N° 646

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de décret d'avance notifié le 12 juillet 2017, relatif au financement de dépenses urgentes , transmis pour avis à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER
Rapporteur général

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Claude Nougein, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

AVIS DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT

sur le projet de décret d'avance notifié le 12 juillet 2017,
portant ouverture et annulation de 2 809 millions d'euros
en autorisations d'engagement et 3 042 millions d'euros
en crédits de paiement

La commission des finances,

Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 ;

Vu le projet de décret d'avance notifié le 12 juillet 2017, portant ouverture et annulation de 2 809 317 249 euros en autorisations d'engagement et 3 041 541 372 euros en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du ministre de l'action et des comptes publics au questionnaire du rapporteur général ;

Sur la régularité du projet de décret d'avance :

1. Constate qu'environ la moitié des ouvertures de crédits prévues par le présent projet de décret d'avance ont pour objet de permettre le financement de la recapitalisation d'Areva ; qu'un cinquième des crédits ouverts le sont au titre des opérations extérieures et intérieures du ministère des armées ; que le présent projet de décret d'avance vise aussi, pour des montants plus faibles, à assurer le financement de formations dans le cadre du plan d'urgence pour l'emploi lancé en 2016, du service civique, de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) et de l'hébergement d'urgence, d'actions liées aux crises sanitaires agricoles et des dépenses immobilières de l'Insee ;

2. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant réparties sur vingt-six missions du budget général ;

3. Note que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant réparties sur la quasi-totalité des missions du budget général et qu'elles représentent 0,43 % des autorisations d'engagement et 0,48 % des crédits de paiement ouverts par la loi de finances de l'année ; qu'elles n'excèdent donc pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ;

4. Estime que l'urgence à ouvrir les crédits est avérée au regard de la nécessité de restructurer rapidement le groupe Areva, de poursuivre les opérations extérieures et intérieures dans lesquelles est engagée l'armée française, de financer la lutte contre les risques sanitaires qui touchent le monde agricole et d'assurer le paiement de l'allocation pour demandeurs d'asile, ainsi que de faire face aux besoins de l'hébergement d'urgence ;

5. Estime que la nécessité budgétaire d'ouvrir des crédits additionnels dès le mois de juillet n'apparaît pas manifeste concernant le financement du service civique et les dépenses immobilières de l'Insee ;

6. Estime cependant, au regard du caractère inéluctable de la dépense et de l'absence de dépôt prévisible d'une loi de finances avant l'engagement des crédits, qu'en donnant de la visibilité aux gestionnaires de ces programmes ainsi qu'au Parlement sur l'ampleur des redéploiements à opérer, l'ouverture de crédits rapide permise par le recours au décret d'avance contribue, en l'espèce, à une bonne administration et à une gestion efficace des ressources humaines ;

7. Constate que les conditions de régularité du recours au décret d'avance prévues par la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 précitée sont donc réunies ;

Sur les ouvertures prévues par le projet de décret d'avance :

8. Relève que l'ampleur du présent décret d'avance est inédite au regard des décrets d'avance pris au cours de la décennie écoulée ; que les ouvertures prévues par ce seul projet de décret d'avance représentent près de la moitié du total des ouvertures autorisées pour l'ensemble de l'année par voie de décret d'avance en vertu des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances ;

9. Souligne que le caractère urgent des ouvertures ne préjuge pas de leur imprévisibilité et rappelle une nouvelle fois que le décret d'avance ne saurait se substituer à une budgétisation initiale sincère ;

10. Relève que la majeure partie des ouvertures de crédits est rendue nécessaire par les biais de construction de la loi de finances initiale pour 2017 qu'avait relevés la commission des finances du Sénat lors de ses travaux relatifs au projet de loi de finances et qui ont été confirmés par la Cour des comptes à l'occasion de l'audit des finances publiques réalisé à la demande du Premier ministre ;

11. Note en particulier que la moitié des ouvertures prévues vise à permettre la recapitalisation d'Areva, dont moins d'un tiers du coût peut être financé par les ressources allouées au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » par la loi de finances pour 2017 ; que les besoins effectifs des armées au titre des opérations intérieures et extérieures en 2017 devraient représenter plus du double de la dotation inscrite en loi de finances initiale ;

