D. LES LIMITES DU DISPOSITIF LIÉES À SON INSTABILITÉ ET AU FINANCEMENT DU « RESTE À CHARGE »

1. Un programme souvent modifié et souffrant d'un manque de ressources stables

L'une des principales difficultés du programme « Habiter mieux » est certainement son instabilité , du point de vue de son enveloppe financière mais aussi des changements fréquents des règles applicables pour l'attribution des aides .

Si le montant prévu initialement pour le FART était de 500 millions d'euros, la Cour des comptes indique qu'il a connu pas moins de dix révisions, tantôt à la baisse et tantôt à la hausse pour atteindre 695 millions d'euros à la fin 2016. La cible elle-même, fixée à 300 000 logements entre 2010 et 2017 au lancement du programme, a été portée par la suite à 500 000 logements par an à l'horizon 2017, dont 380 000 dans le parc privé.

Cette instabilité financière s'est accompagnée de fréquentes modifications des modalités d'attributions qui n'ont pas contribué à la lisibilité du programme par les bénéficiaires potentiels. La convention État-Anah du 14 juillet 2010 a connu un avenant en 2013 et deux en 2015, sans compter les évolutions du règlement général de l'Anah.

Outre une évolution en 2013 des définitions des catégories « modeste » et « très modeste » permettant aux propriétaires occupants de bénéficier des aides, le plafond d'aide aux propriétaires occupants « très modestes » a lui-même évolué plusieurs fois : plafonné à l'origine à 1 600 euros par personne, il a atteint 3 500 euros pour redescendre à 2 000 euros en 2016.

Or il est indispensable que le régime applicable soit suffisamment stable et lisible pour que les ménages cibles se sentent suffisamment en confiance pour présenter des dossiers et que ne se créent pas des « trous d'air » au cours de la mise en oeuvre du programme.

Votre rapporteur note que, lors de la table ronde, le représentant de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) a indiqué que cette stabilité serait assurée par la définition du programme sur la durée du quinquennat et par le financement de l'Anah dans le cadre du grand plan d'investissements.

Il rappelle toutefois que, par le passé, l'enveloppe allouée au programme « Habiter mieux » s'est avérée mouvante et largement insuffisante, conduisant à d'importants retards et même au blocage de nombreux dossiers, en particulier fin 2014. Ainsi, au-delà de l'aide de solidarité écologique financée jusqu'à présent par le PIA, le budget de l'Anah connait toujours de fortes incertitudes, compte tenu essentiellement des aléas financiers dus aux cessions de quotas carbone. Si le grand plan d'investissements (GPI), compensant l'arrivée à son terme du programme d'investissements d'avenir, a prévu d'attribuer des crédits au programme « Habiter mieux » à hauteur de 1,2 milliard d'euros sur le quinquennat, seuls 110 millions d'euros sont prévus pour 2018 4 ( * ) .

2. La difficulté du financement du reste à charge

L'aide allouée par l'Anah doit également s'inscrire dans un véritable plan de financement afin que les propriétaires soient en mesure de couvrir l'ensemble de la dépense engendrée par les travaux . Ainsi, les dossiers mis en avant par la Cour des comptes font état d'une couverture de 50 %, parfois même supérieure, par les aides de l'Anah. Par ailleurs, pour les ménages ciblés par le dispositif, les collectivités territoriales continuent pour beaucoup de servir des aides complémentaires.

À ce sujet, la loi de finances initiale pour 2018 a supprimé les aides personnelles au logement « accession », à de rares exceptions près. La commission des finances a regretté ce choix fait par le Gouvernement de remettre en cause l'un des seuls dispositifs directement tournés vers l'accession sociale à la propriété. Or ces aides permettaient également d'aider les propriétaires occupants à financer leur « reste à charge » pour réaliser ce type de travaux.

La directrice générale de l'Anah a indiqué à ce sujet d'une part qu'une convention devait être établie entre l'État et le réseau Procivis 5 ( * ) afin de proposer aux ménages les plus modestes des prêts étalant la dette sur plusieurs années, d'autre part que l'éco-prêt « Habiter mieux », quant à lui, devrait être financé par le fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE).

3. Les retards de la mise en place de l'éco-prêt « Habiter mieux »

Votre rapporteur rappelle enfin, au sujet de l' éco-prêt « Habiter mieux » , comme l'a fait lors de la table ronde Mme Dominique Estrosi-Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les crédits consacrés au logement, que la mise en place de cet éco-prêt était prévue par la loi de finances pour 2016.

Si le dispositif a été rendu juridiquement opérationnel par la prise des mesures réglementaires prévues, la garantie des prêts concernés nécessitait la mise en place du fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE) créé par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui a tardé à être mise en place. Ce n'est que le 17 avril 2018 qu'un arrêté a prévu la validation du FGRE dans le cadre du dispositif des certificats d'économie d'énergie.

Il n'est pas normal que ce dispositif connaisse un tel retard . L'éco-prêt à taux zéro permet en effet à des ménages modestes ou très modestes de financer à taux nul le « reste à charge » permettant l'amélioration de la performance énergétique de leur logement, en complément des aides obtenues par ailleurs.


* 4 Voir le document « Grand Plan d'investissement » , annexé au projet de loi de finances pour 2018, p. 19.

* 5 Le réseau Procivis regroupe une cinquantaine de sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif (SCIC) pour l'accession à la propriété, émanant des collectivités territoriales et des organismes HLM, qui participent à la mise en oeuvre des politiques publiques de financement des ménages à revenus modestes pour l'accession à la propriété.

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