B. LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE ET NATIONALE EN MATIÈRE DE POLLUTION DE L'AIR

1. Des objectifs de réduction de la pollution atmosphérique fixés par l'Union Européenne

Afin d'améliorer la qualité de l'air dans l'Union européenne, le droit européen fixe des objectifs à la fois en termes de concentrations et d'émissions de polluants atmosphériques .

Deux directives déterminent des objectifs de réduction des concentrations de polluants atmosphériques :

- la directive n° 2004/107/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2004 concernant l'arsenic, le cadmium, le mercure, le nickel et les hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'air ambiant ;

- la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe, qui règlemente les concentrations de dioxyde de soufre (SO 2 ), de dioxyde d'azote (NO 2 ), de benzène, de monoxyde de carbone (CO), de plomb, d'ozone (O 3 ), et de particules fines PM 10 et PM 2,5.

Ces directives définissent des obligations en matière de surveillance de la présence de ces polluants dans l'air ambiant et d'information du public .

La directive 2008/50/CE définit les valeurs limites de polluants que les États membres doivent veiller à ne pas dépasser 16 ( * ) , ainsi que les valeurs cibles qu'ils doivent s'efforcer de respecter. Lorsque, dans une zone ou une agglomération donnée, les niveaux de polluants dans l'air dépassent les valeurs limites ou cibles, la directive oblige les États membres à établir des plans relatifs à la qualité de l'air permettant d'atteindre ces valeurs 17 ( * ) .

Valeurs limites de polluants atmosphériques fixées par la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe

(en microgrammes par mètre cube d'air - ug/m 3 )

Période de calcul de la moyenne

Valeur limite

Marge de dépassement

Date à laquelle la valeur limite doit être respectée

SO 2

Une heure

350 ug/m 3 , à ne pas dépasser plus de 24 fois par année civile

125 ug/m 3 , à ne pas dépasser plus de 3 fois par année civile

1 er janvier 2005

Un jour

125 ug/m 3 , à ne pas dépasser plus de 3 fois par année civile

Néant

NO 2

Une heure

200 ug/m 3 , à ne pas dépasser plus de 18 fois par année civile

50 % le 19 juillet 1999, diminuant le 1 er janvier 2001, puis tous les douze mois par tranches annuelles égales, pour atteindre 0 % au 1 er janvier 2010

1 er janvier 2010

Une année

40 ug/m 3

50 % le 19 juillet 1999, diminuant le 1 er janvier 2001 puis tous les douze mois par tranches annuelles égales, pour atteindre 0 % au 1 er janvier 2010

Benzène

Une année

5 ug/m 3

5 ug/m 3 (100 %) le 13 décembre 2000, diminuant le 1 er janvier 2006 puis tous les douze mois de 1 ug/m 3 , pour atteindre 0 % au 1 er janvier 2010

1 er janvier 2010

CO

Maximum journalier de la moyenne sur 8 heures

10 mg/m 3

60 %

1 er janvier 2005

Plomb

Une année

0,5 ug/m 3

100 %

1 er janvier 2005

PM 10

Un jour

50 ug/m 3 , à ne pas dépasser plus de 35 fois par année civile

50 %

1 er janvier 2005

Une année

40 ug/m 3

20 %

PM 2,5

Une année

25 ug/m 3

20 % le 11 juin 2008, diminuant le 1 er janvier suivant puis tous les douze mois par tranches annuelles égales, pour atteindre 0 % au 1 er janvier 2015

1 er janvier 2015

20 ug/m 3

1 er janvier 2020

Source : annexes XI et XIV de la directive 2008/50/CE

Ces valeurs limites sont, pour la plupart, au-dessus des valeurs guides préconisées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans ses lignes directrices concernant la qualité de l'air 18 ( * ) permettant de réduire fortement les risques sanitaires de la pollution de l'air.

Valeurs guide de l'OMS pour les principaux polluants atmosphériques

Durée d'exposition

Valeur guide

SO 2

Un jour

20 ug/m 3

Une année

50 ug/m 3

NO 2

Une heure

200 ug/m 3

Une année

40 ug/m 3

O 3

Huit heures

100 ug/m 3

PM 10

Un jour

50 ug/m 3

Une année

20 ug/m 3

PM 2,5

Un jour

25 ug/m 3

Une année

10 ug/m 3

Source : Lignes directrices de l'OMS relatives à la qualité de l'air, 2005

Par ailleurs, cette directive fixe des seuils d'information et des seuils d'alerte de concentrations de polluants . Lorsqu'il existe un risque que ces seuils soient dépassés dans une zone ou une agglomération donnée, les États membres doivent mettre en place des plans d'action de court terme afin de réduire les polluants 19 ( * ) .