12. Estime qu'en l'espèce, l'absence d'imprévisibilité de la majeure partie des dépenses au regard de leur sur-exécution chronique ne saurait constituer par elle-même un motif de refus d'ouverture des crédits par voie de décret d'avance en raison du changement de Gouvernement intervenu entre l'adoption de la loi de finances initiale pour 2017 et la transmission du présent projet de décret d'avance ;

13. Souligne cependant que le recours à la voie réglementaire pour ouvrir des crédits doit demeurer, comme le prévoit la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 précitée, une exception ;

Sur les annulations prévues par le projet de décret d'avance :

14. Observe qu'un décret d'annulation, de 774 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 274 millions d'euros en crédits de paiement, a également été transmis au Parlement le 12 juillet 2017 ;

15. Estime que les dispositions du décret d'annulation, qui ne sont pas soumises par la loi organique à l'avis des commissions des finances des deux assemblées, doivent néanmoins être analysées de façon conjointe au projet de décret d'avance pour apprécier l'ampleur et la nature des annulations de crédits ;

16. Constate que la plus grande partie des annulations porte sur des crédits mis en réserve, ce qui ne permet pas au Parlement d'identifier les dispositifs touchés par les redéploiements ;

17. Rappelle une nouvelle fois que le recours croissant à la mise en réserve de crédits, qui s'élève depuis 2015 à 8 % des crédits ouverts sur le budget de l'État, détourne de sa vocation une procédure destinée à permettre le respect de l'autorisation parlementaire, et non à la contourner ou à la rendre inopérante ;

18. Relève en outre que l'annulation de 850 millions d'euros en crédits de paiement sur la mission « Défense » conduit à une diminution des crédits nette des ouvertures de plus de 200 millions d'euros ;

19. Estime que cette réduction imprévue fragilise le budget des armées alors même que celles-ci sont engagées sur de nombreux théâtres d'opération à l'étranger ainsi qu'en France dans le cadre de l'opération « Sentinelle » ;

20. Regrette, à cet égard, l'absence d'information transmise par le Gouvernement sur l'impact de cette réduction sur les programmes d'équipement des armées ;

21. Observe que si, en principe, le financement des opérations extérieures et intérieures dans lesquelles est engagée l'armée française sur les crédits de la mission « Défense », et non plus par recours à la solidarité interministérielle en cours de gestion, participe d'une budgétisation plus sincère des moyens nécessaires à nos armées, ce choix fait en milieu d'année sans revalorisation des crédits de la mission « Défense » à due concurrence conduit au report dommageable d'un certain nombre d'acquisitions de matériels au détriment de l'équipement de nos forces et porte atteinte à la crédibilité de l'engagement du Président de la République de porter les ressources de la Défense à 2 % du PIB en 2025 ;

22. Remarque que les missions « Sécurités » et « Justice » contribuent fortement aux annulations de crédits, de façon disproportionnée à leur poids dans le budget général, pour un montant total cumulé de près de 450 millions d'euros en autorisations d'engagement et de plus de 400 millions d'euros en crédits de paiement ;

23. Note que les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Recherche et enseignement supérieur » portent une nouvelle fois les annulations nettes des ouvertures les plus importantes en crédits de paiement ;

24. Observe que l'annulation de près de 140 millions d'euros sur la mission « Aide publique au développement », à rebours des priorités affichées par le Gouvernement, nuit à la lisibilité et à la crédibilité des engagements pris par la France auprès de ses partenaires ;

25. Remarque que, pour l'heure, aucune réorientation tangible de l'action de l'État n'a été associée aux annulations prévues par le projet de décret d'avance et le décret d'annulation sur la mise en réserve, ce qui laisse à penser que l'exécution du budget de l'État sera soumise à de très fortes tensions en l'absence de mesures complémentaires plus structurelles ;

26. Émet, sous les réserves formulées précédemment, un avis favorable au présent projet de décret d'avance.

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