LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

« LA FORMATION PERMANENTE ET LA RECONVERSION »
TABLE RONDE DU 29 MARS 2018

• Association des maires de France (AMF )

Édith GUEUGNEAU, Maire de Bourbon-Lancy

Geneviève CERF-CASAU, Responsable du service Administration et Gestion communale

Judith MWENDO, Conseillère technique

• Association des maires ruraux de France (AMRF )

Éric KREZEL, Maire de Ceffonds

Frédéric CAGNATO, Chargé de mission

• Association des petites villes de France (APVF )

Philippe BLUTEAU, Avocat au Barreau de Paris et Conseiller juridique de l'APVF

Atté OKSANEN, Chargé des relations avec le Parlement

• Assemblée des départements de France (ADF )

Nathalie ALAZARD, Responsable du service juridique

Marylène JOUVIEN, Chargée des relations avec le Parlement

• Direction générale des collectivités locales (DGCL )

Cécile RAQUIN, Directrice, Adjointe au directeur général des collectivités locales,

Ève PÉRENNEC-SEGARRA, Adjointe au sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale

Julien MOREAU, Conseiller juridique

• Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT )

François DELUGA, Président

David REY, Conseiller du Président

• Caisse des dépôts et consignations (CDC )

Marie-José CHAZELLES, Directrice des Solidarités et autres fonds

Marion LESGUILLIER, Responsable du service fonds à faible volumétrie

Aurélia BRUNON, Chargée de relations institutionnelles

COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE
« LA FORMATION PERMANENTE ET LA PRÉPARATION DE LA RECONVERSION DES ÉLUS LOCAUX » (29 MARS 2018)

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation, co-président du groupe de travail . - Nous avons engagé un travail à la demande du Président du Sénat, et en lien avec l'ensemble des groupes politiques représentés dans notre assemblée. Ainsi, notre démarche se veut transversale, sur un plan politique tout d'abord, mais également à travers les représentants des commissions permanentes du Sénat qui pourraient être concernées par notre réflexion.

Nous sommes également en lien avec la démarche de la Conférence nationale des territoires (CNT), initiée par le Premier ministre. En effet, nous préparons régulièrement les instances de dialogue avec le Président du Sénat. Celui-ci, lors de la première conférence, en présence du Président de la République, avait annoncé qu'il souhaitait qu'une délégation joue le rôle d'interface avec les associations d'élus à propos des sujets sensibles, dont la question du statut de l'élu local.

Les rapporteurs se sont répartis à travers plusieurs groupes de travail thématiques. L'objectif est de construire une proposition la plus cohérente possible pour le printemps.

La deuxième table ronde thématique est donc consacrée à la formation et à la reconversion des élus locaux, sujet qui était apparu dans le questionnaire adressé aux associations d'élus. Nous avons obtenu 17 000 réponses, essentiellement au niveau municipal et intercommunal (4 200 maires ont répondu). Le président Larcher s'y est référé à plusieurs reprises.

Nos travaux ont été initiés lors d'une première table ronde inaugurale, en présence de Jacqueline Gourault, qui a jadis présidé cette délégation.

Je suis heureux d'accueillir les représentants des associations d'élus locaux, mobilisés autour de ce sujet sensible. Nous savons à quel point ces sujets sont complexes, dans un contexte de crise des vocations. En effet, nous observons de nombreuses démissions d'élus. Additionné à d'autres problèmes auxquels sont confrontés les élus sur le terrain, notamment dans la ruralité, ce sujet constitue un enjeu majeur.

Je souhaite remercier les associations, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et la Caisse des Dépôts. Nous avons eu le plaisir de recevoir une invitation du nouveau directeur général à l'Hôtel de Pomereu, avec qui nous avons pu échanger. Je remercie aussi la Direction générale des collectivités locales (DGCL), fidèle à nos réunions, qui assure par ailleurs le secrétariat du Conseil national de la formation des élus.

Les intervenants présenteront les difficultés et les pistes d'évolution souhaitables.

M. Mathieu Darnaud, co-président du groupe de travail . - Je vous remercie pour votre présence et votre disponibilité sur ce volet dédié à la formation, un enjeu essentiel soulevé lors de nos premières auditions par plusieurs associations d'élus. Il nous semblait important d'en faire un sujet majeur de ce travail sur le statut de l'élu local.

La reconversion en constitue un des points fondamentaux. Les élus expliquent que nous sommes entrés dans un monde où personne n'envisage qu'un élu local puisse occuper un mandat tout au long de sa vie. Il est ainsi nécessaire de préparer l'élu à sa vie professionnelle d'après mandat, afin que sa reconversion puisse s'opérer correctement.