S'agissant des émissions de polluants atmosphériques , la directive 2001/81/CE fixant les plafonds d'émissions nationaux (dite directive « NEC ») prévoit pour la période 2010-2015, pour chaque État membre, des plafonds s'agissant des émissions anthropiques de quatre polluants : le dioxyde de soufre (SO 2 ), les oxydes d'azote (NO X ), les composés organiques volatiles non méthaniques (COVNM), l'ammoniac (NH 3 ).

Une nouvelle directive « NEC » a été adoptée en 2016 20 ( * ) , qui prolonge les plafonds actuels jusqu'en 2019 et fixe de nouveaux plafonds d'émissions nationaux plus contraignants pour 2020 et 2030, avec un objectif intermédiaire en 2025, en incluant dans la réglementation les particules fines PM 2,5 21 ( * ) .

Cette directive impose également aux États membres d'adopter et de mettre en oeuvre des programmes nationaux de lutte contre la pollution de l'air 22 ( * ) définissant des priorités d'actions ainsi que les options envisagées pour respecter les engagements de réduction des émissions fixés par la directive.

Engagements de réduction des émissions de polluants atmosphériques fixés pour la France par les directives « NEC »

(en kilotonnes et en pourcentages)

Émissions en 2005

Objectifs en 2010 prévus par la directive « NEC » de 2001

Émissions en 2010

Objectifs en 2020 par rapport à 2005 prévus par la directive « NEC » de 2016

Objectifs en 2030 par rapport à 2005 prévus par la directive « NEC » de 2016

SO 2

465

375

286

- 55 %

- 77 %

NO X

1 429

810

1 087

- 50 %

- 69 %

COVNM

1 189

1 050

813

- 43 %

- 52 %

NH 3

686

780

700

- 4 %

- 13 %

PM 2,5

255

-

216

- 27 %

- 57 %

Source : Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique et annexe II de la directive 2016/2284

2. ... qui ont été transposés en droit national...

La directive 2008/50/CE a été transposée en droit interne par la loi n° 2008-757 du 1 er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement.

Conformément au droit européen, l'article L. 221-1 du code de l'environnement prévoit que « l'État assure, avec le concours des collectivités territoriales la surveillance de la qualité de l'air et de ses effets sur la santé et sur l'environnement. (...) Des normes de qualité de l'air définies par décret en Conseil d'État sont fixées , après avis de l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, en conformité avec celles définies par l'Union européenne et, le cas échéant, par l'Organisation mondiale de la santé . (...) Un objectif pluriannuel de diminution de la moyenne annuelle des concentrations journalières de particules atmosphériques est fixé par arrêté (...) ». Les valeurs limites et les seuils d'alertes pour les différents polluants visés par la directive ont été fixés par le décret du 21 octobre 2010 23 ( * ) .

En outre, conformément aux dispositions de la directive 2016/2284 « NEC » sur les plafonds d'émissions nationaux, l'article L. 222-9 prévoit que « des objectifs nationaux de réduction des émissions de polluants atmosphériques anthropiques , à l'exclusion des émissions de méthane entérique naturellement produites par l'élevage de ruminants, sont fixés par décret pour les périodes allant de 2020 à 2024, de 2025 à 2029 et à partir de 2030 ». Ces objectifs ont été fixés par le décret du 10 mai 2017 24 ( * ) .

3. ... et pris en compte dans plusieurs documents de planification nationaux et territoriaux

Afin de respecter les normes européennes et nationales en matière de qualité de l'air, le code de l'environnement prévoit l'élaboration et la mise en oeuvre de plusieurs plans et documents , aux niveaux national et territorial, définissant des objectifs, des orientations ou des actions afin de réduire la pollution de l'air.

Ces plans, élaborés tant par l'État et ses services (plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, plans de protection de l'atmosphère), que par les collectivités territoriales compétentes en matière d'air et d'énergie (schémas régionaux climat-air-énergie, plans climat-air-énergie territoriaux), forment un ensemble dense et complexe , dont la mise en cohérence n'est pas toujours assurée.

