B. LES AUTRES CRYPTOMONNAIES

1. Plus de 1 600 cryptomonnaies distinctes en juin 2018

Toutes les blockchains des cryptomonnaies sont plus ou moins des avatars de celle du bitcoin , comme l'explique Stéphane Loignon. Selon ce dernier, elles en reprennent « les grands principes mais changent tel ou tel aspect, pour compenser ce que leurs créateurs estiment être un défaut de leur ancêtre. Pour accélérer l'enregistrement des transactions et diminuer la consommation d'énergie du réseau, certaines modifient leur mécanisme de consensus. Pour élargir les usages possibles, d'autres, comme Ethereum, adaptent le langage informatique pour rendre possible l'inscription de programmes élaborés ( smart contracts ). Pour garantir plus de confidentialité à leurs clients, quelques-unes (comme celles sur lesquelles les banques travaillent par exemple) renoncent au caractère public de la blockchain et optent pour un réseau fermé : on les appelle alors des blockchains privées (ou de consortium). Enfin, pour gérer les éventuelles erreurs et éviter qu'elles soient fixées pour de bon dans la chaîne de blocs, l'entreprise Accenture a même poussé l'inventivité jusqu'à concevoir ce qui pour beaucoup apparaît comme une contradiction dans les termes : une blockchain révisable, qu'une autorité centrale a la possibilité d'amender après coup ».

Le site coinmarketcap.com , dont est issu le tableau ci-après, recense à ce jour plus de 1 600 cryptomonnaies distinctes , plus d'une dizaine faisant leur apparition chaque semaine.

Classement des principales cryptomonnaies en termes de capitalisation au 8 juin 2018

Source : coinmarketcap.com

À ce dynamisme notable s'ajoute la grande volatilité des cours et des positions relatives , en-dehors du bitcoin qui conserve la première place en termes de capitalisation totale (en baisse toutefois : elle est passée de 95 % en 2013 à moins de 40 % aujourd'hui). L'ether fortifie quant à lui peu à peu sa deuxième position. La position dominante du bitcoin a failli être contestée par l'ether à l'été 2017, mais elle s'est confirmée ensuite.

Il est essentiel de ne pas s'arrêter à ce simple classement , non seulement en raison de sa forte variabilité, mais aussi tant certains actifs qu'il compare sont de natures distinctes.

Toutefois, le code source des blockchains Bitcoin ou Ethereum étant librement accessible, certaines de ces cryptomonnaies n'en sont à l'inverse que des dérivés plus ou moins proches ou plus ou moins éloignées. Pour Ricardo Perez-Marco, directeur de recherche au CNRS, comme pour Pierre Porthaux, entrepreneur, la grande majorité des cryptomonnaies actuelles sont vouées à disparaître rapidement.

La composition du marché des cryptomonnaies depuis 2013

Source : coinmarketcap.com

2. Quelques exemples

Ripple fait partie des cryptomonnaies sensiblement différentes de Bitcoin et d'Ethereum. Elle utilise en effet un réseau partiellement centralisé afin de permettre des transactions financières très rapides. Sa forte capitalisation serait directement liée à son activité auprès de grands organismes bancaires, qui relève d'une blockchain de consortium. Beaucoup d'observateurs refusent ainsi de considérer Ripple comme une véritable blockchain , « c'est la monnaie la plus détestée de tout l'écosystème », selon Jean Zundel.

Stellar est un réseau destiné à échanger des monnaies classiques entre elles, ou avec d'autres cryptomonnaies, par le biais d'une monnaie appelée lumen. Elle est très proche de Ripple, dont elle partage les mêmes fondateurs et a besoin d'institutions existantes, qu'elle appelle « ancres » ( anchors ) afin de garantir les dépôts et les retraits dans une devise spécifique. Cela fait de Stellar, à l'instar de Ripple, un système très éloigné de l'idéal originel des premières blockchains publiques.