Les répondants à notre consultation en ligne ont identifié la formation comme étant l'un des cinq chantiers prioritaires afin d'améliorer les conditions d'exercice du mandat local.

Selon vous, le cadre juridique de la formation des élus locaux vous paraît-il satisfaisant, et si non, comment l'améliorer ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur . - Nous pouvons nous inspirer du modèle allemand, qui se situe à l'opposé du nôtre. En effet, les élus allemands voient leurs prérogatives renforcées, alors qu'en France, des contraintes sont ajoutées. Je suis heureux de retrouver ce sujet, sur lequel j'ai déjà réalisé un rapport pour le compte de notre délégation, et je suis attentif aux évolutions mises en oeuvre à propos du droit à la formation des élus locaux.

Je souhaite rappeler les différents enjeux politiques et techniques de la formation des élus locaux. Tout d'abord, elle permet la démocratisation de l'accès aux fonctions politiques, et la correction des inégalités de formation initiale. Ainsi, les mandats ne sont pas seulement exercés par des professionnels de la politique (qui sont le plus souvent des juristes ou des fonctionnaires territoriaux).

Le second objectif de la formation consiste à disposer d'élus compétents. En effet, les prérogatives des collectivités territoriales se sont étendues et complexifiées. Auparavant, l'État pouvait accompagner les élus locaux sur des questions techniques, or ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les élus doivent posséder de plus en plus de compétences techniques.

L'entrée en fonction dans une carrière d'élu local constitue également un enjeu important. La préparation à la reconversion des élus locaux doit être anticipée, car l'après-mandat est devenu une préoccupation majeure, notamment en raison des débats autour de la limitation du cumul de mandats dans le temps. Certains élus locaux se consacrent entièrement à leur mandat, et ceux qui n'ont pas pu organiser la suite peuvent se retrouver dans des situations professionnelles et matérielles difficiles. Ces exemples n'incitent pas de nouveaux candidats à se présenter.

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation, co-président du groupe de travail . - La formation apparaît nécessaire pour le bon exercice du mandat, afin de permettre la compréhension de mécanismes complexes. De plus, elle permet de faciliter la réinsertion professionnelle, car l'occupation d'un mandat électif peut avoir des incidences sur l'emploi. C'est un sujet majeur, car 45 % des répondants à notre questionnaire envisagent de ne plus exercer de fonction politique à la fin de leur mandat. Cependant, des allers-retours entre la sphère professionnelle et politique peuvent être envisagés afin de développer des compétences utiles dans les deux domaines.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure . - Depuis la loi du 3 février 1992, complétée par celle du 27 février 2002, chaque élu a droit au cours de son mandat à 18 jours de formation gratuite, dispensée par un organisme agréé dans un domaine de son choix, en rapport avec l'exercice de son mandat. La loi du 31 mars 2015 a complété les modalités du droit à la formation par un droit individuel à la formation (DIF), d'une durée de 20 heures, sans que cette formation ait nécessairement un lien avec l'exercice du mandat. Elle peut notamment être destinée à l'acquisition de compétences nécessaires à la réinsertion professionnelle. De même, une formation sera obligatoirement organisée au cours de la première année de mandat pour les élus ayant reçu une délégation.

Cependant, la diminution des moyens des collectivités se traduit souvent par une baisse des crédits, déjà peu conséquents, pour la formation des élus. Ne faudrait-il pas réfléchir à une forme de mutualisation des dépenses de formation, afin de permettre à tout élu, quelle que soit la taille de sa collectivité, d'accéder à une formation de qualité ? Le droit à la formation pour tous les élus est inscrit dans le code général des collectivités territoriales, comme le droit d'absence par exemple. Or il peut s'avérer difficile de le respecter pour les élus salariés. En effet, le Code du travail est la seule référence juridique régissant les relations entre un salarié et son employeur. Dès lors, ne faudrait-il pas transposer dans le Code du travail les droits des élus salariés inscrits dans le code général des collectivités territoriales ? À l'occasion de la consultation lancée par notre délégation, nous avons pu observer que près de 55 % des répondants ont bénéficié d'une formation aux fonctions d'élu local. C'est un chiffre très encourageant, mais je souhaite demander à la DGCL, qui assure le secrétariat du Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL), s'il reflète bien la réalité.

