci souligne par ailleurs que, dans un certain nombre de cas, le traitement d'un même dossier est susceptible de conduire à la comptabilisation concomitante d'une imputation sur un impôt brut - qui n'a pas d'impact sur les crédits de la mission - et d'une restitution comptabilisée au programme 200.

Surtout, une connaissance plus fine de la masse salariale concernée par les opérations de remboursements et dégrèvements nécessiterait selon le ministère des finances la mise en place d'une comptabilité analytique dédiée , dont il estime le coût hors de portée dans le contexte budgétaire actuel.

Recommandation n° 2 : Mettre en place une comptabilité analytique permettant de mesurer les coûts de gestion des opérations de remboursements et dégrèvements et d'identifier les moyens humains mobilisés par les opérations de remboursements et dégrèvements.

4. ... dans un contexte difficile pour les agents des services fiscaux

Les services fiscaux font face depuis plusieurs années aux conséquences de modifications profondes des politiques fiscales, avec des dispositifs nouveaux d'ampleur, provoquant une augmentation considérable du nombre de demandes de remboursements et d'opérations à gérer . Le traitement d'une demande de remboursements nécessite un nombre important d'opérations dans un délai contraint : l'augmentation du nombre de demandes accroît donc à chaque étape le nombre d'opérations.

Votre rapporteure spéciale l'a notamment constaté durant son contrôle budgétaire relatif au CICE en 2016 : le nombre de demandes de remboursements relatifs à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu a bondi en 2014, déstabilisant les services. L'administration indiquait ainsi par exemple en 2015 concernant la mise en place du CICE que « ce nouveau crédit d'impôt a conduit au dépôt de plus de 560 000 nouvelles déclarations dans les services de la direction générale des finances publiques au cours de l'année 2014 » 10 ( * ) .

Le « choc » occasionné par la gestion du CICE sur les services fiscaux est également illustré par l'évolution de l'indicateur 1.1 du programme 200, relatif au taux de demandes de remboursement de crédit TVA non imputable et de restitutions d'impôt sur les sociétés remboursées dans un délai inférieur ou égal à 30 jours par les services locaux et la chute brutale de 8 points de sa composante « impôt sur les sociétés » en 2014 , première année de traitement du CICE, comme le montre le graphique ci-après. Alors qu'il se maintenait depuis 2008 à un taux supérieur à 93 %, il s'est élevé en 2014 à 85 %. L'indicateur n'a depuis trois ans pas réussi à retrouver son niveau de 2013.

Évolution de la composante IS de l'indicateur 1.1, relatif au taux de demandes de remboursement de crédit TVA non imputable et de restitutions d'impôt sur les sociétés remboursées dans un délai inférieur ou égal à 30 jours

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de la direction générale des finances publiques)

Aussi, votre rapporteure spéciale considère la situation préoccupante au regard des baisses continues d'effectifs au sein des services fiscaux : depuis 2006, la direction générale des finances publiques a vu le nombre de ses agents diminuer de 30 000. À l'exception des postes de vérificateurs, l'ensemble des services a été concerné par cette baisse.

La pression continue à la réduction des effectifs exercée ces dernières années, dans un contexte d'instabilité des mécanismes fiscaux et d'augmentation importante des opérations à gérer, est préoccupante : la sécurisation des deniers publics est la priorité des services de la direction générale des finances publiques et cette mission doit pouvoir être assurée dans les meilleures conditions .


* 10 Rapport annuel de performances 2014 de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

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