Avec l'augmentation des transactions en bitcoins, le projet initial, Bitcoin Core, a fait l'objet de nombreuses critiques. Un certain nombre de développeurs souhaitaient faciliter sa montée en puissance en élargissant la taille des blocs afin d'y faire transiter un plus grand nombre de transactions. Ils proposèrent à l'adoption du réseau une version modifiée du code source du bitcoin le 1 er août 2017. Celle-ci fut loin de faire l'unanimité, mais certains noeuds l'adoptèrent quand même. Cette « hard fork » fut à l'origine de Bitcoin Cash , une nouvelle cryptomonnaie partageant le même historique que Bitcoin Core, mais au fonctionnement désormais totalement indépendant. De la même manière apparut Bitcoin Gold en octobre 2017, suite à l'échec de l'adoption d'une autre modification du code.

D'autres cryptomonnaies empruntent au code source du bitcoin sans toutefois chercher à convaincre l'ensemble du réseau de l'adopter avec eux. Ce fut le cas de Litecoin , qui permet une création de blocs plus rapide et qui se donnait pour but d'utiliser du matériel informatique standard pour le minage, permettant à chacun d'y participer (cet objectif n'a pu être atteint). Cette blockchain a elle-même connu son propre fork le 18 février 2018 avec l'adoption de Litecoin Cash . DASH , créé en 2012, est un autre dérivé du code source du bitcoin, initialement appelé darkcoin, qui permet notamment des transactions immédiates ( InstantSend ) ou anonymes ( PrivateSend ).

D'autres monnaies sont des dérivés d'Ethereum, comme Ethereum Classic , créée par les noeuds ayant refusé la hard fork TheDAO. On trouve aussi EOS , créée par d'anciens développeurs de la blockchain de l'éther, qui vise à concurrencer le premier dans le domaine des smart contracts , c'est-à-dire des programmes automatisés sur la blockchain .

Cardano est une autre solution proche d'Ethereum, mais qui se distingue de la plupart des autres cryptomonnaies par son développement par le groupe IOHK, composé d'universitaires. La documentation de Cardano est publique et a fait l'objet d'articles publiés dans des revues à comité de lecture. Son algorithme de consensus, dénommé Ourobouros, est prouvé mathématiquement et fonctionne avec la preuve d'enjeu.

Zcash , dont le protocole est appelé zerocash , et Monero , sont deux monnaies dont l'objectif est de garantir la confidentialité des transactions grâce à des méthodes cryptographiques complexes. Leur fonctionnement sera évoqué dans la deuxième partie de ce rapport, en lien avec les problématiques de protection des données personnelles.

Enfin, d'autres cryptomonnaies sont à observer avec une particulière circonspection, comme Tron , dont plusieurs parties du livre blanc originel sont simplement des plagiats de plusieurs autres projets, ou Tether , une escroquerie très probable créée par les propriétaires d'une grande plateforme d'échange de bitcoins.

Le projet Iota veut utiliser un protocole sensiblement différent des blockchains classiques, mais n'échappe pas lui aussi à une très sévère critique de la plupart des experts.

Ledger n'est pas une cryptomonnaie mais une société française qui mérite d'être mentionnée car elle commercialise des portefeuilles de cryptomonnaies sécurisés ou wallets , sous une forme physique ( hardware ) ou dématérialisée. Son potentiel est de premier ordre et elle serait, pour certains journalistes, une future « licorne » 30 ( * ) .

Le projet français Neurochain est lui aussi sensiblement différent des blockchains originelles en faisant appel à l'intelligence artificielle et, en particulier, à l'apprentissage automatique ( machine learning ). Les noeuds du réseau y supportent des « bots », c'est-à-dire des systèmes communiquant entre eux pour former une intelligence artificielle collective capable de valider des blocs de manière sécurisée, décentralisée et transparente, sans recours à la preuve de travail 31 ( * ) .


* 30 L'expression inventée par Aileen Lee en 2013 renvoie à une start-up valorisée ou potentiellement valorisée plus d'un milliard de dollars, cf. http://fortune.com/2015/01/22/the-age-of-unicorns/

* 31 La note de présentation technologique (« white paper ») du projet permet d'en savoir plus, cf. https://developers.neurochaintech.io/documentation/technical-white-paper/

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