Nous remarquons également que ces formations ont été dispensées par des associations d'élus locaux (56 % des répondants) ou par des services des collectivités (19 %). Les répondants jugent la formation aux fonctions d'élu local plutôt satisfaisante, mais près de 90 % d'entre eux estiment qu'il est nécessaire d'adapter ces formations, et 70 % souhaitent les rendre diplômantes. Les intervenants pourront formuler des propositions à ce sujet.

Les cinq domaines où la formation devrait être renforcée sont : la finance et la comptabilité publique (selon 24 % des répondants), le droit de l'urbanisme (20 %), la responsabilité pénale (17 %), le droit des marchés publics (15 %), et le droit de la fonction publique (9 %).

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation, co-président du groupe de travail . - Merci, chère collègue, pour le caractère concret de vos questions. Je vous propose de débuter tout d'abord avec les associations d'élus.

Mme Édith Gueugneau, représentante de l'Association des maires de France (AMF) . - La formation permanente est indispensable, et le droit à la formation des élus locaux est nécessaire, mais sa mise en oeuvre n'est pas encore suffisante. Les élus ne bénéficient pas toujours de formation initiale.

Je souhaite évoquer le forum sur la parité politique qui s'est déroulé lors du Congrès des maires. Lors des précédentes élections municipales, les candidates avaient réclamé des moyens à l'AMF afin de se former en amont sur l'organisation des communes et des intercommunalités. Les hommes en auraient besoin également, mais ils ne les ont pas demandés. Si nous souhaitons que les femmes s'engagent en politique, elles doivent bénéficier de formations.

Nous nous apercevons que le maire ou le président d'intercommunalité n'est pas inclus dans la formation mise en place par la loi du 31 mars 2015, alors qu'ils jouent un rôle majeur en étant managers de leurs équipes. Ils sont confrontés à une multitude de problématiques et doivent donc détenir un certain nombre de connaissances afin de maîtriser leurs fonctions et évaluer les choix proposés par leurs agents administratifs.

Au sujet du DIF, l'AMF propose que les heures acquises puissent être consommées dans les 6 mois suivant l'élection partielle ; les cotisations versées non consommées pourraient être réaffectées au financement du DIF.

Le cadre juridique du statut de l'élu existe, mais il doit être appliqué. Les élus ont la possibilité de recevoir une formation de dix-huit jours ; cependant, ce dispositif est un droit et non une obligation. Par ailleurs, les indemnités des élus ruraux sont critiquées alors que nous essayons de convaincre de leur utilité.

Aujourd'hui, l'obligation de consacrer 2 % des indemnités des élus à la formation n'est pas toujours respectée, car il peut se révéler difficile d'équilibrer son budget.

La formation des élus est indispensable car le mandat de maire ou de président d'intercommunalité est de plus en plus complexe. Les élus doivent également s'adapter en permanence aux politiques nationales.

Par ailleurs, nous sommes entrés dans l'ère du numérique, nous pourrions donc organiser des formations à distance. En effet, dans le monde rural, le déplacement pour se rendre à une formation implique de parcourir de nombreux kilomètres.

Sans formation proposée, beaucoup de maires ne souhaitent pas continuer l'exercice de leur fonction. Je constate que les maires des petites villes ne prennent pas la parole lors de nos conseils communautaires, notamment parce qu'ils n'ont pas les informations suffisantes pour intervenir.

De plus, les agents de la fonction publique ne sont pas préparés aux mutations des communautés de communes. Le volet de formation n'est pas suffisant pour leur permettre d'évoluer ; or il est indispensable que les maires disposent d'un personnel formé.

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation, co-président du groupe de travail . - J'ai été maire de Mulhouse et président d'agglomération, et je me suis principalement formé lors de mon premier mandat, dans l'opposition. En effet, une fois arrivé aux responsabilités, je n'avais plus le temps de suivre une formation.

Au moment de ma réélection, j'ai réalisé un stage à la chambre de commerce local, avec de futurs chefs d'entreprises. Cette formation a été très instructive.

M. Éric Krezel, représentant de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) . - L'AMRF se félicite de la démarche menée par le Sénat et souhaite s'impliquer au maximum.

J'estime que la formation initiale devrait être obligatoire, même si elle pose des difficultés d'organisation. La formation initiale associative est peu évoquée dans les rapports, mais me semble très importante, notamment pour les élus ruraux et les communes de taille réduite. Les rares formations institutionnelles dispensées ne suffisent pas à exercer un mandat de maire ou d'adjoint.

