VI. LA DISTINCTION ENTRE BLOCKCHAINS OUVERTES OU PUBLIQUES ET BLOCKCHAINS FERMÉES OU PRIVÉES

A. ÉVITER UNE CONFUSION FRÉQUENTE

La distinction blockchain s publiques/ blockchain s privées ne repose pas sur une distinction entre blockchain s de personnes publiques (États, collectivités...) et blockchain s de personnes privées (entreprises, ONG...), mais sur le caractère ouvert ou fermé de la blockchain , les protocoles de chaînes de blocs pouvant être distingués selon qu'ils sont ouverts à l'écriture et à la lecture sans restriction ou que l'une ou l'autre de ces opérations est soumise à l'acceptation d'un tiers. Cette distinction peut aussi résulter de l'utilisation ou non d'une cryptomonnaie comme méthode d'incitation. On parlera alors de blockchain s ouvertes ( permissionless ) ou fermées ( permissioned ) ou encore de blockchains publiques ou privées.

Les protocoles de blockchain s sans restriction d'accès sont les plus connus . Ils soutiennent le bitcoin ou l'ether. Comme il a été vu, n'importe qui peut en devenir un noeud, et ces protocoles nécessitent une méthode de consensus.

B. LES BLOCKCHAINS PRIVÉES SONT-ELLES DE « VRAIES » BLOCKCHAINS ?

Il existe aussi un grand nombre de protocoles à restriction d'accès , pour certains particulièrement aboutis et déjà opérationnels. Parmi ces derniers, les blockchains « de consortium » résultent du regroupement de plusieurs organisations indépendantes, voire concurrentes, utilisant la blockchain pour archiver dans un registre décentralisé des transactions sécurisées, ou échanger des actes certifiés, sans avoir à faire intervenir un tiers de confiance. D'autres protocoles sont utilisés au sein d'une même organisation, pour simplifier et automatiser des échanges et des certifications.

Dans une blockchain privée, une autorité régulatrice valide l'introduction de nouveaux membres, et accorde les droits en écriture et en lecture. Cette autorité peut être seule aux commandes ou gouvernée collégialement par les différents participants. À la différence d'une blockchain publique , les blockchains privées peuvent exiger une majorité renforcée. De même, il suffit de trois participants pour faire fonctionner une blockchain privée, tandis que les blockchains publiques doivent en compter plusieurs milliers pour se développer.

Différents types de registres selon leur caractère
centralisé ou distribué et leur caractère ouvert ou fermé

Source : OPECST d'après le chapitre « Cryptocurrencies : looking beyond the hype » du rapport annuel 2018 de la Banque des règlements internationaux, et la note de la Banque mondiale « Distributed ledger technology and blockchain » par H.Natarajan, S.Krause and H.Gradstein, 2017

Deux projets majeurs de blockchains privées méritent d'être évoqués. Le premier, Hyperledger , a été lancé il y a deux ans par la fondation Linux, et réunit aujourd'hui plus de 85 membres, dont Accenture, Airbus, Fujitsu, JP Morgan, Intel ou encore IBM. Le second est le consortium interbancaire R 3 , qui se veut un registre distribué pour les services financiers. Il compte en son sein, entre autres, les établissements suivants : Barclays, BBVA, Commonwealth Bank of Australia, Credit Suisse, Goldman Sachs, J. P. Morgan, Royal Bank of Scotland, State Street, UBS...

Exemples de blockchains selon leur caractère ouvert ou fermé

Source : Présentation de Simon Polrot

Il est possible de rapprocher les blockchains publiques d'internet et les blockchains privées d'intranets, dans la mesure où ces deux catégories sont différentes dans leurs modalités de fonctionnement tout en présentant certaines similitudes.

Un débat existe pour qualifier les blockchains privées de « vraies » ou de « fausses » blockchains , sachant que créer un produit recourant à ces technologies est aussi un enjeu de marketing . Le recours de certaines applications aux blockchains ne semble pas toujours justifié, les fonctionnalités offertes par les bases de données partagées et sécurisées existantes apparaissant en effet suffisantes à leur réalisation.

Un regard plus distancié paraît nécessaire, en raison des effets de mode propres aux écosystèmes entrepreneuriaux . Ces effets de mode, visibles dans le recours à certains concepts, tels que les technologies disruptives, l'intelligence artificielle, le s données massives ( big data ), le cloud , l'internet des objets (IoT pour internet of things ) ou, encore, la blockchain, sont parfois le reflet de stratégies marketing séduisantes, mais sans toujours s'accompagner d'innovations aussi majeures que celles annoncées.

Pour certains observateurs, l'effet de mode autour de la blockchain serait aujourd'hui à un sommet et l'on serait donc proche d'une sortie de cette position extrême.

L'effet de mode autour de la blockchain

Source : OPECST d'après Gartner.com 32 ( * ) .

La question de savoir comment les différentes blockchains pourront s'intégrer et/ou devenir interopérables n'est pas encore tranchée. Une étude du réseau interbancaire European Financial Management Association (EFMA) et du cabinet Deloitte assure que pour 53 % des institutions financières interrogées, c'est la « blockchain privée détenue par un consortium » qui permettra l'adoption à grande échelle de cette technologie (seuls 11 % misent sur la blockchain publique) 33 ( * ) . Pour certains, comme Quentin de Beauchesne, « les blockchains privées n'ont pas vraiment d'avenir (...) l'avenir appartient aux plateformes privées bâties au-dessus de blockchains publiques, des « sur-couches », comme ce que nous proposons chez Ledgys ».


* 32 Cf. https://www.gartner.com/newsroom/id/3412017

* 33 Cf. Deloitte, EFMA, « Out of the Blocks» , 2016.

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