Planification en matière de qualité de l'air

Source : « PCAET, comprendre, construire et mettre en oeuvre », ADEME, décembre 2016.

a) Le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA)

Au niveau national, le principal document de cadrage pour la lutte contre la pollution de l'air est le plan de prévention des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) , prévu à l'article L. 222-9 du code de l'environnement depuis la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte 25 ( * ) .

Adopté en 2017, le PREPA est constitué d'un décret fixant les objectifs de réduction des émissions anthropiques de polluants pour les périodes 2020-2024, 2025-2029 et à partir de 2030 26 ( * ) , en cohérence avec les objectifs nationaux fixés dans la directive européenne « NEC » précitée, et d'un arrêté déterminant les actions à mettre en oeuvre ou à renforcer sur la période 2017-2021, afin de réduire effectivement ces émissions 27 ( * ) .

Objectifs de réduction des émissions fixés par le PREPA

Source : décret n° 2017-949 du 10 mai 2017

Le programme d'actions du PREPA comprend 7 volets , dédiés aux principaux secteurs émetteurs ainsi qu'à certains thèmes transversaux : « industrie », « transports et mobilité », « résidentiel-tertiaire », « agriculture », « mobilisation des acteurs locaux », « amélioration des connaissances et innovation », « pérennisation des financements en faveur de la qualité de l'air ». Chacun de ces volets est décliné en plusieurs axes, liés à différentes actions 28 ( * ) .

Le PREPA doit être réévalué tous les quatre ans et être mis à jour dans les 18 mois lorsque l'inventaire national des émissions ou les projections nationales des émissions indiquent que les objectifs ne sont pas atteints ou suggèrent qu'ils risquent de ne pas l'être.

b) Les plans de protection de l'atmosphère (PPA)

Prévus aux articles L. 222-4 à L. 222-7 du code de l'environnement, les plans de protection de l'atmosphère (PPA) constituent le principal instrument mis en oeuvre par l'État au niveau local pour lutter contre la pollution de l'air.

Un PPA doit être élaboré dans toutes les agglomérations de plus de 250 000 habitants, ainsi que dans les zones où , dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat, les normes de qualité de l'air ou, le cas échéant, les normes spécifiques mises en place par les préfets de région, ne sont pas respectées ou risquent de ne pas l'être . Il est arrêté par le préfet, après concertation avec les collectivités territoriales et les différentes parties prenantes.

Zones couvertes par un plan de protection de l'atmosphère

Source : Ministère de la transition écologique et solidaire, 2017

Le PPA a pour objet, dans un délai qu'il fixe, de ramener à l'intérieur de la zone la concentration en polluants dans l'atmosphère à un niveau conforme aux normes concernées . Pour atteindre les objectifs définis par le PPA, les autorités compétentes en matière de police arrêtent les mesures préventives, d'application temporaire ou permanente, destinées à réduire les émissions des sources de pollution atmosphérique.

En application de l'article L. 222-4 du code de l'environnement, les PPA doivent être compatibles avec les orientations des schémas régionaux climat-air-énergie .

c) Les schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE)

Les schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) sont élaborés conjointement par le préfet de région et par le président du conseil régional, et sont arrêtés par le préfet, au terme d'un processus de consultation engagé avec les collectivités et leurs groupements 29 ( * ) .

Ce schéma fixe notamment, à l'échelon du territoire régional et à l'horizon 2020 et 2050, les orientations permettant de prévenir ou de réduire la pollution atmosphérique ou d'en atténuer les effets , pour atteindre les normes de qualité de l'air et l'objectif pluriannuel de diminution de la moyenne annuelle des concentrations journalières de particules atmosphériques. À ce titre, il peut définir des normes de qualité de l'air propres à certaines zones.

Le contenu des SRCAE sera intégré aux schémas régionaux d'aménagement, de développement et d'égalité des territoires (SRADDET) , qui doivent être élaborés d'ici fin juillet 2019. En application de l'article L. 222-9 du code de l'environnement, les SRCAE/SRADDET doivent prendre en compte les objectifs nationaux et les actions du PREPA .

d) Les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET)

L'élaboration de plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) a été généralisée par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) 30 ( * ) , qui a étendu leur périmètre à la pollution de l'air, lorsque tout ou partie du territoire qui fait l'objet d'un PCAET est également couvert par un PPA.