Nous devons mener deux formations continues, l'une dont la fonction est d'effectuer des rappels de la formation initiale, l'autre qui répond aux demandes des élus. Un certain nombre d'organismes assurent la formation continue localement aujourd'hui, mais nous devons réfléchir à l'offre de formation générale. En effet, les questions budgétaires et législatives (loi NOTRe, loi GEMAPI, SCOT) doivent être abordées. Nous devrions également diversifier la formation par rapport à des enjeux différents selon les territoires. La question du développement économique concerne aussi les petits villages, car même s'ils ne disposent plus de cette compétence, ils sont présents au sein de l'intercommunalité. Le développement économique et le rapport au numérique constituent les deux enjeux importants.

En effet, les élus utilisent quotidiennement les nouvelles technologies, alors qu'aucun ne suit de MOOC. Nous disposons de ces outils, nous devons donc nous en servir. L'obligation de l'accès au numérique est définie par la loi. Toute collectivité peut être saisie par voie électronique ; or les maires et les collectivités ont des difficultés pour répondre à cette exigence.

La question du réseau de formateurs se pose également. Nous faisons souvent appel à des universitaires, mais nous pouvons également recourir à des élus expérimentés. Si un universitaire est capable de nous expliquer de façon technique un dispositif législatif, il serait intéressant qu'un élu présente, dans un même temps, son expertise sur le sujet. Les élus pourraient ainsi utiliser leurs expériences, ce qui rejoint la question de la reconversion.

Je souhaite ensuite aborder la question des entraves par rapport à la formation. Un certain nombre de salariés ne se consacrent pas entièrement à leur mandat car ils ne peuvent pas se libérer de leur emploi. Les professions libérales sont ainsi beaucoup plus représentées (même si d'autres raisons peuvent expliquer ce phénomène). De plus, les élus ne se rendent pas en formation à cause des absences qui sont déduites financièrement, même si des indemnités existent. En effet, l'élu salarié peut se former, mais cela peut poser problème pour l'employeur.

Le temps constitue également une entrave, car un élu en fonction a de nombreuses responsabilités et ne peut s'engager véritablement dans une formation.

M. Atté Oksanen, représentant de l'Association des petites villes de France (APVF) . - Le cadre législatif actuel de la formation est relativement satisfaisant car nos propositions ont presque été toutes reprises ces dernières années, notamment à propos du plancher de 2 % de crédit annuel de formation consacré aux élus et de la mise en place du DIF. Les élus doivent désormais s'emparer de ces outils, le Gouvernement pourrait donc mener une campagne d'information à ce sujet.

Nous souhaitons vous faire part de quelques propositions au sujet de la reconversion d'après-mandat. Tout d'abord, l'allocation différentielle de fin de mandat est sous-employée, et doit être redynamisée à partir de quatre éléments.

- elle doit être ouverte aux adjoints des communes de moins de 10 000 habitants ;

- elle doit être rendue non dégressive (aujourd'hui, elle est réduite de moitié après 6 mois) ;

- elle doit être portée à 100 % de la différence entre l'ancienne indemnité de l'élu et ses revenus actuels ;

- sa durée doit être étendue à 2 ans (plutôt qu'un an actuellement).

Par ailleurs, l'APVF souhaite que les droits des élus désirant redevenir salariés soient consolidés, notamment lorsque le salarié fait valoir son droit de suspension du contrat durant son mandat. Nous proposons que son temps de mandat soit pris en compte dans l'ancienneté au sein de l'entreprise lorsque ses fonctions politiques prennent fin. Ainsi, le mandat sera pris en compte dans le calcul des congés, de la durée du préavis de licenciement, et dans le calcul du montant des indemnités de licenciement.

La dernière proposition consiste en la mise en place d'un prêt à taux zéro pour les élus qui souhaiteraient lancer leur entreprise, surtout pour ceux qui ne bénéficient pas du droit à la suspension du contrat de travail. Nous pourrions établir des accords commerciaux avec les banques, et disposer du soutien de la Caisse des Dépôts.

Mme Nathalie Alazard, représentante de l'Assemblée des départements de France (ADF) . - Je vous remercie de nous associer à cette démarche importante pour les élus départementaux. L'ADF dispose d'un groupe de réflexion sur ce sujet, et sera amenée à compléter par écrit ses propositions en matière de formation. La complexité croissante de l'exercice du mandat, qui nécessite des compétences spécialisées pour comprendre et appliquer les lois, requiert une formation adaptée. Nous devons réfléchir à l'adéquation entre l'offre et la demande de formation des élus, ainsi qu'aux modalités d'utilisation de ces formations, en fonction du temps consacré par les élus à leur mandat, mais également de la nouvelle typologie des élus, qui sont de plus en plus jeunes et qui exercent souvent une activité en parallèle.

Il est nécessaire de développer les possibilités de formation à distance, aujourd'hui insuffisantes. Nous commençons à concevoir des modules numériques avec l'Institut de formation et d'éducation permanente (IFEP).

M. François Deluga, président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) . - Le CNFPT est le principal organisme de formation des agents territoriaux. Parmi 1,9 million de fonctionnaires territoriaux, un million suit une formation au CNFPT chaque année. Nous disposons des coûts de formation les plus faibles des structures de formation existantes (127 euros par jour pour le CNFPT contre 600 à 1 000 euros pour les autres organismes).

70 % des formateurs sont fonctionnaires territoriaux, tandis que les 30 % restants proviennent de cabinets de conseil, qui interviennent sur des sujets très techniques.

Le CNFPT mène actuellement sa transformation numérique. 30 % des formations seront mixtes (en distanciel et en présentiel) cette année. Un certain nombre d'élus s'en plaignent, ce qui est paradoxal car les associations d'élus défendent les formations numériques. Ils sont mécontents, car nous les contraignons à recourir à la formation numérique de leurs agents. L'an prochain, 50 % des formations du CNFPT seront mixtes. Nous ciblons les territoires ruraux et exclus, ainsi que les cadres qui ne peuvent pas se rendre en formation. Une cinquantaine de MOOCs sont en cours de lancement.

Le CNFPT ne dispose pas de compétences juridiques en matière de formation des élus, alors que nous détenons les compétences techniques. Un débat s'était tenu lors de la mise en place du pourcentage de l'indemnité des élus consacré à la formation. Les associations d'élus et les mouvements politiques avaient été reconnus comme opérateurs de formation, mais pas le CNFPT. En effet, pour disposer du droit à la formation du CNFPT, une cotisation est nécessaire.

Par ailleurs, je déplore la différence de pourcentage consacré à la formation entre les fonctionnaires (0,9 %) et les élus (1 %), car elle alimente les discours populistes. Je vous rappelle que 30 % des fonctionnaires territoriaux ont voté Front national lors des précédentes élections.

Nous ne disposons pas du droit de former les élus, d'un point de vue législatif. Les journées d'actualité sont le seul événement ouvert aux élus.

La formation des élus ne relève pas de la compétence du CNFPT. Le niveau des formations dispensées par les organismes est satisfaisant, mais les élus ne s'y rendent pas car ils manquent de temps. Au sein de mon conseil municipal, seuls une adjointe et un élu d'opposition s'y rendent régulièrement.

Nous expérimentons aujourd'hui un dispositif de transition professionnelle pour les fonctionnaires territoriaux, dans deux délégations. Dans le cadre du débat actuel sur le statut et l'évolution de la fonction publique, j'ai proposé au ministre de la Fonction publique de mettre en oeuvre ce dispositif dans les territoires, Les agents de catégorie C représentent 75 % des fonctionnaires territoriaux, et leur taux d'absentéisme est le plus élevé en raison des tâches exercées dans leurs métiers. Nous ne pouvons comparer cet absentéisme avec celui de la fonction publique d'État, dont la part d'agents de catégorie C est moindre. Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), les personnels techniques et d'entretien connaissent des troubles musculo-squelettiques dès l'âge de 55 ans. La médecine du travail exige leur reconversion. Nous expérimentons donc un dispositif de transition qui permettrait à ces agents de les former et de les réaffecter ensuite à d'autres fonctions.

Nous devons réfléchir à la mise en place d'un dispositif de transition d'activité pour les élus. Actuellement, les structures de formation des élus ne remplissent pas ce rôle, car une formation de reconversion est nécessairement plus longue. La question du financement se pose, soit par ponction du fonds géré par la Caisse, soit par une cotisation à laquelle il faudrait réfléchir.

Notre deuxième proposition est l'aide à la préparation des concours de la fonction publique territoriale. Aujourd'hui, le CNFPT prépare seulement les fonctionnaires territoriaux à ces concours, car une cotisation est nécessaire. Une modification réglementaire et législative pourrait permettre aux élus de suivre la préparation de ces concours, même si la question du financement subsiste. Cependant, la mutualisation a permis de diminuer considérablement le coût des formations du CNFPT.

Il serait simple pour les élus de suivre la préparation aux concours, surtout que nous proposons, dès cette année, des formations à distance, ce qui est important pour les élus. Ainsi, nous pourrions élargir aux élus les dispositifs de transition professionnelle, de même que la préparation aux concours, sous réserve de trouver une source de financement.