L'article L. 229-26 du code de l'environnement prévoit que le PCAET doit alors comprendre un programme d'actions permettant , au regard des normes de qualité de l'air, de prévenir ou de réduire les émissions de polluants atmosphériques.

Les PCAET doivent être compatibles avec le SRCAE/SRADDET et avec les objectifs du PPA . Ils doivent être mis à jour tous les six ans.

À ces documents dédiés en tout ou partie à la qualité de l'air, s'ajoute un ensemble de documents sectoriels qui doivent s'articuler en cohérence , tels que le schéma de cohérence territoriale (SCoT), le plan local d'urbanisme (PLU), le plan de déplacements urbains (PDU) et le programme local de l'habitat (PLH). En effet, la pollution atmosphérique est un phénomène multifactoriel , dont la résorption appelle une démarche intégrée et cohérente.

À titre d'exemple, l'Eurométropole de Strasbourg oeuvre depuis plusieurs années à une prise en compte systématique de ces enjeux dans l'ensemble de ses compétences , en s'appuyant sur une gouvernance interservices. Ce « réflexe qualité de l'air » permet notamment de lutter contre la pollution de proximité, particulièrement problématique pour la population vivant ou travaillant près des sources d'émissions de pollution. Or, cette exposition dépend directement de choix d'aménagement et de décisions d'urbanisme 31 ( * ) .

La bonne articulation de ces différents documents , servant de cadre aux mesures prises par les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de leurs compétences, est indispensable pour apporter une réponse transversale et durable à la pollution atmosphérique.


* 16 Article 12 et 13 et annexes XI et XIV de la directive.

* 17 Article 23 de la directive.

* 18 OMS, Lignes directrices relatives à la qualité de l'air, mise à jour de 2005.

* 19 Article 24 et annexe XII de la directive. Ces plans à court terme peuvent comprendre « des mesures ayant trait à la circulation des véhicules à moteurs, aux travaux de construction, aux navires à quai et au fonctionnement d'installations industrielles ou à l'utilisation de produits industriels et au chauffage domestique ».

* 20 Directive 2016/2284 du Parlement et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques, modifiant la directive 2003/35/CE et abrogeant la directive 2001/81/CE.

* 21 En revanche, le méthane (CH4), que la Commission européenne proposait initialement de réglementer, ne fait pas l'objet d'un plafond d'émissions.

* 22 Article 6 de la directive.

* 23 Décret n° 2010-1250 du 21 octobre 2010 relatif à la qualité de l'air.

* 24 Décret n° 2017-949 du 10 mai 2017 fixant les objectifs nationaux de réduction des émissions de certains polluants atmosphériques en application de l'article L. 222-9 du code de l'environnement.

* 25 Les dispositions relatives au PREPA ont été modifiées par la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, pour les mettre en conformité avec la directive 2016/2284 du 14 décembre 2016, au regard des périodes visées pour les objectifs de réduction des émissions, de la fréquence des réévaluations du PREPA, et de sa mise à jour en cas d'écart par rapport aux objectifs.

* 26 Décret n° 2017-949 du 10 mai 2017 fixant les objectifs nationaux de réduction des émissions de certains polluants atmosphériques en application de l'article L. 222-9 du code de l'environnement.

* 27 Arrêté du 10 mai 2017 établissant le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques.

* 28 À titre d'exemple, le volet « transports et mobilité » comprend un axe « Encourager les mobilités actives et les transports partagés », prévoyant notamment une mesure visant à inciter à l'utilisation du vélo, par le déploiement d'une indemnité kilométrique vélo, une aide à l'achat de vélos à assistance électrique et la mise en oeuvre d'un nouveau plan d'action mobilités actives (PAMA).

* 29 Article L. 222-1 du code de l'environnement.

* 30 À l'ensemble des intercommunalités de plus de 20.000 habitants d'ici au 1er janvier 2019, et dès le 1 er janvier 2017 pour les intercommunalités de plus de 50.000 habitants.

* 31 Lors des auditions, a été évoqué le cas des établissements recevant des publics sensibles, tels les crèches, écoles, hôpitaux ou établissements pour personnes âgées. Lorsqu'un tel établissement ne peut pas être localisé ailleurs, l'aménagement à proximité du trafic routier peut alors être conçu pour faire écran entre l'axe de transport et l'établissement concerné, grâce à des installations ou à une architecture adaptées.

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