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation, co-président du groupe de travail . - Je vous remercie d'être présent personnellement. Les points évoqués sont extrêmement concrets. Nous devons prendre en compte le fait qu'un élu s'intéresse à la reconversion après avoir quitté son mandat.

Mme Marie-José Chazelles, directrice des solidarités de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) . - Nous sommes présents aujourd'hui en tant que gestionnaire-mandataire du DIF élu, créé par la loi du 31 mars 2015, mais qui n'est entré en vigueur que le 1 er juillet 2017. Après la parution des textes réglementaires, le 3 avril 2017, nous avons signé des conventions de service afin de mettre en place ce DIF.

Les demandeurs du DIF sont peu nombreux. En effet, nous n'avons reçu que 1 200 demandes depuis le 1 er juillet 2017. Cependant, nous observons un intérêt croissant de la part des élus à propos de ce dispositif.

Les sujets pour lesquels nous recevons des demandes de formation sont similaires aux thématiques que vous avez listées auparavant (finances locales, marchés publics, développement économique). Elles consistent surtout en l'acquisition de compétences nécessaires pour l'exercice du mandat, plutôt qu'en des demandes de reconversion.

Le 13 avril se déroulera la première commission consultative au sujet du DIF, en présence d'élus, et sous l'égide de la DGCL qui nous a accompagnés dans la mise en place de ce dispositif.

Le DIF permet principalement d'améliorer les compétences des élus, à travers des formations agréées par le CNFEL, ou de se reconvertir, dans le cadre des formations proposées par le compte personnel de formation, dont la Caisse des dépôts est gestionnaire-mandataire. Le dispositif est extrêmement encadré, et octroie 20 heures de formation par année de mandat. Nous sommes également en charge du recouvrement de la contribution, qui a pris effet au 1 er janvier 2016, et qui rapporte environ 12 millions d'euros.

Mme Marion Lesguillier, responsable du service fonds à faible volumétrie de la Caisse des dépôts et consignations . - Je souhaite apporter un complément au sujet du fonds d'allocation des élus en fin de mandat. Son périmètre de champ d'application et de durée est élargi depuis le 1 er janvier 2016. La question du financement se pose, car la cotisation est suspendue depuis 2010, et les réserves de 5 millions auront été entièrement consommées en 2020.

Mme Ève Pérennec-Segarra, adjointe au sous-directeur des élus locaux à la DGCL . - Le cadre juridique s'est renforcé ces dernières années. En relisant les actes des états généraux de la démocratie locale, ou encore le rapport de votre délégation sur la formation des responsables locaux, nous constatons qu'une grande partie des propositions a trouvé une application juridique. Cela concerne les obligations de moyens, pour les collectivités, de mettre en place une formation en lien avec les mandats, mais aussi une formation initiale la première année pour les collectivités de plus de 3 500 habitants.

Le DIF est un véritable élément novateur, car le choix de la formation est plus libre. Il ne dépend pas de la collectivité, car les dossiers sont directement déposés auprès de la Caisse des dépôts. La cotisation est de 1 %, mais ne concerne que les élus qui perçoivent une indemnité de fonction, soit 190 000 élus sur 550 000. Cependant, l'ensemble des élus ont accès à ces formations, y compris ceux qui ne cotisent pas.

Nous attendons de bénéficier d'un certain recul sur le DIF, notamment au sujet des formations à la reconversion. Les formations diplômantes sont accessibles dans le cadre du DIF, mais nous n'avons pas encore d'informations à ce sujet.

Nous disposons des données du CNFEL, devant lequel les organismes qui souhaitent dispenser des formations en direction des élus doivent déposer un dossier d'agrément qui contient un certain nombre d'informations. Ainsi, nous savons quels sont les types de formation les plus demandés, et nous pouvons en déduire un coût moyen. Les formations les plus sollicitées par les élus concernent la communication (prise de parole en public, réseaux sociaux, médias, organisation et tenue de réunion), l'urbanisme et l'habitat, les finances locales, l'organisation et la gestion des collectivités territoriales, les sujets sociétaux (vie démocratique, conflits de voisinage), le statut de l'élu, et la commande publique.

Le CNFEL, qui définit les orientations générales de la formation des élus locaux, souhaite favoriser les organismes proposant un large choix de thématiques, afin de bénéficier d'offres variées sur tout le territoire. La qualité des intervenants est également observée par le CNFEL, qui étudie la connaissance de l'environnement particulier des collectivités locales des formateurs. De plus, les organismes qui proposent des tarifs trop élevés peuvent se voir refuser l'agrément. Le coût moyen d'une journée de formation est de 462 euros par élu, mais les associations d'élus proposent des tarifs souvent inférieurs tandis que les sociétés privées (cabinets d'avocats) proposent des prix supérieurs. Une attention particulière est portée à la capacité de l'organisme d'adapter le coût de la formation en fonction de la taille de la collectivité.

Nous devrions réaliser des enquêtes qualitatives afin de disposer d'informations sur les besoins des élus, car nous ne disposons que de données statistiques non exhaustives.

Nous pouvons étudier l'effort de formation des élus locaux à travers les comptes administratifs des collectivités de 2016. L'effort budgétaire réalisé en direction de la formation des élus s'élève en moyenne à 1,18 % du montant des indemnités de fonction (0,83 % pour le bloc communal et 8,84 % pour les régions). Au sein du bloc communal, nous constatons que les plus grandes collectivités accomplissent un effort de formation supérieure. Ainsi, les communes de plus de 200 000 habitants consacrent 1,97 % des indemnités de fonction à la formation des élus, contre 0,32 % pour les villes de moins de 500 habitants.

Les EPCI peuvent réaliser des formations à destination des élus communaux. Nous ne disposons pas de visibilité sur l'effectivité de la mise en oeuvre de ces dispositions.

M. Charles Guené . - Nous vivons un paradoxe, car nous souhaiterions que le mandat devienne citoyen et que son renouvellement soit limité mais, en même temps, la complexité croissante des fonctions d'élu engendre une professionnalisation de la vie politique. Nous risquons de parvenir à une fonctionnarisation de la vie politique, si la professionnalisation n'est pas assumée, ce qui ne bénéficie pas à la démocratie.

Je partage vos constats sur la problématique de la formation des élus. Les finances constituent l'enjeu essentiel. J'estime que nous devons faire tomber certains verrous, cette idée étant confirmée par les propos du centre de gestion. Nous devons également distinguer les grandes collectivités qui n'éprouvent pas les mêmes difficultés de formation que la majorité des communes, ces dernières connaissant des problèmes financiers, de distance et de relation avec les employeurs des élus salariés.

Dans mon département, par exemple, l'AMF est habilitée pour réaliser des formations. Nous organisons des formations quatre ou cinq jours par an sur les thèmes évoqués au cours de cette table ronde, qui sont financés par le conseil départemental pour un montant de 80 000 euros par an dédié au fonctionnement de l'AMF. En effet, les élus ne pourraient pas payer ces formations si elles n'étaient pas subventionnées.

Il existe des formations dispensées par les entreprises. Par exemple, un ingénieur aéronautique peut se former pour se reconvertir en jardinier. Cependant, aucune formation pour devenir élu local n'est proposée. Nous devrions ainsi instaurer des passerelles. Dans mon département, une répartition s'était effectuée entre le centre de gestion et l'AMF, au sujet des formations proposées. Je ne comprends pas, d'ailleurs, pourquoi les élus ne peuvent pas bénéficier des formations dispensées par le CNFPT, car les compétences juridiques sont présentes. Certains verrous sont artificiels et pourraient être supprimés. Nous ne pouvons former les élus sur la seule base des moyens consacrés à la formation aujourd'hui.

Le problème de la reconversion se pose également. Nous devons éviter de limiter le cumul des mandats dans le temps, car les nouveaux élus seront soit des individus en fin de carrière qui ont ainsi déjà assuré leur sécurité financière, soit des jeunes qui devront se poser la question de la reconversion. Le prêt à taux zéro et l'allocation de fin de mandat, qui constitue un préciput de la DGCL, me semblent en revanche être de bonnes idées.

Mme Ève Pérennec-Segarra, adjointe au sous-directeur des élus locaux à la DGCL . - L'allocation de fin de mandat provient d'une cotisation de la collectivité.

M. Charles Guené . - Elle est gérée par le CNFEL, mais ne fait pas partie des nombreux préciputs.

J'espère que la limite de trois mandats successifs ne sera pas mise en place pour les élus des petites communes, car elle risque de multiplier les problèmes de reconversion.

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation, co-président du groupe de travail . - Combien de communes cotisent-elles pour l'allocation de fin de mandat ?

Mme Ève Pérennec-Segarra, adjointe au sous-directeur des élus locaux à la DGCL . - Toutes les communes de plus de 1 000 habitants cotisent.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - La représentante de la DGCL évoquait le fait que de nombreuses propositions émanant de notre délégation avaient été reprises par des dispositions législatives, ce qui prouve l'utilité de notre travail.

Nous avons évoqué la formation en amont et pendant le mandat, mais également le sujet de la reconversion. Ces problématiques sont complémentaires, mais différentes.

Charles Guené évoquait surtout l'aspect financier des formations. Je suis d'accord, mais ce n'est pas la seule raison. Il est difficile d'inciter les élus à suivre ces formations. Ils acceptent néanmoins parfois d'en bénéficier, car elles sont assurées par des organismes de formation proches de leur groupe politique.

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation, co-président du groupe de travail . - Ces formations peuvent se dérouler à l'occasion d'un congrès ou d'une journée nationale par exemple.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - Je suis favorable à la transversalité. Je souscris à l'idée du président du CNFPT, au sujet de la transposition, pour les élus, du dispositif qui existe pour la transition professionnelle des fonctionnaires territoriaux, en modifiant certaines dispositions réglementaires et législatives.

Un mandat exige une implication de plus en plus grande de la part des élus, qui peut être difficile à concilier avec une vie professionnelle et familiale. Nous ne pouvons souhaiter le rajeunissement de la classe politique tout en requérant des élus retraités, qui disposent du temps nécessaire pour se consacrer à leur mandat. La formation à distance peut ainsi jouer un rôle important.

Mme Judith Mwendo, conseillère à l'Association des maires de France (AMF) . - Les heures acquises au titre du DIF doivent être utilisées dans les six mois qui suivent le mandat. Que deviendront les cotisations des élus qui n'utilisent pas ce dispositif ?

M. François Deluga, président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) . - L'accès aux formations du CNFPT est permis seulement aux personnes qui cotisent à hauteur de 0,9 %. Une modification législative est donc nécessaire afin que les élus puissent en bénéficier, sous réserve qu'un financement soit apporté.

Le CNFPT est l'organisme public de formation le plus novateur en termes de révolution numérique car, en 2019, 50 % de nos formations se feront en distanciel et en présentiel. Les formations à distance sont réservées aux fonctionnaires territoriaux, mais nous avons mis en place une série de formations ouvertes, qui pourraient s'adresser aux élus. Par exemple, fin 2017, un cours a été mis en ligne à propos de la TVA pour les collectivités, en lien avec la DGFIP. C'est un sujet très technique, mais qui peut intéresser les élus chargés des finances. Sous l'impulsion du Sénat et de la Cour des comptes, nous avons réussi la mutualisation, qui nous permet d'obtenir des coûts très bas. Ainsi, quelle que soit la cotisation versée au CNFPT et le territoire, tout le monde a accès aux mêmes formations.

Nous sommes ouverts à toutes les propositions, dans le respect du droit français.

M. Éric Kerrouche . - Nous nous situons face à un paradoxe important : nous voulons éviter une professionnalisation de la vie politique, mais en même temps nous souhaitons l'instauration d'une formation initiale, qui évoque l'apprentissage d'un métier, et qui entre en contradiction avec l'accès de tous les citoyens à la fonction d'élu.

Est-il possible de connaître la répartition de la formation entre les élus ? La formation est-elle plus utilisée par l'équipe municipale exécutive ou les conseillers municipaux ? Au sein des collectivités, les élus ne jouent pas le même rôle.

Au sujet de la reconversion, les fonctions d'élu permettent de bénéficier d'une expérience ; or elle n'est pas utilisée socialement. Ces compétences pourraient être utilisées dans de nombreux domaines (commissions de débat public, emploi de commissaire-enquêteur).

M. François Deluga, président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) . - La VAE pourrait également être mise en oeuvre pour les élus, en fonction de leur durée de mandat.

M. Éric Krezel, représentant de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) . - L'obligation de formation concerne les communes de plus de 3 500 habitants, c'est-à-dire la taille où les services sont en capacité de les informer et les conseiller. Or, les élus des communes de taille inférieure devraient bénéficier en priorité de ces formations, car ils ne disposent pas de ces ressources.

Le nombre de pages de l'édition papier du budget de ma commune a considérablement augmenté entre 2016 et 2017. Cette complexité croissante m'a interpellé, ainsi que mes adjoints. Serait-il possible de simplifier ces questions matérielles ?

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation, co-président du groupe de travail . - Je vous remercie pour ces échanges particulièrement riches. Je suis reconnaissant envers nos partenaires de l'administration (DGCL, CNFPT, Caisse des Dépôts). Je tiens également à remercier les associations et les élus présents. Notre ambition est d'aboutir à un travail utile afin de faire progresser cette question.

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